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15/03/2023 | FRANCE | N°21/09565

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 15 mars 2023, 21/09565


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRÊT DU 15 MARS 2023



(n°037/2023, 20 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général :21/09565 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDWSM



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mai 2021 -Tribunal de Commerce de Créteil - 2ème chambre - RG n°2017F00260





APPELANTS



M. [Y] [A]

Né le17 août 19

69 à [Localité 18] (92)

Demeurant [Adresse 4]

[Localité 12]



S.A.R.L. EXCILYS

Société au capital de 7 600 euros

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de CRÉTEIL sous le numéro...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRÊT DU 15 MARS 2023

(n°037/2023, 20 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :21/09565 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDWSM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mai 2021 -Tribunal de Commerce de Créteil - 2ème chambre - RG n°2017F00260

APPELANTS

M. [Y] [A]

Né le17 août 1969 à [Localité 18] (92)

Demeurant [Adresse 4]

[Localité 12]

S.A.R.L. EXCILYS

Société au capital de 7 600 euros

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de CRÉTEIL sous le numéro 491 735 601

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 15]

Représentés par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : W09

Assistés de Marc ARTINIAN plaidant pour la SELASU MAPG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque B 0016

INTIMES AU PRINCIPAL et APPELANTS PROVOQUES

M. [Z] [J]

Né le 23 septembre 1972 à [Localité 20] (38)

De nationalité française

Exerçant la profession de directeur de société

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 8]

M. [O] [C]

Né le 17 avril 1971 à [Localité 21] (37)

De nationalité française

Exerçant la profession de directeur de société

Demeurant [Adresse 10]

[Localité 9]

S.A.R.L. TAKIMA, anciennement EBUSINESS INFORMATION

Société au capital de 231 000 euros

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 432 709 574

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 11]

Représentés et assistés de Me Victor CHAMPEY de l'association LAUDE - ESQUIER - CHAMPEY, avocat au barreau de PARIS, toque R144

INTIMES PROVOQUES

Maître Me Gilles [U],

Pris en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société VISUAL3X

[Adresse 7]

[Localité 16]

S.E.L.A.R.L. JSA,

Prise en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société ALTENDIS

[Adresse 5]

[Localité 14]

Me Alain-François [L],

Pris en sa qualité de mandataire ad'hoc de la société ALTENDIS

[Adresse 6]

[Localité 13]

Représentés par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque P 480

Assistés de Me Jean-Baptiste LE ROY, avocat au barreau de PARIS, toque E 2313

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente et Mme Déborah BOHEE, conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre,

Mme Françoise BARUTEL, conseillère,

Mme Déborah BOHEE, conseillère,

Greffier, lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRÊT :

Contradictoire

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Un groupe informel de sociétés, sans personnalité juridique, créé et détenu par trois associés, MM. [Z] [J], [O] [C] et [Y] [A], a exercé pendant plus d'une quinzaine d'années des activités de conseils et de développement informatique, ce groupe, constitué autour de la société OPALY, étant connu et désigné sous l'appellation 'groupe EXCILYS'.

Ces sociétés étaient des SSII (sociétés de services spécialisées en ingénierie informatique) offrant des prestations informatiques, la société OPALY, créée en 2002 par MM. [A] et [C], destinée à devenir la structure de tête devant fournir les services transverses aux autres structures, étant initialement spécialisée exclusivement en conseil et coaching à destination des entreprises.

Le groupe EXCILYS se partageait des infrastructures communes, des développements de logiciels communs et les SSII réalisaient leurs prestations soit en direct, soit en sous-traitance réciproque, la société OPALY, titulaire d'une marque 'EXCILYS' déposée en 2006, la mettant à disposition des autres sociétés via des licences.

Ce groupe informel était constitué autour de deux 'pôles' :

- l'un, constitué par la société TAKIMA (anciennement dénommée EBUSINESS INFORMATION ou EBIZ), détenue majoritairement (66%) et dirigée par MM. [J] et [C], et détenue minoritairement (33%) par M. [A],

- l'autre, constitué notamment des sociétés VISUAL3X, ALTENDIS et EXCILYS (alors dénommée OPALY), ADLYS et SS2J, détenues majoritairement par M. [A] (52% à 70% selon les sociétés), et minoritairement par MM. [J] et [C] (25% à 30%).

Lors d'une assemblée générale extraordinaire tenue le 1er mai 2016, la société OPALY est devenue EXCILYS, avec désormais pour objet social et activité la prestation de services informatiques.

Fin 2016, à la suite d'un conflit entre les trois associés, ce groupe informel a éclaté et les sociétés le composant se sont séparées tout en continuant d'exercer séparément leurs activités.

C'est dans ce contexte que, par assignations des 20 et 21 février 2017, la société TAKIMA et ses co-gérants, MM. [J] et [C], ont assigné devant le tribunal de commerce de Créteil :

- les sociétés EXCILYS, VISUAL 3X, ALTENDIS, ADLYS et SS2J, M. [A] et M. [M] [F] (gérant des sociétés VISUAL 3X et ALTENDIS) pour rupture abusive de négociations menées en vue d'un protocole transactionnel,

- les sociétés EXCILYS, VISUAL 3X, ALTENDIS pour concurrence déloyale.

Les procédures ont été jointes.

La société VISUAL 3X a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Créteil du 11 juillet 2018, procédure convertie en liquidation judiciaire par jugement de ce même tribunal du 22 janvier 2020 qui a désigné Me [E] [U] en qualité de liquidateur judiciaire.

La société ALTENDIS a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Créteil du 3 mars 2021, la SELARL JSA étant désignée en qualité de liquidateur ; par ordonnance du 31 mars 2021, le président du tribunal de commerce a également désigné Me

[P] [L] en qualité de mandataire ad'hoc de la société afin d'exercer les droits propres du débiteur dans le cadre de la liquidation judiciaire et des différents contentieux impliquant cette société.

Dans son jugement rendu le 18 mai 2021, le tribunal de commerce de Créteil a :

- dit irrecevable la demande de la société TAKIMA de condamnation à paiement de la société VISUAL3X [en liquidation judiciaire] et dit que seule la demande de fixation de créance, dans la limite de la déclaration de créance, est recevable,

- pris acte des désistements de MM. [J] et [C] à l'encontre des sociétés VISUAL3X, EXCILYS, ALTENDIS, ADLYS et SS2J, ainsi qu'à l'encontre de MM. [F] et [A],

- pris acte du désistement de la société TAKIMA à l'encontre des sociétés ADLYS et SS2J, ainsi qu'à l'encontre de MM. [A] et [F],

[ces désistements concernent l'action engagée pour rupture abusive de négociations menées en vue d'un protocole transactionnel]

- dit mal fondées les demandes en concurrence déloyale à l'encontre des sociétés VISUAL3X et ALTENDIS, et débouté la société TAKIMA de ses demandes de ce chef,

- condamné la société EXCILYS à payer à la société TAKIMA la somme de 270.000 euros au titre de la concurrence déloyale et débouté la société TAKIMA du surplus de sa demande,

- condamné la société EXCILYS à payer à la société TAKIMA la somme de 42.379 euros au titre du préjudice lié à sa désorganisation générale et au trouble commercial, et débouté la société TAKIMA du surplus de sa demande,

- condamné la société EXCILYS à payer à la société TAKIMA la somme de 10.000 euros au titre

du préjudice moral et débouté la société TAKIMA du surplus de sa demande,

- débouté la société TAKIMA de sa demande de publication du jugement,

- débouté la société EXCILYS ainsi que MM. [A] et [F] de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamné la société EXCILYS à payer à la société TAKIMA la somme de 10.000 euros au titre

de l'article 700 du code de procédure civile, l'a déboutée du surplus de sa demande, et débouté toutes les autres parties de leurs demandes formées de ce chef,

- ordonné l'exécution provisoire, sous réserve qu'en cas d'appel, il soit fourni par le bénéficiaire une caution bancaire égale au montant de la condamnation prononcée à son profit,

- condamné la société EXCILYS aux dépens.

