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15/03/2023 | FRANCE | N°22/09650

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 15 mars 2023, 22/09650


Grosses délivrées aux parties le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS









COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 15



ORDONNANCE DU 15 MARS 2023



(n°10, 20 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 22/09650 (appel) - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF2YB auquels sont joints les RG 22/9654 (recours), 22/9996 (appel) et 22/10004 (recours)



Décisions déférées : Ordonnance rendue le 13 mai 2022 par le Juge des libertés et de la déten

tion du Tribunal judiciaire de PARIS



Procès-verbal de visite en date du 18 mai 2023 dans les locaux sis [Adresse 2], pris en exécution de l'ordonnance rendue le 13 mai 2022 par...

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 15

ORDONNANCE DU 15 MARS 2023

(n°10, 20 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 22/09650 (appel) - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF2YB auquels sont joints les RG 22/9654 (recours), 22/9996 (appel) et 22/10004 (recours)

Décisions déférées : Ordonnance rendue le 13 mai 2022 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS

Procès-verbal de visite en date du 18 mai 2023 dans les locaux sis [Adresse 2], pris en exécution de l'ordonnance rendue le 13 mai 2022 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, Elisabeth IENNE-BERTHELOT, Conseillère à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l'article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de Véronique COUVET, greffier lors des débats et de la mise à disposition ;

MINISTERE PUBLIC : auquel l'affaire a été communiquée et représenté lors des débats par Madame Monica d'ONOFRIO, avocat général.

Après avoir appelé à l'audience publique du 08 février 2023 :

Monsieur [Y] [H]-[O]

ancien avocat, conseil juridique et fiscal

Immatricuké sous le n° SIREN 504 879 495

Elisant domicile au cabinet Deloitte société d'Avocats

[Adresse 7]

[Adresse 7]

SOPHONIS SA, société de droit luxembourgeois

Prise en la personne de son administrateur unique M. [Y] [H]-[O]

Elisant domicile au cabinet Deloitte société d'Avocats

[Adresse 7]

[Adresse 7]

SOCIETE LAVOISIER FAMILY SERVICES LTD, société de droit mauricien,

Prise en la personne de son Directeur M. [Y] [H]-[O]

Elisant domicile au cabinet Deloitte société d'Avocats

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Représentés par Me Sandrine RUDEAUX du Cabinet DELOITTE SOCIÉTÉ D'AVOCATS, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE

APPELANTS ET REQUERANTS

et

LA DIRECTION NATIONALE D'ENQUETES FISCALES

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Jean DI FRANCESCO de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

INTIMÉE ET DEFENDERESSE AU RECOURS

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 08 février 2023, l'avocat des appelants, l'avocat de l'intimée et Madame Monica d'ONOFRIO, avocat général, en son avis ;

Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 15 mars 2023 pour mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Avons rendu l'ordonnance ci-après :

Le 13 mai 2022, le juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) du Tribunal judiciaire (ci-après TJ) de PARIS a rendu, en application des articles L.16 B et R.16 B-1 du Livre des procédures fiscales (ci-après LPF) et de l'article 56-1 du Code de procédure pénale (ci-après CPP), une ordonnance à l'encontre de :

' M. [H] [Y] [X] [E] au titre de son activité d'avocat et/ou de conseil juridique et fiscal dont le siège social est situé au [Adresse 2],

' la société de droit luxembourgeois SOPHONIS S.A représentée par son administrateur unique M [H] -[O] [Y], dont le siège social est sis [Adresse 4] au Luxembourg [...],

' la société de droit mauricien LAVOISIER FAMILY SERVICES LTD avec pour adresse actuelle de siège social [Adresse 1] - Ile Maurice ,

Cette ordonnance autorisait des opérations de visite et de saisies dans les lieux suivants:

' locaux et dépendances sis [Adresse 2], susceptibles d'être occupés par M. [H] - [O] [Y] et/ou l'entreprise individuelle [H] [Y] [X] [E] et/ou la S.C.I 341 PARADIS et/ou la S.C.I LC PARKS et/ou la S.C.I SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE 5 CANETTES et/ou la S.C.I 121 PERIER et/ou la S.C.I CANETTES et/ou la S.C.I LE BURON et/ou la S.A.S ARBOSANTE FRANCE et/ou l'entreprise individuelle [T] AGNES CLAIRE MADELEINE et/ou la S.A.R.L LAVOISIER SERVICES et/ou la S.A.S LAVOISIER ASSURANCES et/ou la S.A.S LAVOISIER LAW et/ou Mme [T] [N] et/ou Mme [O] [Y] et/ou la société de droit luxembourgeois SOPHONIS S.A et/ou la société de droit mauricien LAVOISIER FAMILY SERVICES LTD.

L'autorisation de visite et saisie des lieux susmentionnés était délivrée aux motifs que :

' M. [H] [Y] [X] [E] exerce et/ou aurait exercé une activité d'avocat et/ou de conseil juridique en fournissant des prestations de services sans émettre la totalité des factures correspondantes ;

' la société de droit luxembourgeois SOPHONIS S.A exercerait depuis le territoire national une activité commerciale dans le domaine du négoce de produits phyto-aromathérapeutiques ainsi que de gestion de patrimoine, sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omettrait de passer les écritures comptables y afférentes;

' la société de droit mauricien LAVOISIER FAMILY SERVICES LTD exercerait depuis le territoire national une activité de gestion de patrimoine et une activité commerciale dans le domaine du négoce de produits phyto-aromathérapeutiques, sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omettrait de passer les écritures comptables y afférentes ;

Et ainsi seraient présumés s'être soustraits et/ou se soustraire à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les bénéfices, de l'impôt sur le revenu (catégorie BNC) ou des taxes sur le chiffre d'affaires, en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code Général des Impôts (articles 54 et 209-1 pour l'I.S, 99 pour les BNC et 286 pour la TVA).

L'ordonnance était accompagnée de 100 pièces annexées à la requête.

1 M [H] - [O] [Y].

Il exerce à titre individuel une activité de conseil pour les affaires et autres conseils de gestion, immatriculée depuis le 21 mai 2008, selon son site internet il a fondé en 2011 le cabinet de conseil ' Lavoisier law' dont le nom paraît être le nom commercial utilisé par l'entreprise individuelle [H] -[O] pour facturer certaines prestations juridiques.

Il y fait valoir une triple expertise juridique, fiscale et financière , notamment en qualité de docteur en droit fiscal enseignant à l'université et d'avocat au barreau de Paris où il a été inscrit de 2014 à 2020.

Monsieur [H]-[O] est par ailleurs actionnaire et administrateur unique de la société de droit luxembourgeois SOPHONIS S.A, laquelle détient la totalité du capital de la société de droit mauricien LAVOISIER FAMILY SERVICES LTD, il dépose régulièrement les déclarations de résultats relatives à son activité individuelle de conseil (recettes et bénéfices chiffrés entre 2014 et 2020).

Le 18 novembre 2021, l'administration fiscale a été destinataire d'un renseignement concernant une enquête ouverte par la BRD pour des faits d'abus de confiance et d'escroqueries à la suite d'une plainte déposée contre X par Monsieur [U] [M], visant son avocat Maitre [H], au titre de son activité d'avocat et/ou conseil juridique et fiscal, s'agissant de différents contrats de prestations d'avocat, dont les honoraires ont été facturés et encaissés par la société de droit luxembourgeois SOPHINIS S.A et la société de droit mauricien LAVOISIER FAMILY SERVICES LTD. entre 2015 et 2016.

