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15/03/2023 | FRANCE | N°21/02604

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 15 mars 2023, 21/02604


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 15 MARS 2023



(n° 2023/ , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02604 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDLJN



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Février 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY-COURCOURONNES - RG n° 19/00395





APPELANT



Monsieur [V] [N]

[Adresse 1]

[Loc

alité 3]



Représenté par Me Nathalie VALLEE, avocat au barreau de ROUEN, toque : 147





INTIMÉE



S.A.S. ENDEL

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me François VACCA...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 15 MARS 2023

(n° 2023/ , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02604 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDLJN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Février 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY-COURCOURONNES - RG n° 19/00395

APPELANT

Monsieur [V] [N]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Nathalie VALLEE, avocat au barreau de ROUEN, toque : 147

INTIMÉE

S.A.S. ENDEL

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me François VACCARO, avocat au barreau de TOURS, toque : 54

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

M. [V] [N], né en 1991, a été mis à disposition de la société Endel (SAS) dans le cadre de contrats de travail temporaire en qualité de tuyauteur ; le premier contrat de mission est survenu du 18 avril 2017 au 21 avril 2017 pour accroissement temporaire d'activité et le dernier contrat de mission pour accroissement temporaire d'activité lui aussi, comme la quarantaine de contrats de mission dont il a bénéficié, a été exécuté du 9 au 15 février 2019.

L'entreprise de travail temporaire était la société Manpower France.

Demandant la qualification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée et réclamant diverses indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail, M. [N] a saisi le 20 mai 2019 le conseil de prud'hommes d'Évry-Courcouronnes pour former les demandes finales suivantes :

« ORDONNER la requalification des missions intérimaires à effet du 18 avril 2017 en un contrat à durée indéterminée avec la société ENDEL ;

JUGER que le 15 février 2019 la rupture du contrat de travail requalifiée de Monsieur [N] est dépourvue de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence sur la base d'un salaire de 1820,04 € :

CONDAMNER la société ENDEL à lui verser les sommes suivantes :

- 1820,04 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 182,00 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;

- 9.100,20 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 910,02 € à titre d'indemnité de licenciement légale ;

- 1.820, 04 € au titre de l'indemnité de requalification ;

- 600 € au titre de la prime Macron ;

- 3.640,08 € au titre de l'indemnité de 13eme mois sur deux ans ;

- 364 € de congés afférents ;

- 9.655,08 € au titre des indemnités de grand déplacement (d'avril 2017 à avril 2018 : 5.474, 28 € et de mars 2018 à mars 2019 : 4.180, 80 €) ;

- 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. »

Par jugement du 18 février 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

« DEBOUTE Monsieur [V] [N] de l'intégralité de ses demandes.

DEBOUTE les sociétés ENDEL et MANPOWER de leur demande respective formée au titre de l'article 700 du CPC.

LAISSE les éventuels dépens à sa charge.

LAISSE à chaque partie la charge de ses propres dépens. »

M. [N] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 10 mars 2021.

La constitution d'intimée de la société Endel a été transmise par voie électronique le 9 avril 2021.

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 29 novembre 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience du 30 janvier 2023.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 9 juin 2021, M. [N] demande à la cour de :

« - Juger recevable et bien-fondé Monsieur [V] [N] en ses demandes,

- Réformer le jugement du Conseil de prud'hommes d'EVRY COURCOURONNES du 18 février 2021 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

- Juger que Monsieur [V] [N] a bénéficié au sein de la société ENDEL de missions pérennes et permanentes et que la société ENDEL ne justifie pas de la réalité de l'accroissement temporaire d'activité à l'origine des contrats de missions temporaires,

En conséquence de quoi,

- Ordonner la requalification des missions intérimaires de Monsieur [N] [V] à effet du 18 avril 2017 en un contrat à durée indéterminée avec la société ENDEL,

