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15/03/2023 | FRANCE | N°22/12003

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 15 mars 2023, 22/12003


Grosses délivrées aux parties le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS









COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 15



ORDONNANCE DU 15 MARS 2023



(n°11, 14 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 22/12003 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGBGR



Décision déférée : Ordonnance rendue le 13 juin 2022 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS



Nature de la décision : Contradictoire <

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Nous, Elisabeth IENNE-BERTHELOT, Conseillère à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre ...

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 15

ORDONNANCE DU 15 MARS 2023

(n°11, 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 22/12003 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGBGR

Décision déférée : Ordonnance rendue le 13 juin 2022 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, Elisabeth IENNE-BERTHELOT, Conseillère à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l'article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de Véronique COUVET, greffier lors des débats et de la mise à disposition ;

Après avoir appelé à l'audience publique du 01 mars 2023 :

Monsieur [J] [R]

né le [Date naissance 7] 1971 à [Localité 10]

Elisant domicile au cabinet FIDAL Avocats

[Adresse 1]

[Adresse 1]

S.A.R.L. IT FRANCE

Prise en la personne de son gérant

Elisant domicile au cabinet FIDAL Avocats

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentés par Me Alexis COULON du cabinet FIDAL, avocat au barreau de VALENCIENNES

Assistés de Me Paul-Louis MINIER, du cabinet FIDAL, avocat au barreau de LILLE,

APPELANTS

et

LA DIRECTION NATIONALE D'ENQUETES FISCALES

[Adresse 9]

[Adresse 9]

Représentée par Me Jean DI FRANCESCO de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

INTIMÉE

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 01 mars 2023, l'avocat des appelants et l'avocat de l'intimée ;

Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 15 Mars 2023 pour mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Avons rendu l'ordonnance ci-après :

Le 13 juin 2022, le Juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) près du Tribunal judiciaire (ci-après TJ) de Paris, en application de l'article L.16B du Livre des procédures fiscales (ci après LPF) et suite aux requêtes des 8 et 13 juin 2022 de la DNEF, a rendu une ordonnance à l'encontre de :

' la société de droit luxembourgeois [R] TRATTORIA IT SARL, représentée par son administrateur unique [C] [F], dont le siège social est situé [Adresse 6].

L'ordonnance autorisait la visite dans les locaux et dépendances :

' sis [Adresse 2], susceptibles d'être occupés par M. [J] [R] et/ou [K] [Y] et/ou la société de droit luxembourgeois [R] TRATTORIA IT SARL ;

' sis [Adresse 8], susceptibles d'être occupés par la SARL IT FRANCE et/ou [O] [R] et/ou [J] [R] et/ou [K] [Y] et/ou la société de droit luxembourgeois [R] TRATTORIA IT SARL.

L'autorisation de visite et saisie des lieux susmentionnés était délivrée aux motifs que la société de droit luxembourgeois [R] TRATTORIA IT SARL est présumée exercer à partir du territoire national une activité professionnelle liée à la gestion de franchises et de marques sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omettrait de passer les écritures comptables y afférentes.

L'ordonnance était accompagnée de 51 pièces annexées à la requête.

Il ressortait des éléments du dossier qu'à sa création, la société de droit luxembourgeois [R] TRATTORIA IT SARL était détenue à parts égales par [D] [R] et [J] [R], tous deux résidents de FRANCE.Ainsi, le capital de la société de droit luxembourgeois [R] TRATTORIA IT SARL était détenu, jusqu'en 2019, uniquement par des résidents français puis, majoritairement depuis cette date.

Par ailleurs, [C] [F], gérant unique de la société [R] TRATTORIA IT SARL, dispose de pouvoirs financiers et juridiques limités, il peut, en outre, déléguer ses fonctions de manière provisoire ou permanente. Dès lors, il peut être présumé qu'[C] [F] ne dispose pas d'un réel pouvoir de gérance de la société sus visée.

Au vu de son activité principale d'expert-comptable, de ses pouvoirs de déléguer et de ses 17 mandats aux seins de sociétés luxembourgeoises dont 7 sont domiciliées au [Adresse 5], il peut être présumé que [C] [F] n'occupe pas de véritable fonction de direction au sein de la société de droit luxembourgeois [R] TRATTORIA IT SARL.

Il ressortait de l'enquête dilligentée par la DNEF que la société LUXOR AUDIT SARL développe notamment une activité de domiciliation d'entreprises.

La société de droit luxembourgeois [R] TRATTORIA IT SARL a établi son siège social successivement aux différentes adresses de la société de domiciliation LUXOR AUDIT SARL, il pouvait être présumé que la société de droit luxembourgeois [R] TRATTORIA IT SARL ne dispose pas, au LUXEMBOURG, de moyens matériels et humains nécessaires à l'exercice de son activité et que son siège social est sis à une adresse de domiciliation.

Dès lors, il pouvait être présumé que la société de droit luxembourgeois [R] TRATTORIA IT SARL, qui dispose en FRANCE de la majorité de sa détention capitalistique, ne dispose au LUXEMBOURG ni de sa direction effective, ni de moyens matériels ou humains nécessaires à la réalisation de son objet social.

