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16/03/2023 | FRANCE | N°18/09903

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 10, 16 mars 2023, 18/09903


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 10



ARRÊT DU 16 MARS 2023



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/09903 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5WSC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Mars 2018 -Tribunal de Grande Instance de Bobigny RG n° 16/03674





APPELANTE



Madame [B] [H], veuve [D]

née le [Date naissance 4] 1973 à [Localité 8] 

[Ad

resse 6]

[Localité 8]



Représentée par Me Anne-Laure ISTRIA de la SELEURL 41 FOCH AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0260

Assistée par Me Raphaël MAYET de la SELARL MAYET & PERRAULT, avo...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 10

ARRÊT DU 16 MARS 2023

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/09903 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5WSC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Mars 2018 -Tribunal de Grande Instance de Bobigny RG n° 16/03674

APPELANTE

Madame [B] [H], veuve [D]

née le [Date naissance 4] 1973 à [Localité 8] 

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représentée par Me Anne-Laure ISTRIA de la SELEURL 41 FOCH AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0260

Assistée par Me Raphaël MAYET de la SELARL MAYET & PERRAULT, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 393

INTIMÉE

SAS LNA ES, agissant pour son établissement secondaire LA MAISON DE SANTE D'[Localité 9], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée et et assistée par Me Anne-Sophie MOULIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0069, substitué à l'audience par Me Mathilde MOULIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0069

INTERVENANT

Monsieur [U] [S]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 10]

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représenté par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

Assisté de Me Angélique WENGER, avocat au barreau de PARIS, toque : R123

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Florence PAPIN, Présidente

Mme Valérie MORLET, Conseillère

M. Laurent NAJEM, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame [J] [T] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Ekaterina RAZMAKHNINA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Catherine SILVAN, greffier, présent lors de la mise à disposition.

***

FAITS et PROCEDURE

Monsieur [F] [D], né le [Date naissance 3] 1973, a le 11 juin 2013 été admis à la maison de santé d'[Localité 9], établissement secondaire de la SAS LNA ES qui prend en charge les adultes atteints de troubles psychiatriques, sous le régime de l'hospitalisation libre. Il a alors été hospitalisé dans le service du docteur [U] [S], psychiatre.

Monsieur [D] s'est dans la soirée du 20 juin 2013 blessé l'épaule gauche lors d'une chute et a été transporté aux urgences du centre hospitalier de [Localité 11] pour y subir des radiographies. En quittant le service des urgences, et sans signer de décharge, il n'a pas regagné la maison de santé d'[Localité 9], mais a rejoint le domicile de son père, dans un appartement situé au 3ème étage à [Localité 8] et s'est dans la nuit du 20 au 21 juin 2013 défenestré et est décédé des suites de ses blessures.

Madame [B] [H], veuve [D], a par acte du 23 février 2016 assigné la société LNA ES/maison de santé d'[Localité 9] devant le tribunal de grande instance de Bobigny en responsabilité et indemnisation de ses propres préjudices, moraux et financiers, suite au décès de son époux.

*

Le tribunal, par jugement du 8 mars 2018, a :

- débouté Madame [H] de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à application au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,

- condamné Madame [H] aux entiers dépens.

Madame [H] a par acte du 22 mai 2018 interjeté appel de ce jugement, intimant la société LNA ES/maison de santé d'[Localité 9] devant la Cour. Le dossier a été enrôlé sous le n°18/9903.

Saisi par Madame [H] d'une demande incidente en ce sens, le conseiller de la mise en état a par ordonnance du 29 mai 2019 ordonné une expertise sur pièces des conditions d'hospitalisation de Monsieur [D], confiée au docteur [O] [C].

La société LNA ES a par acte du 1er août 2019 assigné le docteur [S] en intervention forcée devant la Cour. L'affaire a été enregistrée sous le n°19/20296.

Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 13 octobre 2020.