La société EXCILYS et M. [A] ont interjeté appel de ce jugement le 21 mai 2021, intimant la société TAKIMA et MM. [J] et [C]. Ces derniers se sont portés appelants à titre incident, intimant à leur tour les mandataires judiciaires des sociétés VISUAL 3X et ALTENDIS.

Dans le cadre de la procédure d'appel, les appelants à titre principal ont fait sommation à la société TAKIMA de communiquer les contrats de travail de Mme [B] depuis 2003, faisant valoir que la qualité de directrice commerciale de cette personne avait été mise en avant par les demandeurs devant le tribunal pour étayer le grief de débauchage d'une de ses salariés présentée comme une salariée clé, alors que Mme [B] n'occupait pas le poste allégué. La société TAKIMA, par le biais de son conseil, a refusé la communication de ces documents relevant, selon elle, du secret des affaires, tout en reconnaissant que le contrat de travail et les bulletins de salaire de l'intéressée, à l'époque des faits en cause, ne mentionnaient pas cette qualité de directrice commerciale.

La société EXCILYS a alors formé un incident de communication de pièces.

Par ordonnance sur incident, rendue le 8 novembre 2022, le magistrat chargé de la mise en l'état a notamment :

- débouté la société EXCILYS de sa demande de communication de pièces,

- condamné la société EXCILYS aux dépens de l'incident et au versement à la société TAKIMA et à MM. [C] et [J] d'une somme globale de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions, numérotées 4, transmises le 26 décembre 2022, la société EXCILYS et M. [A] demandent à la cour :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

- condamné la société EXCILYS à payer à la société TAKIMA la somme de 270.000 euros au titre de la concurrence déloyale,

- condamné la société EXCILYS à payer à la société TAKIMA la somme de 42.379 euros au titre du préjudice lié à sa désorganisation générale et au trouble commercial,

- condamné la société EXCILYS à payer à la société TAKIMA la somme de 10.000 euros au titre du préjudice moral,

- débouté la société EXCILYS et M. [A] de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamné la société EXCILYS à payer à la société TAKIMA la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société EXCILYS et M. [A] de leurs demandes de ce chef,

- condamné la société EXCILYS aux dépens,

- statuant à nouveau,

- de débouter la société TAKIMA et MM. [J] et [C] de l'ensemble de leurs demandes,

- de condamner in solidum la société TAKIMA et MM. [J] et [C] à payer à M. [A] et à la société EXCILYS, chacun, la somme de 20.000 euros pour procédure abusive,

- de condamner in solidum la société TAKIMA et MM. [J] et [C] à payer à M. [A] et à la société EXCILYS, chacun, la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, s'agissant des frais irrépétibles exposés en première instance,

- de condamner la société TAKIMA à payer à la société EXCILYS la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, s'agissant des frais irrépétibles exposés en première instance,

- de condamner in solidum la société TAKIMA et MM. [J] et [C] aux entiers dépens,

- de confirmer le jugement pour le surplus,

- de débouter la société TAKIMA et MM. [J] et [C] de l'ensemble de leurs demandes,

- de débouter la société TAKIMA et Messieurs [Z] [J] et [O] [C] de leur appel incident,

- en tout état de cause,

- de condamner in solidum la société TAKIMA et MM. [J] et [C] à payer à M. [A] et à la société EXCILYS, chacun, la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, s'agissant des frais irrépétibles exposés en appel,

- de condamner la société TAKIMA à payer à la société EXCILYS la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, s'agissant des frais irrépétibles exposés en appel,

- de condamner in solidum la société TAKIMA et MM. [J] et [C] aux entiers dépens d'appel.

Dans leurs dernières conclusions, numérotées 3, transmises le 2 janvier 2023, la société TAKIMA, MM. [J] et [C] demandent à la cour :

Vu les articles 1103 et 1104 nouveau (1134 ancien) du code civil,

Vu l'article 1240 nouveau (1382 ancien) du code civil,

Vu l'article L. 622-22 du code de commerce,

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté la société TAKIMA de ses demandes à l'encontre des sociétés VISUAL3X et ALTENDIS,

- limité le montant des condamnations prononcées à l'encontre de la société EXCILYS à :

- la somme de 270.000 euros, au titre de la perte de marge brute découlant des actes de concurrence déloyale,

- la somme de 42.379 euros au titre du préjudice lié à la désorganisation générale et au trouble commercial subi par la société TAKIMA,

- la somme de 10.000 euros au titre du préjudice moral de la société TAKIMA,

- statuant à nouveau :

- de juger que la société EXCILYS s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société TAKIMA et a engagé de ce chef sa responsabilité civile délictuelle,

- de juger que les sociétés VISUAL3X et ALTENDIS, en participant et contribuant au détournement de la clientèle de la société TAKIMA ainsi qu'à sa déstabilisation financière au profit de la société EXCILYS, ont violé les obligations de non-concurrence stipulées dans les contrats de sous-traitance les liant à la société TAKIMA, ainsi que leur obligation générale de loyauté contractuelle vis-à-vis de la société TAKIMA au titre de ces mêmes contrats, et ont engagé de ce chef leur responsabilité civile contractuelle,

- de juger en tout état de cause que même en l'absence de stipulation contractuelles applicables ou opposables aux sociétés VISUAL3X et ALTENDIS, ces dernières, en agissant de manière concertée et complice avec la société EXCILYS, se sont rendues coupables d'actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société TAKIMA, et ont engagé de ce chef leur responsabilité civile délictuelle,

- de juger que par leurs actes fautifs, les sociétés EXCILYS, VISUAL3X et ALTENDIS ont causé un préjudice à la société TAKIMA qu'elles doivent réparer,

- en conséquence,

- de condamner in solidum (i) la société EXCILYS, (ii) Me [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société VISUAL3X et (iii) la SELARL JSA, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ALTENDIS, à réparer l'entier préjudice subi par la société TAKIMA à raison de leurs agissements fautifs et, à ce titre, les condamner in solidum à lui payer :

- la somme de 687.559 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du manque à gagner,

- la somme de 112.379 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du trouble commercial, sauf à parfaire,

- la somme de 75.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral, sauf à parfaire,

- de juger que le montant des condamnations prononcées à l'encontre de Me [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société VISUAL3X, fera l'objet, compte tenu de l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société VISUAL3X et de la déclaration de créance régularisée par la société TAKIMA, d'une créance fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société VISUAL3X et fixer à ce titre au passif de la société VISUAL3X le montant de toute condamnation prononcée au profit de la société TAKIMA,

- de juger que le montant des condamnations prononcées à l'encontre de la SELARL JSA, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ALTENDIS, fera l'objet, compte tenu de l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société ALTENDIS et de la déclaration de créance régularisée par la société TAKIMA, d'une créance fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société ALTENDIS et fixer à ce titre au passif de la société ALTENDIS le montant de toute condamnation prononcée au profit de la société TAKIMA,

- de confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

- de débouter la société EXCILYS, M. [A], la société ALTENDIS et la société VISUAL3X de l'ensemble de leurs demandes,

- de condamner la société EXCILYS et M. [A] à payer, chacun, à la société TAKIMA la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses uniques conclusions, transmises le 1er février 2022, Me [U] en qualité de liquidateur judiciaire de la société VISUAL3X, demande à la cour :

- à titre principal :

- de débouter MM. [J] et [C] et la société TAKIMA de l'ensemble de leurs demandes à l'égard de la société VISUAL3X,

- de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions à l'égard de la société VISUAL3X,

- à titre subsidiaire :

- de limiter l'éventuelle condamnation de la société VISUAL3X au montant déclaré à son passif par la société TAKIMA, soit la somme de 500.000 €,

- en tout état de cause :

- de condamner in solidum MM. [J] et [C] et la société TAKIMA à verser la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à Me [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société VISUAL3X, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans leurs uniques conclusions, transmises le 10 février 2022, la SELARL JSA et Me [L], agissant respectivement en qualité de liquidateur judiciaire et de mandataire ad hoc de la société ALTENDIS, demandent à la cour :

- à titre principal :

- de débouter MM. [J] et [C] et la société TAKIMA de l'ensemble de leurs demandes à l'égard de la société ALTENDIS,

- de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions à l'égard de la société ALTENDIS,

- à titre subsidiaire :

- de limiter l'éventuelle condamnation de la société ALTENDIS au préjudice clairement identifié et quantifié de la société TAKIMA,

- en tout état de cause :

- de condamner in solidum MM. [J] et [C] et la société TAKIMA à verser la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société ALTENDIS ainsi qu'aux entiers dépens.

