La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/03/2023 | FRANCE | N°21/05511

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 15 mars 2023, 21/05511


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 15 MARS 2023



(n°2023/ , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05511 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD4LQ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 20/02610





APPELANTE



Madame [I] [L]

[Adresse 2]

[Localité 6]





Représentée par Me Marlone ZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : B0666





INTIMÉE



S.A. ELECTRICITE DE FRANCE - EDF

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Frédéri...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 15 MARS 2023

(n°2023/ , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05511 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD4LQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 20/02610

APPELANTE

Madame [I] [L]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Marlone ZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : B0666

INTIMÉE

S.A. ELECTRICITE DE FRANCE - EDF

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédéric AKNIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

PARTIE INTERVENANTE

Syndicat FO EDF-DTEO représenté par Madame [X] [E] (déléguée syndicale coordinatrice FO)

[Adresse 3]

[Localité 5]

Non constitué

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- réputé contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société EDF (SA) emploie Mme [I] [L] par contrat de travail à durée indéterminée depuis le 10 octobre 2011 ;

Recrutée en qualité en qualité de conseillère clientèle, elle a été mutée au poste de gestionnaire contrat de travail (GCT) au sein de l'agence située à [Localité 7] en 2014.

En 2018, la société EDF informait Mme [L] du transfert du service ressources humaines à [Localité 8].

La société prévoyait de nombreuses aides et primes pour les salariés acceptant la mutation, à savoir une prime d'adaptation si le salarié suivait une formation lourde ou une adaptation d'une durée de six mois à un an et une prime d'engagement si le salarié se manifestait dans un délai de six mois avant sa prise de poste.

Un accompagnement était aussi prévu.

Le 7 mai 2019, Mme [L] manifestait son intérêt pour le poste de gestionnaire d'approvisionnement et des échanges s'ensuivaient.

En août 2019, elle postulait au poste de gestionnaire d'approvisionnement.

Le 2 septembre 2019, sa supérieure acceptait sa demande d'ajouter la prime d'adaptation dans son projet d'accompagnement.

Le 30 septembre 2019, une convention tripartite a été signée.

Le 4 octobre 2019, un premier projet des mesures d'accompagnement était transmis à Mme [L] qui ne faisait pas apparaître les primes d'adaptation et d'engagement qu'elle réclamait alors par l'intermédiaire d'un délégué syndical.

Le 1er octobre 2019, Mme [L] entamait une formation de six mois en tutorat pour appréhender son nouvel emploi, et le 1er novembre 2019, elle devenait définitivement gestionnaire approvisionnement au sein du service AOA.

Le 3 décembre 2019, un nouveau projet des mesures d'accompagnement était transmis à Mme [L] sans inclure les primes sollicitées.

Elle est toujours en poste et son salaire est de 3930 €.

La convention collective applicable est celle des industries électriques et gazières.

Mme [L] a saisi le 15 mai 2020 le conseil de prud'hommes de Paris pour former les demandes suivantes :

« DIRE ET JUGER que Madame [L] devait bénéficier du versement des primes d'adaptation et d'engagement à la suite de son changement d'affectation ;

CONDAMNER la société EDF à payer une somme de 7.861,64 euros (2 mois de salaire) au titre du rappel de la prime d'adaptation ;

CONDAMNER la société EDF à payer une somme de 7.861,64 euros (2 mois de salaire) au titre du rappel de la prime d'engagement ;

CONDAMNER la société EDF à payer une somme de 11.792,46 euros (3 mois de salaire) au titre des dommages-intérêts pour inégalité de traitement ;

ORDONNER l'exécution provisoire au sens de l'article 515 du Code de procédure civile ;

ORDONNER la capitalisation des intérêts au taux légal ;

CONDAMNER la société EDF à payer une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER la société EDF aux entiers dépens. »

Par jugement du 31 mai 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

« Déboute Mme [L] de l'ensemble de ses demandes et la condamne aux dépens.

Déboute la société EDF de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. »

Mme [L] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 18 juin 2021.

La constitution d'intimée de la société EDF a été transmise par voie électronique le 7 juillet 2021.

