Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRET DU 16 MARS 2023
(n° , 17 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08394 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CANFY
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F15/14713
APPELANT
Monsieur [Y] [J]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Clélie DE LESQUEN-JONAS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0006
INTIME
Monsieur [X] [U], exploitant sous l'enseigne 'MA BOURGOGNE'
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me David LEPIDI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0011
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre
Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre
Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR
ARRET :
- CONTRADICTOIRE,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière en stage de préaffectation sur poste à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
M. [J] a été engagé en qualité de Chef de rang par M. [X] exerçant sour l'enseigne" Ma Bourgogne " suivant contrat à durée indéterminée du 8 mars 2011.
La rémunération mensuelle brute de M. [J] était fixée au pourcentage du service.
Par courrier du 28 septembre 2015, M. [J] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 12 octobre 2015. Dans cette même lettre, M. [J] s'est vu notifier une mise à pied conservatoire.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 15 octobre 2015, M. [X] exerçant sous l'enseigne Ma Bourgogne a notifié à M.[J] son licenciement pour faute grave.
Contestant son licenciement, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 22 décembre 2015.
Par jugement contradictoire du 21 juin 2019, le conseil de prud'hommes a :
-condamné M. [X] exerçant sous l'enseigne Ma Bourgogne à payer à M. [J] les sommes suivantes :
15.000 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 1.500 euros au titre des congés payés y afférents;
449,12 euros au titre des temps d'habillage et de déshabillage;
3.384,51 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire outre 338,45 euros au titre des congés payés y afférents;
5.346 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 534,60 euros au titre des congés payés y afférents;
2.549.74 euros à titre d'indemnité de licenciement;
18.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
-rappelé que les condamnations de nature contractuelle et/ou conventionnelle produisent intérêts à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et celles de nature indemnitaire à compter de la présente décision;
-ordonné la remise à M. [J] de bulletins de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi rectifiés conformément à la présente décision ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
-condamné M. [X] exerçant sous l'enseigne Ma Bourgogne aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration notifiée par le RVPA le 23 juillet 2019, M. [J] a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 18 novembre 2022, M. [J] demande à la cour de :
-confirmer le jugement rendu le 21 juin 2019 par le Conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
-confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes en ce qu'il lui a alloué la somme de 449,12 euros au titre des temps d'habillage et de déshabillage,
-confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes en ce qu'il a condamné M. [X], sous l'enseigne Ma Bourgogne à payer la somme de 3.384,51 euros à titre de rappel de salaires pour la période de mise à pied conservatoire, outre 338,45 euros au titre des congés payés y afférents,
-infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Paris rendu le 21 juin 2019 en ses autres dispositions,
Statuant à nouveau :
-condamner M. [X], exploitant sous l'enseigne " Ma Bourgogne " à lui payer les sommes suivantes :
-30.000,00 à titre de rappel de salaires et 3.000,00 euros au titre des congés payés y afférents ;
-47.326,25 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2012 ;
-4.732,62 euros au titre des congés payés y afférents ;
-43.621,71 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2013 ;
-4.362,17 euros au titre des congés payés y afférents ;
-40.126,94 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2014 ;
-4.012,69 euros au titre des congés y afférents ;
-26.555,36 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2015 ;
-2.655,53 euros au titre des congés payés y afférents ;
-13.461,08 euros au titre du repos compensateur pour l'année 2012 ;
-14.355,72 euros au titre du repos compensateur pour l'année 2013 ;
-12.534,70 euros au titre du repos compensateur pour l'année 2014 ;
-7.501,16 euros au titre du repos compensateur pour l'année 2015 ;
-15.000,00 euros à titre de dommages intérêts pour non-respect de la durée maximale quotidienne de travail, non-respect du temps de repos quotidien, non-respect de la durée maximale hebdomadaire de travail et non-respect du temps de repos hebdomadaire ;
-15.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
-36.368,38 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
-80.000,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-11.281,72 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
-1.128,17 euros au titre des congés payés y afférents ;
-5.380,43 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;
-ordonner la remise à M. [J] des bulletins de paie, du certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi rectifiés conformément à l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard et par document ;
-condamner M. [X], exploitant sous l'enseigne " Ma Bourgogne " à lui payer la somme de 8.000,00 euros au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 5 janvier 2023, M. [X] demande à la cour de :
-dire que le licenciement de M. [J] est fondé sur des fautes graves ;
-infirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [X] exerçant sous l'enseigne "Ma Bourgogne" à payer à M. [J] les sommes suivantes :
-15.000 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires outre 1.500 euros au titre des congés y afférents ;
-449,12 euros au titre des temps d'habillage et de déshabillage;
-3.384,51 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire outre 338,45 euros au titre des congés payés y afférents ;
-5.346 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 534,60 euros au titre des congés payés y afférents ;
-2.549,74 euros à titre d'indemnité de licenciement;
-18.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
-confirmer le jugement pour le surplus ;
-débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes;
-condamner le demandeur au paiement de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
-condamner le demandeur aux entiers dépens.
La Cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs dernières conclusions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'instruction a été déclarée close le 5 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande au titre du déshabillage et d'habillage
M. [J] réclame aux termes du dispositif de ses dernières conclusions la confirmation du jugement en ce qu'il lui alloué la somme de 449, 12 euros au titre des temps d'habillage et de déshabillage.