*

La Cour de céans, par arrêt du 1er juillet 2021, a :

- déclaré recevable l'assignation en intervention forcée du docteur [S], délivrée le 1er août 2019 par la société LNA ES/maison de santé d'[Localité 9],

- dit que le docteur [S] est appelé en la cause enrôlée sous le n°18/9903,

- dit que l'arrêt sera commun et opposable au docteur [S],

- déboute le docteur [S] de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens de l'instance suivront le sort de l'instance principale.

L'expert judiciaire a clos et déposé son rapport le 28 décembre 2021.

Madame [H] a alors saisi le conseiller de la mise en état d'une demande de contre-expertise, estimant le rapport déposé insuffisant. Le magistrat s'est par ordonnance du 26 octobre 2022 déclaré incompétent pour connaître de la demande de nouvelle expertise et a renvoyé l'affaire en mise en état.

*

Madame [H], dans ses dernières conclusions n°2 signifiées le 2 janvier 2023, demande à la Cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- condamner in solidum la société LNA ES/maison de santé d'[Localité 9] et le docteur [S] à lui payer, en réparation du préjudice subi du fait du décès de son époux Monsieur [D], les sommes de :

. 150.000 euros en réparation de son préjudice moral,

. 50.000 euros en réparation de son préjudice financier,

- condamner in solidum la société LNA ES/maison de santé d'[Localité 9] et le docteur [S] à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, comprenant le coût du rapport d'expertise judiciaire.

La société LNA ES/maison de santé d'[Localité 9], dans ses dernières conclusions signifiées le 29 novembre 2022, demande à la Cour de :

- dire Madame [H] mal fondée en son appel,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter Madame [H] de la totalité de ses demandes,

- condamner Madame [H] aux entiers dépens.

Le docteur [S], dans ses dernières conclusions signifiées le 29 novembre 2022, demande à la Cour de :

- le recevoir en ses demandes et les déclarer bien fondées,

- dire qu'il n'a commis aucun manquement de nature à engager sa responsabilité,

- prononcer en conséquence sa mise hors de cause,

- débouter Madame [D] et la société LNA ES/maison de santé d'[Localité 9] de l'intégralité de leurs demandes,

- condamner Madame [D] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Madame [D] aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître [R] [X].

*

La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 4 janvier 2023, l'affaire plaidée le 19 janvier 2023 et mise en délibéré au 16 mars 2023.

MOTIFS

Sur la responsabilité de la maison de santé et du docteur [S]

Les premiers juges ont rappelé l'obligation de sécurité, obligation de moyens renforcée, incombant à la société LNA ES/maison de santé d'[Localité 9] et précisé que l'établissement n'était pas prescripteur de soins, de sorte qu'il ne pouvait lui être reproché d'avoir confié Monsieur [D] aux urgences du centre hospitalier de [Localité 11] sans prescription particulière ni consigne médicale, relevant par ailleurs que le patient n'avait pas été hospitalisé sous la contrainte et n'était pas signalé comme ayant des troubles comportementaux. Les juges ont estimé que l'état suicidaire de Monsieur [D] n'était pas établi, que la maison de santé n'avait été alertée d'aucun comportement inquiétant, que le patient avait émis le souhait de rentrer chez lui et n'ont pas retenu sa responsabilité. Le docteur [S] n'était pas partie en première instance et les premiers juges n'ont pas eu à statuer sur sa responsabilité.

Madame [H], veuve de Monsieur [D], reproche aux premiers juges d'avoir ainsi statué, contestant les conclusions du rapport d'expertise judiciaire et considérant que la société LNA ES/maison de santé d'[Localité 9] et le docteur [S] ont manqué à leurs obligations en ne transmettant pas les informations nécessaires à l'hôpital de [Localité 11] pour une évaluation complète de l'état de santé de son époux, en ne s'assurant pas de son retour entre les murs de la maison de santé d'[Localité 9] et en ne mettant pas en 'uvre de mesures de soins sans consentement compte tenu de l'évolution de son état de santé.