Plusieurs autres procédures sont actuellement pendantes opposant les parties, notamment :

- devant le tribunal de commerce de Nanterre, des procédures en paiement de factures impayées initiées par les sociétés VISUAL 3X, ALTENDIS, EXCILYS et ADLYS à l'encontre de la société TAKIMA,

- devant le tribunal de commerce de Créteil, une procédure en paiement initiée par la société TAKIMA à l'encontre des sociétés EXCILYS, ADLYS, ALTENDIS et VISUAL3X,

- une plainte avec constitution de partie civile déposée par M. [A] pour faux, usage de faux et abus de confiance (concernant des fausses factures qui auraient été établies par la société TAKIMA) suivie par un juge d'instruction du tribunal judiciaire de Nanterre,

- devant le tribunal de commerce de Nanterre, une action introduite par M. [A] en annulation d'une assemblée générale extraordinaire l'ayant exclu de la société TAKIMA.

L'ordonnance de clôture est du 3 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur les chefs du jugement non contestés

La cour constate que le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a :

- dit irrecevable la demande de la société TAKIMA de condamnation à paiement de la société VISUAL3X et dit que seule la demande de fixation de créance, dans la limite de la déclaration de créance, est recevable,

- pris acte des désistements de MM. [J] et [C] à l'encontre des sociétés VISUAL3X, EXCILYS, ALTENDIS, ADLYS et SS2J, ainsi qu'à l'encontre de MM. [F] et [A],

- pris acte du désistement de la société TAKIMA à l'encontre des sociétés ADLYS et SS2J, ainsi qu'à l'encontre de M. [F],

- débouté la société TAKIMA de sa demande de publication du jugement,

- débouté M. [F] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur les demandes en concurrence déloyale de la société TAKIMA

La société EXCILYS et M. [A] soutiennent que la situation contentieuse est le résultat d'une perte de confiance totale entre associés qui pilotaient conjointement plusieurs structures afin de bénéficier d'économies d'échelle et de mutualiser leurs atouts et compétences ; qu'à partir du moment où les parties n'avaient plus l'impression d'avancer dans le même sens et dans un intérêt commun, il devenait inévitable qu'une scission s'opère et que chacune reprenne son activité ; que la perte de vitesse que la société TAKIMA impute à de prétendus actes de concurrence déloyale de la part de la société EXCILYS n'est en réalité que le résultat de son incapacité à s'approprier des contrats décrochés par M. [A] - lequel est à l'origine de la constitution du groupe EXCILYS et en a été le directeur commercial, gérant l'activité commerciale de toutes les sociétés, y compris la société TAKIMA -, ainsi qu'à son incapacité à exécuter le même volume de prestations que par le passé, s'étant privée de ses sous-traitants majeurs (VISUAL 3X et ALTENDIS) ; que la société TAKIMA n'était nullement titulaire de contrats négociés par les commerciaux du groupe EXCILYS ; que la force commerciale de M. [A] et de ses commerciaux était commune à l'ensemble des sociétés et ses salaires supportés par toutes les sociétés du groupe, les commerciaux, quelle que soit la société à laquelle ils appartenaient, ayant des cartes de visite et des adresses email @excilys.com ; que les collaborateurs des différentes sociétés étaient placés indifféremment sur les missions des clients, peu important qu'ils travaillent ou non pour la société qui avait contractualisé la mission, l'essentiel étant les profils et les disponibilités ; que le fait que les contrats clients aient été hébergés chez TAKIMA relevait uniquement d'une mesure d'organisation interne, visant à faciliter, pour MM. [J] et [C] en charge de la gestion administrative et technique, l'établissement des contrats et l'affectation des salariés aux différentes missions ; que personne n'a trouvé à redire à ce fonctionnement jusqu'à ce que M. [A] comprenne que les refacturations de charges n'étaient pas exactes, et que des surfacturations étaient effectuées dans l'objectif d'éponger le déficit d'exploitation de TAKIMA au détriment des sociétés opérationnelles ; qu'aucune guerre commerciale n'a jamais opposé les parties, EXCILYS ayant simplement mis un terme à une pratique permettant artificiellement à TAKIMA de bénéficier d'un chiffre d'affaires indu ; que la société TAKIMA n'a donc aucune légitimité à revendiquer tous les contrats même ceux signés par elle, qu'elle n'a pas trouvés, définis, négociés, chiffrés, ni exécutés seule, ces contrats étant le plus souvent sous-traités aux sociétés opérationnelles ; que TAKIMA n'a donc pas davantage de droits sur les clients du groupe EXCILYS qu'aucune autre société du groupe ; qu'au travers de MM. [J] et [C], elle a en réalité indûment usurpé, en abusant de la confiance de M. [A], une place d'intermédiaire de gestionnaire de contrats, qui n'avait aucun intérêt particulier, si ce n'est favoriser ses propres intérêts ; que lorsqu'il s'est avéré nécessaire de scinder les activités, les commerciaux sont revenus à un mode de fonctionnement plus normal, les commerciaux de chaque société ayant dorénavant comme objectif de trouver des clients pour leur propre employeur et les parties devenant des opérateurs indépendants sur le marché des prestations informatiques, lequel est régi par le principe de la liberté de concurrence qui doit s'appliquer pleinement sauf à dégénérer en abus, c'est-à-dire en concurrence déloyale, laquelle n'est nullement caractérisée en l'espèce, aucun des griefs articulés n'étant fondé.

La société TAKIMA, MM. [J] et [C] contestent la version des appelants et soutiennent que la clientèle et les actifs qui ont été détournés n'ont pas été apportés originellement par M. [A] qui n'a jamais été à l'origine du développement commercial de TAKIMA ; que les succès commerciaux de TAKIMA ont été remportés par ses équipes, à savoir ses co-gérants et actionnaires majoritaires MM. [J] et [C], et ses commerciaux salariés rémunérés par elle, que M. [A] n'a jamais participé activement à la gestion quotidienne de TAKIMA ni d'une quelconque société du groupe EXCILYS (à l'exception d'OPALY, société non-opérationnelle essentielle à ses intérêts financiers), se contentant, en particulier à compter de 2006 et de la création des SSII du groupe, lesquelles devaient lui assurer une rente via OPALY, d'organiser des déjeuners avec ses « relations » et de tirer profit des compétences d'autres personnes que lui ;