L'employeur fait valoir qu'il n'est tenu à aucune contrepartie, dans la mesure où aucune tenue n'était imposée à M. [J] qui avait pour seule obligation le port d'un haut blanc et d'un pantalon noir à sa convenance et pouvait parfaitement s'habiller et se déshabiller en dehors de l'entreprise et devait simplement mettre un tablier avant le service.
Le conseil de prud'hommes a retenu dans sa motivation qu'en application des dispositions de l'article 7 de l'avenant n°2 du 5 février 2007 de la convention collective applicable, M. [J] justifiant suffisamment au vu des pièces produites du port d'une tenue de travail imposée par l'employeur ainsi que du fait de l'habillage et le déshabillage devaient être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, il convient de lui accorder sur la base de son calcul qui n'apparaît pas contestable une somme de 449,12 euros au titre des temps d'habillage et de déshabillage.
L'article 7 de l'avenant n° 2 du 5 février 2007 relatif à l'aménagement du temps de travail de la convention collective prévoit que " le temps d' habillage et de déshabillage est exclu de la durée du travail telle que définie à l'article 3 du présent avenant. Lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires, par des clauses conventionnelles, par le règlement intérieur ou par le contrat de travail et que l' habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, le temps nécessaire aux opérations d' habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties. Il appartient aux entreprises de définir lesdites contreparties sous forme, soit de repos, soit de contreparties financières dans les termes du 3e alinéa de l'article L. 212-4 du code du travail. Cette contrepartie est précisée dans le contrat de travail. À défaut de contrepartie fixée par l'entreprise, le salarié comptant un an d'ancienneté dans l'entreprise bénéficie d'un jour de repos par an. Cette contrepartie est due au prorata temporis pour les salariés dont l'ancienneté est inférieure à un an. Lorsque l'activité de l'entreprise ne permet pas la prise du congé, le salarié perçoit une compensation en rémunération équivalente".
Il n'est pas contesté que la tenue professionnelle consistait en un pantalon noir, un haut blanc et un tablier.
M. [J] ne démontre pas qu'il était tenu de revêtir ou de retirer ses vêtements dans l'entreprise ou sur le lieu de son travail.
S'agissant du tablier, il s'agit d'un effet vestimentaire aisé et rapide à mettre et à retirer. Il n'apparaît pas non plus que l'habillage et le déshabillage se soient situés hors du temps de travail rémunéré.
Aucun préjudice n'étant démontré, le jugement doit être infirmé sur ce point.
Sur le rappel de pourboires
M. [J] fait valoir qu' il est interdit à l'employeur de répartir les pourboires entre des salariés qui ne sont pas en contact avec la clientèle. Or, sur le registre communiqué par l'employeur, des pourboires sont versés à un dénommé " Sandro " alors qu'en réalité, les fonctions qui lui sont dévolues, sont celles de cuisinier. En second lieu, le registre ne mentionne pas les modalités de répartition en vigueur au sein de l'établissement qui apparaissent incohérentes et incompréhensibles. De plus, l'examen de ce registre met en évidence des erreurs quant aux jours travaillés et jours d'absence et une discordance tant qu' entre les sommes réglées et les sommes perçues mentionnés sur ses bulletins de paie qu'entre le chiffre d'affaires réellement réalisé et les rémunérations mentionnées sur le registre. Enfin, lors de l'entretien préalable, l'employeur a reconnu que chacun des salariés en contact avec la clientèle devait reverser à son employeur une commission de 5 euros en espèces pour 1.000 euros de chiffre d'affaire réalisés, une telle pratique signifiant en réalité que lorsqu'un client ne lui versait aucun pourboire sa rémunération se trouvait en partie amputer.
Il sollicite à défaut pour l'employeur de communiquer l'ensemble des éléments comptables et financiers de son entreprise, les contrats de travail et bulletins de paie de chacun des salariés sa condamnation à lui verser la somme de 30.000 euros à titre de rappels de salaire outre les congés payés afférents.
Outre qu'il expose que le salarié ne chiffre pas précisément sa demande, l'employeur réplique avoir tenu correctement le registre rappelant que si la jurisprudence impose que le partage des pourboires ne peut se faire qu'entre les salariés qui sont en contact avec la clientèle, l'article L 3244-1 du Code du travail ne s'applique pas aux pourboires transmis volontairement par le client aux serveurs. Dès lors, la comparaison faite par l'appelant avec la situation d'un salarié dénommé Sandro est sans emport car ce dernier qui pouvait travailler à la cuisine à la demande était aussi barman et en conséquence en contact avec la clientèle.
Il fait valoir qu'il avait informé oralement M. [J] des modalités de répartitions des pourboires si bien que ce dernier ne s'en était pas plaint pendant 4 années. Le registre était par ailleurs en accès libre sur simple demande. S'agissant de la répartition des pourboires, celle-ci se faisait sous forme de pourcentage ajouté aux notes des clients pour le service. Ainsi leurs montants dépendaient directement des notes encaissées par chaque serveur ou chef de rang de sorte qu'un jour un serveur pouvait gagner plus qu'un chef de rang et inversement le lendemain. Enfin les cinq euros donnés par chaque serveur par tranche de 1000 euros de chiffre d'affaires étaient reversé pour les pourboires des barmans en contact direct avec la clientèle.