Il ressortait des éléments apportés par Maître [H]-[O] en 2020, dans le cadre d'une procédure de contestation devant l'Ordre des avocats de Paris à l'inititiative de son client qui contestait le mode de facturation d'une partie de ces honoraires par ces sociétés étrangères, que cette facturation était justifiée par la nécessité de fournir un service plus efficient prévu par une disposition contractuelle issue desdits contrats. Cette disposition contractuelle lui permettait une faculté de substitution par des tiers aux fins de réalisation de l'objectif du contrat toutefois restreinte aux seules structures d'exercice de la profession d'avocat ou de conseil juridique et fiscal.

Ces deux entités de droit étranger n'étant pas des structures d'exercice de la profession d'avocat, et la faculté de substitution ne pouvant s'exercer à leur bénéfice, M. [Y] [H]-[O], en sa qualité d'avocat ou de conseil, était seul susceptible de facturer ses diligences effectuées en vertu desdits contrats.

Dès lors, il pouvait être présumé que M. [Y] [H]-[O] avait élaboré un montage ayant pour finalité la captation d'une partie des revenus liés à sa profession d'avocat et/ou de conseil juridique par la société de droit luxembourgeois SOPHONIS S.A et la société de droit mauricien LAVOISIER FAMILY SERVICES LTD.

Il résultait en conséquence la présomption selon laquelle Maître [H]-[O] n'aurait pas facturé au titre de son activité individuelle l'intégralité des honoraires relatifs à ses prestations rendues dans le cadre des contrats conclus avec au moins un de ses clients, minorant ainsi la base de son imposition à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des Bénéfices Non Commerciaux (BNC).

2- la société SOPHONIS S.A.

Cette société luxembourgeoise constituée le 19/10/2012, représentée par son administrateur unique M. [H]-[O] [Y], dont le siège social est sis [Adresse 4], exerce conformément à son objet social les activités de prise de participation dans d'autres entreprises et sociétés luxembourgeoises ou étrangères dont l'objet principal consiste dans l'acquisition, le développement, la promotion, la vente, la gestion et/ou location de biens immobiliers; d'acquisition et mise en valeur de tous brevets, marques de fabrique et autres droits intellectuels et immatériels ainsi qu'une activité commerciale dans le domaine du négoce de produits phyto-aromathérapeutiques.

Il ressortait de l'examen du bilan de cette société au titre de l'exercice 2020 qu'elle détenait un patrimoine immobiler important via des S.C.I françaises administrées et détenues par M. [Y] [H]-[O], ainsi que deux sociétés commerciales françaises et la société mauricienne LAVOISIER FAMILY SERVICES LTD.

De plus les éléments ressortant de l'enquête faisaient état du fait que la société SOPHONIS S.A a pour adresse de siège social actuel au LUXEMBOURG celle d'une société fiduciaire proposant des services de domiciliation, et ne disposerait pas de moyens humains et matériels au LUXEMBOURG . En effet il avait été relevé que l'administrateur unique et le bénéficiaire effectif de la société de droit luxembourgeois SOPHONIS S.A était M. [H]-[O] [Y], résidant fiscal sur le territoire national, d'où il exerce sa profession en qualité de conseil spécialisé en matière de fiscalité internationale et que la société SOPHONIS S.A. est titulaire de plusieurs marques dont la marque ArboSanté Laboratoires et est propriétaire de plusieurs noms de domaine dont ARBOSANTE.COM.

Il ressortait de la consultation du site internet que les produits de la marque ARBOSANTE sont commercialisés depuis 2018 sous le nom commercial ArboSanté Laboratoires à partir du site internet 'arbosanté.com', sur lequel la société SOPHONIS S.A. est présentée comme propriétaire et la société mauricienne FAMILY LAVOISIER SERVICES LTD, filiale de la société SOPHONIS S.A., est présentée comme l'éditrice du site store.arbosanté.com.

L'analyse des documents communiqués revelait que les moyens humains et matériels de la société SOPHONIS S.A. étaient concentrés en FRANCE, par l'intervention importante de l'entreprise individuelle [H] [Y] pour le compte de la société de droit luxembourgeois SOPHONIS S.A. en matière de stratégie et par l'intervention de sociétés françaises prestataires en matière d'image et de développement de la marque ARBOSANTE, propriété de la société SOPHONIS S.A.

En conséquence, il pouvait être présumé que la société SOPHONIS S.A. réaliserait tout ou partie de son activité de gestionnaire de patrimoine et de son activité commerciale dans le domaine du négoce de produits phyto-aromathérapeutiques à partir du territoire national, sans souscrire aux déclarations fiscales y afférentes.

3- La société LAVOISIER FAMILY SERVICES LTD.

Cette société est immatriculée depuis le 24 mai 2016 au registre du Commerce de l'Ile Maurice, elle a pour adresse actuelle de siège social [Adresse 1] ILE MAURICE', elle exerce une activité de gestion de patrimoine ('family office') et une activité commerciale dans le domaine du négoce de produits phyto-aromathérapeutiques. Elle a pour directeur [Y] [H] - [O] depuis 2017, et pour actionnaire unique la société de droit luxembourgeois Sophonis SA.

Le groupe informel ' Lavoisier Services ' se présente sur son site internet (aujourd'hui fermé), comme compétent en matière juridique, fiscale et accompagne ses clients dans une démarche globalisée.

A partir des éléments relevés par l'administration fiscale, il pouvait être présumé que la société de droit mauricien LAVOISIER FAMILY SERVICES LTD assurait la partie 'family office' du groupe informel LAVOISIER SERVICES.

Il ressortait des éléments de l'enquête que la société LAVOISIER FAMILY SERVICES LTD a pour adresse de siège social actuel à l'ILE MAURICE celui d'une société fiduciaire (ABBAX puis OCORIAN) proposant des services de domiciliation, et n'y disposerait pas de moyens humains et matériels pour réaliser tant une activité de gestion de patrimoine ('family office') qu'une activité commerciale dans le domaine du négoce de produits phyto- aromathérapeutiques.

La société LAVOISIER FAMILY SERVICES LTD dispose d'une forme juridique de type 'GBC 1" à l'ILE MAURICE, qui se caractérise par l'exercice de ses activités hors du territoire mauricien et qui dispose d'une fiscalité privilégiée (impôt sur les sociétés au taux maximum de 3%), il pouvait être présumé que la société LAVOISIER FAMILY SERVICES LTD a bénéficié du régime fiscal privilégié dévolu aux sociétés 'off shore' de l'Ile Maurice, et ce jusqu' au 30/06/2021.

Dès lors, il pouvait être présumé que la société LAVOISIER FAMILY SERVICES LTD exerce son activité de gestion de patrimoine ('family office') et son activité commerciale dans le domaine du négoce de produits phyto-aromathérapeutiques hors du territoire mauricien et que la constitution de celle-ci à l'ILE MAURICE, en l'absence de moyens humains et matériels , était motivée pour des raisons seulement fiscales.

