La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/03/2023 | FRANCE | N°21/00283

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 16 mars 2023, 21/00283


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 16 MARS 2023



(n°2023/ , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00283 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC5SU



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F20/00710





APPELANT



Monsieur [E] [X]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le 01 Janvier 1

973 à COTE D'IVOIRE



Représenté par Me Katia BITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1543



INTIMEE



S.A.R.L. FAV WASHINGTON

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentée par Me Roland ZER...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 16 MARS 2023

(n°2023/ , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00283 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC5SU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F20/00710

APPELANT

Monsieur [E] [X]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le 01 Janvier 1973 à COTE D'IVOIRE

Représenté par Me Katia BITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1543

INTIMEE

S.A.R.L. FAV WASHINGTON

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Roland ZERAH, avocat au barreau de PARIS, toque : D0164

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Séverine MOUSSY, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, initialement prévu le 09 mars 2023 et prorogé au 16 mars 2023 les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Philippine QUIL, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 20 juin 2012, la société Fav Washington (ci-après la société) a embauché M. [E] [X] en qualité de portier, statut employé, niveau I échelon 2, moyennant une rémunération nette mensuelle de 405,14 euros pour 43h33 hors avantages et indemnités nourriture. Le contrat stipule que les horaires de travail correspondent à 43h33 par mois soit 10 heures par semaine réparties sur deux jours.

Par avenant au contrat de travail en date du 1er novembre 2012, la durée du travail de M. [X] est passée à 151h66 par mois (temps plein), à raison de 35 heures par semaine réparties sur cinq jours, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 425,66 euros hors avantages et indemnités nourriture.

Par avenant en date du 20 août 2014 à effet du 1er septembre suivant, la durée du travail a été portée à 169 heures par mois (dont 17h33 en heures supplémentaires), à raison de 39 heures par semaine réparties sur cinq jours, pour une rémunération nette mensuelle de 1 500 euros, avantage nourriture inclus.

La relation contractuelle est soumise à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants et la société employait au moins onze salariés lors de la rupture de cette relation.

Par lettre recommandée datée du 17 décembre 2019, la société a convoqué M. [X] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 24 décembre 2019 avec mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée datée du 10 janvier 2020, la société lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Soutenant avoir été licencié verbalement le 15 décembre 2019 et contestant son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 28 janvier 2020.

Par jugement du 6 octobre 2020 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté M. [X] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Par déclaration du 16 décembre 2020, M. [X] a régulièrement interjeté appel du jugement notifié le 4 décembre 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 janvier 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [X] demande à la cour de:

- réformer le jugement en toutes ses dispositions et plus précisément en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens de l'instance;

par suite,

- juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

* 16 083,04 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 4 020,76 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 402,08 euros au titre des congés payés sur préavis ;

* 3 883,51 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

* 1 737,99 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied (15 décembre 2019 au 10 janvier 2020) ;

* 173,80 euros au titre des congés payés afférents ;

* 1 005,19 euros à titre de rappel de salaire du mois de décembre 2019 (1er au 15 décembre 2019) ;

* 100,52 euros au titre des congés payés afférents ;

* 2 010,38 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement ;

* 2 050,61 euros à titre de rappel de salaire au titre des jours fériés ;

* 205,06 euros au titre des congés payés afférents ;

* 585,84 euros à titre d'indemnité compensatrice au titre des heures de nuit ;

* 58,58 euros au titre des congés payés afférents ;

* 9 707,85 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires ;

* 970,78 euros au titre des congés payés afférents ;

* 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect des compensations salariés au titre des jours fériés et des heures de nuit ;

* 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect des temps de pause ;

* 12 062,28 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

* 20 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et préjudice distinct ;

- ordonner la remise des bulletins de paie, du certificat de travail et de l'attestation Pôle emploi conformes ;

- prononcer l'intérêt au taux légal au jour de la saisine, soit au 28 janvier 2020 ;

- ordonner la capitalisation des intérêts ;

- débouter la société de sa demande reconventionnelle d'article 700 du code de procédure civile et de confirmation du jugement ;

- condamner la société à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société aux dépens dont le remboursement des frais d'huissier de justice (pièce n°19).

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 décembre 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

- condamner M. [X] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 janvier 2023.

MOTIVATION

Sur l'exécution du contrat de travail

* sur le rappel de salaire du mois de décembre 2019 sollicité pour la période du 1er au 15

M. [X] soutient qu'il n'a reçu ni salaire, ni bulletin de paie pour la période du 1er au 15 décembre 2019. La société, qui n'a pas conclu sur cette demande et sollicite la confirmation du jugement, est réputée s'en approprier les motifs.