L'article L.3244-1 du code du travail dispose que dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire, toutes les perceptions faites pour le service par l'employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes les sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l'employeur, ou centralisées par lui, sont intégralement versées au personnel en contact avec le clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement.
Aux termes de l'article R. 3244-1 du même code, l'employeur doit justifier de l'encaissement
et de la remise aux salariés des pourboires, l'article R. 3244-2 précisant les modalités de
répartition et de justification à la charge de l'employeur qui sont déterminées par catégorie
professionnelle nationalement par les conventions collectives ou à défaut par décret en
Conseil d'Etat.
L'article 2 du décret du 4 juin 1936 dispose que " dans le cas où les sommes versées par les clients pour le service sont perçues sous forme d'un pourcentage ajouté aux notes ou additions des clients, l'employeur devra tenir un registre spécial sur lequel seront, par ses soins, mentionnés journellement le montant des notes et additions et le pourcentage perçu sur ce montant pour le service. Le report sur le registre de chaque note ou addition devra s'accompagner du numéro de la chambre ou de la table ou de toute autre indication permettant aux employés intéressés de reconnaître à quoi s'applique chaque note ou addition".
Il est également précisé à l'article 8 du décret que le chef d'établissement est tenu de porter à la connaissance de tout employé appelé à prendre part à la répartition les modalités de
répartition en vigueur dans l'établissement, l'observation de ces prescriptions devant être
constatée par l'apposition de la signature des intéressés sur le texte qui leur est communiqué
Il est de jurisprudence constante qu'il ne peut être dérogé par l'instauration d'un partage des pourboires entre l'employeur et les salariés aux dispositions de l'article L.3244-1 du code du travail selon lequel toutes les perceptions faites pour le service par l'employeur doivent être intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement.
En l'espèce s'il n'est pas sérieusement contestable au vu du registre communiqué que l'employeur procédait au calcul en pourcentage des sommes revenant au personnel en contact avec la clientèle et qu'il y avait bien une redistribution des pourboires, rien ne permet d'affirmer que le salarié destinataire de ces sommes pouvait en vérifier le montant et validait le versement par un émargement. Il revient donc à l'employeur de prouver la réalité du versement du salaire conforme aux dispositions précitées ainsi que des modalités de répartition.
Même si le salarié reconnaît avoir été bénéficiaire de pourboires, il soutient que les sommes allouées étaient inférieures aux sommes affichées dans son bulletin de salaire ainsi qu'en témoignent les discordances relevées entre les mentions portées sur le registre et celles figurant sur ses bulletins de salaire.
En conséquence, il appartient bien à l'employeur de prouver les modalités de calcul de la rémunération au service prévu par les textes. Or, il ne transmet aucun élément de nature à vérifier que la rémunération versée au salarié soit conforme aux bulletins de salaire. La référence au registre à l'examen duquel la Cour est renvoyé ne permet pas de justifier des modalités de la répartition des pourboires entre les salariés.
Il ressort également des explications des parties que l'employeur procédait à une retenue sur les pourboires de 5 euros par tranche de 1000 euros de chiffres d'affaires pour alimenter les pourboires reversé aux autres membres du personnel.
Or, aucune pièce ne permet de connaître précisément le montant total des sommes ainsi prélevées.
Au regard de ces éléments, du fait que l'employeur pratiquait des prélèvements sur les pourboires, qu'il est dans l'incapacité de rapporter la preuve de leur répartition, il convient de faire droit à la demande sur le principe d'un rappel de pourboires.
M. [J] ne détaille pas plus sa demande, se limitant à solliciter une indemnisation de nature forfaitaire à hauteur de 30.000 euros.
L'examen comparatif des bulletins de salaire au registre communiqué fait apparaître à titre d'exemple pour l'année 2012 que le total des pourboires attribué au salarié s'établissait de la façon suivante:
- en janvier 2012 à la somme de 2695, 30 euros alors que son bulletin de salaire fait apparaître hors heures supplémentaires et avantage en nature un salaire " pourboires " de 2573,73 euros ;
- en février 2012 à la somme de 2113, 49 euros alors que la mention du salaire " pourboire " sur le bulletin de salaire est de 1932, 13 euros;
- en mars 2012 le montant correspond à celui figurant sur le bulletin de salaire à deux euros près (étant précisé que certaines mentions du registre sont peu lisibles) ;
- en avril 2012, à la somme de 2785,75 euros alors que figure sur le bulletin de salaire un montant de 2716, 48 euros (étant précisé que certaines mentions du registre sont peu lisibles);
-en mai 2012 3151, 25 euros, le bulletin de salaire correspondant n'étant pas communiqué,
- en juin 2012 : 3008, 84 euros , le bulletin de salaire correspondant mentionnant un salaire de 2769, 88 euros ;
-en juillet 2012 : 3533,65 euros, le bulletin de salaire mentionnant 3324, 45 euros etc.
Ces discordances se retrouvent les mois et années suivantes.
L'employeur ne communique aucune information permettant d'appréhender cette différence de quelques centaines d'euros par mois entre la rémunération brute mentionnée sur les bulletins de paie et le total mensuel des sommes portées sur le registre.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il sera alloué à M. [J] à titre de rappel de pourboires la somme de 5000 euros, outre les congés payés y afférent.