L'objet social de la société [R] TRATTORIA IT SARL est très large et prévoit notamment qu'elle puisse exercer une activité de gestion de marques et autres droits de la propriété intellectuelle, ainsi qu'une activité commerciale. Elle a déposé, auprès de l'INPI, pour son propre compte, les marques d'origine française 'IT' et 'IT FRESCO EVERYDAY' en décembre 2015.L'activité de franchise confiée à la SARL IT FRANCE, MASTER-FRANCHISE est contrôlée et suivie par la société [R] TRATTORIA IT SARL, FRANCHISEUR.

La société [R] TRATTORIA IT SARL exerce différentes fonctions dans le cadre de son activité de franchiseur sur le territoire français, exclusivement auprès de la société IT FRANCE SARL, son master-franchisé, sans disposer des moyens à l'adresse de son siège social au LUXEMBOURG.

La société de droit luxembourgeois [R] TRATTORIA IT SARL est détenue, directement ou indirectement, par les mêmes associés que ceux de la SARL IT FRANCE, son ancienne filiale. La société IT FRANCE SARL réalise une activité de Master-Franchisé en exploitant la marque et l'enseigne IT sur le territoire français auprès de restaurants sous-franchisés.

Il était présumé que le concept et l'enseigne des restaurants IT- ITALIAN TRATTORIA ont été créés par les frères [R] alors résidents de FRANCE.

Selon les informations précitées, la société [R] TRATTORIA IT SARL a réalisé, entre 2017 et 2021 des prestations de services à destination de la FRANCE et exclusivement auprès de la société IT FRANCE SARL pour un montant total de 3 619 420 €.

Il pouvait être présumé que la société de droit luxembourgeois [R] TRATTORIA IT SARL facture, depuis 2017, des redevances pour concessions de licences à la société SARL IT FRANCE. En l'absence de moyens réels d'exploitation et de direction au LUXEMBOURG, la société [R] TRATTORIA IT SARL est présumée disposer de ses moyens humains en FRANCE où est située la majorité de sa détention capitalistique et son unique client, afin d'y exercer une activité professionnelle liée à la gestion de franchises et de marques.

Dès lors, compte tenu de l'ensemble des éléments précités, la société de droit luxembourgeois [R] TRATTORIA IT SARL, qui ne dispose au LUXEMBOURG ni de sa direction effective, ni de moyens matériels et humains, et dont le siège social est sis à une adresse de domiciliation, qui dispose en FRANCE de la majorité de sa détention capitalistique, qui disposait jusqu'au 01/01/2019 de la totalité de son centre décisionnel en la personne des frères [R], qui dispose en FRANCE de son unique client, la SARL IT FRANCE, pouvait être présumée exercer à partir du territoire national une activité professionnelle liée à la gestion de franchises et de marques sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi ne pas procéder à la passation régulière des écritures comptables y afférentes.

Au vu de tout ce qui précède, le JLD a autorisé la visite domiciliaire dans les locaux et dépendances précités.

Le 24 juin 2022, la société SARL IT FRANCE et M. [J] [R] ont interjeté appel contre l'ordonnance du JLD (RG n°22/12003).

L'affaire a été audiencée pour être plaidée le 01 mars 2023, puis mise en délibéré au 15 mars 2023.

* * *

Par conclusions d'appel déposées au greffe de la Cour d'appel de PARIS le 18 octobre 2022 et par conclusions n°2 déposées le 14 février 2023, les appelants font valoir :

I Rappel des faits et de la procédure

A -sur les faits :

1- sur la création de la société [R] TRATTORIA SARL de droit luxembourgeois.

La société [R] TRATTORIA SARL (IT LUX) a été constituée le 4 juillet 2013 avec pour activité et objectif de : développer un concept innovant de cuisine rapide italienne 'maison' sous l'enseigne 'IT' et constituer une plateforme mondiale de diffusion et de distribution de ce concept sur plusieurs territoires par l'intermédiaire de master-franchisés et/ou de franchisés locaux. Pour ce faire les associés ont créé la société IT LUX et ont confié sa direction à une personne de confiance expérimentée dans la gestion de société, en l 'espèce M [C] [F], désigné en qualité de gérant de IT LUX.

Sous sa gérance, la société IT LUX a notamment conçu le logo, la charte graphique et déposé la marque semi figurative, elle a sélectionné les fourniseurs italiens de denrées alimentaires, négocié les prix, créé un 'book concept' développé par IT LUX exposant les composants du concept IT.

La société et son gérant ont décidé d'externaliser une partie de ce développement en recourant à de nombreux prestataires extérieurs , notamment M R L pour la création du book concept' du logo et du site internet, la société Enterstice pour le design sonore, des prestataires de conseils en restauration, des conseils juridiques pour le dépot des marques et les divers contrats.

En leur qualité d'initiateurs de projet, Messieurs [D] et [J] [R] ont participé au développement du concept pour le compte de IT LUX en effectuant de nombreux déplacements en Italie, eu égard aux frais de déplacements exposés et l'engagement des discussions au bénéfice de la société IT LUX, une délégation de pouvoirs leur a été accordée en juillet 2013.

2 -sur le développement de la franchise en France.

