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16/03/2023 | FRANCE | N°21/10099

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 16 mars 2023, 21/10099


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 16 MARS 2023



(n°2023/ , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/10099 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEZK6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 20/00187





APPELANT



Monsieur [P] [T]

[Adresse 2]

[Localité 6]

né le 11 Septembre

1987 à [Localité 7] (99)



Représenté par Me Valérie DELATOUCHE, avocat au barreau de MEAUX



INTIMEES



S.E.L.A.R.L. [D] - YANG-TING Mandataire liquidateur de la société ALLIANCE 5 SERVICES...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 16 MARS 2023

(n°2023/ , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/10099 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEZK6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 20/00187

APPELANT

Monsieur [P] [T]

[Adresse 2]

[Localité 6]

né le 11 Septembre 1987 à [Localité 7] (99)

Représenté par Me Valérie DELATOUCHE, avocat au barreau de MEAUX

INTIMEES

S.E.L.A.R.L. [D] - YANG-TING Mandataire liquidateur de la société ALLIANCE 5 SERVICES

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Sandrine ZARKA, avocat au barreau de PARIS, toque : E0260

Association AGS CGEA DE CHALON UNEDIC Délégation AGS CGEA de Chalon Sur Saône, représentée par sa Directrice, dûment habilitée [V] [G],

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Claude-marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Séverine MOUSSY, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, initialement prévue le 09 mars 2023 et prorogée au 16 mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Philippine QUIL, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée du 19 septembre 2016, la société Alliance 5 Services (ci-après la société) a embauché M. [P] [T] en qualité de technicien polyvalent (bâtiment), moyennant un salaire brut égal au SMIC pour une durée de travail de 35 heures par semaine « réparties selon le mode de fonctionnement de l'entreprise + commissions sur des jours fériés et nuits ».

La relation contractuelle est soumise à la convention collective régionale des ouvriers du bâtiment de la région parisienne en date du 28 juin 1993 et la société employait moins de onze salariés lors de la rupture de la relation contractuelle.

Par jugement du 19 juin 2019, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société et désigné la SELARL [D] Yang-Ting prise en la personne de Maître [F] [D] en qualité de mandataire judiciaire liquidateur.

Par lettre datée du 4 décembre 2019, Maître [D] ès qualités a informé M. [T] qu'elle ne pouvait pas solliciter l'intervention de l'AGS pour les sommes qu'il demandait.

Soutenant ne pas avoir été informé de la procédure de liquidation judiciaire par l'employeur et l'avoir découverte à son retour de congés le 9 septembre 2019 et ne pas avoir été régulièrement déclaré par ce dernier, M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Meaux le 23 mars 2020.

Par jugement du 6 octobre 2021 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Meaux a :

- reconnu le statut salarié de M. [T] dans la société ;

- ordonné au mandataire liquidateur de licencier M. [T] pour motif économique, lui notifiant par écrit, à la date du jugement ;

- condamné le mandataire liquidateur à mettre au passif de la société la somme de 1 787,47 euros au titre de l'indemnité de licenciement au profit de M. [T] ;

- condamné le mandataire liquidateur à mettre au passif de la société une indemnité de 4 766,60 euros au titre du préavis et 476,66 euros au titre des congés payés afférents au profit de M. [T] ;

- condamné le mandataire liquidateur à mettre au passif de la société la somme de 1 913,24 euros à titre de réparation du préjudice subi par M. [T] du fait du non-respect de la procédure de licenciement ;

- débouté M. [T] de sa demande de 15 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- débouté M. [T] de ses demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice financier et du préjudice lié à la remise tardive des documents de fin de contrat ;

- ordonné la délivrance d'un bulletin de paie récapitulatif et d'une attestation Pôle emploi conforme à la décision ;

- débouté M. [T] de sa demande de 14 311,20 euros au titre du travail dissimulé ;

- dit que le jugement était opposable à l'AGS dans la limite de sa garantie ;

- condamné la société représentée par son mandataire liquidateur aux dépens.

Par lettre recommandée datée du 3 décembre 2021 avec avis de réception du 4 décembre suivant, Maître [D] ès qualités a procédé au licenciement pour motif économique de M. [T] à la date du 6 octobre 2021, sur le fondement de ce jugement notifié le 2 décembre 2021.

Par jugement du 10 février 2022, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la clôture pour insuffisance d'actif des opérations de liquidation judiciaire, la SELARL [D] Yang-Ting prise en la personne de Maître [D] étant désignée pour poursuivre les instances en cours.