Sur les heures supplémentaires
Se prévalant d'avoir effectué des journées de travail pouvant aller jusqu'à 15 heures par jour, M. [J] sollicite l'infirmation du jugement déféré quant au quantum alloué au titre des heures supplémentaires. Il réclame les sommes de :
-pour l'année 2012 : 47.326,25 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et 4.732,62 euros outre les congés payés y afférents,
-pour l'année 2013 : 43.621,71 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et 4.362,17 euros au titre des congés payés y afférents,
- pour l'année 2014 : 40.126,94 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et 4.012,69 euros au titre des congés payés y afférents ;
- pour l'année 2015 : 26.555,36 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et 2.655,53 euros au titre des congés payés y afférents.
L'employeur fait notamment valoir que le salarié a réalisé seul un décompte des heures supplémentaires qu'il aurait effectuées entre 2012 et 2015, décompte qui ne repose sur aucune autre pièce probante alors qu'il a été régulièrement rémunéré pour les heures supplémentaires accomplies comme en témoignent les mentions portées sur les bulletins de salaire. Il se prévaut également des incohérences de ce décompte, ne serait-ce qu'en raison de l'obligation de fermeture du restaurant à 2 heures du matin
L'article L.3171-4 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d' heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d' heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires , il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
A l'appui de sa demande, M. [J] produit :
-un décompte jour par jour, mois par mois et année par année sur la période revendiquée de ses heures de travail avec un début d'activité entre 11h 30 et parfois 13 heures et une amplitude journalière comprise entre 12 heures et 15 heures avec un temps de pause de 30 à 45 minutes ;
-les attestations d'autres salariés ainsi que des échanges facebook témoignant de ce qu'ils travaillaient entre 13 heures et 15 heures 6 jours sur 7, corroborées par les mentions portées sur le registre produit par l'employeur ;
- un constat d'huissier qui, procédant à l'analyse de plusieurs liasses de ticket de caisse classés chronologiquement du 7 mars 2015 au 29 septembre 2015, fait apparaître plusieurs encaissements pour les tables attribuées au salarié au-delà de minuit. A titre d'exemple, le 22 mars 2015 ticket de caisse à 00h56 et la journée de travail du lendemain à 11 heures 19 ;le 25 mars 2015 ticket de caisse à 00h45 et la journée de travail du lendemain à 11 heures 41 ;le 1er avril 2015 ticket de caisse à 00h56 et la journée de travail du lendemain à 12 heures 28 ; le 15 avril 2015 ticket de caisse à 00h13 et la journée de travail du lendemain à 11 heures 30 ; le 16 août 2015, ticket de caisse à 00h37 et le même jour début de la journée de travail du lendemain à 11h28.
M. [J] présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement.
L'employeur ne rapporte pas la preuve de la mise en place d'un dispositif de contrôle du temps de travail du salarié. Il ne justifie pas non plus des horaires réellement accomplis par le salarié, se référant à des attestations d'autres salariés qui en termes généraux indiquent avoir toujours été payés de leurs heures supplémentaires et aux bulletins de salaire mentionnant le paiement d'heures supplémentaires entre 7, 60 heures et 8 ,66 heures selon les mois.
Il admettait également lors de l'entretien préalable que le salarié pouvait faire des journées de 13 h / 15 heures six jours sur sept , 80 heures par semaine, lui répondant que "chacun faisait son planning comme il le veut, tu le sais bien, ça fait longtemps que tu travailles ici".
Au vu de ces éléments, la Cour est convaincue que M. [J] a effectué des heures supplémentaires mais dans une proportion moindre que ce qu'il allègue. En effet, les décomptes produits ne prennent pas en compte les heures supplémentaires déjà rémunérées à 110% tel que cela ressort des bulletins de salaire.
Conformément à l'avenant n°2 du 5 février 2007 de la convention collective rappelé au contrat de travail, les heures de travail hebdomadaires de la 36e à la 39e incluse sont rémunérées à un taux majoré de 10% par rapport à celui des 35 premières heures de travail hebdomadaire, puis au taux de 20%.
Il ressort des pièces produites que la rémunération de M. [J] est calculée sur la base de 151, 67 heures par mois égale à un pourcentage de la recette journalière partagée par le personnel de service. Les heures supplémentaires de la 35ème à 39ème heures sont payées au taux de 10 %. La rémunération du taux majoré de 10 % des heures supplémentaires ne s'impute pas " sur le service ou " pourboires " mais s'y ajoute ainsi que le confirment les mentions portées sur ses bulletins de salaire.
M. [X] produit le registre des recettes journalières avec mention du pourboire par serveur déterminant ainsi la part journalière individuelle pour chaque serveur pour la période allant du 1er janvier 2012 au mois d'octobre 2015.
Il s'évince donc des explications et documents que la rémunération mensuelle est fixée sur la base d'une somme qui est partagée entre tous les membres du personnel en contact avec la clientèle. A la fin du mois, l'employeur calcule le salaire et régularise le montant des charges sociales.
Toutefois, le salarié rémunéré par un pourcentage sur le service ne peut prétendre qu'à la majoration applicable aux heures supplémentaires effectuées, et non au paiement de ces heures qui sont réputées être payées par les pourboires. Ainsi que le rappelle l'article 5.2 de la convention collective applicable, cité par le salarié, " pour les salariés rémunérés au service en application des articles L.147-1 et suivants du code du travail, la rémunération tirée du pourcentage service calculé sur le chiffre d'affaire est réputée rémunérer l'intégralité des heures de travail. Toutefois, l'entreprise devra ajouter au pourcentage service le paiement des majorations prévues à l'article 4 du présent avenant au titre des heures supplémentaires exécutées.
