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16/03/2023 | FRANCE | N°19/08500

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 16 mars 2023, 19/08500


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 16 MARS 2023



(n° , 10 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08500 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CANTN



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 16/02378





APPELANTE



Madame [P] [B]

[Adresse 1]

[

Localité 6]

Représentée par Me Florent HENNEQUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R222



INTIMEE



SELARL S21Y prise en la personne de Me [N] [J], Mandataire liquidateur de SASU NEOVA

[Ad...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 16 MARS 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08500 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CANTN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 16/02378

APPELANTE

Madame [P] [B]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Florent HENNEQUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R222

INTIMEE

SELARL S21Y prise en la personne de Me [N] [J], Mandataire liquidateur de SASU NEOVA

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Catherine LAUSSUCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0223

PARTIE INTERVENANTE

Centre de gestion et d'études AGS CGEA d'IDF EST

[Adresse 2]

[Localité 4]

N'ayant pas constituée avocat suite à l'assignation en intervention forcée signifiée à personne morale le 4 octobre 2022.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR

ARRET :

- REPUTE CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière en stage de préaffectation sur poste à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Mme [B] a intégré les effectifs de la société Neova suivant avenant à un contrat à durée indéterminée à temps partiel en date du 3 juin 1997 avec reprise d'ancienneté au 1er juillet 1996.

En dernier lieu, elle a travaillé pour deux autres employeurs à savoir la société Organet et la société La Clarté Chez Vous.

Le 19 juin 2007, Mme [B] a demandé la reconnaissance du caractère professionnel du syndrome du canal carpien bilatéral dont elle souffrait et la prise en charge de cette maladie a été notifiée le 08 novembre 2007 par la CPAM.

Le 24 septembre 2010, la CPAM a estimé son état consolidé, suite à la maladie professionnelle du 19 juin 2007.

Par décision du 30 mars 2010, la CPAM notifiait son refus de reconnaître le caractère professionnel de la maladie liée à la compression du nerf cubital gauche et droit, déclarée en 2009, le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles ayant émis un avis défavorable.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 21 mai 2010, Mme [B] a formé un recours à l'encontre de cette décision devant la Commission de recours amiable de la CPAM du Val d Oise. Ce recours a été implicitement rejeté le 21 juin 2010.

Mme [B] a saisi le Tribunal des Affaires Sociales de Sécurité Sociale du Val d'Oise qui par jugement du 10 mars 2014, a déclaré la demande recevable mais non fondée. Il a été relevé appel de ce jugement.

Par arrêt en date du 1er décembre 2016, la Cour d'appel de Versailles a sollicité l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de picardie et a sursis à statuer. Par arrêt en date du 15 novembre 2018, la Cour d'appel de Versailles a avant dire droit sur la demande de Mme [B] sollicité l'avis d'un autre comité.

En octobre 2010, Mme [B] a repris son travail chez ses trois employeurs puis s'est trouvé à nouveau en arrêt maladie suite à une tendinopathie à l'épaule qui a donné lieu à une intervention chirurgicale.

Le 11 janvier 2013, elle a déclaré une maladie professionnelle qui a fait l'objet d'une notification de prise en charge le 08 novembre 2013. Le 29 décembre 2015, la consolidation de cette maladie professionnelle a été notifiée par la CPAM avec effet au 15 janvier 2016.

Lors de la visite de pré-reprise du 18 mars 2016, le médecin du travail a prononcé une inaptitude temporaire et lors de la visite de reprise unique du 06 avril 2016, Mme [B] a été déclarée inapte à tous les postes de l'entreprise Neova.

Par courrier du 26 avril 2016, Mme [B] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 09 mai 2016.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 12 mai 2016, la société Neova a notifié à Mme [B] son licenciement pour inaptitude non professionnelle.

Par courriers du 23 mai 2016 et du 13 juin 2016, Mme [B] a contesté le caractère non professionnel de l'inaptitude.

Contestant son licenciement, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil le 18 juillet 2016.