Il ressortait également des éléments du dossier que la société LAVOISIER FAMILY SERVICES LTD fait partie d'un groupe informel 'LAVOISIER SERVICES' rendant des prestations en matière juridique, fiscale et financière, et dont les autres structures sont localisées aux adresses d'exploitation, sises à [Localité 6] et à [Localité 5], des activités de M. [H]-[O] [Y], qui est aussi directeur et actionnaire indirect de la société mauricienne et avocat spécialisé en matière de droit fiscal international et de droit du patrimoine, via le cabinet LAVOISIER LAW.

En conséquence, il pouvait être présumé que la société de droit mauricien LAVOISIER FAMILY SERVICES LTD réaliserait tout ou partie de son activité de gestion de patrimoine et son activité commerciale dans le domaine du négoce de produits phyto-aromathérapeutiques à partir du territoire national, sans souscrire les déclarations fiscales liées à cette activité.

Au vu de ces éléments, le JLD autorisait la visite domiciliaire au sis [Adresse 2], ces locaux étant susceptibles d'être occupés à titre personnel et/ou professionnel par François Poitevin-Lavenu, avocat. Le JLD précisait que les opérations de visite et de saisies seraient effectuées conformément à l'article L 16B du LPF et à l'article 56-1 du CPP en présence du bâtonnier ou de son délégué, il désignait un autre JLD du service en charge des opérations ainsi que deux greffières qui devaient l'assister.

Les opérations de visite et de saisies se déroulaient sous le contrôle du JLD désigné dans l'ordonnance le 18 mai 2022, de 8H02 à 12H25, en présence notamment de D. V. désigné comme représentant de l'occupant des lieux et de G. S ., représentant de Madame la Batonnière de l'ordre des avocats. Il était indiqué sur le procès-verbal (page 6 ) à 11H35: 'précisons que les investigations sont achevées et qu'aucun document ne fera l'objet d'une saisie ce jour'.

Le 1er juin 2022, Monsieur [H]-[O] [Y], la société de droit luxembourgeois SOPHONIS S.A et la société de droit mauricien LAVOISIER FAMILY SERVICES LTD interjetaient appel de l'ordonnance du JLD (RG 22/09650 et RG 22/09996). Les mêmes parties exerçaient un recours contre les opérations de visite et de saisies (RG 22/09654 et RG 22/10004).

L'affaire était audiencée pour être plaidée au 8 février 2023, à cette audience la jonction des dossiers était évoquée. La décision était mise en délibéré au 15 mars 2023.

SUR L'APPEL

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d'appel de PARIS le 7 juin 2022 et par conclusions en réponse déposées le 3 février 2023 les appelants font valoir:

I. Rappel des faits et de la procédure

Les parties appelantes rappellent que l'ordonnance du JLD vise M. [H]-[O] [Y], la société de droit luxembourgeois SOPHONIS S.A, et la société de droit mauricien LAVOISIER FAMILY SERVICES LTD, elles rappellent les termes de l'ordonnance du JLD autorisant la DNEF à procéder aux opérations de visite et de saisie dans les locaux et dépendances sis [Adresse 2], et que les mesures de visite et de saisie se sont déroulées le 18 mai 2022 et qu'un procès-verbal a été établi à la suite de ces opérations.

II. DISCUSSION

1. Les visites domiciliaires fiscales doivent, lorsqu'elles sont dilligentées à l'encontre d'un avocat, être effectuées conformément aux dispositions prévues à l'article 56-1 du Code de procédure pénale.

En droit, les parties rappellent les termes de l'article 56-1 du CPP et notamment l'objectif poursuivi du législateur d'harmoniser les règles relatives à la perquisition et à la visite domiciliaire au cabinet ou au domicile d'un avocat,

Les travaux parlementaires concernant la loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice du 23 mars 2019 sont rappelés et permettent d'éclairer l'objectif du législateur, s'agissant d'harmoniser les règles relatives à la perquisition et à la visite domiciliaire au cabinet ou domicile d'un avocat.

Il en résulte que les règles protectrices de procédure et de compétence prévue à l'art 56-1 du CPP s'appliquent à toutes les mesures de perquisition visant le cabinet ou le domicile d'un avocat, y compris les opérations de visite prévues à l'article L 16B du LPF.

2. L'ordonnance est irrégulière dès lors que le JLD qui l'a prise n'était pas compétemment saisi par le magistrat.

En réponse aux observations du Parquet général qui fait valoir que l'article 56-1 du CPP n'exigerait pas que la saisine du JLD selon l'article L 16B du LPF soit effectuée par un magistrat, il est rappelé que l'art 56-1 du CPP prévoit que le JLD doit être saisi par le procureur ou le juge d'instruction à peine de nullité. Il résulte de cet article et de la circulaire d'application que sur le fondement des dispositions combinées des art L 16B du LPF et 56-1 du CPP le JLD ne doit pas être saisi par l'administration fiscale mais par un magistrat. En l'espèce, il résulte de la lecture de l'ordonnance que le JLD a été saisi par un agent de la DNEF lequel n'est pas magistrat.

L'ordonnance est donc irrégulière en ce qu'elle a été prise par une autorité qui n'était pas compétemment saisie et elle encourt l'annulation.

3. L'ordonnance est irrégulière en ce qu'elle a prévu d'autoriser un JLD à procéder aux opérations de visite et de saisie.

Les parties appelantes rappellent que les dispositions de l'article 56-1 du CPP imposent la présence du magistrat ayant initialement saisi le JLD lors de perquisitions dans le cabinet ou le domicile d'un avocat, le non respect de ces dispositions encourant la nullité.

Selon les parties appelantes, en vertu de la circulaire CRIM-2022-05/H2, le JLD doit désigner un magistrat qui peut être soit le procureur de la République, en cas de mise en oeuvre d'une enquête préliminaire, soit le juge d'instruction, en cas de mise en oeuvre d'une information judiciaire. Il ressort de l'examen de l'ordonnance du 13 mai 2022 rendue par le JLD du TJ de PARIS que celle-ci prévoit l'autorisation du JLD à un second JLD de procéder aux opérations de visites et de saisies, et non à un procureur de la République ou un juge d'instruction, contrairement aux exigences découlant de la circulaire CRIM-2022-05-H2 applicable en la matière.

Dans ces conditions, il est demandé l'annulation de l'ordonnance du 13 mai 2022.

4. A titre subsidiaire, les opérations de perquisition à l'encontre d'un avocat ne sauraient être effectuées par un JLD sans méconnaître l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant l'accès à un tribunal indépendant et impartial.

En droit, dans le cadre de l'exigence d'impartialité garantie par l'article 6 §1 de la CESDH, la Cour européenne des droits de l'Homme encadre les modalités d'intervention et les conditions d'exercice des magistrats de l'ordre judiciaire (CEDH, 1991, Borgers, CEDH, 1996, Vermeulen concernant les avocats généraux de la Cour de cassation belge; CEDH 1998, Slimane-Kaïd, concernant le parquet général de la Cour de cassation française).

Il est fait valoir que ces exigences conventionnelles interdisent qu'en matière de mesures de perquisition - procédure de nature pénale- l'autorité qui autorise ces mesures - le 'JLD'- soit également celle qui les effectue, en sa qualité de JLD, dès lors que ces autorités sont fonctionnellement et statutairement identiques.

