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16/03/2023 | FRANCE | N°21/00131

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - b, 16 mars 2023, 21/00131


République française

Au nom du Peuple français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - B



ARRET DU 16 Mars 2023

(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 21/00131 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDOTF



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Février 2021 par le tribunal judiciaire de Paris RG n° 11-20-002081



APPELANTE



Madame [T] [S] née le 08/10/1962 à Chirvan (débitrice)

[Adresse 1]

[Localité 17]

représentée p

ar Me Bernardo DO REGO, avocat au barreau de PARIS, toque D0949

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/010773 du 26/03/2021 accordée par le bureau d'aide jurid...

République française

Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - B

ARRET DU 16 Mars 2023

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 21/00131 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDOTF

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Février 2021 par le tribunal judiciaire de Paris RG n° 11-20-002081

APPELANTE

Madame [T] [S] née le 08/10/1962 à Chirvan (débitrice)

[Adresse 1]

[Localité 17]

représentée par Me Bernardo DO REGO, avocat au barreau de PARIS, toque D0949

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/010773 du 26/03/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMES

Madame [M] [L] née le 11/02/1936 à [Localité 11] (créancière-bailleresse)

[Adresse 4]

[Localité 2]

non comparante

[14]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 7]

non comparante

SIP [Localité 17] SAINT PETERSBOURG

[Adresse 5]

[Localité 6]

non comparant

[13]

[Adresse 15]

[Adresse 15]

[Localité 8]

non comparante

[16]

Chez [12]

[Adresse 10]

[Localité 9]

non comparante

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Fabienne TROUILLER, conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, présidente

Mme Fabienne TROUILLER, conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, conseillère

Greffière : Mme Alexandra AUBERT, lors des débats

ARRET :

- Réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, inititalement prévu le 9 Mars 2023, prorogé au 16 Mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Muriel DURAND, présidente et par Madame Joëlle COULMANCE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 27 décembre 2018, Mme [T] [S] a saisi la commission de surendettement des particuliers de Paris qui a, le 24 janvier 2019, déclaré sa demande recevable.

Par une décision en date du 12 décembre 2019, la commission a estimé que Mme [S] se trouvait dans une situation irrémédiablement compromise et a imposé un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

Le 16 janvier 2020, Mme [M] [L], créancière bailleresse, a contesté les mesures recommandées en soulevant la mauvaise foi de la débitrice et son irrecevabilité au bénéfice de la procédure de surendettement.

Par jugement réputé contradictoire en date du 17 février 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- déclaré recevable le recours formé par Mme [L],

- fixé pour les besoins de la procédure le montant de la créance détenue par Mme [L] à l'encontre de Mme [S] au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 17 décembre 2020 (terme de décembre inclus) à la somme de 105 023,15 euros,

- constaté la mauvaise foi de Mme [S],

- déclaré en conséquence Mme [S] irrecevable à bénéficier d'une procédure de traitement de sa situation de surendettement.

La juridiction a estimé que les ressources de Mme [S], s'élevaient, entre janvier et novembre 2020 à 1 106,98 euros par mois, ses charges à la somme de 753 euros, hors loyer.

La juridiction a considéré que la mauvaise foi de la débitrice était caractérisée au motif que Mme [S] a accru considérablement son endettement à l'égard de sa bailleresse pour atteindre la somme de 105 023,15 euros à la date du 31 décembre 2020, sans justifier de démarches quelconques depuis 2006 pour modifier cet état de fait ou rechercher une solution de relogement.

Le jugement a été notifié à la débitrice le 23 février 2021.

Par déclaration enregistrée le 9 avril 2021, Mme [S], qui avait déposé une demande d'aide juridictionnelle le 4 mars 2021, a interjeté appel du jugement.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 17 janvier 2023.