qu'à supposer que M. [A] ait participé d'une quelconque manière au développement de TAKIMA, il l'a fait en qualité d'actionnaire (à hauteur de 33%) de cette société et rien ne l'autorisait à se livrer à des actes de concurrence déloyale une fois la séparation avec TAKIMA consommée, et à détourner sa clientèle au profit de la société EXCILYS dont il était l'actionnaire majoritaire et le gérant et qui n'avait, jusqu'alors, jamais eu la moindre activité de prestataire de services informatiques ; qu'il n'y avait pas de clientèle 'commune' aux sociétés du groupe informel, la séparation des intérêts commerciaux de chacune ayant été mise en place dès la création des SSII et maintenue à travers des clauses de non-concurrence incluses dans les contrats de mission ; que les contrats clients n'étaient pas logés chez TAKIMA « par facilité », mais parce que décrochés et gérés par TAKIMA et ses équipes, l'utilisation de la marque 'EXCILYS' et d'une adresse email @excilys.com n'étant pas la manifestation d'une clientèle commune entre les sociétés du groupe puisque la marque appartenait à la société OPALY (devenue EXCILYS) détenue par les trois associés fondateurs, que cette société n'avait aucune activité de prestation de services informatiques du fait de son objet social et n'était pas en position de concurrencer l'une quelconque des sociétés du groupe ; que l'utilisation de la marque avant la séparation opérationnelle du groupe n'est que l'illustration d'une modalité pratique et naturelle d'un groupe informel fonctionnant en bonne intelligence et avec des engagements de non-concurrence protégeant la clientèle de chacune des entités ; que de même, les salariés commerciaux n'étaient pas communs aux sociétés du groupe informel. Elle soutient que les trois sociétés EXCILYS, VISUAL3X et ALTENDIS ont commis à son préjudice des actes de détournement de sa clientèle à l'aide de moyens illicites et déloyaux et, par ailleurs, des actes de déstabilisation et de désorganisation.

La société TAKIMA, MM. [J] et [C] soutiennent par ailleurs que leurs demandes visant les sociétés en liquidation judiciaire VISUAL3X et ALTENDIS sont fondées. Ils font valoir que ces deux sociétés ont participé aux actes de concurrence déloyale commis par EXCILYS et engagé leur responsabilité civile contractuelle en violant de façon caractérisée les accords de non-concurrence conclus avec TAKIMA, l'ensemble des contrats de sous-traitance conclus comportant une clause de non concurrence dont la validité est vainement contestée ; que les deux sociétés ne peuvent échapper à leur responsabilité en se disant les victimes de la société EXCILYS ; qu'en effet, les actes de détournement qu'elles dénoncent visant la société EXCILYS sont distincts et postérieurs à ceux qu'elle-même invoque dans la présente instance ; qu'en outre VISUAL3X et ALTENDIS ont bien participé aux actes de concurrence déloyale commis par EXCILYS en lui fournissant les moyens de démarcher systématiquement et de détourner sa clientèle et plus particulièrement les clients JC DECAUX, CAR&BOAT, MIRAKL, SOFIA et CLUB MED, et en participant directement à sa déstabilisation financière en refusant soudainement et sans justification, d'acquitter les factures émises par TAKIMA à leur endroit correspondant aux charges du groupe informel et en mettant en place des man'uvres judiciaires abusives pour échapper à leur obligation de paiement vis-à-vis de TAKIMA. A titre subsidiaire, ils arguent que la responsabilité délictuelle des deux sociétés doit être retenue au titre des actes de concurrence déloyale qu'elles ont commis aux côtés et au profit de la société EXCILYS.

Le liquidateur judiciaire de la société VISUAL 3X oppose que le grief de détournement de clientèle n'est pas fondé dès lors, d'une part, que les clauses de non-concurrence stipulées dans les contrats de sous-traitance liant la société VISUAL 3X à la société TAKIMA ne sont pas valides, les contrats ayant été signés par la même personne pour les deux sociétés et la rédaction des clauses étant illicite comme ne répondant pas à la condition de proportionnalité quant à son objet, et d'autre part, qu'il est fondé à solliciter l'application de l'exception d'inexécution prévue par l'article 1219 du code civil, la société TAKIMA s'étant toujours opposée au règlement des prestations effectuées par la société VISUAL3X (pour plus d'un million d'euros) alors que les comportements litigieux sont le fait de M. [A] et de la société EXCILYS et ont été commis fin 2016 et au début de l'année 2017, après la réalisation des prestations, et que VISUAL3X a approché un seul client de la société TAKIMA (MIRAKL) 9 mois après le défaut de règlement, alors que la société n'avait d'autre choix (TAKIMA ne lui confiant plus de prestations) que d'accepter les prestations sous-traitées par EXCILYS afin de survivre. Le mandataire judiciaire plaide par ailleurs que la responsabilité délictuelle de la société VISUAL3X ne peut pas davantage être retenue dès lors que les faits reprochés sont le fait de M. [A] et de la société EXCILYS, celle-ci étant désormais l'unique détentrice de la clientèle prétendument détournée, que VISUAL3X est restée la sous-traitante de la société EXCILYS, ce qui ne peut lui être reprochée, et que la circonstance que M. [A] ait été le dirigeant de fait de la société VISUAL3X (comme de la société ALTENDIS) ne suffit pas à établir la faute de cette dernière. Le mandataire judiciaire demande subsidiairement une limitation de l'éventuelle condamnation de la société, faisant valoir que les différents préjudices invoqués par la société TAKIMA ont varié au cours de l'instance et ne sont pas étayés et que la société TAKIMA n'a déclaré sa créance que pour un montant de 500 000 €.

Le liquidateur judiciaire et le mandataire ad'hoc de la société ALTENDIS contestent les griefs qui sont formulés à l'encontre de cette dernière. Ils indiquent pouvoir entièrement reprendre à leur compte l'argumentation de la société TAKIMA quant aux comportements dénoncés de la société EXCILYS ; que la société ALTENDIS qui n'est pas la complice d'EXCILYS mais sa victime, dès lors que cette dernière a capté sa clientèle ; que l'une des rares décisions notables de son gérant, M. [F], mis en place par M. [A], a été d'accorder un contrat de travail à des conditions choquantes à l'épouse de M. [A] (277 000 € annuels environ pour un poste de directrice de programme), celle-ci travaillant en fait manifestement pour EXCILYS (son salaire étant partiellement refacturé à cette dernière) ; que le changement de nom de la société OPALY pour EXCILYS a eu des effets de confusion à l'égard de sa clientèle ; que M. [F] n'était pas rémunéré par ALTENDIS mais apparemment par EXCILYS ; que la société a enregistré un effondrement de son chiffre d'affaires concomitant à la progression fulgurante de celui d'EXCILYS et au moment où la société TAKIMA a décidé de cesser de lui régler ses prestations et de lui confier de nouvelles missions. Pour les mêmes motifs que ceux présentés pour le compte de la société VISUAL3X, les mandataires judiciaires de la société ALTENDIS concluent au rejet des demandes fondées sur la responsabilité tant contractuelle que délictuelle de la société et, subsidiairement, à la limitation d'une éventuelle condamnation.

Sur les actes de concurrence déloyale allégués

Sur les actes de détournement de clientèle reprochés à la société EXCILYS

La société TAKIMA soutient que le détournement de sa clientèle est intervenu, d'une part, grâce à des 'man'uvres préparatoires', à savoir la modification clandestine de l'objet social et de la dénomination de la société OPALY (devenue EXCILYS le 1er mai 2016) et l'appréhension frauduleuse de son fichier clients et, d'autre part, grâce à des actes de démarchage systématique et massif de ses clients puisés dans son fichier clients, de dénigrement, de propositions commerciales anormalement basses ou visant à générer de la confusion dans l'esprit des clients démarchés dans le but de les convaincre de contracter avec elles.

' sur le changement clandestin de la dénomination et de l'objet social de la société OPALY

Il est établi que le 1er mai 2016, qui était un dimanche et jour férié, M. [A] a tenu seul une assemblée générale extraordinaire de la société OPALY, dont il était alors l'actionnaire majoritaire et l'unique gérant, avec pour ordre du jour la modification de son objet social et de sa dénomination, la société devenant ainsi EXCILYS ayant pour activité la fourniture de prestations de services informatiques. Dans un jugement du 12 juin 2018, dont ni M. [A] ni la société OPALY n'ont interjeté appel et qui est donc définitif, le tribunal de commerce de Créteil, saisi par MM. [J] et [C], a annulé cette assemblée générale et ordonné à la société OPALY devenue irrégulièrement EXCILYS et à son gérant, M. [A], de procéder aux démarches nécessaires au rétablissement de la dénomination et de l'objet social de la société dans leur état antérieur.