En outre, selon les parties appelantes, les dispositions de l'article 6 de la CESDH font également obstacle à ce qu'un JLD puisse procéder aux opérations de perquisition alors que c'est ensuite un JLD qui sera amené, en cas de litige lié au placement de documents sous scellé fermé, à statuer sur la contestation dans les cinq jours suivant la réception des pièces, conformément aux dispositions de l'article 56-1 du CPP.

Il est argué qu'un JLD ne saurait être juge et partie.

Dès lors, il y a violation des dispositions de l'article 6-1 de la CESDH par l'ordonnance qui prévoit que la perquisition sera effectuée par un JLD.

Par conséquent, l'ordonnance du 13 mai 2022 sera annulée.

Par ces motifs , il est demandé de :

' Constater que les visites domiciliaires fiscales doivent, lorsqu'elles sont dilligentées à l'encontre d'un avocat, être effectuées conformément aux dispositions prévues à l'article 56-1 du CPP.

' Constater que l'Ordonnance est irrégulière en ce qu'elle a prévu d'autoriser un JLD à procéder aux opérations de visite et de saisie.

A titre subsidiaire :

' Constater que l'Ordonnance a été prise en violation des dispositions de l'article 6 de la CDSHLF

Et, en conséquence :

' Annuler l'Ordonnance rendue par le JLD près le Tribunal Judiciaire de PARIS, le 13 mai 2022 ;

' Mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ;

' Mettre à la charge de l'Etat la somme de 3.000 € (trois mille) euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 5 janvier 2023 et conclusions n°2 déposées le 3 février 2023, l'administration fiscale fait valoir :

1. Rappel préalable de la procédure

La DNEF rappelle les termes de l'ordonnance du JLD du TJ de PARIS en date du 13 mai 2022, en application des dispositions de l'article L.16B du LPF.

2. Discussion

Les termes de l'article 56-1 du code de procédure pénale sont rappelés.

Les appelants déduisent de la lecture de l'article 56-1 du CPP que celui-ci s'applique aux visites domiciliaires exécutées sur le fondement de l'article L 16B du LPF et qu'en conséquence le 'magistrat' mentionné par cet article seul compétent pour procéder aux opérations n'est pas le JLD mais - soit le Procureur de la République (enquête préliminaire), soit le juge d'instruction (information judiciaire). Une telle argumentation doit être rejetée.

Il n'est pas contesté que les dispositions de l'article 56-1 du CPP sont applicables aux visites domiciliaires fondées sur l'article L 16B du LPF. Toutefois, en vertu du principe selon lequel les lois spéciales l'emportent sur les lois générales, les dispositions de l'article 56-1 du code de procédure pénale ne s'appliquent qu'en ce qu'elles sont compatibles avec les dispositions de l'article L.16B du LPF.

La spécificité de l'article L.16B du LPF ressort de son caractère civil : aux termes de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (21 février 2008, Ravon c/ France, req. n°18497/03, point 24) la contestation portant sur la régularité d'une visite opérée sur le fondement de l'article L.16B du LPF s'analyse en une contestation sur un droit de nature civile au sens de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention, analyse partagée par la Cour de cassation (04/10:2016, n°15-10775; 26/09/2018, n°17-21800).

En second lieu, l'article L.16B du LPF est une disposition autonome qui régit le régime des visites domiciliaires demandées et exécutées par l'administration fiscale. Son régime juridique et ses règles n'entrent pas dans le cadre d'une enquête préliminaire ou dans celui d'une instruction. L'initiative de la mise en oeuvre des dispositions issues de cet article appartient uniquement à l'administration, ce qui exclut que la demande d'autorisation soit formulée tant par le procureur que par le juge d'instruction.

La spécificité du régime juridique de l'article L. 16B du LPF ne prive en rien l'avocat concerné de bénéficier des garanties offertes par l'article 56-1 CPP permettant d'assurer le respect du secret professionnel de l'avocat : les opérations sont menées par un magistrat en présence du Bâtonnier qui peuvent seuls consulter les documents avant leur saisie, le Bâtonnier peut s'opposer à la saisie de document, une procédure de contestation des saisies est prévue (etc).

Les appelants soutiennent également que l'ordonnance crittiquée aurait été prise en violation de l'article 6 de la CSDHLF au motif que le JLD qui a autorisé la visite domiciliaire a désigné un autre JLD pour procéder aux opérations de visite et de saisie, ces deux magistrats occupant donc la même fonction, et cela d'autant plus que le JLD qui a procédé aux opérations de saisie pourrait être saisi d'une demande de contestation du placement de documents sous scellés lors des opérations en vertu de l'article 56-1 du CPP, cela constituerait selon les appelants une atteinte au principe d'impartialité objective.

Une telle argumentation sera rejetée. En effet l'article L.16B du LPF prévoit d'une part que la visite domiciliaire doit être autorisée par un JLD et d'autre part que la visite et la saisie des documents s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées. L'article L. 16B du LPF précise d'ailleurs que le JLD donne toutes instructions aux agents qui participent à ces opérations. Le texte exige ainsi du JLD qui autorise les opérations de visite qu'il les contrôle (disposition déclarée conforme à la Constitution par le Conseil Constitutionnel) .Les appelants ne précisent aucunement en quoi l'ordonnance mettrait en cause le principe d'impartialité objective, étant précisé que les arrêts de la CEDH cités par les requérants ne concernent aucument la problématique soulevée.

Il n' y a aucune atteinte au principe d'impartialité objective, d'autant plus qu'en l'espèce le JLD signataire de l'ordonnance (.K.) a désigné un autre JLD (N.F.) pour suivre les opérations, étant observé que les opérations de saisie sont réalisées sous le contrôle du Batonnier. Ce dispositif légal assure le respect du principe d'impartialité.

Il est également rappelé que les décisions du JLD sur le versement des pièces au dossier peuvent faire l'objet d'un recours devant le Premier président de la Cour d'appel.

La décision du Conseil constitutionnel 2022 -1031 QPC du 19 janvier 2023 a déclaré conforme les dispositions du quatrième alinéa 56-1 du CPP, il en ressort que 'le principe d'impartialité ne s'oppose pas à ce que le JLD qui a autorisé une perquisition, statue sur la contestation d'une saisie effectuée à cette occasion par un autre JLD. En revanche les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaitre ce principe, être interprétées comme permettant qu'un même JLD effectue une saisie et staue sur sa contestation. Sous cette réserve, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité des juridictions doit être écarté'.

Par conséquent, l'argumentation des appelants sera rejetée.

Par ces motifs il est demandé de :

' confirmer l'ordonnance du JLD de PARIS du 13 mai 2022 ;

' Rejeter toutes demandes, fins et conclusions ;

' Condamner l'appelante au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par avis du 24 janvier 2023, le Ministère public fait valoir:

1. Rappel des faits et de la procédure

Après avoir rappelé que par ordonnance du 13 mai 2022, sur le fondement des art L16B du LPF et 56-1 du CPP, le JLD n°1 du TJ de Paris a autorisé les opérations de visite domiciliaire et désigné un JLD n° 2 pour procéder aux opérations, le Parquet général précise que les parties appelantes ont formé d'autres recours :

Le 24 mai 2022, devant la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de PARIS, contre l'ordonnance du 23 mai 2022, rendue par le JLD n°1, qui a validé les OVS et ordonné le versement des pièces contenues dans trois scellés (JLD/[H] UN, JLD/ [H] DEUX et JLD/ [H] TROIS). Par ordonnance du 30 mai 2022 (n°2022/03100), sous visa de l'article 56-1 du CPP, la présidente de la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance litigieuse. Le 31 mai 2022, les requérants ont formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la chambre de l'instruction précité.