- Juger en conséquence, que le 15 février 2019, la rupture du contrat de travail requalifiée de Monsieur [N], est dépourvue de toute cause réelle et sérieuse, et irrégulière,

- En conséquence de quoi, et sur la base d'un salaire mensuel moyen brut de 1.820,04 €, condamner la société ENDEL au paiement des sommes suivantes :

o indemnité compensatrice de préavis : 1 mois : 1.820,04 €

o congés payés y afférents : 10% : 182,00 €

o dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse :5 mois : 1.820,04 € x 5 : 9.100,20 €

o indemnité légale de licenciement (Sauf à parfaire) : (1.820,04 € : 4) x 2 : 910,02

o indemnité de requalification (un mois de salaire) : 1.820,04 €

- Condamner également la société ENDEL au paiement des sommes suivantes :

o au titre de la prime dite MACRON : 600,00 €

o au titre de l'indemnité de 13ème mois sur deux ans : 3.640,08 €

o congés payés sur 13ème mois (10%) : 364,00 €

- Condamner la société ENDEL au paiement des indemnités de grands déplacement, soit la somme totale de 9.655,08 € se décomposant de la sorte :

o D'avril 2017 à avril 2018 : 294 x 18,62 € 5.474,28 €

o De mars 2018 à mars 2019 : 240 x 17,42 € 4.180,80 €

- Condamner par ailleurs, la société ENDEL au paiement d'une indemnité d'un montant de 4.000 € et ce, par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens ; »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 8 septembre 2021, la société Endel demande à la cour de :

« CONFIRMER le jugement

En conséquence

A titre principal :

' DEBOUTER Monsieur [N] de sa demande de requalification de ses missions temporaires en contrat à durée indéterminée pour l'entière période du 18 avril 2017 au 15 février 2019 ;

En conséquence,

' DEBOUTER Monsieur [N] de l'intégralité de ses demandes en toutes les fins qu'elles comportent, ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour devait estimer devoir requalifier le contrat de travail de Monsieur [N] :

' CONSTATER, DIRE ET JUGER que le montant de l'indemnité de licenciement doit être limité à la somme de 682,51 €,

' CONSTATER, DIRE ET JUGER que le montant de l'indemnité de préavis doit être réduit des indemnités de fin de mission perçues par l'appelant ;

En tout état de cause :

' CONDAMNER Monsieur [N] à verser à la société ENDEL 1000 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure déloyale ;

' CONDAMNER Monsieur [N] à la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens. »

Lors de l'audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s'en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l'affaire a alors été mise en délibéré à la date du 15 mars 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée

Pour demander la requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée, M. [N] soutient que :

- à l'évidence (sic), il a bénéficié pendant de nombreux mois, voire des années, d'un même emploi pérenne ou permanent au sein de la société Endel ;

- il appartient à l'entreprise utilisatrice de faire la preuve du motif du recours aux contrats de missions ;

- la société Endel ne rapporte pas la preuve des accroissements temporaires d'activité qui motivent le recours aux contrats de mission dont il a bénéficié (pièces employeur n° 9 et 10) ;

- la société Endel lui a d'ailleurs proposé un contrat à durée indéterminée ;

- au regard du nombre de missions, de leur fréquence, et de leur motif, il apparaît qu'il a été embauché pour pourvoir à l'activité normale, habituelle et permanente de la société Endel ;

- ce n'est pas parce qu'il existe des commandes que cela caractérise un surcroît d'activité et encore moins la nature temporaire de celui-ci.