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 29 novembre 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience du 30 janvier 2023.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 19 août 2021, Mme [L] demande à la cour de :

« REFORMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de PARIS en date du 31 mai 2021 en ce qu'il a :

- Débouté de sa demande de reconnaissance du versement des Primes d'adaptation et d'engagement à la suite de son changement d'affectation ;

- Débouté de sa demande de condamnation de la société EDF à payer une somme de 7.861,64 euros au titre du rappel de la prime d'adaptation outre 786,16 euros de congés payés afférents ;

- Débouté de sa demande de condamnation de la société EDF à payer une somme de 7.861,64 euros au titre du rappel de la prime d'engagement outre 786,16 euros de congés payés afférents ;

- Débouté de sa demande de condamnation de la société EDF à payer une somme de 11.792,46 euros au titre des dommages-intérêts pour inégalité de traitement ;

- Débouté de sa demande de condamnation de la société EDF à payer une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamné Madame [L] aux dépens

En conséquence, et statuant de nouveau :

DIRE ET JUGER que Madame [L] devait bénéficier du versement des primes d'adaptation et d'engagement à la suite de son changement d'affectation ;

CONDAMNER la société EDF à payer une somme de 7.861,64 euros (2 mois de salaire) au titre du rappel de la prime d'adaptation outre 786,16 euros de congés payés afférents ;

CONDAMNER la société EDF à payer une somme de 7.861,64 euros (2 mois de salaire) au titre du rappel de la prime d'engagement outre 786,16 euros de congés payés afférents ;

CONDAMNER la société EDF à payer une somme de 11.792,46 euros (3 mois de salaire) au titre des dommages-intérêts pour inégalité de traitement ;

ORDONNER la capitalisation des intérêts au taux légal ;

CONDAMNER la société EDF à payer une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance ;

CONDAMNER la société EDF à payer une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

CONDAMNER la société EDF aux entiers dépens. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 17 novembre 2021, la société EDF demande à la cour de :

« CONSTATER que la demande d'intérêts capitalisées rejetée par le conseil n'est pas visée dans les chefs de jugement critiqués par la déclaration d'appel

JUGER que l'effet dévolutif de l'appel ne peut jouer concernant cette demande dont la cour n'est pas, saisie et qu'elle ne peut dès lors être accueillie

CONFIRMER le jugement entrepris dans toutes ses dispositions

DIRE ET JUGER irrecevables ou mal fondées les demandes adverses

DÉBOUTER Madame [L] de l'intégralité de ses demandes

CONDAMNER Madame [L] à verser à la société EDF 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens »

Lors de l'audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s'en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l'affaire a alors été mise en délibéré à la date du 15 mars 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la prime d'adaptation

A l'appui de sa demande, Mme [L] soutient que :

- la brochure qui a lui été transmise prévoyait afin de la former à son nouveau poste un cursus de formation et des parcours professionnels dans la filière appros (pièce salarié n° 8) ;

- la formation qu'elle a réalisée pour se mettre au niveau à son nouveau poste était lourde avec de nouveaux termes et des nouveaux process techniques (pièce salarié n° 24) ;

- la formation était intense (pièce salarié n° 26) ;

- elle a réalisé deux formations en 2019 pour s'adapter à son nouveau poste (pièce salarié n° 4)

- elle a donc suivi une formation lourde telle que définie dans la note DP 20-159 du 6 février 2003 ;

- lors de son ancien poste, elle avait comme principaux objectifs la gestion des ressources humaines (pièce salarié n° 22) et le poste où elle a été mutée est radicalement différent puisqu'elle s'occupe désormais du service approvisionnement ;

- pour justifier de la formation lourde qu'elle a suivie, elle produit :

* des formations réalisées durant toute l'année 2020 (pièce n°31) ;

* des éléments qui prouvent que l'expertise et la polyvalence des salariés gestionnaire approvisionnement est plus importante que celle des gestionnaires contrat de travail (pièces n°32 et 37) ;

* le descriptif des nouveaux logiciels informatiques (pièce n°38) ;

- l'attestation de M. [W] (pièce employeur n° 17) ne prend pas en compte l'entraide mis en place pour l'accompagner dans l'adaptation de son poste ; c'est une attestation de pure complaisance ;