Le 30 mai 2022, devant la chambre d'instruction de la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, contre une ordonnance rendue par le JLD du TJ de MARSEILLE, dans la procédure suivie contre M. [Y] [H]-[O], des chefs de fraude fiscale, faux et usage. Le président de la chambre d'instruction de la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE a, le 2 juin 2022, déclaré les appels contre l'ordonnance en contestation de saisie fiscale irrecevables, au motif que la décision n'entrait pas dans les prévisions de l'article 56-1 du CPP. A l'occasion de cette instance, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a été déposée. Des pourvois en cassation ont été formés contre l'ordonnance.

Par décision du 19 janvier 2023, le Conseil Constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du quatrième alinéa de l'article 56-1 du CPP, qui donne compétence au JLD, pour statuer sur la contestation d'une saisie de documents, à l'occasion d'une perquisition qu'il a lui-même autorisée au cabinet ou au domicile d'un avocat, sur requête de l'administration fiscale, en application de l'article L.16B du LPF.

2. L'appel et le recours devant la Première présidence de la Cour d'appel de PARIS

Concernant la contestation de la régularité de l'ordonnance du 13 mai 2022 rendue par le JLD n°1 autorisant les OVS, les appelants soutiennent que l'ordonnance est irrégulière au motif qu'elle autorise un autre JLD à procéder aux OVS, alors que les perquisitions ne peuvent être effectuées que par le procureur de la République ou par le juge d'instruction. A titre subsidiaire, ils soutiennent qu'une telle situation, résultant de l'application des articles L.16B du LPF et 56-1 du CPP, crée un doute légitime dans l'esprit du justiciable sur l'impartialité du magistrat et porte atteinte au principe protégé par l'article 6 de la CESDHLF. Ils sollicitent l'annulation de l'ordonnance.

3.L'avis du ministère public.

Le Conseil Constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l'article 56-1 al 4 du CPP qui donne compétence au JLD pour statuer sur la contestation d'une saisie de documents à l'occasion d'une perquisition dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile, qu'il a lui-même autorisée. L'ordonnance du JLD rendue le 13 mai 2022 est conforme aux dispositions de l'art 56-1 du CPP. Le Conseil Constitutionnel a assorti sa décision d'une réserve d'interprétation selon laquelle les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître ce principe, être interprétées comme permettant qu'un même JLD effectue une saisie et statue sur sa contestation. En l'espèce, la réserve du Conseil Cconstitutionnel a été mise en oeuvre par anticipation, l'ordonnance querellée est donc valide.

Concernant l'impartialité objective et au droit à un procès équitable protégé par l'article 6 de la CESDHLF, le parquet général observe :

' l'article 56-1 du CPP n'exige pas que la saisine du JLD, en application de l'article L.16B du LPF, texte spécial, soit effectuée par un magistrat, le texte donne compétence à l'administration fiscale pour saisir le JLD et procéder aux OVS,

' il importe que les contestations éventuelles sur les saisies pratiquées soient tranchées par l'autorité judiciaire (saisine de la Chambre de l'instruction ),

' le dispositif de visite et de saisie prévu par l'article L.16B du LPF doit respecter les dispositions de l'article 56-1 du CPP modifié ( la loi n°2019-222 du 23 décembre 2019),

' dans une espèce proche, le Conseil Constitutionnel, a déclaré conforme à la constitution l'article 802-2 du CPP, estimant que lorsque le JLD ordonne une perquisition, il ne peut statuer sur la demande d'annulation. Un autre JLDpeut statuer sur la question, la réserve ne porte pas sur l'aspect fonctionnel,

' l'analyse opérée par la CEDH concernant l'impartialité objective s'attache à vérifier si un juge offre des garanties suffisantes de nature à exclure tout doute légitime,

' aucune procédure de récusation n'a été mise en oeuvre, aucun fait de nature à faire naître une suspicion de partialité n'a été évoquée ni démontré.

Par conséquent, l'ordonnance entreprise n'est pas viciée, les OVS et les contestations subséquentes ont été rendues dans le respect des textes légaux.Les critiques formulées par les appelants, à titre subsidiaire, sur la violation de l'article 6-1 de la CESDHLF sur l'indépendance et l'impartialité du magistrat du siège spécialement chargé de contentieux des OVS n'est pas fondée.

Le parquet général conclut à la confirmation de l'ordonnance attaquée et à la validité des OVS. Par conséquent, le recours sera rejeté.

SUR LE RECOURS

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d'appel de PARIS le 15 novembre 2022, les requérants font valoir:

I Faits et procédure

L'ordonnance du JLD en date du 13 mai 2022 a autorisé des opérations de visite domciliaires dans les locaux sis [Adresse 2].

Les mesures de visite et de saisie se sont déroulées le 18 mai 2022, un procès-verbal de visite et de saisie a été établi à la suite de ces opérations.

II Discussion.

Les opérations de visite et de saisies sont irrégulières au regard de l'irrégularité de l'ordonnance les ayant autorisées et des règles de procédure et de compétences prévues à l'article 56-1 du CPP. En effet les opérations en matière fiscale (art L 16B du LPF) doivent, lorsqu'elles sont diligentées à l'encontre d'un avocat, être effectuées conformément aux dispositions prévues à l'article 56-1 du CPP.

Les opérations de visite et de saisie sont entachées d'irrégularité dès lors que :

' l'ordonnance du JLD d'autorisation est irrégulière au regard des règles de procdure et de compétence prévues à l'article 56-1 du CPP.

' elles ont été effectuées par une autorité qui n'était pas compétente pour les réaliser.

' à titre subsidiaire elles ne sauraient être effectuées par un JLD sans méconnaître l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant l'accès à un Tribunal indépendant et impartial.

1. Les visites domiciliaires fiscales doivent, lorsqu'elles sont dilligentées à l'encontre d'un avocat, être effectuées conformément aux dispositions prévues à l'article 56-1 du CPP.

Les requérantes rappellent les termes de l'article 56-1 du CPP et notamment l'objectif poursuivi du législateur d'harmoniser les règles protectrices de procédure relatives à la perquisition et à la visite domiciliaire au cabinet ou au domicile d'un avocat, tel qu'il ressort des rapports n°1396 et 1397 de la Commission des lois sur le projet de loi de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice et relatif au renforcement de l'organisation des juridictions .

Par suite, les règles protectrices de procédure et de compétence prévues à l'article 56-1 du CPP s'appliquent à toutes les mesures de perquisition visant le cabinet ou le domicile d'un avocat, y compris les opérations de visite et de saisie de l'article L.16B du LPF.

2. L'Ordonnance du JLD qui a autorisé les opérations de perquisition est irrègulière et entraîne, par voie de conséquence, la nullité des saisies effectuées.

Le cadre légal de l'article 56-1 du CPP est rappelé, selon lequel cet article impose la présence du magistrat ayant initialement saisi le JLD lors de perquisitions dans le cabinet ou le domicile d'un avocat, le non respect de ces dispositions encourant la nullité.