Ces éléments accréditent la thèse de la société TAKIMA et de MM. [J] et [C] selon laquelle cette manoeuvre visait à permettre à la société OPALY/EXCILYS, non liée par une clause de non concurrence vis-à-vis de la société TAKIMA, avec laquelle elle n'avait jamais conclu de contrat de sous-traitance puisqu'elle n'avait qu'une activité de conseil et coaching, d'exercer une activité de prestation de services informatiques en concurrence avec la société TAKIMA, sans être liée par un engagement de non concurrence, tout en se prévalant de la marque 'EXCILYS' utilisée par les SSII du groupe.

La circonstance qu'en septembre 2018, MM. [J] et [C], selon eux à la suite de pressions et de menaces, lesquelles ne paraissent pas invraisemblables à la lecture du procès-verbal d'une assemblée générale tenue le 20 juillet 2018 et du rapport du gérant communiqué à cette occasion (M. [A] dénonçant la contestation par ses co-associés de la précédente assemblée générale comme manifestant un 'véritable pouvoir de nuisance délibéré', faisant état du fait que la société EBUSINESS INFORMATION avait largement profité de facilités, particulièrement sous leur gestion 'au point qu'une plainte pénale pour faux et usage de faux a été déposée', indiquant qu'à défaut d'accepter les modifications prévues, la société EXCILYS, devenue alors OPALY, ne pourrait pas exercer d'activité de prestation de services et que 'si d'aventure Messieurs [J] et [C] refusaient l'adoption de ces résolutions, il en sera alors tiré toutes les conclusions' - pièce 76), ont finalement décidé d'accepter de changer la dénomination et l'objet social de la société conformément à la demande de M. [A], ne fait pas disparaître le caractère déloyal de la modification votée irrégulièrement à l'insu des associés en mai 2016 ni le fait que cette manoeuvre a permis, pendant deux années, à la société OPALY de concurrencer directement la société TAKIMA.

' sur l'appréhension du fichier client de TAKIMA

Mme [N] [W], épouse de M. [A], qui occupait au sein de la société TAKIMA un poste de directrice de programme dans l'équipe commerciale, a bénéficié, dans le contexte des tensions entre les partenaires apparues en 2016, d'une rupture conventionnelle le 6 octobre 2016.

La société TAKIMA justifie que le 10 octobre 2016, elle a adressé le mail suivant à 'Managers EXCILYS' : 'Pour Info : j'ai desactivé des iDs de eBiz [TAKIMA, à l'époque dénommée EBUSINESS INFORMATION ou EBIZ] dans SUGAR par contre nous allons avoir un problème parce que nous ne voyons plus leurs comptes donc demain je ferai une manip pour basculer toutes leurs activités vers "bourse' pour que tout soit visible par tout le monde.' (pièce 27).

Ce courriel établit que Mme [N] [W] a donné accès aux managers des sociétés OPALY/EXCILYS, VISUAL3X et ALTENDIS à des informations commerciales de la société TAKIMA contenues dans le logiciel de gestion de la relation client SUGAR CRM (Customer Relationship Management).

La société TAKIMA expose, sans être contredite utilement, que si elle et les autres sociétés du groupe partageaient la même infrastructure informatique, en ce compris le même logiciel SUGAR CRM, les informations commerciales, au sein de ce logiciel, n'étaient pas mises en commun entre les différentes entités, mais étaient en accès restreint à chaque commercial, selon les clients dont ce commercial était responsable, ce qui est du reste corroboré par la teneur du mail de Mme [N] [W] duquel il ressort qu'une manipulation était nécessaire pour désactiver les 'iDs' [identifiants] des commerciaux de TAKIMA, puis pour rendre le fichier client 'visible par tout le monde'. Le caractère frauduleux de l'intervention de Mme [N] [W] sur le logiciel ressort à suffisance du moment où elle prend place (quelques jours après l'obtention de sa rupture conventionnelle) et de la teneur même de son message ('j'ai desactivé des iDs', 'je ferai une manip', 'leurs activités'...) et il n'est pas douteux, comme le souligne la société TAKIMA, que Mme [N] [W] était parfaitement consciente du fait qu'elle ouvrait ainsi aux autres sociétés du groupe l'accès à des informations qui ne leur appartenaient pas mais qui appartenaient à la seule société TAKIMA et qu'elle n'a pas effectué ainsi un simple acte d'administration du logiciel comme le plaide la société EXCILYS.

La société TAKIMA produit en outre une pièce 28 qu'elle présente comme un fichier créé par les sociétés OPALY/EXCILYS, VISUAL3X et ALTENDIS compilant les informations clients de TAKIMA : ce document, dont l'authenticité n'est pas contestée par la société EXCILYS, fait apparaître, à côté du nom de certains clients de TAKIMA, la mention 'OK' avec le prénom d'un commercial du groupe chargé du démarchage desdit clients et peut être considéré comme un document préparant un éventuel détournement de clients. La cour relève que ce document ne comporte pas seulement des noms de clients mais des informations quant à leur qualité ('customer', 'prospect', 'piste', 'partner'...) et leur 'potentiel' ('fort', 'à voir', 'moyen'...).

La société EXCILYS argue que les informations clients étaient très régulièrement communiquées à toute l'équipe commerciale des sociétés du groupe, en dehors du logiciel SUGAR CRM, par le biais d'un ficher EXCEL envoyé chaque semaine à tous les commerciaux et à travers l'adresse partagée [Courriel 17] à laquelle chacun était tenu d'envoyer les informations de prospection (démarrages de mission, nouveaux rendez-vous, etc.). Mais la pièce 98 qu'elle produit à cette fin est un compte-rendu de réunion commerciale qui ne comporte pas de noms de clients mais des informations relatives à la disponibilité de consultants ou de candidats 'pour faire un switch' ou encore les rapports de satisfaction du mois et ne peut donc étayer sa thèse, d'autant que cette thèse ne permet pas de comprendre les raisons du caractère manifestement dissimulé de l'intervention de Mme [N] [W] sur le logiciel de gestion de la relation client SUGAR CRM à la veille de son départ de la société TAKIMA.

' sur le démarchage systématique et le détournement effectif de la clientèle de TAKIMA

Les contrats de sous-traitance conclus entre la société TAKIMA et les sociétés VISUAL 3X ou ALTENDIS comportaient une clause de non-concurrence rédigée en ces termes : 'Article 8 - NON CONCURRENCE - Le Prestataire [i.e. la SSII] s'engage à assurer ses prestations au nom du Bénéficiaire [i.e. TAKIMA], à ne pas faire de publicité pour son propre compte directement ou par l'intermédiaire d'une société tierce et à ne pas concurrencer le Bénéficiaire en profitant de la situation de fournisseur dans laquelle il se trouve auprès des clients du Bénéficiaire. Notamment , il est strictement interdit au Prestataire de faire état de son statut de non salarié du Bénéficiaire auprès de ces clients. Les clients dont il est question sont ceux mentionnés dans l'article III des Conditions Particulières. Le Prestataire et ses filiales s'interdisent d'agir en leur nom propre chez ces Clients pendant la durée du contrat et les douze mois qui suivront son expiration (...)'.

L'existence même de cette clause de non-concurrence insérée dans les contrats de sous-traitance accrédite la thèse de la société TAKIMA selon laquelle sa clientèle n'était pas commune à l'ensemble des sociétés du groupe informel.