En défense, la société Endel soutient que :

- la demande de M. [N] visant à obtenir la requalification de sa relation de travail intérimaire pour la période du 18 avril 2017 au 15 février 2019, en un contrat à durée indéterminée est injustifiée ;

- M. [N] a travaillé conformément aux dispositions légales, temporairement et de manière limitée dans le temps au service de l'entreprise étant précisé que :

* les périodes travaillées variaient entre 1 jour et 24 jours lors d'une forte période d'activité ;

* les missions d'intérim n'ont pas été conclues successivement mais ont été interrompues et séparées de plusieurs jours ou plusieurs semaines et parfois de plusieurs mois ;

* lorsque les missions se sont succédées, elles ont systématiquement fait l'objet d'un nouveau contrat d'intérim et avaient pour objet l'accroissement temporaire de l'activité ou le remplacement d'un salarié absent ;

* chacun des motifs de recours est précisé dans les contrats et comporte une affectation précise et différente selon la mission pour laquelle M. [N] a été sollicité (pièce salarié n° 1) ;

- les contrats de mission de M. [N] sont des contrats autonomes les uns des autres, qui ont des motifs de recours, lieux d'exécution et objets de missions distincts ;

- M. [N] a occupé les postes de tuyauteur et de soudeur

- la réalité de l'accroissement de l'activité est établie par les pièces 9 et 10 qu'elle produit ;

- « par exemple pour le contrat de mission du 18 avril 2017, il est bien mentionné un surcroît d'activité qui correspond au bras de chargement affaire 9354900/0001 correspondant à la commande BASF 4929720552f » (sic) ;

- ses missions successives et ponctuelles n'ont pas eu pour objet de pourvoir un poste de manière permanente ou durable mais de répondre à un besoin ponctuel de main d''uvre ;

- M. [N] ne peut conclure de la proposition de contrat à durée indéterminée dont il a bénéficié qu'il occupait un emploi pérenne au motif que la proposition de contrat à durée indéterminée concernait un poste sur le site de [Localité 5] alors que ses contrats de mission ont été exécutés en région parisienne.

L'article L. 1251-5 du code du travail, dispose « le contrat de mission, quel que soit son motif ne peut avoir ni pour objet ni pour effet, de pourvoir durablement à un emploi lié à une activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ».

L'article L.1251-6 du Code du travail dispose qu'il « ne peut être fait appel à un salarié temporaire pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée "mission", que dans les cas suivants :

1° Remplacement d'un salarié, en cas :

a) D'absence ;

b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ;

c) De suspension de son contrat de travail ;

d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe ;

e) D'attente de l'entrée en service effective d'un salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;

2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ; (') ».

Le premier alinéa de l'article L. 1251-40 du code du travail, dispose : « Lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, (...), ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission. »

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [N] est bien fondé dans sa demande au motif que la société Endel ne rapporte la preuve de l'accroissement temporaire d'activité qui constitue le motif du recours au contrat de mission exécuté du 18 avril 2017 au 21 avril 2017 ; en effet alors qu'il incombe à l'entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité de l'accroissement temporaire d'activité qui constitue le motif du recours aux contrats de mission, la société Endel produit ses pièces 9 et 10 qui ne permettent pas de satisfaire sa charge probatoire ; la pièce 9 est ainsi un tableur dépourvu de valeur probante sur la réalité de l'accroissement temporaire d'activité du premier contrat de mission ; il ne suffit pas que ce tableau, manifestement élaboré pour les besoins de la cause, mentionne en première ligne « 18/04/2017 ' 9354900/0001 ' 4929720552 ' BASF » pour rapporter la preuve de l'accroissement temporaire d'activité qui motive le contrat de mission du 18 avril 2017 ; en outre la pièce 10, composée de 62 pages de commandes et/ou de factures, comporte une seule commande BASF qui est justement la commande n° 4929720552 ; cependant cette commande date du 2 mai 2016 et elle a été livrée le 5 août 2016 ; non seulement la date de livraison est étrangère à la date du contrat de mission du 18 avril 2017 mais en outre cette commande porte les mentions suivantes « Chantier tuyauterie StF32 - Référence contrat 4650207128 Poste 00010 - selon devis IDFS ·2016 - Ne . 42324 -ind A Travaux neufs BASF offre technique - sécurisation poste de dépotage STD 42 », qui sont étrangères aux mentions du contrat de mission du 18 avril 2017 « bras de chargement affaire 9354900/0001 » ; aucun élément de preuve ne permet de retenir que le « bras de chargement affaire 9354900/0001 » correspond à la commande BASF 4929720552 du 2 mai 2016 livrée le 5 août 2016.