Selon les requérantes, en vertu de la circulaire CRIM-2022-05/H2, le JLD doit désigner un magistrat qui peut être soit le procureur de la République, en cas de mise en oeuvre d'une enquête préliminaire, soit le juge d'instruction, en cas de mise en oeuvre d'une information judiciaire.

Il ressort de l'examen de l'ordonnance du 13 mai 2022 rendue par le JLD du TJ de PARIS que celle-ci prévoit l'autorisation du JLD de procéder aux opérations de visite et de saisie à un second JLD et non à un procureur de la République ou un juge d'instruction.

Par suite, l'Ordonnance du JLD est irrègulière, les opérations de visite et de saisie réalisées sur le fondement de cette ordonnance sont irrégulières par voie de conséquence, et encourent l'annulation dans leur intégralité.

3. Les opérations de visite et de saisie sont également irrégulières dès lors qu'elles ont été effectuées par une autorité qui n'était pas compétente pour les réaliser.

En droit, les requérentes renvoient au point 2. ci-dessus. En l'espèce, les opérations de visite et de saisie ont été effectuées par un JLD autorisé par le JLD ayant pris l'ordonnance.

Or, un tel juge n'est pas l'un des magistrats prévus par l'article 56-1 du CPP.

Par suite, les opérations de visite et de saisie se sont déroulées de manière irrégulière et encourent la nullité dans leur intégralité.

4. A titre subsidiaire, les opérations de perquisition à l'encontre d'un avocat ne sauraient être effectuées par un JLD sans méconnaître l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant l'accès à un Tribunal indépendant et impartial.

Si le Premier président refusait de faire droit aux précédents moyens soulevés, il se livrerait à une interprétation incompatible avec le droit conventionnel européen. En effet dans le cadre de l'exigence d'impartialité garantie par l'article 6 § 1 de la CESDH, la Cour européenne des droits de l'Homme interprête de façon très stricte les exigences procédurales et juridictionnelles découlant de cet article en censurant les procédures manquant d'impartialité objective, qui met l'accent sur l'aspect fonctionnel de l'office du juge en recherchant à préserver l'apparence de neutralité. La CEDH a encadré les modalités d'intervention et les conditions d'exercice des magistrats de l'ordre judiciaire.

Il est fait valoir que cette exigence conventionnelle interdit qu'en matière de mesures de perquisition - procédure de nature pénale- l'autorité qui autorise ces mesures - le 'JLD'- soit également celle qui les effectue, en sa qualité de JLD, dès lors que ces autorités sont fonctionnellement et statutairement identiques.

En outre les dispositions de l'article 6 de la CESDH font également obstacle à ce qu'un JLD puisse procéder aux opérations de perquisition alors que c'est ensuite un JLD qui sera amené, en cas de litige lié au placement de documents sous scellé fermé, à statuer sur la contestation dans les cinq jours suivant la réception des pièces, conformément aux dispositions de l'article 56-1 du CPP. Un JLD ne saurait être juge et partie.

Ainsi, les opérations de perquisition, dès lors qu'elles ont été effectuées par un JLD, ainsi qu'il résulte du procès-verbal rédigé à l'issue de ces opérations, se sont déroulées en violation des dispositions de l'article 6 de la CESDH, et doivent être annulées.

Par ces motifs il est demandé de :

' constater que les visites domiciliaires fiscales doivent,lorsqu'elles sont dilligentées à l'encontre d'un avocat, être effectuées conformément aux dispositions prévues à l'article 56-1 du CPP ;

' constater que l'Ordonnance du JLD qui a autorisé ces opérations de perquisition est irrégulière et entraine la nullité des perquisitions effectuées ;

' constater que les opérations de visiteset de saisie sont irrégulières dès lors qu'elles ont été effectuées par une autorité qui n'était pas compétente pour les réaliser ;

' à titre subsidiaire constater que l'Ordonnance a été prise en violation des dispositions de l'article 6 de la CDSHLF;

et, en conséquence:

' annuler l'ensemble des opérations de visite et de saisie intervenues à leur encontre ;

' mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens;

' mettre à la charge de l'Etat la somme de 3.000 € (trois mille) euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 5 janvier 2023 l'administration fiscale fait valoir :

Discussion.

Les appelants déduisent de la lecture de l'article 56-1 du CPP que celui-ci s'applique aux visites domiciliaires exécutées sur le fondement de l'article L 16B du LPF et qu'en conséquence le 'magistrat' mentionné par cet article seul compétent pour procéder aux opérations n'est pas le JLD mais - soit le Procureur de la République (enquête préliminaire), soit le juge d'instruction (information judiciaire). Une telle argumentation doit être rejetée.

Il n'est pas contesté que les dispositions de l'article 56-1 du CPP sont applicables aux visites domiciliaires fondées sur l'article L 16B du LPF. Toutefois, en vertu du principe selon lequel les lois spéciales l'emportent sur les lois générales, les dispositions de l'article 56-1 du code de procédure pénale ne s'appliquent qu'en ce qu'elles sont compatibles avec les dispositions de l'article L.16B du LPF.

La spécificité de l'article L.16B du LPF ressort de son caractère civil et la contestation de la régularité des visites s'analyse en une contestation sur un droit de nature civile au sens de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention. De plus l'article L.16B du LPF est une disposition autonome qui régit le régime des visites domiciliaires demandées et exécutées par l'administration fiscale, dont le régime juridique n'entre pas dans le cadre d'une enquête préliminaire ou dans celui d'une instruction. L'initiative de la mise en oeuvre des dispositions issues de cet article appartient uniquement à l'administration.

La spécificité du régime juridique de l'article L. 16B du LPF ne prive en rien l'avocat concerné de bénéficier des garanties offertes par l'article 56-1 CPP permettant d'assurer le respect du secret professionnel de l'avocat [...].

Les appelants soutiennent également que l'ordonnance critiquée aurait été prise en violation de l'article 6 de la CSDHLF au motif que le JLD qui a autorisé la visite domiciliaire a désigné un autre JLD pour procéder aux opérations de visite et de saisie, ces deux magistrats occupant donc la même fonction, et cela d'autant plus que le JLD qui a procédé aux opérations de saisie pourrait être saisi d'une demande de contestation du placement de documents sous scellés lors des opérations en vertu de l'article 56-1 du CPP, cela constituerait selon les appelants une atteinte au principe d'impartialité objective.

Une telle argumentation ne pourra être que rejetée. En effet l'article L.16 B du LPF prévoit d'une part que la visite domiciliaire doit être autorisée par un JLD et d'autre part que la visite et la saisie des documents s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées. L'article L. 16B du LPF précise d'ailleurs que le JLD donne toutes instructions aux agents qui participent à ces opérations. Le texte exige ainsi du JLD qui autorise les opérations de visite leur contrôle (disposition déclarée conforme à la Constitution par le Conseil Constitutionnel). Les appelants ne précisent aucunement en quoi l'ordonnance mettrait en cause le principe d'impartialité objective, d'autant plus qu'en l'espèce le JLD signataire de l'ordonnance (F.K.) a désigné un autre JLD (N.F) pour suivre les opérations, étant observé que les opérations de saisie sont réalisées sous le contrôle du Batonnier. Ce dispositif légal assure le respect du principe d'impartialité.