Afin d'ouvrir un restaurant pilote en France, la société IT LUX a créé la société SARL IT France (IT FRANCE) dont elle a confié la cogérance à Messieurs [D] [R] et [J] [R] (ouverture du premier restaurant pilote proche de la BNF à [Localité 11]), la société IT LUX concédant une licence de savoir faire à la société IT France dans un premier temps, suivie d'une 'master franchise ' exclusive lui permettant de décliner le concept IT sur l'ensemble du territoire en développant un réseau de franchisés.

Par la suite, en tant que Master-franchisée pour le territoire français, la société IT France a développé un savoir faire et une structure opérationnelle très importante lui permettant de maitriser la gestion opérationnelle d'un restaurant et d'accompagner les franchises dans leur activité, cela concernant l'ouverture de 50 retaurants en France.

3 -Sur le développement de la franchise à l'étranger .

Fort de son retour d'expérience et du succès en France, la société IT LUX a étendu son concept aux Etats Unis (Miami) et projette l'implantation d'un réseau de franchisés en Espagne et Italie, pour permettre ce développement elle a déposé une marque internationale ' IT' le 11 août 2022.

B- Sur la procédure :

A partir d'informations imprécises et erronées glanées sur différents sites, la DNEF a estimé qu'elle disposait d'éléments présumant une fraude fiscale de la part de la société IT LUX et a sollicité une autorisation de visite et de saisies auprès du JLD dans deux lieux ([Adresse 4]) au motif qu'ils seraient occupés soit par Monsieur [J] soit par la société IT LUX.

Le JLD a rendu une ordonnance d'autorisation de visite et de saisies le 13 juin 2022, sur les motifs suivants : sur la détention des sociétés LUX et société IT France, sur la direction de la société IT LUX, sur l'activité et les moyens de la société IT LUX au Luxembourg, sur la propriété et la gestion de la société IT LUX de marques 'd'origine française', sur l'exploitation en France et de la franchise et les moyens nécessaires à la société IT LUX pour exploiter son activité de franchiseur, sur l'attribution exclusive du développement du concept par Messieurs [D] et [J] [R].

Les visites et saisies ont été effectuées le 14 juin 2022, les parties ( la société IT France et Monsieur [J] [R]) ont relevé appel de cette décision et demandent l'annulation de l'ordonnance.

II Discussion :

A titre liminaire, il est rappelé que la requête de l'administration fiscale se fonde sur une présentation trompeuse des faits et a procédé à un amalgame d'informations pour donner l'apparence d'un faisceau d'indices, alors qu'aucune présomption de fraude ne pouvait être attribuée à la société IT LUX.

A. Sur la direction effective de la société IT LUX par M. [F].

Pour tenter de présumer l'existence d'une fraude imputable à la société IT LUX, le JLD a retenu que la société IT LUX n'aurait pas d'activité effective sur le territoire luxembourgeois et ne serait pas dirigée par son gérant de droit, M [F].

1. Sur la compétence de M. [F].

M [F] a été désigné dirigeant de la société IT LUX pour ses compétences spéciales. En effet, les associés de la société IT LUX entretenaient une relation de confiance ancienne avec M. [F] depuis 2007. Il dispose d'une compétence générale en matière de gestion de société du fait de son exercice de la profession d'expert-comptable et d'une compétence avérée dans la gouvernance de sociétés de gestion de portefeuilles d'actifs incorporels. Si par l'intermédiaire de ce cabinet, M. [F] exerce effectivement des mandats sociaux d'autres sociétés dans le cadre de simples domiciliations, cette activité de domiciliation d'entreprises n'est pas directement gérée par M. [F], mais par l'ensemble de l'équipe de son cabinet d'expertise, M. [F] ayant la capacité de se consacrer pleinement à la gérance de la société IT LUX. Ce n'est qu'en procédant par généralité que l'administration fiscale a estimé pouvoir en déduire que M. [F] n'exerçait pas concrètement son mandat de gérant, alors que celui-ci exerce bien la gestion et la direction effective de la société IT LUX.

2. Sur les pouvoirs de M. [F] issus des statuts de la société IT LUX.

L'administration fiscale et le JLD se fondent sur une interprétation erronée des statuts pour considérer que M [F] n'exerce pas de gérance effective.

Le JLD a ainsi fait droit à une lecture parcellaire des dispositions statutaires relatives aux pouvoirs du gérant (article 14, alinéa 2 des statuts de la société IT LUX) qui sont rappelées. L'administration a sciemment omis de rappeler le pouvoir général de direction dont dispose le gérant de la société, qui par principe a tous les pouvoirs pour exercer son mandat. Ce n'est que de manière exceptionnelle et pour des actes strictement limités (cités) que le gérant doit obtenir l'autorisation de l'AG des associés.

De fait, M [F] dispose des pleins pouvoirs pour réaliser l'activité principale de la société IT LUX, à savoir la gestion de marques et de franchises.

Par ailleurs, l'administration fiscale a cru pouvoir déduire l'ineffectivité du mandat de M. [F] de la rédaction de l'article 14 alinéa 3 des statuts de la société IT LUX relative à la délégation de pouvoir . Or il n'est pas opportun d' aboutir à cette conclusion du seul fait que les statuts prévoient une faculté de délégation de pouvoirs, cette faculté est parfaitement générique dans la plupart des statuts de sociétés commerciales.