Par déclaration du 10 décembre 2021, M. [T] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 janvier 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [T] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes au titre de l'article L.1235-3 du code du travail et du préjudice subi du fait de la remise tardive de ses documents de fin de contrat et de l'indemnité pour travail dissimulé ;

- fixer au passif de la société ses créances aux sommes suivantes :

* 15 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 14 311,20 euros au titre du travail dissimulé ;

* 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier subi ;

* 60 000 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents ;

- ordonner la délivrance des documents selon condamnation ;

- dire le jugement opposable à l'AGS et ordonner sa garantie.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 avril 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SELARL [D] Yang-Ting prise en la personne de Maître [D] ès qualités de mandataire de justice de la société Alliance 5 Services demande à la cour de :

- la recevoir en ses demandes, fins et conclusions ;

- débouter M. [T] de ses demandes ;

en conséquence,

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

* condamné le mandataire liquidateur à mettre au passif de la société la somme de 1 787,47 euros au titre de l'indemnité de licenciement au profit de M. [T] ;

* condamné le mandataire liquidateur à mettre au passif de la société une indemnité de 4 766,60 euros au titre du préavis et 476,66 euros au titre des congés payés afférents au profit de M. [T] ;

* condamné le mandataire liquidateur à mettre au passif de la société une indemnité de 1 913,24 euros à titre de réparation du préjudice subi par M. [T] du fait du non respect de la procédure de licenciement ;

- confirmer le jugement en ses autres dispositions ;

- condamner M. [T] aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 avril 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, l'UNEDIC délégation AGS CGEA IDF OUEST (ci-après AGS) demande à la cour de :

à titre principal,

- réformer le jugement entrepris ;

- débouter M. [T] de ses demandes ;

à défaut,

- dire l'ensemble des créances non garanties par l'AGS ;

à titre subsidiaire,

- débouter M. [T] de ses demandes liées à la rupture par impossibilité d'en calculer le montant ;

- débouter M. [T] de sa demande d'indemnité pour non-respect de la procédure ;

- réduire à 0,5 mois de salaire « ( ') » le montant de l'indemnité pour licenciement injustifié ;

- fixer au passif de la liquidation les créances retenues ;

- dire le jugement opposable à l'AGS dans les termes et conditions de l'article L 3253-19 du code du travail ;

- exclure l'astreinte de la garantie de l'AGS ;

- exclure de l'opposabilité à l'AGS la créance éventuellement fixée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire le jugement opposable dans la limite d'un plafond toutes créances brutes confondues ;

- rejeter la demande d'intérêts légaux ;

- dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 décembre 2022.

MOTIVATION

La déclaration d'appel est ainsi rédigée, objet/portée de l'appel :

« Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués à savoir la fixation et non la condamnation s'agissant des demandes de préavis, congés y afférents, indemnité de licenciement et dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement et une infirmation s'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n et, les dommages intérêts pour travail dissimulé en nets et pour conditions vexatoires et non remise des documents de fin de contrat. »

Il en résulte que l'appel principal formé par M. [T] ne porte pas sur le chef du dispositif qui lui reconnaît la qualité de salarié ni sur celui qui ordonne à Maître [D] ès qualités de le licencier pour motif économique. De son côté, Maître [D] ès qualités n'a pas sollicité l'infirmation de ces deux chefs du dispositif du jugement.

Quant à l'AGS, si elle demande la réformation du jugement à titre principal, elle ne développe cependant aucun moyen tendant à son infirmation en ce qu'il reconnaît à M. [T] la qualité de salarié. De plus, l'AGS conclut, sur l'absence de rupture du contrat de travail, en faisant valoir que M. [T] ne démontre pas un acte de rupture ; qu'aucune rupture n'a été prononcée à ce jour et qu'une rupture n'a donc pas pu avoir lieu dans le délai de quinze jours. L'AGS en déduit que les créances résultant de la rupture du contrat de travail lui sont inopposables sur le fondement de l'article L. 3253-8 2° du code du travail, sans toutefois contester le chef du dispositif ordonnant au liquidateur judiciaire de licencier M. [T] pour motif économique.

Sur l'exécution du contrat de travail

* sur le travail dissimulé

Selon l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L. 8223-1 du code du travail prévoit qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

M. [T] soutient qu'il n'a manifestement pas été déclaré depuis 2018.

Ce à quoi Maître [D] réplique qu'au vu de l'état de liquidation judiciaire de la société et de l'absence de démonstration de l'élément intentionnel visé par le texte, M. [T] ne peut qu'être débouté de sa demande.