L'attestation Pôle emploi ne dispense pas l'employeur de rapporter la preuve du paiement effectif du salaire. Or, la société ne rapporte pas cette preuve. Partant, elle sera condamnée à payer à M. [X] la somme de 938,17 euros pour la période du 1er au 14 décembre 2019 inclus, le 15 décembre étant inclus dans le rappel de salaire au titre de la période de mise à pied à titre conservatoire correspondant au premier jour de cette mise à pied. La société sera également condamnée à payer à M. [X] la somme de 93,81 euros au titre des congés payés afférents. La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

* sur le rappel de salaire au titre des jours fériés

M. [X] soutient qu'il devait, aux termes de « l'article 11 de la convention collective actualisé par l'article 6 de l'avenant n°6 du 15 décembre 2009 », bénéficier a minima de six jours fériés en sus de celui du 1er mai. Il sollicite donc un rappel de salaire sur trois ans au titre de sept jours fériés.

Ce à quoi la société réplique que M. [X] ne justifie pas avoir travaillé des jours fériés ; qu'il n'a d'ailleurs jamais formulé de demande sur ce point et qu'il ne produit aucun décompte.

Il résulte de l'article 6.1 de l'avenant n°6 du 15 décembre 2009 modifiant l'article 11.1 du titre III sur les jours fériés de l'avenant n°2 à la convention collective que :

« 1. Dans les établissements permanents

Tous les salariés comptant 1 an d'ancienneté dans le même établissement et/ou entreprise bénéficient, en plus du 1er Mai, de 10 jours fériés par an et ceci à compter de la date d'application du présent avenant.

En tout état de cause, il est accordé aux salariés 6 jours fériés garantis. L'annexe II de l'avenant n°2 à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants est modifiée en conséquence. Ainsi, le salarié bénéficie de 6 jours chômés et payés ou compensés en temps ou indemnisés, même si le salarié est en repos ces jours fériés considérés.

Les 4 autres jours fériés sont accordés selon les modalités suivantes :
' le jour férié est chômé, le chômage des jours fériés ne doit entraîner aucune réduction du salaire ;
' dans le cas où l'activité de l'établissement nécessite la présence du salarié, l'intéressé bénéficie de 1 jour de compensation ;
' le jour férié coïncidant avec 1 jour de repos ne donne pas lieu à compensation ou à indemnisation. »

En l'espèce, la société ne démontre pas avoir accordé à M. [X] les six jours fériés garantis en sus du 1er mai. Elle sera donc condamnée à payer à M. [X] la somme de 2 050,61 euros au titre de ces jours fériés garantis, dans la limite du quantum demandé, outre la somme de 205,06 euros au titre des congés payés afférents. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur le rappel de l'indemnité compensatrice des heures de nuit

M. [X] soutient qu'il travaillait du mercredi au dimanche de 23 heures à 8 heures du matin et que, pourtant, il n'a pas bénéficié des contreparties prévues par l'article 12.4 de l'avenant n°2 du 5 février 2007 à la convention collective.

Ce à quoi la société réplique que le salarié n'a jamais présenté de demande à ce titre et qu'en tout état de cause, il ne produit aucun décompte.

L'article 12.4. de l'avenant n°2 du 5 février 2007 à la convention collective relatif aux contreparties spécifiques au travailleur de nuit prévoit qu'en application de l'article L. 213-4 du code du travail, les travailleurs de nuit bénéficient de contreparties au titre des périodes de nuit.

Les compensations en repos compensateur seront calculées au trimestre civil de la façon suivante : 1 % de repos par heure de travail effectuée pendant la période définie à l'article 12.1 du présent avenant. Pour les salariés occupés à temps plein et présents toute l'année au cours de cette période, le repos compensateur sera en tout état de cause forfaitisé à 2 jours par an.

Les modalités d'attribution de ces 2 jours seront définies par l'employeur au niveau de chaque établissement après consultation des représentants du personnel ou, à défaut, des salariés en tenant compte des besoins de la clientèle.