Il ressort des pièces au dossier que la société JC DECAUX, qui était cliente de la société TAKIMA avec laquelle elle justifie avoir réalisé un chiffre d'affaires de plus de 507 000 € au titre de l'année 2016, a été démarchée par M. [H], se présentant comme étant en charge de la direction commerciale au sein du groupe EXCILYS, à la fin de l'année 2016 (pièces 29-3 et 29-5) et qu'en septembre 2017, cette société a mis fin à la mission confiée à TAKIMA (qui avait détaché un salarié de VISUAL3X) pour le remplacer par M. [V],'consultant informatique chez EXCILYS'. Selon l'attestation de son expert-comptable, la société EXCILYS a enregistré avec ce nouveau client un chiffre d'affaires de 60 175 € sur l'exercice 2017/2018. M. [A] fait valoir qu'en tant que directeur commercial désigné du groupe EXCILYS, il suivait à ce titre l'ensemble des relations avec les clients et était en l'occurrence un interlocuteur privilégié de la société JC DECAUX, mais la société TAKIMA justifie que ce client était suivi essentiellement par Mme [B] alors que M. [A] n'était pas spécialement en charge de la prospection et de la gestion de la relation avec les clients.

La société CAR&BOAT, dont la société TAKIMA justifie qu'elle était l'un de ses clients avec lequel elle a réalisé un chiffre d'affaires de plus de 311 322 € en 2016, a adressé un message à M. [J] (gérant de TAKIMA) le 6 avril 2017 pour déplorer que la société TAKIMA ne payait pas les salariés intervenant en sous-traitance chez CAR&BOAT et lui demander de 'régler ça avant qu'il essaye d'appeler quelqu'un d'autre chez nous...', puis a transmis le 30 mai 2017 à la société TAKIMA l'offre que venait de lui adresser M. [H], concernant une 'nouvelle approche' commerciale consistant à mettre à la disposition des 'clients historiques' de jeunes ingénieurs stagiaires 'totalement gratuitement' pendant quatre mois, à la condition que ces stagiaires puissent d'être chaperonnés par un ingénieur EXCILYS. Pour l'exercice 2017/2018, la société EXCILYS a enregistré un chiffre d'affaires de 122 312 € avec ce client (attestation de son expert-comptable). Le fait que l'interlocuteur du groupe EXCILYS chez CAR&BOAT, était un ancien collaborateur de M. [A] chez un précédent employeur, devenu ensuite l'un des gérants d'une des SSII du groupe EXCILYS, ne fait pas disparaître le détournement, rendu possible notamment par le changement d'activité frauduleux de la société OPALY/EXCILYS en mai 2016. S'il n'est pas contesté que le client n'a pas été totalement perdu par la société TAKIMA, il a fait partie en 2017/2018 de la clientèle de la société OPALY/EXCILYS qui a pu déclarer un premier chiffre d'affaires réalisé avec lui de 122 321 € au titre de cette période. Le détournement de ce client doit donc être retenu.

Il en est de même du CREDIT AGRICOLE, client de la société TAKIMA depuis 2016 avec lequel elle a réalisé 230 580 € de chiffre d'affaires au cours de cette même année, et avec lequel des contrats n'ont pas été renouvelés alors que le CREDIT AGRICOLE est devenu en 2017 le client de la société OPALY/EXCILYS qui a pu déclarer à ce titre un chiffre d'affaires de 222 804 € au titre de l'exercice 2017/2018.

La société ETAI, cliente de la société TAKIMA ayant généré un chiffre d'affaires de 442 475 € en 2016 au titre de plusieurs missions, a été détournée par la société EXCILYS qui a mis à sa disposition trois stagiaires à l'été 2017 et elle a mis fin, le 20 juillet 2017, à la mission exécutée en sous-traitance par un salarié d'ALTENDIS pour le compte de TAKIMA. La société OPALY/EXCILYS a enregistré en 2017/2018, pour la première fois, un chiffre d'affaires de 54 850 € avec ce client.

Le détournement est également établi avec SYNCHROTRON, quand bien même cet établissement n'avait confié qu'une seule mission de trois jours à la société TAKIMA en février 2016 et que la prestation proposée à ce client par la société OPALY/EXCILYS en novembre 2016 portait sur une mission de seulement 5 jours ayant généré un chiffre d'affaires de 14 700 € (46 660 € au titre de l'exercice 2027/2018).

Le détournement de client est pareillement réalisé avec les clients suivants :

- SOFIA : la société TAKIMA justifie avoir réalisé en 2016 un chiffre d'affaires de 284 037 euros HT avec ce client en détachant notamment un salarié d'ALTENDIS dans le cadre d'une mission de sous-traitance ; il est établi qu'en janvier 2017, la société OPALY/EXCILYS a contracté avec la société SOFIA pour le détachement d'un salarié de la société VISUAL3X et que la société OPALY/EXCILYS a réalisé pour la première fois sur l'exercice 2016/2017 un chiffre d'affaires de 27 075 euros avec ce client (181 212 euros sur l'exercice 2017/2018) ; le détournement dans le contexte exposé supra de changement d'activité de la société OPALY/EXCILYS est constitué, peu important que la société SOFIA n'ait par ailleurs pas totalement cessé ses relations avec la société TAKIMA ;

- CLUB MED : la société TAKIMA justifie avoir réalisé en 2016 un chiffre d'affaires de 103 880 euros avec ce client ; en janvier 2017, la société OPALY/EXCILYS a contracté avec CLUB MED pour le détachement d'un salarié de la société VISUAL3X ; la société OPALY/EXCILYS a réalisé pour la première fois sur l'exercice 2016/2017 un chiffre d'affaires de 19 237 euros avec ce client (407 660 euros sur l'exercice 2017/2018) ; le détournement dans le contexte exposé supra de changement d'activité de la société OPALY/EXCILYS en mai 2016 est constitué, peu important que la société CLUB MED n'ait par ailleurs pas totalement cessé ses relations avec la société TAKIMA ;

- EILEO : la société TAKIMA justifie avoir réalisé en 2016 un chiffre d'affaires de 181 100 euros avec ce client ; en février 2017, la société OPALY/EXCILYS a contracté avec EILEO pour le détachement d'un salarié et a réalisé pour la première fois sur l'exercice 2016/2017 un chiffre d'affaires de 16 625 euros avec ce client (252 225 euros sur l'exercice 2017/2018) ;

- WANAKA : la société TAKIMA justifie avoir réalisé en 2016 un chiffre d'affaires de 39 985 euros avec ce client ; la société OPALY/EXCILYS a réalisé pour la première fois sur l'exercice 2016/2017 un chiffre d'affaires de 9 500 euros avec ce client (18 525 euros sur l'exercice 2017/2018) qui a donc bien été détourné ;

- LE FIGARO : la société TAKIMA justifie avoir réalisé en 2016 un chiffre d'affaires de 39 985 euros avec ce client ; la société OPALY/EXCILYS a réalisé pour la première fois sur l'exercice 2017/2018 un chiffre d'affaires de 48 687 euros avec ce client qui a donc bien été détourné ;

- ETAM : la société TAKIMA justifie avoir réalisé en 2016 un chiffre d'affaires de 211 375 euros avec ce client ; la société OPALY/EXCILYS a réalisé pour la première fois sur l'exercice 2017/2018 un chiffre d'affaires de 93 450 euros avec ce client qui a donc bien été détourné ;

- INVESTINT : la société TAKIMA indique avoir réalisé en 2016 un chiffre d'affaires de 26 600 euros avec ce client ; la société OPALY/EXCILYS a réalisé pour la première fois sur l'exercice 2017/2018 un chiffre d'affaires de 19 950 euros avec ce client qui a donc bien été détourné ;

- FONCIA : la société TAKIMA indique avoir réalisé en 2016 un chiffre d'affaires de 50 000 euros avec ce client ; la société OPALY/EXCILYS a réalisé pour la première fois sur l'exercice 2016/2017 un chiffre d'affaires de 4 000 euros avec ce client qui a donc bien été détourné ;

- SMART CAPITAL : la société TAKIMA indique avoir réalisé en 2016 un chiffre d'affaires de 67 362 euros avec ce client ; la société OPALY/EXCILYS a réalisé pour la première fois sur l'exercice 2016/2017 un chiffre d'affaires de 36 450 euros avec ce client (61 425 euros sur l'exercice 2017/2018) qui a donc bien été détourné.