L'administration fiscale omet volontairement d'indiquer que le gérant conserve la faculté de mettre fin à la délégation à tout moment sans aucun formalisme. Il n'est pas privé des pouvoirs conférés par son mandat social par la délégation, celle-ci ne faisant que les compléter. Cela est parfaitement illustré par la délégation accordée à Messieurs [D] et [J] [R], laquelle a permis une répartition optimale des tâches nécessaires au développement du concept 'IT', particulièrement lorsque cela nécessitait de nombreux déplacements à l'étranger.

Par conséquent, cette faculté ne saurait donc constituer un indice d'absence de réel pouvoir de direction du gérant.

3. Sur l'exercice effectif de son mandat par M. [F].

En l'espèce, contrairement à ce qu'affirme l'administration fiscale, selon laquelle M. [F] n'exercerait pas effectivement son mandat, M. [F] a toujours entretenu des relations avec les différents prestataires mis à contribution pour la réalisation comme pour la gestion/préservation des marques et de la franchise. Les appelants citent les actions effectuées dans ce cadre par M/ [F] (implication notamment de celui-ci dans la question de l'extension de la franchise internationale ou dans la gestion de dépôt des marques de la franchise aux ETATS-UNIS).Ainsi les actes et l'investissement de M. [F] dans la gestion et le développement de la franchise sont incompatibles avec la vision étriquée de l'administration selon laquelle il n'exercerait pas son mandat.

B. Sur l'adaptation des moyens de la société IT LUX au LUXEMBOURG à son activité.

L'administration fiscale et le JLD ont postulé que la société IT LUX ne disposait pas de 'moyens matériels et humains nécessaires à l'exercice de son activité et que son siège social est à une adresse de domiciliation', cette conclusion démontre l'ignorance de la nature et de l'activité de la société.

La société a été constituée dans le but de développer un concept innovant de cuisine rapide italienne 'maison' sous l'enseigne 'IT'et de constituer une plateforme mondiale de diffusion et de distribution de ce concept sur plusieurs territoires par l'intermédiaire de master-franchisés et/ou de franchisés locaux, et cela dans l'objectif d'étendre la franchise 'IT'. L'absence de personnel salarié ou de locaux propres au LUXEMBOURG n'est pas un élément pertinent, du fait que la société IT LUX a externalisé de nombreuses tâches ponctuelles (concrétisation visuelle du design, des recettes, les prestations juridiques et informatiques) en recourant à de nombreux prestataires compétents, comme cela ressort des frais et dépenses engagés, la société n'a pas jugé opportun d'internaliser ses emplois s'agissant d' une pratique courante du secteur du franchisage.

De même, la délégation de pouvoirs à MM. [D] et [J] [R] était suffisante pour le développement du concept sans qu'il soit nécessaire de les salarier ni qu'il soit nécessaire de disposer de locaux propres, la phase ultérieure du développement du réseau de franchisage pouvant par ailleurs être gérée à distance.

La concession de marques et le transfert de savoir-faire propre à la franchise ne nécessite pas de maintenir une masse salariale ou des moyens matériels, cette activité pouvant être gérée par le seul dirigeant, M. [F], utilisant, à cet effet, son adresse professionnelle.

Ainsi il n'était pas nécessaire pour la société IT LUX de disposer d'un immeuble pour y établir des moyens humains et matériels dont elle n'avait pas besoin, il est donc inopérant de relever que le siège social a été domicilié aux adresses du cabinet d'expertise comptable de M [F], qui y exerce son activité professionnelle.

C. Sur la propriété et la gestion par la société IT LUX de marques 'd'origine française'.

Au regard de son activité (développement du premier réseau national de franchise en France) la société IT LUX y a déposé ses premières marques.L'administration fiscale a tiré de cette circonstance l'argument selon lequel l'activité de la société s'effectuerait exclusivement en France, or il s'agit d'un raccourci trompeur.

Cette 'origine française' des marques est une origine administrative qui s'interprête par opposition aux marques enregistrées auprès de l'Union européenne ou d'une marque internationale, cette mention indique l'organisme de protection de la propriété intellectuelle, il est donc incohérent d'affirmer que la société a déposé des marques d''origine française', sachant qu' une marque ne peut être déposée dans un Etat que si son titulaire projette de l'y exploiter conformément à l'article L.714-5 du Code de la propriété intellectuelle et il ne saurait être tiré argument des dépôts initiaux étant donné que par la suite la société a déposé des marques dans les autres pays ciblés, puis a déposé une marque internationale.

Cette insistance sur l' 'origine' française est volontairement trompeuse et ne reflète aucunement le développement par la société IT LUX de son portefeuille de marque, aucune présomption ne pouvant légitimement être avancée par l'administration fiscale.

Concernant l'argument de l'administration fiscale selon lequel les moyens de la société IT LUX seraient situés en France, l'administration insiste sur le fait que les 'prestations de services sont à destination de la FRANCE', or ces prestations se limitent aux concessions de propriété intellectuelle, de marques et de concept et ne sont pas assimilables à des prestations de service imposables au sens de l'article 155 A du CGI (art cité).