Compte tenu de ce qui précède, la cour requalifie les contrats de mission du 18 avril 2017 au 15 février 2019 en contrat à durée indéterminée à compter du 18 avril 2017.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande de requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée, et statuant à nouveau de ce chef, la cour requalifie les contrats de mission du 18 avril 2017 au 15 février 2019 en contrat à durée indéterminée à compter du 18 avril 2017.

Quand le juge fait droit à la demande de requalification du salarié, il doit lui accorder en outre une indemnité au moins égale à 1 mois de salaire, à la charge de l'entreprise utilisatrice (C. trav., art. L. 1251-41).

Compte tenu de ce qui précède, la cour condamne la société Endel à payer à M. [N] la somme de 1 820,04 € au titre de l'indemnité de requalification.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande relative à l'indemnité de requalification, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Endel à payer à M. [N] la somme de 1 820,04 € au titre de l'indemnité de requalification.

Par voie de conséquence la cour retient que la rupture des relations de travail le 15 février 2019 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande de requalification de la rupture du contrat de travail le 15 février 2019 en licenciement sans cause réelle, et statuant à nouveau de ce chef, la cour dit que la rupture des relations de travail le 15 février 2019 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [N] demande la somme de 9 100,20 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; la société Endel s'oppose à cette demande.

En vertu de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au jour du licenciement, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés pour une ancienneté de 1 an entre 1 mois et 2 mois de salaire.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [N], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de M. [N] doit être évaluée à la somme de 3 000 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Endel à payer à M. [N] la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

M. [N] demande la somme de 1 820,04 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ; la société Endel s'oppose à cette demande.

En application de articles L. 1234-1 et L. 1234-2 du Code du travail, le salarié a droit à un délai-congé dont la durée varie en fonction de l'ancienneté ; avec une ancienneté comprise entre 6 mois et 2 ans, la durée du préavis est fixée à un mois ; l'indemnité légale de préavis doit donc être fixée à la somme de 1 820,04 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande formée au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Endel à payer à M. [N] la somme de 1 820,04 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis

M. [N] demande la somme de 182 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis ; la société Endel s'oppose à cette demande.

Par application de l'article L. 3141-22 du Code du travail, l'indemnité de congés payés est égale au dixième de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence ayant déterminé le droit et la durée des congés ; la présente juridiction a fixé à la somme de 1 820,04 €, l'indemnité compensatrice de préavis due à M. [N] ; en conséquence, l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis due à M. [N] est fixée à la somme de 182 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande formée au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Endel à payer à M. [N] la somme de 182 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis.

Sur l'indemnité de licenciement

M. [N] demande la somme de 910,02 € au titre de l'indemnité de licenciement ; la société Endel s'oppose à cette demande.

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats, que le salaire de référence s'élève à 1 820,04 € par mois.

Il est constant qu'à la date de la rupture du contrat de travail, M. [N] avait une ancienneté de 1 an et 9 mois et donc au moins 8 mois d'ancienneté ; l'indemnité légale de licenciement doit donc lui être attribuée ; cette indemnité ne peut être inférieure à une somme calculée sur la base d'un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ; les années incomplètes doivent être retenues, la fraction de l'indemnité de licenciement afférente à une année incomplète étant proportionnelle au nombre de mois de présence ; pour le calcul du montant de l'indemnité, l'ancienneté prise en considération s'apprécie à la date de fin du préavis ; l'indemnité légale de licenciement doit donc être fixée à la somme de 834,16 € calculée selon la formule suivante : (nb années

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande formée au titre de l'indemnité de licenciement, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Endel à payer à M. [N] la somme de 834,16 € au titre de l'indemnité de licenciement.