En défense, la société EDF s'oppose à cette demande et fait valoir, à l'appui de sa contestation que :

- Mme [L] ne remplit pas les conditions pour bénéficier du versement de la prime d'engagement ou de la prime d'adaptation,

- la convention définissant les mesures d'accompagnement dont elle bénéficie dans le cadre de sa mutation a été signée le 4 octobre 2019 (puis modifiée le 3 décembre 2019) (pièces employeur n° 9 et 10) ;

- son changement d'emploi n'a pas nécessité de formation ou d'effort d'adaptation d'une durée comprise entre 6 mois et 1 an, condition pour avoir droit à la prime ainsi que l'a retenu à juste titre le conseil ;

- bien que relevant de deux domaines différents, ces emplois de gestionnaires en « appui tertiaire » présentent de nombreuses similitudes, notamment quant à l'utilisation d'outils informatiques et aux processus à respecter qui sont totalement normés : le processus paie décrit rigoureusement code par code les rubriques de paie à saisir selon la situation de l'agent ; le processus approvisionnement décrit également dans le détail, tous les gestes à effectuer pour traiter un contrat passé entre un fournisseur et EDF, c'est-à-dire pour payer le fournisseur ; toutes les situations possibles sont répertoriées, analysées et décrites dans le détail ;

- le traitement des demandes s'effectue dans les deux cas par système informatique ;

- Mme [L] intervient pour formaliser la commande et en suivre le traitement ; à ce titre, comme approvisionneur, elle accompagne le cas échéant le client interne dans la formalisation de son besoin, elle crée le fournisseur en lien avec le code article, elle vérifie les éléments à fournir (cahier des charges, devis) et suit le traitement de la commande ;

- elle n'a pas eu besoin de suivre de formation lourde, que ce soit en externe ou en interne ;

- la production par Mme [L] d'extraits d'agendas fait ressortir, à supposer que toutes les formations aient été suivies, moins de 4 jours de formation en 2020 et loin des 6 mois minimum requis (pièce salarié n° 31) ; il s'agissait d'actions pour la prise en main de deux applications métier, DEMAC et FAST qui ont duré environ 8 heures au total ;

- Mme [L] a effectivement eu besoin de temps pour s'adapter à son nouvel emploi d'approvisionneur : cette adaptation s'est faite « sur le poste de travail » par le biais d'un système de compagnonnage, c'est-à-dire avec l'appui d'une collègue expérimentée, à même de lui présenter les processus à appliquer et de lui expliquer le maniement des nouveaux outils informatiques (pièce employeur n° 17 ' attestation de M. [W]) ;

- Mme [L], dont l'accompagnement a cessé en janvier 2020, trois mois après la prise de poste, et qui a pu télé-travailler dès le 1er mars suivant, 5 mois après la prise de poste, ne peut en conséquence soutenir avoir effectué « un effort d'adaptation lourd avec une mise à niveau directement sur le poste de travail compris entre 6 mois et 1 an » ;

- Mme [L] ne démontre pas avoir suivi des actions de formation lourde, ou avoir dû fournir un effort lourd d'adaptation, pendant au moins 6 mois, alors même que l'employeur démontre que l'adaptation au nouvel emploi s'est faite en environ 3 mois ;

Les dispositions régissant le versement de la prime d'adaptation sont définies par la note DP 20-159 :

« Les agents dont la mutation se traduit par un changement d'emploi qui nécessite :

- des actions de formation lourdes et une durée d'adaptation au nouvel emploi comprise entre 6 mois et 1 an,

Ou

- un effort d'adaptation lourd avec une mise à niveau directement sur le poste de travail compris entre 6 mois et 1 an, bénéficient d'une prime d'adaptation ».

L'examen de l'ouverture du droit à la prime d'adaptation est réalisé par le directeur d'unité au moment de la mutation, indépendamment du caractère promotionnel ou non de celle-ci. Si les conditions sont réunies, l'ensemble du dispositif fait l'objet d'une convention tripartite (entité prenante, entité cédante, agent).