Selon la jurisprudencede la Cour de cassation (citée), les concessions de propriété intellectuelle s'analysent comme une location passive ne pouvant être assimilée à une prestation de services au sens du Code Général des impôts dont les redevances seraient la contrepartie, ainsi l'activité de concession de la société IT LUX ne nécessite pas de moyens humains et matériels humains au Luxembourg, c'est à tort que l'administration fiscale a confondu cette activité de concession avec l'activité distincte de la société IT FRANCE et en a déduit que l'activité de la société IT LUX aurait été exercée depuis la FRANCE.

D. Sur l'exploitation en FRANCE de la franchise et les moyens nécessaires à la société IT LUX pour exploiter son activité de franchiseur.

L'administration fiscale a mis en avant l'activité développée de la société IT LUX sur le territoire français pour tenter de justifier la fraude présumée, en occultant son développement international.

En retenant dans sa décision les affirmations de l'administration fiscale, le premier juge s'est contenté de constater le début d'activité de franchiseur de la société IT LUX sur le territoire français, sans prendre en compte son développement international. La prépondérence de l'activité générée avec la société IT FRANCE est factuelle et chronologique. Il est naturel dans l'évolution d'une franchise que le premier territoire de développement procure le plus d'activité les premières années, s'agissant d'une phase de lancement du concept qui est impérative, cependant cette circonstance ne démontre pas que la seule activité de la société serait effectuée en France, sauf à ignorer l'extension du concept sur d'autres territoires sur lesquels elle va générer du chiffre d'affaire.

Aux termes du contrat de Master-Franchise la société IT FRANCE a des obligations spécifiques (recherche et accompagnement de franchisés, formation des équipes et animation du réseau) autant que des moyens humains et matériels propres (Les frais et les dépenses engagés en 2020 et 2021 par la société IT LUX sont précisés).

Ainsi, réduire l'activité globale de la société IT LUX à son seul développement en FRANCE est erroné et trompeur et ne saurait constituer la moindre présomption au sens de l'article L.16B du LPF.

E. Sur la détention des société IT LUX et société IT FRANCE.

L'administration estime pouvoir dégager une présomption de fraude du fait de la détention capitalistique de la société de droit luxembourgeois, il s'agit d'une confusion volontaire.

La circonstance que les sociétés IT LUX et IT FRANCE aient les mêmes associés est une caractéristique courante propre à tout groupe de sociétés ayant une vocation internationale, cela ne permet pas d'en déduire que les sociétés n'exerceraient pas leurs fonctions respectives dans leurs ressorts territoriaux .D'ailleurs, cette circonstance était parfaitement transparente, puisque les statuts constitutifs de ces deux sociétés mentionnent expressément leurs associés. L'identité des associés ne saurait ainsi constituer la moindre présomption.

F. Sur l'attribution du développement du concept à Messieurs [D] et [J] [R].

Contrairement à l'argumentation fallacieuse de l'administration fiscale selon laquelle le concept et l'enseigne des restaurants IT-ITALIAN TRATTORIA ont été créés par les frères [R], les appelants affirment qu'il s'agit d'une oeuvre collective résultant de l'intervention de nombreux prestataires missionnés par la société IT LUX. Ainsi, si le site internet de la société IT FRANCE est cité et permet d'établir que la participation active de ' Gio et [D]' au développement par la société IT LUX de son concept de restauration s'est faite en vertu d'une délégation de pouvoirs limitée, le story telling destiné à la communication auprès des consommateurs se distingue nécessairement de la réalité de l'activité de la société IT LUX au regard des dépenses engagées auprès de nombreux prestataires par la société IT LUX pour concevoir le design et l'identité visuelle ou pour élaborer les menus et recettes.

Par conséquent, l'intervention ponctuelle de MM. [D] et [J] [R] exécutée en ITALIE ne permet pas de conclure au rattachement de l'activité de la société IT LUX au territoire français, sauf à ne retenir que la résidence de MM. [D] et [J] [R] à l'exclusion de l'ensemble des autres faits. L'artificialité et l'insuffisance du raisonnement doit conduire le Premier Président à annuler l'ordonnance ainsi que l'ensemble des saisies effectuées lors des opérations de saisie du 14 juin 2022.

Par ces motifs, il est demandé de :

' Annuler, en toutes ses dispositions, l'ordonnance du JLD du TJ de PARIS du 13 juin 2022 (n°19/2022) sur requête de la Direction Générale des Finances Publiques, intervenant sa Direction nationale d'Enquêtes Fiscales des 8 et 13 juin 2022 ;

' Annuler, en conséquence, l'ensemble des opérations de visites et de saisies réalisées le 14 juin 2022, ayant donné lieux aux procès-verbaux du même jour, dans les locaux situés [Adresse 3] ;

' Débouter la Direction Générale des Finances Publiques de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

' Condamner sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile, la Direction Générale des Finances Publiques, intervenant sa Direction nationale d'Enquêtes Fiscales aux entiers frais et dépens de l'instance ;

' Condamner, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la Direction Générale des Finances Publiques, intervenant sa Direction nationale d'Enquêtes Fiscales à payer à chacune de M. [J] [R] et de la société IT FRANCE, la somme de 2.500 €.