La société LNA ES/maison de santé d'[Localité 9] fait valoir l'absence de tout manquement de sa part, se prévalant des conclusions du rapport d'expertise judiciaire écartant sa responsabilité. Elle soutient avoir régulièrement transmis toutes les informations concernant Monsieur [D] au service des urgences de l'hôpital de [Localité 11] et ne pas avoir manqué à son obligation de surveillance, rappelant que le patient avait été admis chez elle sous le régime de l'hospitalisation libre.

Le docteur [S] affirme qu'il n'a pas eu la charge de Monsieur [D] le jour de sa chute et de son transfert aux urgences et constate que l'expert judiciaire a exclu toute responsabilité de sa part.

Sur ce,

Les faits objets de la présente instance sont intervenus en 2013, et le code civil en sa version antérieure au 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, est seul applicable en l'espèce.

Madame [H], sans lien contractuel avec la société LNA ES/maison de santé d'[Localité 9] ni avec le docteur [S], ne peut rechercher leur responsabilité civile que sur le fondement délictuel de l'article 1382 ancien - 1240 nouveau - du code civil, selon lequel tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Monsieur [D], son époux, hospitalisé dans la maison de santé d'[Localité 9] et suivi par le docteur [S], était en lien contractuel avec la société LNA ES et le médecin. Or toute faute de l'établissement ou du médecin ayant causé un dommage au préjudice de Madame [H], tiers aux contrats, les oblige à réparation.

Il ressort des dispositions de l'article L1142-1 du code de la santé publique qu'hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé et établissements médicaux ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

1. sur la responsabilité de la société LNA ES/maison de santé d'[Localité 9]

La société LNA ES/maison de santé d'[Localité 9], établissement de santé ayant accueilli Monsieur [D], devait assurer, dans les conditions prévues par le code de la santé publique et en tenant compte de la singularité et de son aspect psychologique, son diagnostic, sa surveillance et son traitement, ainsi que le rappellent les dispositions de l'article L6111-1 du code de la santé publique.

La société LNA ES/maison de santé d'[Localité 9] était ainsi tenue vis-à-vis de Monsieur [D] d'une obligation de soins et devait prendre les mesures nécessaires pour veiller à sa sécurité (obligation de sécurité renforcée).

Monsieur [D] a été admis à la maison de santé d'[Localité 9] sous le régime d'une hospitalisation libre, à sa demande à partir du 11 juin 2013, et a été pris en charge "pour une décompensation de son trouble schizo-affectif caractérisé par des éléments du registre psychotique et au premier plan par des éléments du registre dépressif" selon l'expert judiciaire. Le patient avait déjà été hospitalisé dans cet établissement, qui le connaissait. Le traitement reçu dans l'établissement a selon l'expert été adapté à sa situation et son état de santé. Monsieur [D] ne s'opposait pas aux soins et l'expert confirme qu'il ne nécessitait pas une mesure de contrainte, quand bien même il avait déjà exprimé des idées suicidaires auparavant. L'expert a bien répondu, sur ce point, au dire du conseil de Madame [H] du 26 novembre 2021, rappelant que "rien dans la loi n'autorise, et heureusement, une telle privation de liberté « préventive » au motif d'un antécédent de tentative de suicide et de la survenue à nouveau d'un épisode dépressif".

Madame [H] s'appuie sur des événements psychiatriques et des menaces de suicides datant de 2004 (et suivis à cette époque dans le même établissement). Le profil de Monsieur [D] au mois de juin 2013 était différent. L'expert a par ailleurs et en outre relevé une amélioration sensible de l'état de santé de Monsieur [D] à partir du 18 juin 2013 et Madame [H] ne peut donc affirmer que l'évolution de l'état de son époux aurait à tout le moins dû justifier une hospitalisation sans consentement rétroactive.