La rémunération du salarié payé au pourcentage service ainsi composée devra être au moins égale au salaire minimal de référence dû en application de la grille de salaire et en raison de la durée de travail effectuée, augmentée des majorations afférentes aux heures supplémentaires'.
Dès lors, le calcul présenté par le salarié ne peut être retenu dès lors qu'il ne tient pas compte des heures supplémentaires déjà payées et de ce qu'il ne peut prétendre qu'à la majoration.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour évalue le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires à la somme de 28.000 euros outre les congés payés y afférents, que M. [X] sera donc condamné à payer à l'appelant.
Le jugement sera infirmé.
Sur les repos compensateurs
En application des articles L.3121-11 et D3121-14-1 du code du travail, une contrepartie en repos obligatoire est due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel d' heures supplémentaires fixé, en l'absence de convention ou d'accord collectif, par le code du travail à 220 heures par an.
Cette contrepartie obligatoire en repos est fixée à 50 % pour les entreprises de 20 salariés au plus et à 100 % pour les entreprises de plus de vingt salariés.
L'article 5.3 de l'avenant n° 2 à la Convention collective nationale applicable cité par le salarié prévoit que " le contingent d'heures supplémentaires, excluant les heures supplémentaires compensées en temps, utilisable sans avoir recours à l'autorisation de l'inspecteur du travail, est ainsi fixé à :
- 360 heures par an pour les établissements permanents,
- 90 heures par trimestre civil pour les établissements saisonniers. "
Dans ces conditions, dès lors que le salarié n'a pas été en mesure du fait de son employeur de formuler une demande de repos compensateur, il a droit à l'indemnisation du préjudice subi. Celle-ci comporte à la fois le montant de l'indemnité de repos compensateur et le montant de l'indemnité de congés payés afférents.
En l'espèce, M. [X] ne justifie pas que le salarié a bénéficié de l'ensemble des repos compensateurs qui devaient lui être octroyés, alors que les bulletins de salaire produits ne comportent aucune indication sur les repos compensateurs acquis et utilisés et qu'il ressort des pièces des dépassements sur la base du contingent de 360 heures supplémentaires, correspondant au total des heures supplémentaires contractualisées et celles retenues par la Cour.
En conséquence, M. [X] sera condamné à payer à M. [J] la somme totale de 10 571 euros à ce titre.
Sur les dommages et intérêts pour non-respect du repos quotidien et hebdomadaire
M. [J] affirme que son employeur n'a pas respecté les dispositions légales relatives aux seuils et plafonds de la durée légale du travail quotidien et hebdomadaire, qu'il a travaillé souvent 13 ou 14 heures par jour, parfois plus, dépassait de manière répétée la durée maximale de travail et travaillait également régulièrement plus de 7 jours consécutifs sans bénéficier d'un seul jour de repos.
L'article L.3121-35 du code du travail dans sa version applicable dispose qu'au cours d'une même semaine, la durée du travail ne peut dépasser quarante-huit heures.
En application de l'article L.3131-1 du même code, tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives.
L'employeur souligne que M. [J] ne démontre pas que la durée maximale hebdomadaire a été dépassée, qu'il ne chiffre pas la réalité de son préjudice et n'en démontre pas l'existence.
Pourtant, l'employeur à qui incombe la preuve du respect des dispositions précitées n'en justifie pas alors qu'il apparaît au vu des heures supplémentaires réalisées par M. [J] telles que retenues par la cour à partir du décompte qu'il a établi de ses horaires sur les années 2012 à 2015 et du registre même produit par l'employeur que le salarié a travaillé à plusieurs reprises plus de 7 jours sans interruption (à titre d'exemple août 2012 avec 15 jours et 8 jours en continu, février et mars 2013 etc) et pour des durées hebdomadaires dépassant 48 heures.
Il s'en évince que l'employeur a manqué à plusieurs reprises aux dispositions relatives au temps de travail et aux temps de repos.
M . [J] a ainsi subi un préjudice qui sera évalué à 3 000 euros.
Le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé sur ce point et l'employeur condamné à lui payer cette somme.
Sur le travail dissimulé
L'article L.8221-5 du code du travail énonce qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur:
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d' heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie';
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
L'article L.8223-1 du même code prévoit qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
La dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5 2°du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d' heures de travail inférieur à celui réellement effectué. Le caractère intentionnel ne peut pas se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.
A l'appui de sa demande, M. [J] se borne à invoquer que " compte tenu du volume particulièrement important d'heures supplémentaires qu'il a accompli, son employeur a intentionnellement manqué à ses obligations déclaratives sans démontrer le caractère intentionnel de ce manquement et alors même qu'il n'a pas réclamé de rappel de salaire avant la saisine du conseil de prud'hommes, que tous les mois lui ont été payées des heures supplémentaires, y compris compte tenu de la rémunération au pourboire.
Faute d'établir une intention de dissimulation de la société, la demande d'indemnité pour travail dissimulé sera rejetée.