En revanche, le détournement effectif des clients LA POSTE, MEDIAPOST, RATP n'est pas démontré au vu des pièces visées par la société TAKIMA, des invitations par M. [A] proposées à des représentants de ces clients ou l'organisation d'un rendez-vous téléphonique avec l'un de ces représentants ne valant pas preuve du détournement desdits clients. Il en est de même du client EDF dont la preuve n'est pas rapportée qu'il est devenu le client d'EXCILYS. La perte de la société MIRAKL n'est pas démontrée ni même prétendue.

Ainsi, la société TAKIMA démontre que la société EXCILYS a détourné 14 de ses clients. Ces détournements sont constitutifs d'actes de concurrence déloyale, sans que la société EXCILYS puisse se prévaloir du principe de la liberté de concurrence, dès lors que la société OPALY, qui était depuis sa création en 2002, une société de conseil en stratégie n'intervenant pas en matière de prestations informatiques, n'a pu le faire entre 2016 (assemblée générale irrégulière du 1er mai 2016) et 2018 (assemblée générale du 27 septembre 2018 ayant décidé des modifications statutaires avec l'accord de MM. [J] et [C]) qu'au prix de manoeuvres illicites, la circonstance, alléguée par la société EXCILYS, que la société OPALY avait vocation à devenir 'tôt ou tard' une SSII comme les autres entités du groupe, à la supposer avérée, étant sans emport.

Sur les actes de déstabilisation et de désorganisation reprochés à la société EXCILYS

La société TAKIMA soutient que les manoeuvres de la société EXCILYS ont consisté d'une part à désorganiser son équipe commerciale et, d'autre part, à assécher sa trésorerie jusqu'à menacer sa continuité d'exploitation.

' la tentative de débauchage de Mme [B], responsable commerciale de la société TAKIMA

Il est établi que Mme [B] était, depuis 2003, salariée de la société TAKIMA (à l'époque EBUSINESS INFORMATION) où elle a occupé les fonctions d'assistante commerciale puis, en 2016, de chargée d'affaires au salaire de base brut de 2 600 € (130 287 € brut pour l'année 2016) ; que le 26 août 2016, elle a déposé une main courante dans laquelle elle a déclaré notamment : ' je subi une forte pression d'un de mes patrons, Monsieur [A] [Y], dans ma société eBusiness Information, depuis environ 6 mois. En effet, celui-ci exige que j'intègre son autre société Excilys, qui se trouve dans les mêmes locaux (...) à [Localité 19] (94), car il n'aura bientôt plus de prise de décision sur eBusiness suite à une séparation des associés. Sachant que je gère la partie commerciale, il veut que je rejoigne son autre société. Il joue sur le fait que c'est lui qui m'a recruté il y a 13 ans. Sur le fait qu'il m'a formé, qu'on a travaillé ensemble pendant plusieurs années. Je suis suivie par un psychologue, en partie dû à cette histoire, depuis 4 mois (...) Je ne souhaite pas le rejoindre dans son autre société, car justement, ça m'arrange de ne plus travailler avec lui. Il m'a menacé que si je ne le rejoignais pas, ça serait la guerre, il me ferait perdre mes clients, et me tiendra responsable de l'échec de toutes les sociétés. Je tiens à préciser que c'est quelqu'un de très imposant par son charisme et sa prestance. C'est très compliqué de lui dire ce qu'on pense. Il ne m'a pas fait de menace sur mon intégrité physique. Il est très impressionnant et il joue de ça. Je vais voir mon médecin ce soir pour me faire arrêter quelques temps, le temps que les choses se calment' ; qu'elle a été placée en arrêt de travail pour une semaine à la fin août 2016.

Au vu de ces éléments, c'est à juste raison que le tribunal de commerce a retenu l'existence de pressions très importantes exercées sur cette salariée de la part du gérant de la société OPALY/EXCILYS afin qu'elle quitte la société TAKIMA pour rejoindre la société OPALY/EXCILYS, faits qui révèlent une tentative de débauchage et sont, en soi, malgré l'insuccès de l'entreprise, Mme [B] étant demeurée chez son employeur, constitutifs de concurrence déloyale.

Il est indifférent que M. [A] ait personnellement embauché Mme [B], ce qui est au demeurant contesté par la société TAKIMA qui observe pertinemment qu'en 2003, M. [A] n'était ni le gérant ni le salarié de la société EBUSINESS INFORMATION et qu'il n'a pu que recommander l'intéressée au dirigeant de TAKIMA, et qu'en 2005, soit 11 ans avant les faits litigieux, Mme [B] lui ait témoigné de la reconnaissance, de l'admiration ou même de l'attachement.

' la déstabilisation financière menaçant la continuité de l'exploitation de la société TAKIMA

La société TAKIMA, MM. [J] et [C] dénoncent le refus des sociétés du groupe EXCILYS, à partir de l'été 2016, d'acquitter, sans aucun motif et en contradiction totale avec le fonctionnement mis en place depuis près de quinze ans, toutes sommes dues à TAKIMA au titre notamment de la refacturation des frais de fonctionnement, et leur décision de poursuivre dans le même temps à son encontre le paiement de leurs propres factures de prestations de sous-traitance. Ils exposent que les tensions de trésorerie qui en ont résulté ont menacé la pérennité de son activité.

La société EXCILYS répond notamment que des actions en paiement ont été engagées de part et d'autre, le total des sommes réclamées par TAKIMA étant de 1 173 038 € alors que le total des sommes réclamées par elle-même, ADLYS, ALTENDIS et VISUAL3X s'élève à 1 793 809 € et que c'est la société TAKIMA qui tente de déstabiliser financièrement le groupe EXCILYS.

Des procédures sont actuellement en cours, devant les tribunaux de commerce de Créteil et de Nanterre, concernant les demandes en paiement réciproques des parties, de sorte que la cour ne dispose pas des éléments lui permettant d'apprécier le caractère fautif des comportements dénoncés. Les griefs énoncés de ce chef ne peuvent donc être retenus à l'encontre de la société EXCILYS.

Sur la situation des sociétés VISUAL 3X et ALTENDIS

Les contrats de sous-traitance conclus entre la société TAKIMA et les sociétés VISUAL 3X ou ALTENDIS sont signés par des personnes distinctes contrairement à ce qui est affirmé. La clause de non-concurrence qu'ils comportent, présentée ci-dessus, est à la fois limitée dans le temps (la durée du contrat et les douze mois suivant son terme) et dans son objet (l'exécution de prestations pour et chez le client désigné dans le contrat) et justifiée par l'intérêt légitime de la société TAKIMA à protéger sa clientèle dans le cadre des missions de sous-traitance exécutées chez cette clientèle par d'autres sociétés du groupe EXCILYS qui, exerçant strictement la même activité qu'elle, sont directement concurrentes. La clause est également proportionnée compte tenu du risque de détournement de clientèle encouru par la société TAKIMA et du fait que la clause est limitée au seul client concerné par le contrat, ce qui n'interdisait donc pas aux sociétés VISUAL3X et ALTENDIS de développer leur activité auprès d'autres clients. La clause de non-concurrence est donc valable et les mandataires judiciaires des sociétés VISUAL3X et ALTENDIS arguent vainement de sa nullité ou de son inopposabilité.

La cour, qui ne peut se prononcer sur le bien-fondé des demandes en paiement réciproques des parties dont sont actuellement saisies d'autres juridictions, ne retiendra pas l'exception d'inexécution plaidée par les mandataires judiciaires des deux sociétés en liquidation.