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d'appel de PARIS le 8 décembre 2022, la DNEF fait valoir:

1 Un rappel préalable de la procédure est exposé.

2 Discusssion.

1 Rappel préalable des faits.

L'administration fiscale rappelle et développe les éléments de la requête soumis à l'appréciation du juge justifiant la mise en oeuvre de la procédure de visite domiciliaire ainsi que les pièces produites.

Selon l'administration fiscale, il peut être présumé que la société de droit luxembourgeois [R] TRATTORIA IT SARL exerce à partir du territoire national, une activité professionnelle liée à la gestion de franchises et de marques sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi ne procède pas à la passation régulière des écritures comptables correspondantes.

2 L'argumentation développée par les parties appelantes ne remet pas en cause le bien-fondé des présomptions retenues par le premier juge.

Sur le centre décisionnel de la société [R] TRATTORIA IT SARL.

En l'espèce, contrairement à ce que soutiennent les appelants, la présomption d'une absence de direction effective par M. [F] n'est pas fondée sur la seule lecture des statuts.

En effet, après avoir rappelé les termes de l'article 14 des statuts, le JLD a relevé que Monsieur [C] [F] pouvait être présumé ne pas disposer de pouvoirs de direction effective dès lors qu'il exerçait la profession de comptable, était le directeur (« CEO » Chief Executive Officer) de la société LUXOR AUDIT SARL, société de droit luxembourgeois qui a pour activités la comptabilité, le conseil, la fiscalité, le social, la domiciliation, les mandats sociaux, le juridique et qu'il exerçait des fonctions de direction dans 17 entreprises luxembourgeoises dont 7 sont domiciliées au [Adresse 5], adresse de la société LUXOR AUDIT SARL.

Par ailleurs, il pouvait être considéré que le centre décisionnel de la société [R] TRATTORIA IT SARL se situait en France en les personnes membres de la famille [R], la société [R] TRETTORIA étant détenue jusqu'en 2015 uniquement par Messieurs [J] et [D] [R], Madame [X] [R] détenant 20 % du capital à compter du 19/11/2015.

Le site internet de la société présente Messieurs [J] et [D] [R], fondateurs et associés de la société et comme les développeurs et les maîtres du concept IT TRATTORIA, ce qui permet de présumer que le pouvoir de direction effective est entre leurs mains, cette présentation ne consiste pas uniquement en une communication commerciale et marketing.

La présomption selon laquelle M. [F] dispose de pouvoirs limités sur la prise de décisions relatives à ladite société ressort des échanges de courriels produits par les appelants. Ainsi, il a pu être relevé que Me [B] écrivait, en premier destinataire, à M. [J] [R] sur des décisions stratégiques à prendre et notamment sur les contrats de franchise et l'extension des marques à l'international.

Selon les éléments retenus par le JLD, la société [R] TRATTORIA IT SARL, en qualité de franchiseur, entend développer la franchise de la marque, notamment sur le territoire national. Leur implication dans l'exercice de l'activité de la société se démontre par les frais de déplacement engagés par MM. [J] et [D] [R], comme nécessaires à ce développement.

Sur l'absence de moyens de la société [R] TRATTORIA IT SARL.

Le JLD a pu relever des éléments suffisants pouvant présumer une absence de moyens au Luxembourg : siège social de [R] TRATTORIA IT SARL aux différentes adresses de la société LUXOR AUDIT SARL, aucune immobilisation corporelle depuis 2015, ni de personnel, ni de ligne téléphonique.

Cette insuffisance de moyens est confirmée par le courriel de Me [B] daté du 01 février 2016, indiquant qu'il lui apparait nécessaire que la société dispose de locaux physiques au LUXEMBOURG et d'adresses mails pro rattachées aux noms de domaine détenus par IT LUX pour éviter toutes difficultés futures.

Il apparaît ainsi que la société [R] TRATTORIA IT SARL n'a pas de consistance au LUXEMBOURG de sorte que son implantation au LUXEMBOURG est rendue artificielle par le recours à des sociétés de prestations de services.

Il est également relevé que les intervenants rémunérés par la société [R] TRATTORIA IT SARL sont majoritairement implantés en FRANCE (ENTERSTICE, ATEM/[B], SINDBAD GILLAIN, COSTA IMAGINERING, SAKKAMOTO) et non au LUXEMBOURG,

Par conséquent, ces éléments suffisent à présumer d'une absence de moyens au LUXEMBOURG, moyens nécessaires à l'exercice de l'activité de la société [R] TRATTORIA IT SARL et notamment au développement de la franchise.

En ce sens la Cour d'appel de PARIS a déjà jugé que 'il est argué que l'externalisation d'un nombre important de prestations, évoqué par l'appelante dans ses conclusions, semble plutôt corroborer la thèse de l'administration selon laquelle la société CABRELUX SARL dispose de moyens humains et matériels limités pour exercer son activité' (CA PARIS, 13 janvier 2021, n°20/03966).

Sur la présomption de moyens en FRANCE.

Les appelants contestent la présomption selon laquelle la société [R] TRATTORIA IT SARL disposerait de moyens en France.Or le JLD ne s'est pas contenté de constater que cette société a déposé auprès de l'INPI les marques d'orgine française IT et IT FRESCO EVERYDAY, maisil a relevé que cette société exerce différentes fonctions dans le cadre de son activité de franchiseur sur le territoire français, exclusivement auprès de la société IT FRANCE SARL, son master-franchisé, détenue par les mêmes associés qu'elle.