À cette audience, Mme [S] est représentée par son conseil qui a développé oralement ses conclusions et sollicité, in limine litis l'irrecevabilité du recours formé par Mme [L] et la recevabilité de la procédure de surendettement, l'infirmation du jugement, la fixation de la créance de Mme [L] à la somme de 30 000 euros, le constat de la bonne foi de la débitrice, son rétablissement personnel sans liquidation et le débouté des demandes adverses.

Elle fait valoir qu'à l'audience du 17 décembre 2020, M. [D] [R] s'est présenté en tant que neveu pour représenter Mme [L] en l'absence de tout mandat de représentation, que le mandat produit après l'audience est illisible et n'a pas permis au juge d'exercer son contrôle sur l'initiative du recours exercé, que le recours doit en conséquence être déclaré irrecevable.

Sur le fond, elle précise que le bail a été accordé en 2003 au prix de 780 euros, outre 75 euros de charges, qu'à la suite d'un divorce, d'une maladie et d'une perte d'emploi, Mme [S] s'est retrouvée endettée et qu'elle a sollicité son relogement dès 2016. Elle justifie bénéficier, depuis le 9 janvier 2023, du statut de travailleur handicapé.

Elle rappelle que la bonne foi est présumée, que le premier juge a souligné que le non-respect des charges courantes par la débitrice était dû à la précarité de sa situation financière et non à une volonté de frauder les droits de la bailleresse et que Mme [S] a toujours été de bonne foi. Elle déclare avoir versé 150 euros en octobre, 200 euros en novembre et 150 euros en décembre 2022.

Elle soutient que contrairement à ce qu'a retenu le juge, les dettes de loyer n'ont commencé qu'à compter de 2014 et non depuis 2004, que Mme [L] a attesté à la CAF que sa locataire était à jour de ses loyers le 6 mars 2014 et qu'elle ne peut justifier d'aucune procédure ni lettre de rappel ou de relance à son encontre durant la période 2004-2014.

Elle ajoute que la dette de loyer initialement déclarée s'élevait à 30 000 euros et non à 88 000 euros, que sa bailleresse ne lui a jamais remis de quittance malgré ses demandes et a fait preuve de mauvaise foi.

Elle précise qu'elle a sollicité l'aide d'une assistante sociale, qu'on lui a proposé des logements en 2018 et en 2019 mais qu'elle n'a pas été jugée prioritaire et qu'elle fait preuve de sa bonne foi.

Aucun autre créancier n'a comparu.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient d'indiquer à titre liminaire que l'appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile. La procédure applicable devant la cour d'appel est donc la procédure orale de droit commun dans laquelle la prise en considération des écrits d'une partie par la cour est subordonnée à l'indication orale à l'audience par cette partie ou son représentant qu'elle se réfère à ses écritures. Dès lors, la cour ne peut prendre en compte les demandes ou observations présentées par écrit par les parties non comparantes.

Sur la recevabilité du recours

L'appelante soulève, au visa des articles 32 et 411 du code de procédure civile, l'irrecevabilité du recours exercé par M. [F] [R], neveu de Mme [L] et produit une photocopie totalement illisible du mandat du 23 décembre 2020 que ce dernier aurait remis au tribunal, accompagné d'un extrait d'acte de naissance et de la carte d'identité de Mme [L], née le 11 février 1936 et domiciliée à [Localité 2].

Il ressort du jugement que le premier juge a considéré que Mme [L] avait été régulièrement représentée par son neveu muni du pouvoir qu'il a été autorisé à produire, ce qui est compatible avec son âge (84 ans) et son éloignement.

Mme [S], comparante en personne à l'audience du 17 décembre, n'avait émis aucune objection à cette représentation.

S'il est manifeste que la photocopie du mandat n'est pas lisible, il ne ressort d'aucune disposition du jugement que le premier juge n'a pas été en mesure d'exercer son contrôle sur la recevabilité du recours.

Partant, le jugement est confirmé en ce qu'il a déclaré recevable et non tardif le recours de Mme [L].