L'expert a pu constater que le traitement proposé à Monsieur [D] pendant son hospitalisation était adapté et justifié, qu'il avait bénéficié d'une surveillance infirmière (et notamment de sa tension, contrôlée quotidiennement) et d'un suivi psychiatrique "très régulier" et, ainsi, "d'une prise en charge adaptée de son trouble schizoaffectif à compter de son hospitalisation le 11 juin 2013". L'expert fait état de soins "attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science à l'époque des faits" (caractères gras du rapport).

Lors de sa chute en début de soirée le 20 juin 2013, laquelle a selon l'expert pu être provoquée par des effets indésirables du traitement médicamenteux, Monsieur [D] a selon les explications de ce même expert, bénéficié de mesures adaptées. La maison de santé d'[Localité 9] ne pouvant traiter les conséquences médicales de sa chute, a légitimement transféré le patient au service des urgences de l'hôpital le plus proche, le centre hospitalier de [Localité 11]. Monsieur [D] était hospitalisé sous un régime de liberté, et seule une hospitalisation sous contrainte aurait justifié un transfert médicalement accompagné vers les urgences. Il n'a donc pas bénéficié d'un accompagnement personnel particulier, sans que cela ne puisse être reproché à la maison de santé d'[Localité 9]. L'expert explique en effet que "l'état de santé de Monsieur [D] ne nécessitait pas la mise en place d'une mesure de contrainte (consentement à l'hospitalisation, amélioration sensible à partir du 18/06) et par conséquent son transfert aux urgences du CH de [Localité 11] sans autre mesure de surveillance (notamment pas d'accompagnement infirmier) était légitime".

La maison de santé d'[Localité 9] a lors de ce transfert transmis au service des urgences du centre hospitalier de [Localité 11] les informations concernant sa chute, mentionnant le traumatisme crânien dans perte de connaissance ("TC sans PC") ainsi que le traitement par psychotropes suivi, témoignant d'une pathologie psychiatrique. Le transfert s'est selon l'expert "fait conformément aux règles".

Pris en charge par le centre hospitalier de [Localité 11], Monsieur [D] n'était plus sous la responsabilité de la maison de santé d'[Localité 9]. Or l'expert a pu constater que Monsieur [D] s'était lui-même soustrait à la surveillance du service des urgences. L'hôpital de [Localité 11] a en effet noté dans le compte-rendu des urgences, le soir du 20 juin 2013 la "fugue en cours de soins" du patient, précisant que la famille et les services de police avaient été prévenus. La s'ur de Monsieur [D] est en effet venue le chercher à l'hôpital et l'a accompagné chez leur père. Au regard du régime d'hospitalisation libre, du souhait exprimé par le patient lui-même et de son accompagnement familial pour quitter le service des urgences, aucune faute de la maison de santé d'[Localité 9] n'est établie.

Madame [H] a été en contact régulier avec la maison de santé d'[Localité 9] le soir de la chute de son mari et de son transfert pour examens à l'hôpital de [Localité 11], ayant pu s'entretenir avec l'infirmière de service à 20h30, 20h45 et 23h, ainsi que cela résulte de l'examen du cahier de transmissions de ladite maison de santé. Lors de ce dernier appel, Madame [H] a demandé à la maison de santé d'[Localité 9] de fermer la chambre de son époux "car celui-ci refuse de rentrer à la MSE", ajoutant qu'il souhaitait "se rendre chez son père". Madame [H] a ainsi rejoint son époux chez le père de celui-ci. Le père de Monsieur [D] a prévenu la maison de santé d'[Localité 9] du retour de son fils chez lui.

Il apparaît ainsi que la prise en charge de Monsieur [D] par la maison de santé d'[Localité 9], sous le régime de l'hospitalisation libre, et son transfert aux urgences après sa chute, ont été menés correctement, conformément à son état de santé et à ses propres souhaits. Il n'est aucunement démontré qu'une mesure d'hospitalisation sans consentement aurait dû être mise en place pour assurer le retour de Monsieur [D] du service des urgences du centre hospitalier de [Localité 11] vers la maison de santé d'[Localité 9].