En l'espèce, M. [T] ne démontre pas l'intention frauduleuse requise par l'article L. 8221-5 précité. Il sera donc débouté de sa demande et la décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail

* sur le licenciement pour motif économique

M. [T] soutient qu'un licenciement doit être notifié par écrit suivant une procédure que le liquidateur judiciaire n'a pas suivi ; que la circonstance selon laquelle la société a été placée en liquidation judiciaire ne permet pas à l'employeur de s'exonérer de ses obligations au titre du reclassement de sorte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Ce à quoi Maître [D] ès qualités réplique qu'elle a exécuté l'injonction du conseil de prud'hommes de licencier pour motif économique M. [T], qui avait lui-même sollicité la notification de son licenciement. Elle en conclut que M. [T] ne peut légitimement venir contester la procédure et le motif économique du licenciement et fait valoir que, de jurisprudence constante, la liquidation judiciaire d'une société est constitutive du motif économique du licenciement notifié du fait de celle-ci.

L'article L. 1233-4 du code du travail dispose notamment que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. (').

L'employeur n'est toutefois pas tenu de rechercher le reclassement individuel du salarié dès lors que l'activité de l'entreprise qui ne fait pas partie d'un groupe cesse à raison d'une procédure de liquidation judiciaire.

Or, en l'espèce, outre qu'il n'est pas soutenu que la société faisait partie d'un groupe, il est avéré qu'une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'encontre de la société Alliance 5 Services le 19 juin 2019 et que les opérations de liquidation ont été clôturées pour insuffisance d'actif le 10 février 2022 et qu'entre-temps, sur injonction du conseil de prud'hommes résultant du jugement rendu le 6 octobre 2021, Maître [D] ès qualités à procéder au licenciement pour motif économique de M. [T] dont la qualité de salarié de la société Alliance 5 Services a été reconnue par le même jugement. Dans ces conditions, il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir manqué à l'obligation de reclassement.

Partant, le licenciement notifié à M. [T] le 4 décembre 2021 n'est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse. M. [T] sera donc débouté de sa demande d'indemnité à ce titre et la décision des premiers juges sera confirmée sur ce point.

* sur les conséquences du licenciement pour motif économique

* sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

A l'appui de sa position tendant à voir débouter M. [T] de son indemnité de préavis et des congés payés afférents, Maître [D] ès qualités fait valoir que, eu égard à la moyenne des trois derniers salaires fixée par le conseil de prud'hommes, la somme allouée est en contradiction avec cette moyenne ; que M. [T] n'a effectué aucun préavis et qu'il a vraisemblablement travaillé pendant la période des deux mois qui ont suivi son licenciement.

M. [T] qui n'a pas spécialement conclu sur ce point et a sollicité la confirmation du jugement est réputé s'en être approprié les motifs en application de l'article 954 du code de procédure civile.

Suivant l'article L. 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

(')

3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.

L'article L. 1234-5 du code du travail dispose :

Lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'article L. 1235-2.

En l'espèce, c'est en raison de la situation économique de l'employeur que le salarié n'a pas exécuté le préavis de sorte qu'il ne peut lui être reproché de ne pas l'avoir exécuté. M. [T], qui n'a pas été licencié pour faute grave, est donc fondé à percevoir une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents correspondant au salaire brut, primes incluses, qu'il aurait perçus s'il avait exécuté ce préavis. En conséquence, il sera alloué à M. [T], au vu des bulletins de salaires produits, une somme de 4 766,66 euros qui sera inscrite au passif de la société au titre de l'indemnité compensatrice pour un préavis de deux mois et la somme de 476,66 euros qui sera également inscrite au passif de la société au titre des congés payés afférents. La décision des premiers juges sera donc confirmée à ce titre.

* sur l'indemnité de licenciement

A l'appui de sa position tendant à voir débouter M. [T] de son indemnité de licenciement, Maître [D] reprend les mêmes moyens que ceux développés au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

Là encore, M. [T] qui n'a pas spécialement conclu sur ce point et a sollicité la confirmation du jugement est réputé s'en être approprié les motifs.

En application des articles L. 1234-9, R. 1234-1 et R. 1234-2 du code du travail et eu égard à l'ancienneté de M. [T] supérieure à huit mois - en l'espèce cinq ans et quatre mois (préavis inclus) - il sera alloué à M. [T] une somme de 1 787,47 euros qui sera inscrite au passif de la société, dans la limite de ce qu'il avait demandé en première instance, au titre de l'indemnité de licenciement. La décision des premiers juges sera donc confirmée.