Le montant de cette prime est fixé à 2 mois de salaire brut. Elle est versée à l'issue de la période d'adaptation, qui, en tout état de cause, ne doit pas excéder 1 an. »

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour retenir que Mme [L] remplit les conditions pour bénéficier de la prime d'adaptation ; en effet les éléments de preuve qu'elle invoque et produit (pièces salarié n° 8, 24, 26, 4, 22, 31, 32, 37 et 38) ne permettent pas de prouver qu'elle a suivi des actions de formation lourdes et une durée d'adaptation au nouvel emploi comprise entre 6 mois et 1 an, ou un effort d'adaptation lourd avec une mise à niveau directement sur le poste de travail compris entre 6 mois et 1 an ; en effet la pièce n°8 composée d'une fiche de présentation service AOA ne comporte aucune preuve de telles actions ou effort d'adaptation ; il en est de même de la pièce n°24 qui porte sur les « activités réalisées » et ne comporte aucune date ni aucune durée ; c'est aussi le cas de la pièce n°26 qui sont des « annexes au bulletin de paie - éléments variables de temps - compte rendu individuel » qui ne comportent aucune mention démontrant l'existence des actions ou effort précités ; la pièce n° 4 qui présente le déroulement de carrière de Mme [L] ne comporte, elle non plus, aucune mention démontrant l'existence des actions ou effort précités ; la pièce n°22 composée de l'évaluation professionnelle de Mme [L] de mars 2019 ne permet que de connaître les contours de son emploi de gestionnaire de contrat de travail et n'a pas de fonction probatoire directe pour le point litigieux ; les pièces 32 intitulée « Fiche d'avril 2020 concernant l'entraide » et n°37 intitulée « Mail de Monsieur [S] du 22 octobre 2020 concernant l'entraide » et n° 38 sur les applications métier FAST et DéMac ne comportent pas plus de mention démontrant l'existence des actions ou effort précités ; finalement seule la pièce n°31 sur les formations suivies par Mme [L] en 2020, bien qu'elle soit insuffisante pour satisfaire la charge probatoire qui incombe à Mme [L], mentionne une formation d'une heure de 11h à 12h le jeudi 19 décembre 2019 sur DéMac, une formation de 2 jours les 2 et 3 avril 2020 sur FAST et une autre formation sur FAST le 2 octobre 2020 de 9h30 à 16h.

Compte tenu de ce qui précède, la cour retient que Mme [L] manque en preuve ; la cour déboute donc Mme [L] de sa demande relative à la prime d'adaptation.

Le jugement déféré est donc confirmé de ce chef.

Sur la prime d'engagement

A l'appui de sa demande, Mme [L] soutient que :

- elle produit les échanges de mails et SMS avec Mme [M], manager gestion du contrat de travail (pièce salarié n° 6 à 12) qui démontrent qu'elle a donné son accord pour une mutation à son nouveau poste au plus tard le 7 mai 2019 et a officiellement pris ses fonctions en novembre 2019 ;

- la prime d'engagement est versée aux salariés qui se sont engagés à prendre un nouveau poste chez EDF dans un délai de six mois, ce qui est incontestablement son cas (sic) ;

- elle a respecté le délai de 6 mois prévu pour l'obtention de la prime d'engagement.

En défense, la société EDF s'oppose à cette demande et fait valoir, à l'appui de sa contestation que :

- l'octroi de la prime d'engagement était conditionné au fait que le salarié devait, après avoir accepté son nouvel emploi et signé la convention du contrat de parcours, rester travailler au CSP RH pendant au moins 6 mois à compter de « la date de signature du contrat de parcours » ;

- Mme [L] a déposé sa candidature au poste de gestionnaires approvisionnements le 29 août 2019 et son transfert administratif a été effectué dès le 1er novembre 2019, soit seulement deux mois après (pièce employeur n° 6 - postulation Mme [L])

- surtout Mme [L] a formellement signé la 1ère convention de parcours le 4 octobre 2019 (modifiée en sa faveur le 3 décembre), et a été mutée le 1er novembre 2019, soit 26 jours plus tard comme cela ressort des pièces employeur n° 9 et 10 : convention du 3 décembre 2019 et de la pièce employeur n° 1 : fiche C 01 [L] ;

- dès lors que la période comprise entre la date de signature de la convention de parcours et la date de prise de poste était inférieure à 6 mois, la prime d'engagement n'était pas due.