Sur le harcèlement moral
M. [J] revendique une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral . Il fait valoir qu'il a subi des faits répétés de harcèlement de la part de son employeur sous forme d'insultes répétées ayant dégradé son état de santé.
Il reproche plus précisément à son employeur de:
-l'avoir insulté, notamment de fainéant, voleur, n'ayant aucune élégance ;
- lui avoir donné des ordres totalement contradictoires en quelques minutes en lui demandant par exemple de travailler avec un plateau puis sans plateau;
- l'avoir menacé pour avoir parlé à un client ;
- le menacer en permanence de le licencier et lui reprocher en permanence de ne pas
travailler assez vite.
L'employeur conteste tout fait de harcèlement moral.
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement .
A l'appui de ses allégations, M. [J] invoque trois déclarations de main courante en date du 5 mars 2015, du 6 août 2015 et du 14 septembre 2015 dans lesquelles il indique :
- le 5 mars 2015 : " Sur mon lieu de travail, je suis espionné par un système de vidéosurveillance qui ne respecte pas la réglementation en vigueur en matière d'affichage et d'information. Chaque jour, je dois reverser à mon employeur une partie de me pourboires, pour mille euros de recettes que j'ai faites au restaurant, je dois lui verser cinq Euros. Depuis mon entrée au restaurant en mars 2011, je lui ai déjà versé plus que 25.000,00 euros.Mon employeur me harcèle, il pratique la discrimination et porte atteinte à mes droits et à ma dignité. Il porte aussi atteinte à ma santé physique et mentale. Il m'a traité plusieurs fois de sale Bougnoule et de sale macaque, dans l'enceinte du restaurant à plusieurs reprises, il a parlé de moi avec ses amis : " c'est un fainéant, un voleur, je dois faire son éducation, il n'a aucune élégance. Il m'ordonne de travailler toujours plus vite et me harangue si je casse un verre ou si je fais tomber une fourchette. Il me reproche sans arrêt de faire trop de bruit avec la vaisselle. Il menace sans arrêt de me virer. Il me donne en permanence des ordres et des contre ordres. Ex : " Travaille avec un plateau ", " travaille sans plateau ". Il me dit souvent " Ferme ta gueule, casse- toi ou dégage ! "
Je ne souhaite pas déposer une plainte pour ces faits. Je compte jouer la médiation et
l'apaisement car je connais mon employeur depuis 2002. Mon employeur se nomme :
[U] [X]".
- le 6 août 2015 : " Je profite de ma pause déjeuner pour venir vous retrouver. Aujourd'hui à 11h30 j'arrive à mon travail, en premier comme le veut la règle je reprends le rang du serveur du matin qui lui va déjeuner. A 11h45, on me dit de changer de rang et j'accepte. A 12h20, alors que j'ai recommencé un nouveau service dans un nouveau rang on me demande à nouveau de changer de rang, avec insistance. J'ai refusé plusieurs fois poliment. A13h30, alors que je salue quelqu'un, l'épouse du patron vient me voir, elle me menace
directement, je la cite : " Pour qui tu te prends ! Tu vas le regretter ! Dorénavant tu n'as
plus le droit d'adresser la parole aux clients ! ". Tout cela devant la caméra de vidéosurveillance qui enregistre son et image. C'est du harcèlement. Le 20 juillet, mon employeur m'a déclaré, je le cite, et à deux reprises : " Tu ne vas pas pouvoir continuer à travailler ici ". Tout ça c'est la suite logique de provocations verbales, insultes et menaces qui durent depuis des années. L'objectif, me pousser à la faute ou me conduire à démissionner. Je précise enfin que mon salaire brut n'est déclaré qu'à 85 %, 15% n'étant pas déclarés,c'est une fraude à l'URSSAF. Enfin, je continue chaque jour de reverser une partie des pourboires en espèces à mon patron ".
- le 14 septembre 2015 : " Je viens vous informer que je subis un harcèlement de la part de l'un de mes collègues de travail au sein du restaurant " Ma Bourgogne " situé [Adresse 2]. En effet, depuis l'arrivée du serveur nommé [P] en juin 2014, celui-ci me surveille quotidiennement au travail en faisant par la suite des rapports au patron du restaurant.
Quelques soient les faits et gestes, il rapporte tout au patron.
Il me fait régulièrement des menaces verbales depuis son arrivée avec les propos
suivants :
Le 09/06/2014 : " Je suis un ami du patron, il m'a embauché pour faire le ménage ici et
pour régler les choses qui ne vont pas ".
Le 20/04/2015 : un nouvel employé arrivé nommé [S], ami du serveur [P] qui par
la suite m'a dit : " Je vais mettre en place une nouvelle équipe pour la saison 2015, car
les employés qui ont de l'ancienneté posent trop de problèmes et ils se permettent trop
de choses ". " Le premier employé qu'il faut virer ici, c'est [H] car il ne sert à rien.
Le 8 septembre 2015, le nommé [H] m'apprend qu'il est licencié.
Le 12/09/2015, suite à un refus de table à des clients, le nommé [P] m'a dit " Tu fais
chier, de toute manière ça va bientôt se finir pour toi ici ".
Je trouve que tous ces agissements portent atteinte à ma santé et nuisent à mon avenir
professionnel. Je n'ai rien d'autre à ajouter sur les faits ".