Sur l'application de l'article L.1235-4 du code du travail

Il y a lieu à l'application de l'article L.1235-4 du code du travail compte tenu de ce qui précède ; en conséquence la cour ordonne le remboursement par la société Endel aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à M. [N], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite d'un mois d'indemnités de chômage.

Sur la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat

M. [N] demande la somme de 600 € au titre de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat et fait valoir, à l'appui de cette demande que :

- les salariés de la société Endel ont bénéficié de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat prévue par la Loi du 24 décembre 2018 portant mesure d'urgence économique et sociale.

- son père, salarié de la société Endel, atteste que « les embauchés qui touchent moins de 1.800 € bruts ont eu une prime MACRON en janvier 2019 d'un montant de 600 €. ».

La société Endel s'oppose à cette demande et fait valoir, à l'appui de sa contestation que :

- par décision unilatérale du chef d'entreprise du 10 janvier 2019, l'employeur a décidé de verser une prime exceptionnelle de 600 € aux salariés de ses filiales françaises dont le salaire de base est inférieur à 2 500 €,

- les salariés bénéficiaires sont ceux présents au 31 décembre 2018 (CDI,CDD, alternants) et que les travailleurs intérimaires en sont exclus.

La loi du 24 décembre 2018 portant mesures d'urgence économiques et sociales a prévu le versement d'une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat. Le montant de cette prime est fixé librement par l'employeur, dans la limite de 1 000 euros par bénéficiaire. Pour être éligible à cette prime, le salarié doit avoir perçu en 2018 une rémunération inférieure à trois fois le SMIC annuel brut (soit environ 53 945 euros), être présent dans l'entreprise au moment du versement de la prime et avoir été lié par un contrat de travail à la date du 31 décembre 2018.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d'éléments suffisants pour retenir que M. [N] est bien fondé dans cette demande au motif que du fait de la requalification de la relation de travail du 18 avril 2017 au 15 mai 2019 en contrat à durée indéterminée, M. [N] est salarié de la société Endel au 31 décembre 2018 et qu'il était présent dans l'entreprise en janvier 2019, date de versement de la prime ce qui n'est pas contredit par la société Endel étant précisé que les autres conditions ne sont pas contestées non plus.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande de prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Endel à payer à M. [N] la somme de 600 € au titre de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat.

Sur la prime du 13e mois et congés payés afférents

M. [N] demande les sommes de 3 640,08 € au titre de la prime du 13e mois et 364 € au titre des congés payés afférents et fait valoir, à l'appui de cette demande que :

- les salariés de la société Endel bénéficient d'une indemnité de 13ème mois ;

- la convention collective des travaux publics prévoit expressément l'attribution d'une indemnité de 13ème mois pour tous les salariés ;

- il a travaillé pendant pratiquement 24 mois pour la société Endel (sic) ;

La société Endel s'oppose à cette demande et fait valoir, à l'appui de sa contestation que :

- la convention collective ne prévoit pas de prime du 13e mois ;

- seule l'attestation du père de M. [N] mentionne cette prime et cette attestation ne peut suffire à fonder la demande.

L'article 4.1.1. de la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992, dispose :

« Le salaire mensuel constitue la rémunération des ouvriers de travaux publics pour tous les aspects de l'exercice normal et habituel de leur métier.

Par conséquent, aucune prime ou indemnité conventionnelle ne leur est due, en sus du salaire mensuel, pour les travaux qu'ils effectuent à ce titre.

Seules peuvent exister des primes versées pour des travaux occasionnels représentant des conditions de travail particulières, telles que les primes d'insalubrité, de pénibilité ou de nuisance particulière fixées par les syndicats de spécialités et visées à l'article 1.2 de la présente convention.

Sous réserve des dispositions des alinéas 4.2.2 et 4.2.3 ci-dessous, seules les heures de travail effectif donnent lieu à la rémunération ».