L'analyse du contrat de Master-Franchise révèle que la société IT FRANCE SARL réalise une activité de Master-Franchisé en exploitant la marque et l'enseigne des restaurants IT - sur le territoire français auprès de restaurants sous franchisés , le concept et l'enseigne des restaurants IT - ITALIAN TRATTORIA ayant été créés et développés par les frères [R] alors résidents en FRANCE.

Le JLD a relevé que la société [R] TRATTORIA IT SARL a réalisé entre 2017 et 2021 des prestations de services à destination de la FRANCE et exclusivement auprès de la société IT FRANCE SARL pour un montant total de 3 619 420 €, ce qui permet de présumer que la société de droit luxembourgeois [R] TRATTORIA IT SARL facture, depuis 2017, des redevances pour concessions de licences à la société SARL IT FRANCE.

Il a retenu l'absence de moyens réels d'exploitation et de direction au LUXEMBOURG, ce qui permet de présumer que la société [R] TRATTORIA IT SARL dispose de ses moyens humains en FRANCE où est située la majorité de sa détention capitalistique et son unique client, afin d'y exercer une activité professionnelle liée à la gestion de franchise et de marques.

Par ces motifs, il est demandé de :

' Confirmer l'ordonnance du JLD de PARIS du 13 juin 2022.

' Rejeter toutes demandes, fins et conclusions.

' Condamner l'appelante au paiement de la somme de 2 000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

' Condamner l'appelante en tous les dépens.

* * *

SUR CE

Sur le moyen unique selon lequel aucune présomption de fraude ne pouvait être attribuée à la société de droit luxembourgeois [R] TRATTORIA IT SARL :

Sur la direction effective de la société par monsieur [F].

Dans sa décision le JLD a retenu qu'[C] [F], gérant unique de la société, disposait de pouvoirs financiers et juridiques limités, en se référant à une donnée objective, soit l'article 14 des statuts de la société (pièce n°1), il a retenu également qu'il résulte de la pièce n°7 visée dans l'ordonnance, non contestée par les appelants, qu'[C] [F] exerce une activité principale d'expert comptable et dispose de fonctions de direction dans 17 entreprises luxembourgeoises, il en résulte que le JLD a pu en déduire qu'il peut être présumé qu'[C] [F] n'occupe pas de véritable fonction de direction au sein de la société [R] TRATTORIA IT SARL, celui-ci ne semblant par avoir la capacité de se consacrer pleinement à la gérance de la société, que par ailleurs les affirmations des appelants selon lesquelles les compétences de Monsieur [F] et ses relations de confiance avec les associés de la société ont justifié sa désignation en tant que gérant, ainsi que la délégation de pouvoir (pièce n° 5) ne viennent pas contredire les éléments retenus par le JLD.

Les appelants produisent les pièces 2 et 2-1 afin d'établir que que M [F] exerce un mandat effectif, or il résulte de l'examen de la pièce 2 que ce mail concernant la gouvernance de l'entreprise est adressé aussi bien aux associés de la société qu'à Monsieur [C] [F] qui ne semble pas être le destinataire principal, il résulte de l'examen de la pièce n°2-1 qu'il s'agit de messages électroniques entièrement rédigés en anglais dont une traduction libre partielle a été effectuée dans les écritures, que du fait du caractère succinct des échanges il est inopérant d'en tirer la conclusion selon laquelle le rôle de Monsieur [F] est prépondérant dans la gestion de la société.

Sur l'adaptation des moyens de la société au Luxembourg.

Les appelants contestent le postulat retenu par le JLD selon lequel la société [R] TRATTORIA IT SARL ne disposait pas des 'moyens matériels et humains nécessaires à l'exercice de son activité et que son siège social est sis à une adresse de domiciliation ', en prétendant que l'activité de la société [R] TRATTORIA IT SARL (développement de la franchise IT) qui pratique l'externalisation de nombreuses tâches, ne justifiait pas la disposition de personnel salarié ni de locaux propres au Luxembourg.

Le JLD dans sa décision a retenu que le siège social de la société a successivement été domicilié aux adresses du cabinet d'expertise comptable de Monsieur [F], ce que ne contestent pas les appelants, que selon les comptes sociaux déposés cette société ne dispose pas d'immobilisations corporelles depuis l'exercice clos au 31/12/2015, ni de personnel depuis l'exercice clos le 31/12/2018, ni de numéro de téléphone ou de coordonnées téléphoniques, ni d'adresse mail.

Les appelants soutiennent que l'activité de la société justifie qu'elle n'utilise aucun moyen matériel ou en personnel, et que de nombreuses tâches ont été externalisées en produisant les pièces 3 et 4, or il convient de relever que l'argument selon lequel il est pratiqué l'externalisation d'un nombre important de prestations, évoqué par les appelantes et justifiées en pièce 3 et 4 dans leurs conclusions, semble plutôt corroborer la thèse de l'administration selon laquelle la société [R] TRATTORIA IT SARL dispose de moyens humains et matériels limités pour exercer son activité, que c'est à juste titre que le JLD a pu présumer des pièces 10 à 16 de l'administration fiscale que la société ne bénéficiait d'aucun moyens matériels et humains nécessaires à l'exercice de son activité au luxembourge et ne semblait avoir aucune consistance.