Il produit également une attestation des deux autres salariés, M. [T] qui atteste qu'il aurait été lui-même victime d'insultes à plusieurs reprises et avoir été témoin de menaces et agressions verbales à l'encontre de M. [J] et celle de M. [K] qui fait état d'insultes proféres à son égard par le chef cuisinier.
Il communique en dernier lieu l'attestation établie par M. [W] [O], son médecin traitant, qui atteste l'avoir eu en consultation depuis 2011 à plusieurs reprises au cours desquelles il lui aurait fait part des difficultés à son travail et qu'il présentait une souffrance morale et physique pour laquelle il lui a prescrit des antalgiques et des anxiolytiques.
Le témoignage et les main-courantes versées aux débats par M. [J], dont l'une dénonce les agissements d'un collègue à son égard, sont insuffisants à rapporter la preuve qu'il a fait l'objet de la part de son employeur de propos insultants. En effet, ses main-courantes se bornent à reprendre ses propres propos sans être corroborées utilement et s'avèrent en conséquence, de ce fait, dépourvu de tout caractère probant. M. [T] ne fait par ailleurs état d'aucun propos particulier, se limitant à évoquer des insultes sans donner plus d'éléments circonstanciés permettant de cerner un événement précis ou le contenu des propos prêtés à l'employeur. Enfin, l'attestation de M. [K] ne relate aucun fait se rapportant à l'attitude de l'employeur à l'égard de M. [J].
L'attestation du médecin traitant dont se prévaut le salarié, si elle décrit des difficultés au travail n'est en définitive que la restitution des déclarations faites par le salarié au médecin sans autre constatation.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le salarié n'établit pas la matérialité de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, soient de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral en ce qu'ils auraient eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible notamment d'altérer sa santé physique ou mentale.
Il sera en conséquence débouté de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral par voie de confirmation du jugement déféré.
Sur le licenciement
Il résulte des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle nécessite le départ immédiat du salarié, sans indemnité.
La preuve de la faute grave incombe à l'employeur, conformément aux dispositions des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile.
Si elle ne retient pas la faute grave, il appartient à la juridiction saisie d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, conformément aux dispositions de l'article L. 1232-1 du code du travail .
Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail , le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement du 15 octobre 2015 qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée
" Le 27 septembre dernier, au cours de votre service du début d'après-midi, vous avez verbalement agressé un client anglo-saxon qui était attablé en terrasse avec son épouse.
Vous avez prétendu qu'il vous avait mal parlé et avez fait un esclandre, lui répondant
en vociférant en anglais. Les clients sont partis précipitamment et ceux qui voulaient s'installer en ont été dissuadés par la violence de votre comportement. Le lendemain, au terme d'une conversation téléphonique personnelle houleuse qui vous avait manifestement énervé, vous avez littéralement arraché la caméra située dans le vestiaire et vous avez débranché celle qui était dans l'office. Pour toute explication, vous avez prétendu que vous auriez glissé et que vous vous seriez agrippé à la caméra pour ne pas tomber, ce qui est clairement démenti par le récit de vos collègues de travail qui ont assisté à la scène.
Ces faits surviennent dans un contexte plus général d'agressivité permanente, envers moi-même ou vos collègues de travail, depuis quelques mois. Lors de l'entretien préalable, vous avez indiqué avoir répondu à une agression du client, lors du scandale du 27 septembre dernier. Vous avez répété avoir glissé sur la caméra pour expliquer sa dégradation et nié avoir débranché la seconde caméra. Vous avez imputé votre agressivité à des problèmes de santé, dont nous n'avions jamais été informés auparavant et que vous n'avez pas justifiés lors de l'entretien préalable. En conséquence, vos explications ne nous ont pas permis d'envisager une autre issue que celle de votre licenciement pour faute grave".
Au soutien du premier grief, l'employeur produit de nombreuses attestations de clients, connaissances ou personnes en relation commerciale avec lui, ainsi que le démontre le salarié, et d'autres salariés qui, outre qu'elles vantent les qualités de M. et Mme [X], font état de l'attitude désagréable et du caractère difficile du salarié. Ainsi il est reproché à M. [J] de toujours répondre avec " agressivité " aux clients ou d'avoir un comportement agressif avec les clients ou ses collègues, de formuler des remarques désobligeantes, de multiplier les " altercations avec les clients étrangers qu'il ne voulait pas servir " . Un témoin fait état de ce que le salarié aurait insulté le 27 septembre 2014 et non 2015 un client et que ce " n'était pas la première fois ",. Une autre cliente relate qu'il a hurlé sur un client et lui a demandé de partir.. etc.
Sans entrer dans le détail des arguments opposés par le salarié ou les résultats de l'étude graphologique qu'il a fait diligenter pour contester que certains salariés soient les auteurs de certains des témoignages versés, seules quelques attestations indiquent exactement la date des faits constatés mais aucune ne donne des détails sur les termes qui auraient été employés par le salarié ou ne décrit précisément le comportement reproché.
Ces témoignages pour la plupart non circonstanciés sont contredits par les pièces produites par le salarié qui font état de ses qualités et de son comportement respectueux et dévoué à l'égard de son employeur, en ce compris lors du braquage de l'établissement le 24 décembre 2014.