Il est également rappelé que les décisions du JLD sur le versement des pièces au dossier peuvent faire l'objet d'un recours devant le Premier président de la Cour d'appel.

Par ces motifs il est demandé de :

' Rejeter toutes demandes, fins et conclusions ;

' Condamner l'appelante au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par avis du 24 janvier 2023, le Ministère public fait valoir:

1. Rappel des faits et de la procédure

2. L'appel et le recours devant la Première présidence de la Cour d'appel de PARIS

Concernant le recours contestant la régularité du déroulement des OVS du 18 mai 2022, il est relevé que les appelants développent les mêmes moyens, estimant que l'annulation de l'ordonnance entraine l'annulation des OVS subséquentes, qu'en tout état de cause elles n'ont pas été effectuées par une autorité compétente et qu'elles seraient contraires à l'article 6 de la CSDHLF puisque les deux JLD exercent la même fonction, ce qui serait attentatoire au principe d'impartialité objective. A l'appui de leur argumentaire les appelants versent au débats : trois amendements du 31 octobre 2018 à l'occasion des débats parlementaires dont un ( dernier al de l'art 56-1du CPP ) a été adopté et une circulaire du 28/02/20121 de la DACG.

3.L'avis du ministère public

Le Conseil Constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l'article 56-1 al 4 du CPP qui donne compétence au JLD pour statuer sur la contestation d'une saisie de documents à l'occasion d'une perquisition dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile, qu'il a lui-même autorisée. L'ordonnance du JLD rendue le 13 mai 2022 est conforme aux dispositions de l'art 56-1 du CPP. Le Conseil constitutionnel a assorti sa décision d'une réserve d'interprétation selon laquelle les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître ce principe, être interprétées comme permettant qu'un même JLD effectue une saisie et statue sur sa contestation. En l'espèce, la réserve du CC a été mise en oeuvre par anticipation, l'ordonnance querellée est donc valide.

Concernant l'impartialité objective et au droit à un procès équitable protégé par l'article 6 de la CESDHLF, le parquet général observe :

' l'article 56-1 du CPP n'exige pas que la saisine du JLD, en application de l'article L.16B du LPF, texte spécial, soit effectuée par un magistrat, le texte donne compétence à l'administration fiscale pour saisir le JLD et procéder aux OVS,

' il importe que les contestations éventuelles sur les saisies pratiquées soient tranchées par l'autorité judiciaire (saisine de la Chambre de l'instruction),

' le dispositif de visite et de saisie prévu par l'article L.16B du LPF doit respecter les dispositions de l'article 56-1 du CPP modifié (la loi n°2019-222 du 23 décembre 2019),

' dans une espèce proche, le Conseil Constitutionnel, a déclaré conforme à la constitution l'article 802-2 du CPP, estimant que lorsque le JLD ordonne une perquisition, il ne peut statuer sur la demande d'annulation. Un autre JLD peut statuer sur la question, la réserve ne porte pas sur l'aspect fonctionnel,

' l'analyse opérée par la CEDH concernant l'impartialité objective s'attache à vérifier si un juge offre des garanties suffisantes de nature à exclure tout doute légitime,

' aucune procédure de récusation n'a été mise en oeuvre, aucun fait de nature à faire naître une suspicion de partialité n'a été évoqué ni démontré.

Par conséquent, l'ordonnance entreprise n'est pas viciée, les OVS et les contestations subséquentes ont été rendues dans le respect des textes légaux.Les critiques formulées par les appelants, à titre subsidiaire, sur la violation de l'article 6-1 de la CESDHLF sur l'indépendance et l'impartialité du magistrat du siège spécialement chargé de contentieux des OVS n'est pas fondée.

Le parquet général conclut à la confirmation de l'ordonnance attaquée et à la validité des OVS. Par conséquent, le recours sera rejeté.

SUR CE,

SUR LA JONCTION :

Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convient en application de l'article 367 du Code de procédure civile et eu égard aux liens de connexité entre les affaires de joindre les instances enregistrées sous les numéros de RG 22/09650 et 22/09996 (appel) et sous les numéros de RG 22/ 09654 et 22/ 10004 (recours), qui seront regroupées sous le numéro le plus ancien.

SUR l'APPEL

Sur le moyen selon lequel les visites domiciliaires fiscales doivent, lorsqu'elles sont dilligentées à l'encontre d'un avocat, être effectuées conformément aux dispositions prévues à l'article 56-1 du CPP.

Il convient de rappeler que l'ordonnance du JLD du TJ de Paris en date du 13 mai 2022 a été rendue sur le fondement de l'article L 16B du LPF, s'agissant d'une demande présentée par l'administration fiscale suite à la découverte d'éléments laissant supposer la suspicion de présomptions de fraude de la part de deux sociétés étrangères (la société de droit luxembourgeois SOPHONIS S.A et la société de droit mauricien LAVOISIER FAMILY SERVICES LTD ) et de la part de Monsieur [H]- [O] au titre de son activité d'avocat et de conseil juridique, que s'agissant de l'autorisation de visite domiciliaire devant se réaliser dans des locaux susceptibles d'être occupés par un avocat, le JLD a dans sa décision, en sus de l'article L16B du LPF, visé expressément l'article 56-1 du CPP qui prévoit des modalités particulières d'exécution s'agissant d'une 'perquisition' dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile.

Il résulte d'ailleurs d'une lecture attentive de la décision (page 32) que le JLD de Paris a désigné nommément un autre JLD du service assisté de deux greffières, afin de procéder aux opérations de visite et de saisies, et ce conformément à ce qui est prévu par l'article 56-1 du CPP. Il convient de préciser, ainsi que le rappelle à juste titre l'administration fisacle, qu'en vertu du principe selon lequel les lois spéciales l'emportent sur les lois générales, les dispositions de l'article 56-1 du code de procédure pénale ne s'appliquent qu'en ce qu'elles sont compatibles avec les dispositions de l'article L.16B du LPF, que de plus l'article L.16B du LPF, qui revêt un caractère civil, est une disposition autonome qui régit le régime des visites domiciliaires demandées et exécutées par l'administration fiscale. Son régime juridique et ses règles n'entrent pas dans le cadre d'une enquête préliminaire ou dans celui d'une instruction.

Ainsi, l'ordonnance du JLD du TJ de Paris en date du 13 mai 2022 rendue sur le fondement de la combinaison des articles L 16B du LPF et 56-1 du CPP est conforme.

Ce moyen sera rejeté.

Sur le moyen selon lequel l'ordonnance est irrégulière dès lors que le JLD qui l'a prise n'était pas compétemment saisi par le magistrat.

Il convient de rappeler que l'ordonnance du JLD du TJ de Paris en date du 13 mai 2022 a été rendue sur le fondement de l'article L 16B du LPF, s'agissant d'une demande présentée par l'administration fiscale suite à la découverte d'éléments laissant supposer la suspicion de présomptions de fraude de la part de deux sociétés étrangères (la société de droit luxembourgeois SOPHONIS S.A et la société de droit mauricien LAVOISIER FAMILY SERVICES LTD ) et de la part de monsieur [H]- [O] au titre de son activité d'avocat et de conseil juridique, que l'article L 16B du LPF prévoit que dans le cadre de suspicions de présomption de fraude fiscale de la part d'un contribuable, l'autorité judiciaire peut-être saisie par l'administration fiscale aux fins d'autorisation de visite domiciliaire, que la mise en oeuvre de l'article 56-1 du CPP en l'espèce concerne une modalité d'exécution de la visite domiciliaire dans des lieux occupés par un avocat mais ne prive pas l'article L 16B du LPF de tout effet juridique, que la combinaison des deux articles visés par le JLD apporte des garanties supplémentaires au déroulement des opérations de visite et de saisie dans des locaux occupés par un avocat, qu'en l'espèce la saisine du JLD par l'administration fiscale est conforme à la loi et régulière.