Par jugement contradictoire du 14 juin 2019, le conseil de prud'hommes a :

-condamné la société Neova à payer à Mme [B], née [I] :

382,58 (trois cent quatre-vingt-deux euros et cinquante-huit centimes) de rappel de congés payés,

500 euros (cinq cent euros) au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

-débouté Mme [P] [B], née [I], du surplus de ses demandes,

Par déclaration notifiée par le RVPA le 25 juillet 2019, Mme [B] a interjeté appel de cette décision.

Par jugement en date du 15 avril 2020, le tribunal de commerce de Créteil a prononçé la liquidation judiciaire de la SAS Neova désignant la SELARL S2IY prise en la personne de Maître [N] en qualité de mandataire liquidateur.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 29 octobre 2020, Mme [B] demande à la cour de :

-confirmer le jugement rendu le 14 juin 2019 par le Conseil de Prud'hommes de Créteil en ce qu'il a condamné la société Neova à lui verser un rappel d'indemnité de congés payés, ainsi qu'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-infirmer le jugement pour le surplus,

statuer à nouveau :

-. déclarer qu'elle est recevable et bien fondée en son appel,

-. prononcer le caractère professionnel de son inaptitude,

En conséquence :

-fixer au passif de la société Neova, au bénéfice de Mme [B], les sommes suivantes :

indemnité compensatrice de préavis : 1.555,32 euros

congés payés sur préavis : 155,53 euros

indemnité spéciale de licenciement de l'article L. 1226-14 du Code du travail : 8.296 euros

- dire et juger que la société Neova ne lui a pas versé son solde de tout compte,

En conséquence :

-porter le montant de l'indemnité de congés payés à la somme de 1.929,20 euros, et le fixer au passif de la société Neova, au bénéfice de Mme [B],

-fixer au passif de la société Neova, au bénéfice de Mme [B], une somme de 2.000 euros de dommages et intérêts spécifiques en application des articles L. 1226-14 et L. 3141-28 du Code du travail,

-prononcer l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement dont Mme [B] a fait l'objet par lettre du 12 mai 2016, en application article L. 1226-10 du Code du travail,

En conséquence :

-fixer au passif de la société Neova, au bénéfice de Mme [B], une somme de 27.996 euros (36 mois) à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1226-15 du Code du travail, et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L. 1235-3 du Code du travail,

En tout état de cause :

- débouter la société Neova, la SELARL S2IY, et l'AGS-CGEA IDF Ouest de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- fixer au passif de la société Neova, au bénéfice de Mme [B], une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1222-1 du Code du travail,

- condamner les organes de la procédure à lui délivrer des bulletins de paie, et des documents sociaux conformes au jugement à intervenir, et ce sous astreinte de 250 euros par jour de retard et par document, astreinte dont la Cour se réserva le contentieux de la liquidation,

-prononcer les intérêts au taux légal, et anatocisme conformément à l'article 1154 du code civil, sur les condamnations,

-fixer au passif de la société Neova, au bénéfice de Mme [B], une somme de 5 000 euros au titre au de l'article 700 du code de procédure civile,

-fixer au passif de la société Neova les entiers dépens ainsi que les éventuels frais d'exécution

-prononcer l'opposabilité des condamnations à l'AGS-CGEA IDF OUEST, qui en devra garantie.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 17 novembre 2020, la SELARL S21Y prise en la personne de Maître [N], mandataire liquidateur de la SAS Neova, demande à la cour de :

In limine litis :

-dire et juger que les demandes d'indemnité spéciale de licenciement et d'indemnité de préavis, de dommages et intérêts spécifiques pour retard dans le versement des sommes dues et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, se heurtent à l'autorité de la chose jugée de l'Arrêt de la Cour d'Appel de Versailles du 1er Décembre 2016;

-déclarer Mme [B] irrecevable en ses demandes d'indemnité spéciale de licenciement et d'indemnité de préavis;

Dans tous les cas :

-confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Créteil du 18 Mars 2019 en ce qu'il a :

déclaré irrecevables les demandes d'indemnité spéciale de licenciement et d'indemnité de préavis et considéré que le licenciement pour inaptitude reposait sur une cause réelle et sérieuse;

-dire et juger que l'inaptitude de Mme [B] doit être qualifiée de non-professionnelle;

-dire et juger que le licenciement pour inaptitude d'origine non-professionnelle en raison de l'absence de tout reclassement de Mme [B] revêt une cause réelle et sérieuse;

-débouter Mme [B] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions;

-infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Créteil du 18 Mars 2019 en ce qu'il a octroyé à la salariée :

382, 58 euros à titre de rappel de congés payés,

500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

-condamner Mme [B] à la somme de 1.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

-condamner Mme [B] aux entiers dépens.

Par acte en date du 4 octobre 2022, Mme [B] a assigné en intervention forcée le centre de gestion et d'études AGS CGEA d'IDF Est.

Par courrier en date du 11 octobre 2022, l'Unedic AGS a informé la Cour qu'elle ne serait ni présente ni représentée.

La Cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs conclusions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction a été déclarée close le 7 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée d'une décision rendue en matière de sécurité sociale

L'intimée fait valoir que les demandes de Mme [B] seraient irrecevables en ce qu'elles se heurteraient à la décision rendue par la Cour d'appel de Versailles en date du 1er décembre 2016 statuant sur l'appel interjeté d'une déclaration du tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d'Oise.

L'article 4 du code de procédure civile dispose que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois, l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

L'article 480 du code de procédure civile dispose que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.

Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4.

Conformément à l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Au cas d'espèce, il ressort des arrêts de la cour d'appel de Versailles en date du 1er décembre 2016 et du 15 novembre 2018 que Mme [B] a contesté devant le tribunal des affaires de sécurité sociale la décision de la commission du recours amiable en date du 21 juin 2010 refusant la reconnaissance du caractère professionnel de la compression du nerf cubital des coudes droit et gauche au titre du tableau 57.

Or, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes par requête du 18 juillet 2016 d'une contestation de son licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle .

En conséquence, la demande n'ayant pas le même objet, sera jugée recevable.

Sur l'origine de l'inaptitude

Mme [B] soutient que son inaptitude a pour origine la maladie professionnelle déclarée le 11 janvier 2013 suite à ses douleurs à l'épaule qui faisait l'objet d'une notification de prise en charge le 8 novembre 2013. Elle fait valoir qu'elle a été déclarée inapte suite à cette maladie et que son employeur avait connaissance du caractère professionnel de l'inaptitude, notamment par le médecin du travail.

Le mandataire liquidateur réplique que Mme [B] a été exposée à un risque chez un autre employeur et n'a pas fait parvenir à la société Neova d'arrêt de travail pour maladie professionnelle et que celle-ci n'avait pas connaissance de l'origine professionnelle. Il expose que si la salariée était en absence de rechute d'un accident de travail jusqu'au 31 décembre 2015, les arrêts maladie qu'elle a fait parvenir à compter du 1er janvier 2016 étaient des arrêts maladie ordinaires. Par ailleurs, il souligne que la salariée ne rapporte pas la preuve que l'inaptitude invoquée comme motif de la rupture du contrat de travail avait pour origine la maladie professionnelle dont elle a été victime.

Sur le fondement des dispositions des articles L. 1226-10 et suivants du code du travail, les règles applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l' inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie. Tel est le cas du salarié victime d'un accident du travail et qui n'a pas repris le travail jusqu'à ce qu'il soit déclaré inapte par le médecin du travail.

De plus, l'employeur doit avoir connaissance de cette origine professionnelle à la date de notification du licenciement.

En vertu du principe d'autonomie du droit du travail et du droit de la sécurité sociale, le juge prud'homal n'est pas lié par la décision d'un organisme de sécurité sociale de prendre en charge ou pas l'arrêt de travail au titre d'un accident du travail, cette décision n'étant qu'un élément de preuve parmi d'autres, laissé à son appréciation, du lien de causalité entre l' inaptitude et un accident du travail. Dans ces conditions, la circonstance que la salariée ait été, au moment du licenciement, déclarée consolidée de son accident du travail ou maladie par la caisse primaire d'assurance-maladie n'est pas de nature à faire perdre le bénéfice de la législation protectrice évoquée ci-dessus. .