En application de cet article, M. [X] - dont il n'est pas contesté qu'il travaillait de nuit - est fondé à se voir allouer un forfait de deux jours par an sur les trois dernières années précédant la date de notification du licenciement soit la somme de 585,84 euros dans la limite du quantum de la demande, outre la somme de 58,58 euros au titre des congés payés afférents. La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

* sur les dommages-intérêts pour non-respect des compensations au titre des jours fériés et du travail de nuit

L'absence de repos compensateur a porté préjudice à M. [X] en ce que ce repos est destiné à compenser la pénibilité du travail de nuit et à protéger sa santé et sa sécurité. Partant, il lui sera alloué une somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts. La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

* sur les heures supplémentaires contractuelles et les heures effectuées

M. [X] expose que l'avenant à son contrat de travail en date du 28 août 2014 stipule un travail hebdomadaire de 39 heures soit quatre heures supplémentaires par semaine puisqu'il travaillait du mercredi au dimanche de 23 heures à 8 heures du matin; que ses bulletins de paie ne portent toutefois pas trace de ces heures supplémentaires. Il sollicite donc une majoration sur ces heures-là.

Ce à quoi la société réplique que M. [X] percevait une rémunération nette de 1 500 euros pour les 169 heures travaillées chaque mois et que cette rémunération a été maintenue et revalorisée pendant toute son activité.

Ce à quoi M. [X] rétorque que sa rémunération nette n'était pas de 1 500 euros pour 169 heures par mois, au vu de ses bulletins de salaire, mais nettement inférieure.

Il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable à l'espèce qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, M. [X] fait valoir que, sur 141 semaines, à raison de 5 heures par semaine à 13,77 euros l'heure (après majoration de 10%), l'employeur lui doit une somme de 9 797,85 euros.

L'employeur qui allègue que M. [X] percevait 1 500 euros nets, avantage nourriture inclus, pour 169 heures de travail par mois ne démontre pas que la somme stipulée dans l'avenant était effectivement versée. De plus, la lecture des bulletins de salaire révèle que seule une durée de travail de 151,67 heures au taux horaire de 12,519 euros est mentionnée, outre l'avantage nourriture, sans aucune référence aux heures supplémentaires prévues contractuellement.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, la cour reconnaît l'existence d'heures supplémentaires non payées au salarié ' mais dans la limite de quatre heures par semaine - et alloue à celui-ci une somme de 7 766 euros, outre la somme de 776,60 euros au titre des congés payés afférents. La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

* sur le non-respect du temps de pause

M. [X] soutient que l'employeur n'a pas respecté ses temps de pause pourtant prévus à l'article L. 3121-16 du code du travail et que la preuve du respect du temps de pause incombe à l'employeur. Il sollicite, par conséquent, des dommages-intérêts.

Ce à quoi la société réplique que M. [X] bénéficiait d'une pause pendant son activité, notamment pour se restaurer. Il en veut pour preuve les avantages nourriture et indemnité compensatrice de nourriture qui figurent sur les bulletins de paie. La société réplique également que M. [X] ne produit aucun décompte.

Suivant l'article L. 3121-16 du code du travail, dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes consécutives.

En l'espèce, la société ne justifie pas que le salarié a bénéficié du temps de pause prévu par l'article L. 3121-16 précité, la circonstance selon laquelle M. [X] bénéficiait d'avantages nourriture et d'une indemnité compensatrice de nourriture étant inopérante à établir que le temps de pause du salarié a été respecté. Le préjudice qui en résulte pour M. [X] sera indemnisé à hauteur de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts. La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

* sur le travail dissimulé

A l'appui de sa demande d'indemnité, M. [X] fait valoir que ses bulletins de paie ne mentionnent pas la totalité des heures effectuées.

La société conclut au rejet de la demande sans présenter de moyens.

Selon l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L. 8223-1 du code du travail prévoit qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'absence de mention des heures supplémentaires prévues au contrat, qui a perduré pendant plusieurs années, caractérise l'élément intentionnel du travail dissimulé. Ainsi la société sera-t-elle condamnée à payer à M. [X] la somme de 12 062,38 euros, dans la limite du quantum demandé, au titre de l'indemnité pour travail dissimulé. La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

* sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

M. [X] soutient que les conditions dans lesquelles se sont déroulées la relation de travail et la rupture de cette relation portent atteinte à sa dignité et lui ont causé un préjudice moral dont il demande réparation. Il fait valoir que la société a agi avec une légèreté blâmable et a agi de mauvaise foi en manquant à son devoir de prévention et à ses obligations relatives à la prévention des effets de l'exposition à certains facteurs de risques professionnels ; que le compte de prévention est à zéro ; que son travail de nuit était pénible et dangereux ; qu'il a été victime d'agressions.