Sur la propriété et la gestion par la société de marques d'origine française et sur l'exploitation en FRANCE de la franchise et les moyens nécessaires à la société [R] TRATTORIA IT SARL (IT LUX) pour exploiter son activité de franchiseur.

Les appelants contestent la thèse retenue par l'administration fiscale et confirmée par le JLD selon laquelle la société luxembourgeoise a developpé son activité sur le territoire français, en occultant son développement international, selon les appelants la notion de 'marques d'origine française' est trompeuse et ne signife pas que l'activité de la société s'effectue exclusivement en France.

Or il convient de rappeler que le JLD, dans son ordonnance, a constaté que la société [R] TRATTORIA IT SARL a déposé auprès de l'INPI les marques d'origine française IT et IT FRESCO EVERYDAY et a relevé que la société [R] TRATTORIA IT SARL exerce différentes fonctions dans le cadre de son activité de franchiseur sur le territoire français, exclusivement auprès de la société IT FRANCE SARL, son master-franchisé, détenue par les mêmes associés qu'elle. Il a de plus retenu après analyse du contrat de Master-Franchise que celui-ci révèle que la société IT FRANCE SARL réalise une activité de Master-Franchisé en exploitant la marque et l'enseigne des restaurants IT - sur le territoire français auprès de restaurants sous franchisés , le concept et l'enseigne des restaurants IT - ITALIAN TRATTORIA, ont été créés et développés par les frères [R] alors résidents en FRANCE. Les pièces n°8 à 14 produites par les appelants ne viennent pas contredire les éléments retenus par le JLD.

Le JLD a de plus relevé que la société [R] TRATTORIA IT SARL a réalisé entre 2017 et 2021 des prestations de services à destination de la FRANCE et exclusivement auprès de la société IT FRANCE SARL pour un montant total de 3 619 420 €, ce qui permet de présumer que la société de droit luxembourgeois [R] TRATTORIA IT SARL facture, depuis 2017, des redevances pour concessions de licences à la société SARL IT FRANCE.

Ainsi, le JLD a pu retenir la présomption selon laquelle la société [R] TRATTORIA IT SARL dispose de ses moyens humains en FRANCE où est située la majorité de sa détention capitalistique et son unique client, afin d'y exercer une activité professionnelle liée à la gestion de franchise et de marques.

Sur la détention des sociétés [R] TRATTORIA IT SARL et IT FRANCE et sur l'attribution du développement du concept à Messieurs [D] et [J] [R].

Le JLD dans sa décision a relevé, à partir des pièces 1 à 5bis et 21 communiquées par l'administration fiscale à l'appui de la requête, qu'à sa création, la société de droit luxembourgeois [R] TRATTORIA IT SARL était détenue à parts égales par [D] et [J] [R], résidents français, puis majoritairement après 2019, que la société IT FRANCE SARL a été créée par la société luxembourgeoise, que la société de droit luxembourgeois est détenue, directement ou indirectement par les mêmes associés que ceux de la SARL IT France son ancienne filiale, que si comme le prétendent les appelants la circonstance que les sociétés [R] TRATTORIA IT SARL et IT France aient les mêmes associés est une caractéristiques courante propre à tout groupe de sociétés ayant une vocation internationale, cela n'empêche aucunement le JLD de retenir cet élément comme indice de présomption de fraude dans le cadre de l'article L 16B du LPF.

Concernant le rôle des frères [R] dans le développement du concept permettant de rattacher l'activité de la société [R] TRATTORIA IT SARL au territoire français, il convient de rappeler que la JLD a retenu dans sa décision que le site internet de la société présente messieurs [J] et [D] [R] fondateurs et associés de la société et comme les développeurs et les maîtres du concept IT TRATTORIA, que cette présentation ne consiste pas uniquement en une communication commerciale et marketing, que cet élément ajouté au fait que la société [R] TRETTORIA IT SARL étant détenue jusqu'en 2015 uniquement par messieurs [J] et [D] [R], Madame [X] [R] détenant 20 % du capital à compter du 19/11/2015, a permis au JLD de considérer que le pouvoir de direction effective est entre les mains des frères [R] et qu' il pouvait être considéré que le centre décisionnel de la société [R] TRATTORIA IT SARL se situait en France en les personnes membres de la famille [R].

Ainsi, le moyen unique selon lequel aucune présomption de fraude ne pouvait être attribuée à la société de droit luxembourgeois [R] TRATTORIA IT SARL sera rejeté.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et en dernier ressort:

Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance( n° 19/2022) rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de PARIS en date du 13 juin 2022 ;

Déclarons régulières les opérations de visite et saisies subséquentes effectuées en date du 14 juin 2022 ;

Rejetons toute autre demande ;

Disons qu'il convient d'accorder la somme de 500 euros (cinq cents euros) à charge pour les parties appelantes à verser à la DNEF au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Disons que la charge des dépens sera supportée par les parties appelantes.

LE GREFFIER

Véronique COUVET

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

Elisabeth IENNE-BERTHELOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 15
Numéro d'arrêt : 22/12003
Date de la décision : 15/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-15;22.12003 ?
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