En revanche, il ressort des écritures de la société TAKIMA (notamment, pages 18 et 43) que les sociétés VISUAL 3X et ALTENDIS étaient gérées de fait par M. [A], actionnaire majoritaire, qui avait repris leur gestion en révoquant leurs gérants respectifs, soit M. [J] en juin 2016 et M. [R] en décembre 2016, nommant à la tête de ces deux sociétés un de ses proches, M. [F], en qualité de gérant. Il ressort par ailleurs des développements qui précèdent relatifs au détournement des clients de la société TAKIMA que les faits litigieux ont essentiellement profité à la société EXCILYS. La cour observe encore que dans le cadre de l'examen du plan de cession de la société ALTENDIS, lors d'une audience du tribunal de commerce de Créteil du 2 juin 2021, le représentant du ministère public s'est déclaré défavorable à l'offre de reprise présentée par une société de prestations informatiques OXYL, détenue et dirigée par M. [A], en indiquant notamment 'La société ALTENDIS a été entravée par 2 sociétés dont elle dépendait et dont l'associé majoritaire est M. [A]. Ce dernier exerce une forme de prédation sur la société ALTENDIS (...)'.

Ces éléments, ajoutés à ceux invoqués par la société ALTENDIS quant à la gestion et à la rémunération de M. [F] par la société EXCILYS, laissant paraître un possible conflit d'intérêts évoqué par les associés d'ALTENDIS lors d'une assemblée générale du 14 janvier 2019 (pièce 20 de ALTENDIS), conduisent à retenir que les deux sociétés, aujourd'hui en liquidation judiciaire, ont été davantage instrumentalisées que complices des agissements reprochés à la société EXCILYS.

Le jugement sera, pour ces motifs, confirmé en ce qu'il a dit mal fondées les demandes en concurrence déloyale à l'encontre des sociétés VISUAL3X et ALTENDIS, sur les terrains tant contractuel que délictuel, et débouté la société TAKIMA de ses demandes dirigées contre ces deux sociétés représentées par leurs mandataires judiciaires.

Sur les mesures réparatrices

Au visa de l'article 1240 du code civil, la société TAKIMA demande réparation :

- de sa perte de chiffre d'affaires du fait du détournement massif de sa clientèle commis à compter du dernier semestre 2016 et de la perte de commandes qui en est résultée, soit 687 559 € pour les pertes des exercices 2016/2017 et 2017/2018,

- du préjudice lié à sa désorganisation générale et à son trouble commercial, soit 112 379 euros, dont 12 379 euros correspondent aux frais et intérêt encourus en 2017 et 2018 au titre du prêt bancaire et au contrat d'affacturage qu'elle a dû souscrire aux mois de juin et août 2017,

- de son préjudice moral à raison de l'atteinte portée à son image et à sa réputation par les actes de dénigrement à son égard, notamment auprès des clients MIRAKL et CAR & BOAT (75 000 €).

La société EXCLILYS répond que les préjudices invoqués ne sont pas démontrés ; que la chute du chiffre d'affaires de la société TAKIMA est la conséquence de son incapacité à répondre aux besoins du marché et ne peut être le corollaire de l'augmentation simultanée de son propre chiffre d'affaires ; qu'en effet, la société TAKIMA n'a pas su activer le facteur 'capacité commerciale' et n'a pas déployé les efforts commerciaux suffisants pour développer sa clientèle et, manquant du facteur 'ressources', a été incapable de répondre aux demandes éventuelles des clients, puisqu'elle n'a pas jugé utile de remplacer via des recrutements ou d'autres sous-traitants le vivier des collaborateurs de VISUAL3X et d'ALTENDIS dont elle s'était privée ; que le seul préjudice réparable serait est le préjudice résultant du détournement de clientèle du fait des actes prétendument déloyaux et qu'en aucun cas le profit réalisé par l'auteur des agissements ne peut servir de référence au chiffrage du préjudice de la société TAKIMA ; que le montant des dommages-intérêts réclamés est fondé sur un prétendu taux de marge brute de 41,5% qui est totalement fantaisiste, la marge brute s'établissant à environ 10 % seulement ; que s'agissant du prétendu préjudice lié à la désorganisation générale et au trouble commercial, la société TAKIMA n'a pas subi de préjudice autre que celui subi par EXCILYS dans le cadre de la séparation opérationnelle des activités, toutes les sociétés ayant été pareillement impactées ; que si la société TAKIMA s'est trouvée contrainte de recourir à l'affacturage pour reconstituer son besoin en fonds de roulement, c'est uniquement en raison des choix stratégiques de ses dirigeants qui ont privilégié la poursuite d'une activité onéreuse et peu rentable à court terme (développement du logiciel GATLING dans l'espoir de pouvoir le vendre), mettant structurellement la société en déficit ; qu'aucun dénigrement n'a été démontré, pas plus que n'est démontré la renommée de la société TAKIMA sur le marché des prestations informatiques, de sorte que le préjudice moral allégué n'existe pas.

Ceci étant exposé, le tribunal de commerce, par des motifs que la cour adopte, a fait une juste appréciation du préjudice résultant du manque à gagner subi par la société TAKIMA au cours des années 2017 et 2018, découlant directement du détournement de clientèle, en lui allouant la somme de 270 000 € calculée, non à partir des chiffres d'affaires réalisés par la société EXCILYS grâce aux détournements, mais à partir respectivement de 20 % et 35 % du chiffre d'affaires réalisé par la société TAKIMA l'année précédant les faits litigieux et d'une marge brute de 10 % (admise par la société EXCILYS).

Les actes de concurrence déloyale ont incontestablement entraîné pour la société TAKIMA un préjudice de désorganisation, lié notamment au temps et aux efforts qui ont dû être déployés par ses dirigeants et salariés pour endiguer les pertes de chiffres d'affaires entraînées par le détournement de sa clientèle et la tentative de débauchage d'une salariée. Elle justifie qu'elle a dû recourir à un prêt bancaire de 400 000 € et à l'affacturage pour 500 000 € en juin et août 2017, et encouru de ce fait des frais et intérêts pour un montant de 12 379 €. Une somme de 45 000 € lui sera allouée de ce chef.

En revanche, le dénigrement auprès de ses clients et l'atteinte portée à son image et à sa réputation invoqués par la société TAKIMA ne sont pas suffisamment caractérisés, ni par conséquent, le préjudice allégué à ces titres.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur les demandes de la société EXCILYS et de M. [A] pour procédure abusive

Le sens de la présente décision conduit nécessairement au rejet de la demande des appelants fondée sur le caractère abusif de la procédure initiée par la société TAKIMA, MM. [J] et [C].

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société EXCILYS, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première étant confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de la société EXCILYS au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société TAKIMA peut être équitablement fixée à 20 000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.

L'équité ne commande pas qu'il soit fait droit aux demandes formées par M. [A] et les mandataires judiciaires des sociétés VISUAL3X et ALTENDIS sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme le jugement en ce qu'il a :

- condamné la société EXCILYS à payer à la société TAKIMA la somme de 42 379 euros au titre du préjudice lié à sa désorganisation générale et au trouble commercial, et débouté la société TAKIMA du surplus de sa demande,

- condamné la société EXCILYS à payer à la société TAKIMA la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral et débouté la société TAKIMA du surplus de sa demande,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne la société EXCILYS à payer à la société TAKIMA la somme de 45 000 euros au titre du préjudice lié à sa désorganisation générale et au trouble commercial, et la déboute pour le surplus de sa demande,

Déboute la société EXCILYS de sa demande au titre du préjudice moral,

Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne la société EXCILYS aux dépens d'appel et au paiement à la société TAKIMA de la somme de 20 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [A] et les mandataires judiciaires des sociétés VISUAL3X et ALTENDIS de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 21/09565
Date de la décision : 15/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-15;21.09565 ?
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