La prime d'engagement est mentionnée dans le document « Dispositif et Mesures d'accompagnement de la transformation du CSP RH dans le cadre du projet CSP RH « Vision 2023 » (pièce employeur n° 4 : Dispositif et mesures d'accompagnement) ; ce document précise, pages 8 et 9 :

« Un contrat de parcours sera formalisé pour les salariés qui, en accord avec leur Direction, et bien qu'ils aient finalisé leur projet et accepté l'emploi correspondant, restent dans leurs activités, avec une date de mutation différée à échéance de 6 mois minimum par rapport à la date de signature du contrat de parcours. La formalisation de ces contrats entre les salariés, les unités cédantes et prenantes, y compris hors DST, est un des leviers pour :

- Donner une meilleure visibilité au management sur le maintien des compétences jusqu'à la fermeture de site ou cessation d'activité, en garantissant leurs performances attendues ;

- Sécuriser les parcours professionnels des salariés.

Il précise notamment :

- L'emploi et l'unité d'affectation,

- La date de mutation, la date et la durée de mise à disposition le cas échéant,

- Les conditions dans lesquelles se réalisera la mutation (')

- Les modalités annexes qui pourraient être mises en 'uvre avant la mutation (')

- Le récapitulatif de toutes les mesures d'accompagnement du salarié dans son parcours.

L'engagement des salariés dans l'anticipation de leur évolution professionnelle (nature et lieu d'activité) est une action qui mérite d'être encouragée. Le CSP RH propose le versement d'une « prime d'engagement », unique et non hiérarchisée, à tout salarié formalisant son engagement par un contrat de parcours. Pour favoriser l'anticipation et la formalisation de ce contrat, la prime sera de :

- 2500 € brut si signature 1 an au moins avant la date de fermeture ou de cessation d'activité ;

- 1500 € brut si signature 6 mois au moins avant la date de fermeture ou de cessation d'activité.

Le versement, à la charge de l'unité cédante, sera effectué en 2 fois (la moitié à la signature du contrat de parcours, l'autre moitié à la mutation effective du salarié), en accord avec le salarié en fonction de la durée du contrat de parcours »

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour retenir que Mme [L] remplit les conditions pour bénéficier de la prime d'engagement ; en effet les éléments de preuve qu'elle invoque et produit (pièces salarié n° 6 à 12) ne permettent pas de prouver que le délai de 6 mois s'est écoulé entre la date de signature du contrat de parcours et la date de mutation ; en effet Mme [L] a signé la convention de parcours le 4 octobre 2019 et a été mutée le 1er novembre 2019, soit 26 jours plus tard ; et à supposer que la date du 7 mai 2019 que Mme [L] revendique comme point de départ du délai de 6 mois puisse être retenue comme la date de signature du contrat de parcours, ce qu'elle n'est pas, la cour constate que le délai de 6 mois expirerait alors le 7 novembre 2019 en sorte que les conditions d'obtention de la prime d'engagement ne seraient pas plus remplies car la date de mutation est celle du 1er novembre 2019.

Compte tenu de ce qui précède, la cour déboute Mme [L] de sa demande relative à la prime d'engagement.

Le jugement déféré est donc confirmé de ce chef.

Sur l'inégalité de traitement

Mme [L] forme une demande de dommages et intérêts pour inégalité de traitement ; la société EDF s'oppose à cette demande.

Il résulte du principe 'à travail égal, salaire égal', dont s'inspirent les articles L.1242-14, L.1242-15, L.2261-22.9, L.2271-1.8° et L.3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

En application de l'article 1315 du code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal' de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

A l'appui de sa demande Mme [L] soutient que :

- la société EDF lui a refusé la prime d'adaptation alors qu'elle a été versée à d'autres salariées se trouvant dans une situation similaire ;

- pour preuve, elle produit les conventions de Mme [F] et de Mme [N] qui sont passée du poste de GCT confirmé (comme elle) à CSP AS (comme elle) au sein du département AOA qui incluent une prime d'adaptation (pièces n°19 et 20).