* sur l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement

Maître [D] ès qualités reprend les mêmes moyens que ceux développés au titre des deux indemnités précédentes et ajoute qu'il ne peut y avoir cumul de l'indemnité prévue par l'article L. 1235-2 du code du travail avec celle prévue à l'article L. 1235-3 du même code.

M. [T] qui n'a pas spécialement conclu sur ce point et a sollicité la confirmation du jugement est réputé s'en être approprié les motifs.

Aux termes de l'article L.1235-2 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

Il ressort des éléments de la cause que la procédure de licenciement pour motif économique n'a pas été observée en l'espèce par Maître [D] qui n'a notifié le licenciement pour motif économique à M. [T] qu'à la suite de l'injonction faite par le conseil de prud'hommes. Le licenciement n'étant pas dépourvu de cause réelle et sérieuse, la question du cumul des indemnités est sans objet.

Le chef du dispositif n'étant pas utilement critiqué par le liquidateur judiciaire, il sera alloué à M. [T] une somme de 2 383,20 euros qui sera inscrite au passif de la société et la décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.

* sur la remise des documents

Maître [D] ès qualités devra remettre à M. [T] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision.

Sur les autres demandes

Si M. [T] évoque, dans le corps de ses dernières conclusions, des dommages-intérêts (sans mention du quantum) à raison des conditions vexatoires dans lesquelles son licenciement est intervenu, aucune demande n'est reprise à ce titre dans le dispositif desdites conclusions. Par conséquent, la cour n'est pas saisie d'une telle demande.

* sur les dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat et au titre du préjudice financier

Dans le corps de ses dernières conclusions, M. [T] sollicite des dommages-intérêts à hauteur de 6 000 euros pour non remise des « documents de contrat » et 6 000 euros en raison du préjudice ainsi subi. Dans le dispositif desdites conclusions, il est toutefois sollicité 6 000 euros à raison du préjudice financier subi et 60 000 euros pour remise tardive des documents.

Ce à quoi Maître [D] ès qualités réplique que M. [T] n'étaye ses demandes en dommages-intérêts d'aucun élément et ne justifie d'aucun préjudice.

En l'espèce, la faute alléguée par M. [T] consiste en une remise tardive des documents de fin de contrat dont il ne disposait pas en février 2020 lorsque Pôle emploi les lui a demandés.

Toutefois, la cour observe que le licenciement est intervenu en décembre 2021 à la date du 6 octobre 2021 à la suite de l'injonction du conseil de prud'hommes dans le jugement. Le caractère tardif de la remise n'est donc pas établi. Par conséquent, M. [T] sera débouté de ses demandes en dommages-intérêts et la décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.

* sur les intérêts

La cour rappelle qu'en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de jugement et jusqu'au jugement d'ouverture de la procédure collective qui arrête le cours des intérêts conformément aux dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce. En conséquence, les créances indemnitaires ne produisent pas intérêt.

* sur l'opposabilité de l'arrêt à l'AGS

Il résulte des dispositions de l'article L. 3253-15 du code du travail que l'AGS avance les sommes correspondant à des créances établies par décision de justice exécutoire et que les décisions de justice lui sont de plein droit opposables.

* sur la garantie de l'AGS

Le licenciement de M. [T] étant intervenu à la date du 6 octobre 2021 en dehors des délais prévus par le 2° de l'article L. 3253-8 du code du travail, les créances de M. [T] résultant de la rupture de son contrat de travail ne sont pas garanties par l'AGS.

* sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

La condamnation aux dépens de première instance n'a pas été critiquée par le liquidateur judiciaire. La décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.

La SELARL [D] Yang-Ting prise en la personne de Maître [D] ès qualités sera condamnée aux dépens en appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions dans la limite de sa saisine ;

RAPPELLE que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de jugement et jusqu'au jugement d'ouverture de la procédure collective qui arrête le cours des intérêts conformément aux dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce et qu'en conséquence, les créances indemnitaires ne produisent pas intérêt ;

Y ajoutant,

DIT que le présent arrêt est opposable à l'UNEDIC délégation AGS CGEA IDF OUEST ;

DIT que les créances de M. [P] [T] résultant de la rupture de son contrat de travail et inscrites au passif de la société Alliance 5 Services ne sont pas garanties par l'UNEDIC délégation AGS CGEA IDF OUEST ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la SELARL [D] Yang-Ting prise en la personne de Maître [F] [D] ès qualités de mandataire de la société Alliance 5 Services, au paiement des dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/10099
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-16;21.10099 ?
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