La société conclut au rejet de la demande sans présenter de moyens.

En l'espèce, en ne justifiant pas d'un suivi individuel régulier de l'état de santé de M. [X] qui travaillait la nuit, pourtant requis par l'article L. 3122-11 du code du travail, l'employeur a commis un manquement à ses obligations en matière de prévention qui a causé un préjudice au salarié.

M. [X] justifie, dans le cadre de ses fonctions de vigile au sein de l'établissement de nuit Jet Set, avoir été victime, le 12 février 2014, de violences volontaires aggravées (coup de couteau ayant nécessité cinq points de suture selon le jugement du tribunal correctionnel de Paris du 3 juillet 2014) ayant entraîné une incapacité temporaire de travail de sept jours. Si le contrat de travail et le premier avenant ainsi que les bulletins de paie produits ne permettent pas d'établir, au vu du lieu de travail mentionné (restaurant [Adresse 3]), que M. [X] travaillait, dans le cadre de cette relation contractuelle, comme vigile au sein de l'établissement de nuit Jet Set situé [Adresse 1], en revanche, ce fait est conforté par l'attestation de M. [R] [M], produite par l'employeur, et qui avait été lui-même victime d'un coup de couteau au niveau du foie le 12 février 2014.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, il sera alloué à M. [X] une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts suffisant à réparer son préjudice. La décision des premiers juges sera donc infirmée.

Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée dans les termes suivants :

« ['] Le 15 décembre 2019 à 7 heures, vous aviez eu une altercation avec votre responsable Monsieur [N] [S] suite à une plainte d'un client. En effet, vous avez voulu extorquer des fonds à ce client avec en plus des menaces adressées à son encontre. Les vigiles qui étaient à l'entrée du cabaret se sont interposés pour éviter un affrontement.

Par la suite, nous avons appris qu'il ne s'agissait pas d'un fait isolé de votre part. D'autres clients ont également été victime de vos agissements.

Vous avez fait par ailleurs l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire verbale le 15 décembre et qui vous a été notifiée le 17 décembre 2019 dans la lettre de convocation à l'entretien. Dès lors, la période non travaillée du 15 décembre 2019 au 10 janvier 2020 ne sera pas rémunérée.

Au regard de ces faits qui constituent indiscutablement un manquement intolérable à vos obligations contractuelles, votre maintien dans l'entreprise est impossible. Aussi, nous vous confirmons que nous devons cesser immédiatement notre collaboration et vous licencions pour faute grave. ['] »

* sur le bien-fondé du licenciement

La société reproche à M. [X], d'une part, une altercation avec son employeur et, d'autre part, des faits d'extorsion de fonds avec menaces auprès de clients.

Ce à quoi M. [X] réplique que son licenciement est intervenu verbalement dès le 15 décembre 2019 et en veut pour preuve la rédaction de la lettre de notification du licenciement ; qu'une régularisation postérieure par écrit n'est pas possible ; que, de même, la lettre de licenciement est signée par une personne non identifiable et que le cachet de la société varie selon les lettres ; que le licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse. M. [X] réplique encore qu'il conteste les griefs qui lui sont reprochés.

En application des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et nécessite son départ immédiat sans indemnité. L'employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve.

* sur l'identité du signataire de la lettre de licenciement

Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse s'il est prononcé par une personne non habilitée pour le faire, peu important que la lettre ait été signée pour ordre pour le compte de l'employeur.

En l'espèce, la lettre de licenciement est signée « P/O GERANT » avec une signature manuscrite sans l'identité du signataire et avec le cachet « CARRE WASHINGTON SARL FAV WASHINGTON ».

Il ressort de ces éléments que la lettre n'a pas été signée par le gérant de la société et que l'identité de la personne qui a signé pour ordre pour le compte du gérant n'est pas connue de sorte qu'il n'est pas possible de vérifier si cette personne était habilitée à signer ladite lettre.

Dès lors, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse sans que la cour n'ait besoin d'examiner les éléments de preuve soumis par l'employeur à l'appui des griefs et de la faute grave invoquée à l'encontre de M. [X]. La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

* sur les conséquences du licenciement

* sur l'indemnité de préavis et les congés payés afférents

Suivant l'article L. 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;

2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;

3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.

L'article L. 1234-5 du code du travail dispose :

Lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'article L. 1235-2.