En l'espèce, il est constant que Mme [B] a été arrêtée suite à des douleurs à l'épaule par son médecin le 6 septembre 2013. Elle a fait l'objet d'arrêts de travail successifs sans interruption depuis 2013 liés à la rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite.

Ces arrêts de travail ne portaient aucune mention d'une maladie professionnelle .

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie a reconnu le caractère professionnel de la maladie en ces termes : " votre maladie coiffe des rotateurs : rupture partielle ou transfixiante objectivée par IRM droite inscrite au tableau n°57 : affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures est d'origine professionnelle ".

A l'issue de son dernier arrêt de travail, le médecin du travail a rendu l'avis suivant : " inapte à tous postes de l'entreprise Neova. Tout maintien de la salariée dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé. En un seul examen. Article R.4624-31 du code du travail ".

Il ressort des pièces produites par Mme [B] à l'appui de sa demande que :

- par courrier du 26 mai 2015, le chirurgien notait suite à l'opération et la période de rééducation que Mme [V] était encore gênée dans sa vie quotidienne et précisait " le travail répétitif au niveau du membre supérieur ainsi que le port de charges lourdes reste contre-indiqué'. Il suggérait compte tenu des antécédents la mise en place d'un dossier

"travailleur handicapé " ;

- par courrier du 3 juillet 2015, le médecin du travail lui conseillait d'envisager un dossier d'invalidité car la reprise de son travail " ne semble pas pouvoir s'envisager " ;

- le 20 décembre 2015, la CPAM signifiait la date de la consolidation de la maladie professionnelle à la date du 15 janvier 2016 ;

- La salariée a été indemnisée au titre d'un " accident du travail " en date du 11 janvier 2013 selon l'attestation de paiement des indemnités journalières de 2013 au 16 janvier 2016, puis pour maladie du 16 janvier 2016 au 7 avril 2016 et à nouveau pour accident du travail du 7 avril 2016 au 6 mai 2016 et du 22 juin 2016 au 21 juillet 2016;

-elle a été reconnue inapte à " tous les postes de l'entreprise " par la médecine du travail le 6 avril 2016 sans toutefois que cette inaptitude soit liée par le médecin du travail à une origine professionnelle, la case " maladie professionnelle " sur la fiche d'aptitude ayant été toutefois cochée;

- le 6 avril, 2016, le médecin du travail certifiait sur le formulaire " accident du travail, maladie professionnelle " avoir établi le 6 avril 2016 un avis d'inaptitude qui est susceptible d'être en lien avec l'accident du travail ou la maladie professionnelle en date du 11 janvier 2013;

- Par notification du 20 janvier 2016, Mme [B] s'est vu attribuer une pension d'invalidité;

- par courrier du 20 avril 2016 le médecin du travail a indiqué à la demande de la société Neova qu'il a examiné la salariée " lors de la visite médicale de reprise en maladie professionnelle du 6 avril 2016 " ;

- par courrier reçu le 15 juin 2016, la salariée a contesté l'absence de reconnaissance du caractère professionnel de son inaptitude soulignant que " sa maladie est en lien avec sa profession, ainsi que sa fonction comme notifié sur la fiche d'aptitude médicale faite par le médecin du travail le 6 avril 2016.

Il s'en évince qu'il est constaté un lien au moins partiel entre l' inaptitude et la maladie professionnelle et que son inaptitude physique de Mme [B] résulte bien de la pathologie qui a été prise en charge comme maladie professionnelle et non comme accident du travail, contrairement aux mentions portées sur les bulletins de salaire.