Sur la fixation de la créance de Mme [L]

Il ressort du jugement que la débitrice avait initialement déclaré une créance de 30 000 euros, que la commission aurait retenu une créance d'un montant de 100 000 euros qui a été, pour les besoins de la procédure, actualisée et arrêtée au 17 décembre 2020, terme de décembre 2020 inclus, à la somme de 105 023,15 euros.

Le premier juge n'a relevé aucune objection de Mme [S] dont il souligne qu'elle n'a pas rapporté la preuve de paiements susceptibles de venir en déduction de la somme due.

À hauteur d'appel, Mme [S] demande que cette créance soit fixée à la somme de 30 000 euros mais ne produit aucune pièce à l'appui de cette demande autre que le contrat de bail du 22 mai 2003 fixant le loyer à la somme de 780 euros outre une provision pour charges de 78 euros et une attestation destinée à la CAF du 6 mars 2014 de paiement du loyer de 1 000 euros, sans les charges pour le mois de juillet 2013.

La cour constate que le 24 janvier 2019 Mme [S] avait déclaré 30 000 euros au titre de sa dette de logement, avec un loyer de 925 euros et qu'elle invoque aujourd'hui le même montant alors qu'elle se trouve toujours dans les lieux. Elle ne justifie d'aucun paiement de loyer, à l'exception de trois versements de 150 euros en octobre, 200 euros en novembre et 150 euros en décembre 2022.

Elle ne justifie pas avoir signifié ses conclusions à la bailleresse.

Mme [L] n'ayant pas comparu en appel et n'ayant pas été mise en mesure de répondre aux arguments et pièces présentées au titre de la demande de fixation de créance lors de l'audience, la cour n'est pas en mesure de procéder à la vérification de cette créance et ne peut donc faire droit à cette demande qui est rejetée. Partant, le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la bonne foi de la débitrice

Il résulte de l'article L.711-1 du code de la consommation que la recevabilité de la demande de traitement de la situation de surendettement est subordonnée à la bonne foi du débiteur, conçue comme une absence de mauvaise foi. Il convient de rappeler que la bonne foi est présumée et qu'il appartient au créancier d'apporter la preuve de la mauvaise foi du débiteur. La simple imprudence ou imprévoyance n'est pas constitutive de mauvaise foi. De même, la négligence du débiteur ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi en l'absence de conscience de créer ou d'aggraver l'endettement en fraude des droits des créanciers. Les faits constitutifs de mauvaise foi doivent de surcroît être en rapport direct avec la situation de surendettement.

En application de l'article L.761-1 du code de la consommation, la mauvaise foi procédurale est également sanctionnée en ce qu'est déchue du bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement toute personne :

1° ayant sciemment fait de fausses déclarations ou remis des documents inexacts,

2° ayant détourné ou dissimulé, ou tenté de détourner ou de dissimuler, tout ou partie de ses biens,

3° ayant, sans l'accord de ses créanciers, de la commission ou du juge, aggravé son endettement en souscrivant de nouveaux emprunts ou ayant procédé à des actes de disposition de son patrimoine pendant le déroulement de la procédure de traitement de la situation de surendettement ou de rétablissement personnel, ou pendant l'exécution du plan ou des mesures de traitement.

Le débiteur doit donc être de bonne foi pendant la phase d'endettement mais aussi au moment où il saisit la commission de surendettement, ce qui implique sa sincérité, et tout au long du déroulement de la procédure.

Le juge doit se déterminer au jour où il statue.

Pour retenir l'absence de bonne foi et prononcer la déchéance du bénéfice de la procédure de surendettement, le premier juge a relevé que si Mme [S] n'avait pas réglé ses charges courantes après la recevabilité de son dossier, l'accroissement de la dette locative était en lien avec la précarité de sa situation et non une volonté de frauder les droits de la bailleresse, qu'en revanche les impayés avaient débuté dès l'année 2004 et particulièrement à compter de l'année 2008 mais qu'elle ne justifiait d'aucune démarche à compter de 2008 pour y mettre un terme, qu'ainsi, depuis dix ans, elle avait accru considérablement son endettement et que de surcroît, elle ne justifiait toujours pas de la moindre recherche d'une solution de relogement, sa seule démarche ayant été le dépôt de son dossier de surendettement.