Toutefois, le compte-rendu de l'entretien préalable en présence du conseiller du salarié révèle que M. [J] ne réfute pas avoir été agressif vis-à-vis d'un client. L'employeur explique que ce client l'avait peut-être insulté mais il lui reprochait d'avoir hurlé en terrasse. M. [J] indiquait que ce client avait insulté le gérant en anglais, lui reprochant de voler les clients américains parce qu'il refusait de prendre des cartes de paiement et demandait à être payé en liquide. L'employeur lui avait demandé dans un premier temps de servir ce client et dans un deuxième temps de ne plus le servir. L'employeur indiquait que c'était vrai mais qu'il lui reprochait sa façon de faire. Le salarié concédait toutefois avoir eu raison de faire ainsi et qu'il avait été applaudi par d'autres clients quand ce client était parti, ce qu'admettait l'employeur.
Il s'en évince que M. [J] reconnait l'altercation avec ce client dans les termes évoqués par la lettre de licenciement.
Le grief est en conséquence établi.
Il ressort des attestations de plusieurs salariés que M. [J] aurait volontairement dégradé la caméra de surveillance installée au sein de l'établissement. Lors de l'entretien préalable, M. [J], auquel il était reproché d'avoir débranché la caméra du vestiaire le 28 septembre 2015, a expliqué qu'il aurait glissé sur la gamelle du chien, aurait essayé de se rattraper avec le fil de la caméra qui pendait. L'employeur reconnaissait que le salarié était venu avec la caméra qui n'était pas cassée.
Au vu de ces éléments de contexte qui ne sont pas sérieusement contredits par les attestations non circonstanciées d'autres salariés, ce grief n'est pas établi.
Seul le premier grief est en conséquence établi. Eu égard à l'activité de l'entreprise et des conséquences de cet incident sur son image, ce fait qu'aucun problème médical ne peut légitimer, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En revanche, il ne présente au vu du contexte rappelé ci-dessus un degré de gravité tel que la rupture immédiate du contrat de travail s'imposait.
Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mais le confirmer en ce qu'il l'a condamné au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et d'une indemnité légale de licenciement.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a accordé au salarié la somme de 3384, 51 euros, outre les congés payés afférents, pour la période de mise à pied conservatoire.
En ce qui concerne le montant de l'indemnité légale de licenciement, celle-ci, calculée conformément aux dispositions de l'article R.1234-2 du code du travail , s'élève à 3031, 53 euros sur la base d'un salaire de référence de 3178, 52 euros (moyenne des douze derniers mois après intégration des heures supplémentaires) et en retenant une ancienneté expirant à l'issue du délai de préavis de 4 ans et 9 mois. Le jugement doit donc être infirmé quant au montant de cette somme.
En ce qui concerne le montant de l'indemnité compensatrice de préavis, sur la base du salaire de référence, il convient de retenir un montant de 6357, 04 euros outre 635, 70 euros d'indemnité de congés payés afférente. Le jugement doit donc également être infirmé quant aux montants de ces sommes.
Il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités chômage dans la limite de 6 mois, en application de l'article L.1235-4 du code du travail.
Sur les autres demandes
Il appartient à l'employeur de remettre au salarié licencié les documents de fin de contrat, dont l'attestation destinée au Pôle emploi, selon l'article R.1234-9 du code du travail.
Sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [X] à payer à M. [J] une indemnité de 2000 euros destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et y ajoutant, de le condamner au paiement d'une indemnité de 3000 euros en cause d'appel.
Les dispositions du jugement rappelant que les condamnations de nature contractuelle/conventionnelle produisent intérêt à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et celles de nature indemnitaire à compter de la présente décision n'étant pas ni visées par la déclaration d'appel et les conclusions seront confirmées.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement en ce qu'il a :
-condamné M. [U] [X] exerçant sous l'enseigne Ma Bourgogne à payer à M. [Y] [J] les sommes de 3384, 51 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire outre 338, 45 euros au titre des congés payés afférents ; 2000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ;
- débouté M. [Y] [J] de ses demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral et d'indemnité pour travail dissimulé ;
- rappelé que les condamnations de nature contractuelle/conventionnelle produisent intérêt à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et celles de nature indemnitaire à compter de la présente décision.
L'INFIRMANT pour le surplus,
STATUANT à nouveau et y ajoutant,
DIT que le licenciement de M. [Y] [J] est intervenu pour cause réelle et sérieuse;
CONDAMNE M. [U] [X] exerçant sous l'enseigne Ma Bourgogne à payer à M. [Y] [J] les sommes suivantes :
5000 euros à titre de rappel de pourboires ;
500 euros au titre des congés payés afférents ;
28 000 euros au titre des heures supplémentaires ;
2800 euros au titre des congés payés y afférent ;
10 571 euros au titre des repos compensateurs ;
3000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos quotidien et hebdomadaire et non-respect de la durée maximale de travail;
6357, 04 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis;
635,70 euros bruts à titre de congés payés afférents;
3178, 52 euros à titre d'indemnité légale de licenciement;
3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
ORDONNE à M. [U] [X] de remettre à M. [Y] [J] les documents sociaux conformes au présent arrêt ;
DIT n'y avoir lieu à astreinte ;
ORDONNE, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, le remboursement par l'employeur aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;
CONDAMNE M. [U] [X] aux dépens;
DEBOUTE les parties de toute autre demande.
La greffière, La Présidente.