Concernant la connaissance par l'employeur de l'origine professionnelle de son inaptitude à la date du licenciement, s'il est certes établi par la production des bulletins de salaire de la salariée sur les années 2015 et 2016 que cette dernière a bénéficié d'abord d'arrêts de travail pour " rechute " accident du travail jusqu'au mois de décembre 2015 puis d'arrêts de travail sans mention d'un lien avec un accident du travail à compter du mois de janvier 2016, la continuité des arrêts de travail dont a bénéficié Mme [V], permettent de retenir qu'ils étaient en lien avec la maladie professionnelle déclarée.

Il s'évince par ailleurs de l'ensemble des éléments médicaux qu'ils étaient suffisamment convergents (maladies professionnelles dont a été affectée la salariée depuis plusieurs années) pour permettre à l'employeur de reconnaître une origine professionnelle au moins partielle à l' inaptitude, le médecin du travail stipulant une inaptitude à tous postes. Peu important que le médecin du travail n'ait jamais fait état d'un lien entre l' inaptitude et l'emploi du salarié dans l'entreprise. Celui-ci a précisé en réponse à l' employeur le 20 avril 2016 que " s'il peut délivrer au salarié un formulaire d'indemnité temporaire d'inaptitude ou en faire la déclaration ( à transmettre ensuite à la CPAM), le médecin du travail ne peut pas faire la reconnaissance d'une maladie professionnelle".

Enfin, la société Neova représentée par le mandataire liquidateur ne démontre pas que l'origine de la maladie de Mme [B] serait la conséquence de son activité professionnelle pour un autre employeur.

L'employeur avait donc connaissance au moment du licenciement que l' inaptitude constatée par le médecin du travail avait, au moins partiellement, une origine professionnelle.

Aux termes de l'article L. 1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail dans les cas d' inaptitude d'origine professionnelle avec impossibilité de reclassement ouvre droit pour le salarié à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9 du code du travail.

Il convient donc d'accueillir la demande présentée à ce titre ainsi qu'au titre de l'indemnité compensatrice et des congés payés afférents, à hauteur des montants réclamés qui ne sont pas strictement contestés, sous réserve des sommes qui auraient déjà été acquittées.

Ces sommes seront fixées au passif de la société Neova dans les termes du dispositif.

Sur l'indemnité de congés payés

L' origine professionnelle de l' inaptitude de Mme [B] a été retenue.

L'article L. 3141-5 du code du travail assimile à un temps de travail effectif, ouvrant droit à congés payés , la période de suspension du contrat de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle .

En application des dispositions des articles L.3141-22 à L.3141-25 du code du travail, lorsque le contrat de travail du salarié est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier du congé auquel il a droit, il reçoit pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié une indemnité compensatrice de congés payés

Les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail. Ainsi, la maladie en cours de congé annuel suspend le cours du congé, de sorte que le salarié peut prétendre au reliquat de congé.

Ayant acquis des congés payés au cours de sa période d'arrêt de travail consécutive à la maladie professionnelle et ce dans la limite d'une année comme prescrit par l'article L3141-5 5º, restants, Mme [V] a donc droit à une indemnité à ce titre. Pour autant, à défaut d'explication et de pièces justifiant le nombre de congés payés restant, l'indemnité sera fixée à la somme de 1121,62 euros.

Sur les dommages intérêts spécifiques pour retard dans le versement des sommes dues

Mme [B] affirme ne pas avoir reçu le solde de tout compte, ce que conteste l'employeur au vu du reçu de solde de tout compte établi et des mentions portées sur les bulletins de salaire.

Elle ne verse toutefois aucune pièce de nature à justifier le préjudice qu'elle invoque. Elle sera en conséquence déboutée de cette demande.

Sur le licenciement

L'article L 1226 -10 du code du travail dans sa version applicable au litige, dans le cas d'une inaptitude d'origine professionnelle, l'employeur propose au salarié déclaré inapte à son poste un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

La consultation des délégués du personnel préalable à la proposition de reclassement ou à l'engagement de la procédure de licenciement d'un salarié inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou maladie est une formalité substantielle. Elle s'impose y compris lorsque l'employeur estime être dans l'impossibilité de proposer un reclassement. Elle constitue une exigence dont l'omission rend le licenciement illicite et caractérise un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement qui prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, lequel est sanctionné, en cas d'inaptitude d'origine professionnelle par une indemnité prévue par l'article L. 1226-15 du code du travail.