Aucun lien n'est établi entre les modalités de prise en charge de Monsieur [D] le 20 juin 2013 lors de son transfert de la maison de santé d'[Localité 9] au centre hospitalier de [Localité 11], d'une part, et son décès en suite de sa défenestration dans la nuit qui a suivi, d'autre part.

Les affirmations du docteur [N] [P]-[E], inscrit au tableau de l'Ordre des médecins, énoncées dans un e-mail adressé à Madame [H] le 24 novembre 2021, ne suffisent pas à contredire l'expert judiciaire, alors qu'il n'est pas démontré qu'il ait eu entre les mains l'ensemble des éléments qu'a pu consulter l'expert. Les critiques du docteur [P] ont été développées par le conseil de Madame [H], dans le cadre d'un dire adressé à l'expert le 26 novembre 2021, et auquel ledit expert a répondu avec précision.

Le premiers juges ont en conséquence à juste titre écarté la responsabilité de la société LNA ES/maison de santé d'[Localité 9] au titre du décès par défenestration de Monsieur [D].

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Madame [H] de ses demandes indemnitaires, alors présentées contre la seule société LNA ES/maison de santé d'[Localité 9].

2. sur la responsabilité du docteur [S]

Si Monsieur [D] a été admis dans le service du docteur [S] à la maison de santé d'[Localité 9] à partir du 11 juin 2013, il n'est pas établi que le médecin suivait personnellement le patient et était sur place le 20 juin 2013 le soir de son transfert au service des urgences du centre hospitalier de [Localité 11].

Madame [H] ne développe contre le médecin aucun moyen particulier autre que ceux dont elle fait état contre la maison de santé d'[Localité 9].

Or, ainsi qu'il l'a été vu plus haut, l'expert a pu conclure que le traitement donné au patient a été adapté à son état de santé psychiatrique, qui s'est d'ailleurs amélioré pendant les quelques jours de son hospitalisation, avant sa chute. En outre, "les soins prodigués à Monsieur [D] ont été attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science à l'époque des faits" (caractères gras du rapport). L'état de santé du patient entre le 11 juin 2013, jour de son admission à la maison de santé d'[Localité 9], et 20 juin 2013, jour de sa chute et de son transfert aux urgences du centre hospitalier de [Localité 11], ne justifiait aucune mesure de contrainte. Cette contrainte, qui selon l'expert aurait en l'espèce été fautive, aurait seule pu justifier la modification des conditions du transfert du patient hors la maison de santé d'[Localité 9] vers le service des urgences.

La société LNA ES/maison de santé d'[Localité 9], par ailleurs, ne présente aucune demande en garantie à l'encontre du docteur [S].

La Cour ne saurait en conséquence retenir la responsabilité du docteur [S] à l'origine du décès par défenestration de Monsieur [D] dans la nuit du 20 au 21 juin 2013.

Madame [H] sera en conséquence déboutée de toute demande indemnitaire présentée contre le médecin.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à la confirmation du jugement en ses dispositions relatives aux dépens de première instance, incluant les frais d'expertise judiciaire et mis à la charge de Madame [H], et aux frais irrépétibles, au titre desquels aucune condamnation n'est intervenue.

Succombant en son recours, Madame [H] sera condamnée aux dépens d'appel, avec distraction au profit du conseil du docteur [S] qui l'a réclamée, conformément aux dispositions des articles 696 et suivants du code de procédure civile. Le conseil de la société LNA ES ne réclame pas la distraction des dépens à son profit. Il en est pris acte.

L'équité commande ensuite que chacune des parties conserve la charge des frais qu'elle a exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Bobigny du 8 mars 2018 (RG n°16/3674),

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DEBOUTE Madame [B] [H], veuve [D], de ses demandes indemnitaires présentées contre le docteur [U] [S],

CONDAMNE Madame [B] [H], veuve [D], aux dépens d'appel, avec distraction au profit de Maître [R] [X],

DIT que chacune des parties gardera la charge de ses propres frais irrépétibles d'appel.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 18/09903
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-16;18.09903 ?
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