Ce moyen sera rejeté.

Sur le moyen selon lequel l'ordonnance est irrégulière en ce qu'elle a prévu d'autoriser un JLD à procéder aux opérations de visite et de saisie.

Il convient de rappeler que l'ordonnance du JLD du TJ de Paris en date du 13 mai 2022 a été rendue sur le fondement de l'article L 16B du LPF, qu'en désignant un autre JLD du service assisté de deux greffières pour procéder aux opérations de visite et de saisie, le JLD signataire de l'ordonnance a répondu strictement aux exigences de l'article 56-1 du CPP visé à juste titre dans son ordonnance, cet article prévoyant que 'les perquisitions dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile ne peuvent être effectuées que par un magistrat [...].

Les parties appelantes prétendent que le magistrat mentionné par l'article 56-1 du CPP est seul compétent pour pouvoir procéder aux opérations de de perquisition, que le JLD doit être désigné soit par le Procureur de la République en cas de mise en oeuvre d'une enquête préliminaire, soit par le juge d'instruction en cas de mise en oeuvre d'une information judiciaire, or il convient de rappeler qu'en l'espèce, il s'agit d'une autorisation de visite domiciliaire dans le cadre de l'article L 16B du LPF , au stade de présomption de fraude, et non pas dans le cadre d'infractions pénales caratérisées, en l'espèce ni le Procureur de la République, ni le juge d'instruction n'ayant été saisi, il convient d'appliquer les dispositions de l'article L 16B qui consacre pleinement le rôle du JLD en la matière.

Ce moyen sera rejeté.

Sur le moyen selon lequel les opérations de perquisition à l'encontre d'un avocat ne sauraient être effectuées par un JLD sans méconnaître l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant l'accès à un tribunal indépendant et impartial.

Selon les parties appelantes, les dispositions de l'article 6 de la CESDH font obstacle à ce qu'un JLD puisse procéder aux opérations de perquisition alors que c'est ensuite un JLD qui sera amené, en cas de litige lié au placement de documents sous scellé fermé, à statuer sur la contestation dans les cinq jours suivant la réception des pièces, conformément aux dispositions de l'article 56-1 du CPP, qu'il y a donc une atteinte au principe d'impartialité.

Or il convient de préciser que le Conseil constitutionnel, saisi d'une QPC, après avoir rappelé les préconisations des articles L 16B du LPF et 56-1 du CPP a récemment rendu une décision (19 janvier 2023) selon laquelle ' le principe d'impartialité ne s'oppose pas à ce que le JLD qui a autorisé une perquisition statue sur la contestation d'une saisie effectuée à cette occasion par un autre JLD, en revanche les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaite ce principe, être interprétées comme permettant qu'un même JLD effectue une saisie et statue sur sa contestation. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun droit ou liberté que la constitution garantit, doivent sous cette même réserve, être déclarées conformes à la Constitution.

Il en résulte que la combinaison des articles L 16B du LPF et 56-1 du CPP telle que retenue par le JLD dans sa décision, est conforme à l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales .

Ce moyen sera rejeté.

L'ordonnance rendue par le JLD du TJ de Paris en date du 13 mai 2022 sera déclarée régulière et confirmée.

SUR LE RECOURS

Sur le moyen selon lequel les visites domiciliaires fiscales doivent, lorsqu'elles sont dilligentées à l'encontre d'un avocat, être effectuées conformément aux dispositions prévues à l'article 56-1 du CPP.

En l'espèce, il résulte de la rédaction du procès-verbal du 18 mai 2022, qui relate les opérations de visite dans les locaux sis [Adresse 2] , que les opérations ont été effectuées par un magistrat, le JLD désigné dans l'ordonnance, et en présence du délégué du Bâtonnier, et cela conformément aux dispositions de l'article 56-1 du CPP.

Ce moyen sera rejeté.

Sur le moyen selon lequel l'ordonnance du JLD qui a autorisé les opérations de perquisition est irrègulière et entraîne, par voie de conséquence, la nullité des saisies effectuées.

L'ordonnance rendue par le JLD du TJ de Paris en date du 13 mai 2022 ayant été déclarée régulière et confirmée, ce moyen est inopérant, étant observé qu'il résulte du procès-verbal contesté devant la Cour que le JLD a précisé 'qu'aucun document ne fera l'objet d'une saisie ce jour'.

Ce moyen sera déclaré inopérant.

Sur le moyen selon lequel les opérations de visite et de saisie sont irrégulières dès lors qu'elles ont été effectuées par une autorité qui n'était pas compétente pour les réaliser.

En l'espèce, il résulte de la rédaction du procès-verbal du 18 mai 2022, qui relate les opérations de visite dans les locaux sis [Adresse 2], que les opérations ont été effectuées par un magistrat, le JLD désigné dans l'ordonnance, donc par une autorité compétente pour les réaliser, t en présence du délégué du Bâtonnier, et cela conformément aux dispositions de l'article 56-1 du CPP.

Ce moyen sera rejeté.

Sur le moyen selon lequel les opérations de perquisition à l'encontre d'un avocat ne sauraient être effectuées par un JLD sans méconnaître l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant l'accès à un tribunal indépendant et impartial.

Il convient de rappeler que les opérations de visite domiciliaire en date du 18 mai 2022 ont été effectuées suite à l'ordonnance d'autorisation du JLD en date du 13 mai 2023 rendue sur le fondement des articles L 16B du LPF et 56-1 du CPP, que le Conseil Constitutionnel a, dans une décision récente du 19 janvier 2023, affirmé que la combinaison des articles L 16B du LPF et 56-1 du CPP est conforme à l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales .

Ce moyen sera rejeté.

Les opérations de visite domiciliaire en date du 18 mai 2022 seront déclarées régulières et confirmées.

Les circonstances de l'instance justifient l'application de l'article 700 du Code de procédure civile au bénéfice de la DNEF.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et en dernier ressort :

Ordonnons la jonction des instances enregistrées sous les numéros de RG 22/09650 et 22/09996 (appels) et sous les numéros de RG 22/09654 et 22/10004 (recours), qui seront regroupées sous le numéro le plus ancien (RG 22/09650) ;

Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS en date du 13 mai 202 2;

Déclarons régulières les opérations de visite effectuées en date du 18 mai 2022 dans les locaux et dépendances sis [Adresse 2] ;

Disons qu'il convient d'accorder la somme de 2000 euros (deux mille euros) à charge pour les parties appelantes à verser à la DNEF au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejetons toute autre demande ;

Disons que la charge des dépens sera supportée par les parties appelantes.

LE GREFFIER

Véronique COUVET

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

Elisabeth IENNE-BERTHELOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 15
Numéro d'arrêt : 22/09650
Date de la décision : 15/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-15;22.09650 ?
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