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a satisfait à cette obligation ou qu'il se trouvait dans l'impossibilité de pouvoir procéder à la consultation des délégués du personnel, après le second avis du médecin du travail constatant l'inaptitude et avant l'engagement de la procédure de licenciement.

Sur ce point, la société Neova ne conteste pas qu'elle n'a pas procédé à la consultation des délégués du personnel.

Sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur le second moyen lié au manquement de l'employeur à son obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement, le licenciement de Mme [B] est illicite comme intervenu en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail relatives à la consultation des délégués du personnel, de sorte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

La méconnaissance des dispositions relatives à la consultation des délégués du personnel est sanctionnée par les dispositions de l'article L 1226-15 du code du travail dans sa rédaction alors applicable antérieure à l'ordonnance du 22 septembre 2017, qui prévoient une indemnité minimale de 12 mois de salaires.

Compte tenu de la rémunération de la salariée (salaire moyen de 777,67 euros), des circonstances de la rupture après une ancienneté de près de 20 ans, de son âge (56 ans), de sa situation personnelle, la cour lui alloue la somme de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse, somme qui sera fixée au passif de la société Neova.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Selon l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Toute demande d'indemnisation suppose, pour être accueillie, la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre eux.

En l'espèce, la salariée ne présente pas d'argumentation spécifique autre que celle afférente à l'absence de reconnaissance de l'inaptitude professionnelle pour justifier de la déloyauté de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail. Elle ne démontre nullement le préjudice qui en serait résulté pour elle.

Sa demande d'indemnisation ne saurait donc prospérer, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur la garantie de l'AGS

Il sera rappelé qu'en application des articles L. 3253-6 et L. 3253-8 du code du travail, la garantie de l'AGS couvre les sommes dues au salarié à la date du jugement d'ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ainsi que les créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenant dans les 15 jours du jugement de liquidation, dans la limite des plafonds visés à l'article L.3253-17.

Le présent arrêt sera déclaré commun et opposable au CGEA-AGS de IDF Est dont la garantie ne pourra être acquise que dans les limites prévues par l'article L. 3253-8 du code du travail susvisé et les plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du même code.

Sur les demandes accessoires

En vertu de l'article L 622-28 du code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts.

Eu égard aux développements qui précèdent, il est ordonné au mandataire liquidateur de la société, la remise à la salariée des documents sociaux conformes au présent arrêt sans qu'il y ait lieu à astreinte.

Les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

Eu égard à la situation de l'entreprise, chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles, étant rappelé que la garantie de l'AGS ne s'étend pas aux sommes accordées au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et l'article 700.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [P] [B] de ses demandes de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, pour retard dans le versement des sommes dues, et a condamné la société Neova aux dépens et à payer 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'INFIRMANT pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

DECLARE les demandes présentées par Mme [P] [B] recevables ;

FIXE les créances de Mme [P] [B] au passif de la société Neova, représentée par la SELARL S2IY prise en la personne de Maître [N] mandataire liquidateur, les sommes suivantes :

-1555, 32 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

-155, 53 euros au titre des congés payés afférents,

-12.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

-8296 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement,

-1121,62 euros au titre de l'indemnité de congés payés.

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNE au mandataire liquidateur de la société Neova de remettre à Mme [P] [B] les documents sociaux conformes au présent arrêt ;

RAPPELLE que le jugement d'ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts ;

DIT que la décision est opposable à l'AGS CGEA IDF Est dans la limite de sa garantie ;

DIT que les dépens seront pris en frais privilégiés de la procédure collective;

DEBOUTE les parties de toute autre demande.

La greffière, La Présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 19/08500
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-16;19.08500 ?
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