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour retenir que M. [N] est bien fondé dans sa demande au titre de la prime du 13e mois au motif que la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992 ne prévoit pas expressément le versement d'une prime du 13e mois ni d'une indemnité équivalente et au motif que l'attestation de M. [N], père de l'appelant, ne suffit aucunement à établir le droit à une telle prime.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande formée au titre de la prime du 13e mois.

Sur les indemnités de grand déplacement

M. [N] demande la somme de 9 655,08 € au titre des indemnités de grand déplacement et fait valoir, à l'appui de cette demande que :

- il a effectué de très nombreux déplacements (pièce salarié n° 4) ;

- la société Endel applique un accord d'indemnisation des grands déplacements de plus de 50 kms (pièce salarié n° 3) ;

- il a été indemnisé dans des conditions bien moindres ;

- le décompte produit (pièce salarié n° 4) établit la différence entre ce qu'il a perçu et ce qu'il aurait dû percevoir ;

- à partir du moment où la cour a requalifié la relation de travail en contrat indéterminée, il est fondé à solliciter un rappel d'indemnités conforme à celles perçues par les salariés ; le tableau des indemnités applicables aux intérimaires pour les grands déplacements que la société Endel invoque et produit (pièce employeur n° 1) est donc sans objet.

La société Endel s'oppose à cette demande et fait valoir, à l'appui de sa contestation que :

- le décompte de M. [N] présente des incohérences ;

- il utilise une méthode de calcul erronée ;

- il a bénéficié d'une indemnité de grand déplacement et d'une indemnité repas conformes aux accords alors en vigueur correspondant aux années et pour chaque jour travaillé (pièce employeur n° 14).

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d'éléments suffisants pour retenir que M. [N] est bien fondé dans sa demande relative aux indemnités de grand déplacement à hauteur de 1 765,23 € ; en effet la société Endel, qui ne conteste pas le principe du droit de M. [N] à percevoir des indemnités de grand déplacement, établit à juste titre qu'il existe des erreurs dans le mode de calcul de M. [N] mais elle ne démontre pas qu'elle l'a rempli de ses droits faute de communiquer à la cour un décompte sur ce point ; la cour observe que la société Endel se limite à invoquer et à produire sa pièce 14 composée de 3 feuillets de tableaux sur les indemnités de grand déplacement sans exposer de calculs établissant que M. [N] a été rempli de ses droits alors qu'il lui incombe de rapporter la preuve que M. [N] a été rempli de ses droits aux indemnités de grand déplacement ; de son côté M. [N] ne produit pas non plus de décompte précis et exact pour établir son droit à la somme demandée à hauteur de 9 655,08 € et la somme restant due au titre des indemnités de grand déplacement doit être, au vu des éléments soumis à la cour, évaluée à la somme de 1 765,23 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande formée au titre des indemnités de grand déplacement, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Endel à payer à M. [N] la somme de 1 765,23 € au titre du solde des indemnités de grand déplacement.

Sur les autres demandes

La cour condamne la société Endel aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel en application de l'article 696 du Code de procédure civile.

Le jugement déféré est infirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner la société Endel à payer à M. [N] la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande formée au titre de la prime du 13e mois ;

Statuant à nouveau et ajoutant,

REQUALIFIE les contrats de mission du 18 avril 2017 au 15 février 2019 de M. [N] en en contrat à durée indéterminée ;

DIT que la rupture de la relation de travail du 15 février 2019 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Endel à payer à M. [N] les sommes de :

- 1 820,04 € au titre de l'indemnité de requalification ;

- 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 834,16 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- 1 820,04 € au titre de l'indemnité de préavis,

- 182 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis,

- 600 € au titre de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat,

- 1 765,23 € au titre du solde des indemnités de grand déplacement ;

CONDAMNE la société Endel à verser à M. [N] une somme de 2 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

CONDAMNE la société Endel aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/02604
Date de la décision : 15/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-15;21.02604 ?
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