Il a donc estimé que la débitrice avait aggravé son endettement pendant plus de dix années, en fraude des droits de sa bailleresse et que cette aggravation était en lien direct avec sa situation actuelle, puisque sa dette locative représentait la quasi-totalité de son endettement.

À l'appui de son appel, Mme [S] fait valoir que, comme l'avait constaté la commission de surendettement qui avait recommandé un rétablissement personnel, elle n'était pas en mesure de s'acquitter de ses charges courantes puisque sa situation était irrémédiablement compromise.

Elle ajoute que sa dette locative n'a débuté qu'en 2014 comme le démontre l'attestation du 6 mars 2014 et que la bailleresse a laissé perduré la situation sans initier la moindre procédure.

Elle soutient que la bailleresse est de mauvaise foi et qu'elle a toujours refusé de lui remettre des quittances de loyer, même négatifs.

Elle se déclare de bonne foi et justifie qu'elle a sollicité l'aide d'une assistante sociale à compter de 2018, qu'elle a fait des démarches de demande de relogement auprès des organismes HLM d'Île-de-France mais qu'elle n'a pas été retenue pour les deux logements qui lui ont été proposés en 2018 et en 2019.

Il ressort des pièces produites et du dossier que Mme [S] est âgée de 60 ans, qu'elle a divorcé en 2002, qu'elle était auxiliaire de vie et qu'elle occupe depuis plus de vingt ans le logement litigieux.

Son assistante sociale précise que, malgré les difficultés de paiement du loyer, sa propriétaire, qui était devenue son amie et avec qui elle était en contact régulier, n'avait pas engagé à son encontre de procédure d'expulsion. Elle admet que le loyer était payé de façon aléatoire.

Il est manifeste que même s'il existe une incertitude sur le montant de l'arriéré locatif, Mme [S] ne justifie d'aucun paiement du loyer, à l'exception de trois petits versements récents. Elle apparaît d'autant plus malvenue à le contester.

Si la date de début des impayés est également contestée, il ne saurait être tiré conséquence de l'attestation de paiement du loyer de juillet 2013 émise le 6 mars 2014, une absence d'arriéré à cette date. L'appelante invoque un refus de remettre des quittances mais ne justifie d'aucune demande en ce sens.

À cet égard et non sans une mauvaise foi certaine, il est invoqué l'absence de toute procédure d'expulsion, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'une relation d'amitié existait entre la bailleresse âgée et sa locataire en difficulté financière.

Il est également patent que les relations se sont tendues lorsque le neveu de Mme [L] a repris en main la gestion de la location. Il reste pour autant assez surprenant de tenter de faire porter la responsabilité des refus de logement à la bailleresse confrontée à une telle situation d'impayés.

Si Mme [S] n'a justifié d'aucune démarche de relogement devant le premier juge qui lui en fait reproche, les pièces et arguments présentés en appel ne sauraient convaincre. Un refus d'attribution d'un logement en 2018 et un second en 2019 ainsi qu'une attestation de son assistante sociale qui ne précise pas le début de la prise en charge et qui l'a aidée à initier la procédure de surendettement sont les seules démarches minimalistes justifiées pour mettre fin à cette aggravation sans fin qui perdure depuis plus de dix ans.

La cour constate que les motifs précis et circonstanciés retenus par le premier juge sont toujours pertinents et d'actualité. Partant, le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du 17 février 2021 en toutes ses dispositions ;

Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre simple à la commission de surendettement et par lettre recommandée avec avis de réception aux parties ;

Laisse à la charge de chaque partie les éventuels dépens d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - b
Numéro d'arrêt : 21/00131
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-16;21.00131 ?
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