- toutes les trois occupaient et occupent le même poste (pièces salarié n° 25, 33,30)

- la fiche de poste de Mmes [F] et [N] démontre qu'elles ont une mission de rédaction et de gestion comme elle (pièce adverse n°25 CPH) ;

- les attestations de Mme [B] et M. [D] sont inopérantes car ne s'appuyant sur aucun élément objectivement vérifiables (pièces adverses n°26 et 27 CPH) ;

- Mme [N] n'a effectué que 53 heures de formation (pièce salarié n° 39).

Mme [L] établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'une inégalité de traitement à son encontre.

En défense, la société EDF fait valoir :

- Mme [L] ne peut pas valablement se comparer à ces deux personnes

- elles avaient des postes initiaux différents : Mme [L] était dans son précédent poste gestionnaire contrat de travail (CGT), gestionnaire du personnel classée en GF 8 (pièce employeur n° 1) et Mmes [F] et [N] étaient quant à elles GCT confirmées classées toutes les deux en GF 10 ; elles étaient susceptibles de traiter des dossiers « spécifiques, complexes ou sensibles » (pièces employeur n° 22 et 23) ;

- leurs postes d'affectation sont également différents : Mme [L] a été mutée au sein du Département Approvisionnements et Ventes ' « Groupe Appros [Localité 7] » suite à sa candidature pour devenir « gestionnaire approvisionnements » ; Mmes [F] et [N] ont quant à elles été mutées au Département AOA (Administration des Obligations d'Achats) de l'« Agence photovoltaïque » suite à leur postulation pour devenir « chargé de gestion senior» (pièce employeur n° 26) ; l'activité de chargé de gestion au département Administration des Obligations d'achats n'a strictement rien à voir avec celle d'approvisionneur tenue par Mme [L] ;

- du reste il est établi que « Mmes [F] et [N], précédemment « gestionnaire de personnel » qui ont occupé par la suite un emploi de « chargé de gestion obligations d'achats (') ont suivi une formation lourde, de plus de six mois sur le poste de travail, avec des modules de formation interne et une adaptation à ce nouvel emploi d'une durée moyenne d'un an » comme cela ressort de l'attestation de M. [D] (pièce employeur n° 26) ;

- Mme [B], Responsable RH de l'Unité, atteste également de la différence entre l'emploi de « gestionnaire approvisionnement » sur lequel a postulé Mme [L], et les emplois de « chargé de gestion senior » au sein du département AOA sur lesquels ont postulé Mmes [F] et [N] (pièce employeur n° 27).

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société EDF démontre que les faits matériellement établis par Mme [L] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute inégalité de traitement ; en effet la cour retient que la société EDF administre suffisamment la preuve que Mmes [F] et [N], initialement gestionnaires de contrat de travail avant de devenir chargées de gestion obligations d'achats, ont suivi une formation lourde, de plus de six mois sur leur nouveau poste de travail, avec des modules de formation interne et une adaptation à ce nouvel emploi d'une durée moyenne de un an, comme cela ressort de l'attestation de M. [D] (pièce employeur n° 26) étant ajouté que l'emploi de « gestionnaire approvisionnement » de Mme [L] et les emplois de « chargé de gestion senior » au sein du département AOA de Mmes [F] et [N] sont différents comme cela ressort de l'attestation de Mme [B], Responsable RH de l'Unité (pièce employeur n° 27) en sorte que la cour retient que le changement d'emploi de Mme [L] ne nécessitait pas d'actions de formation ou d'efforts d'adaptation lourds alors que le changement d'emploi de Mmes [F] et [N] en a nécessités.

La demande de dommages et intérêts formée au titre de l'inégalité de traitement est par conséquent rejetée.

Par suite, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [L] de sa demande de dommages et intérêts formée au titre de l'inégalité de traitement.

Sur les autres demandes

La cour condamne Mme [L] aux dépens en application de l'article 696 du Code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de la société EDF les frais irrépétibles de la procédure d'appel.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Ajoutant,

DÉBOUTE la société EDF de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

CONDAMNE Mme [L] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/05511
Date de la décision : 15/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-15;21.05511 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award