En application des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, l'indemnité compensatrice de préavis due à M. [X] correspond au montant des salaires et avantages qu'il aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis d'une durée de deux mois soit la somme de 4 020,76 euros dans la limite du quantum demandé, outre la somme de 402,07 euros au titre des congés payés afférents. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur l'indemnité légale de licenciement

En application des articles L. 1234-9, R. 123461 et R. 1234-2 du code du travail, M. [X] est fondé à se voir allouer une somme de 3 853,22 euros calculée sur la base d'une ancienneté de huit ans et huit mois (préavis inclus) et d'une moyenne de salaire non contestée par l'employeur. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau soit en l'espèce entre trois et huit mois.

A l'appui de sa demande tendant à se voir allouer le montant maximal, M. [X] fait valoir qu'il a trois enfants nés en 2001, 2011 et 2015 et que les circonstances de la rupture sont particulièrement abusives. Il justifie avoir été admis au bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi à compter du 4 mai 2020 et être inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi en catégorie 3 depuis le 20 janvier 2020, suivant attestation de Pôle emploi datée du 2 octobre 2020. M. [X] ne fournit aucun élément sur sa situation postérieurement à cette date.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge - 47 ans - de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle ainsi que des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il sera alloué à M. [X], en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 12 062,28 euros, suffisant à réparer son entier préjudice. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur l'irrégularité de la procédure de licenciement

Suivant le troisième alinéa de l'article L. 1232-2 du code du travail, l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

Il résulte du cinquième alinéa de l'article L. 1235-2 du code du travail qu'en présence d'une irrégularité de procédure mais d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'indemnité prévue par ce texte ne peut se cumuler avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, la lettre recommandée convoquant M. [X] à un entretien préalable fixé au 24 décembre 2019 a été présentée pour la première fois le 19 décembre 2019 de sorte que M. [X] n'a pas disposé du délai minimal de cinq jours ouvrables. Néanmoins, la cour ayant jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. [X] s'est vu allouer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de sorte qu'il sera débouté de sa demande d'indemnité pour irrégularité de procédure puisque le cumul n'est pas possible. La décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.

* sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire

Aucun bulletin de paie pour le mois de décembre 2019 n'étant versé aux débats, la cour retient une mise à pied à titre conservatoire sur la période du 15 décembre 2019 au 10 janvier 2020 de sorte que le rappel de salaire s'élève à la somme de 1737,99 euros, dans la limite du quantum demandé, outre la somme de 173,79 euros au titre des congés payés afférents. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur la remise des documents

La société devra remettre à M. [X] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision.

Sur les autres demandes

* sur les intérêts et leur capitalisation

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce. La capitalisation des intérêts dus pour une année entière est ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

* sur le remboursement à Pôle emploi

Conformément aux dispositions de l'article. L.1235-4 du code du travail, la cour ordonne à la société de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [X] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de quatre mois d'indemnités.

* sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

La société Fav Washington sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. La décision des premiers juges sera donc infirmée sur les dépens.

La société Fav Washington sera également condamnée à payer à M. [E] [X] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles. La décision des premiers juges sera infirmée en ce qu'elle a déboutée M. [X] de sa demande au titre de ces frais.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Fav Washington à payer à M. [E] [X] les sommes suivantes :

* 938,17 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er au 14 décembre 2019 inclus ;

* 93,81 euros au titre des congés payés afférents ;

* 2 050,61 euros à titre du rappel de salaire relatif aux jours fériés ;

* 205,06 euros au titre des congés payés afférents ;

* 585,84 euros à titre d'indemnité compensatrice des heures de nuit ;

* 58,58 euros au titre des congés payés afférents ;

* 300 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des compensations au titre du travail de nuit et des jours fériés ;

* 7 766 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires ;

* 776,60 euros au titre des congés payés afférents ;

* 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des temps de pause ;

* 12 062,38 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

* 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- dit que le licenciement de M. [E] [X] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamne la société Fav Washington à payer à M. [E] [X] les sommes suivantes :

* 4 020,76 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 402,07 euros au titre des congés payés afférents ;

* 3 853,22 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

* 12 062,28 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 1 737,99 euros à titre de rappel de salaire pour sa mise à pied à titre conservatoire ;

* 173,79 euros au titre des congés payés afférents ;

ORDONNE à la société Fav Washington de remettre à M. [E] [X] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision ;

DIT que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;

ORDONNE à la société Fav Washington de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [E] [X] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de quatre mois d'indemnités ;

CONDAMNE la société Fav Washington à payer à M. [E] [X] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la société Fav Washington aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/00283
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-16;21.00283 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award