La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/03/2023 | FRANCE | N°21/02388

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 15 mars 2023, 21/02388


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 15 MARS 2023



(n° 2023/ , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02388 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDJ5J



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Février 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY-COURCOURONNES - RG n° F 19/00493





APPELANTE



Association ALTERITE

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Martine LEBOUCQ BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : R285





INTIMÉE



Madame [L] [M]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 15 MARS 2023

(n° 2023/ , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02388 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDJ5J

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Février 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY-COURCOURONNES - RG n° F 19/00493

APPELANTE

Association ALTERITE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Martine LEBOUCQ BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : R285

INTIMÉE

Madame [L] [M]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Sandra MORENO-FRAZAK, avocat au barreau d'ESSONNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/016833 du 16/04/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

L'association Altérité a employé Mme [L] [M], née en 1988, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mai 2012 en qualité d'aide médico-psychologique.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées (IDCC 413).

Sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait en dernier lieu à la somme de 2 118,78 €.

Par lettre notifiée le 15 mai 2019, Mme [M] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 28 mai 2019.

Mme [M] a ensuite été licenciée pour faute grave par lettre notifiée le 5 juin 2019 ; la lettre de licenciement indique :

« Suite au courrier qui vous a été remis en main propre contre signature le 09 mai 2019 par le chef de service, Monsieur [N], vous informant de votre mise à pied à titre conservatoire, vous avez été reçue le 28 mai 2019, accompagnée de Madame [V], à un entretien en vue d'une éventuelle mesure de sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.

Lors de cet entretien, j'ai porté à votre connaissance trois témoignages écrits de vos collègues de la MAS La Briancière faisant état de propos particulièrement inadaptés que vous auriez tenus à leur encontre mais également à l'encontre de l'équipe de direction. Ces propos à caractère xénophobes, homophobes, et également vexatoires sont intolérables et contraires aux valeurs associatives, voire pénalement répréhensibles.

Par ailleurs, dans son témoignage une de vos collègues relate être arrivée plus tôt le matin du 11 mars 2019 pour sa prise de poste, soit à 6h20 au lieu de 6h45, et vous avoir réveillée alors que vous étiez endormie durant votre temps de prise en charge des résidents. Énervée, vous l'auriez alors renvoyée à l'accueil de l'établissement lui faisant injonction de ne revenir qu'à l'heure exacte de sa prise de poste à 6h45.

Vous avez réfuté l'ensemble de ces éléments présumant que le choix de l'association était déjà arrêté en portant foi à ces témoignages. Nous vous avons alors précisé qu'un entretien de cette nature avait vocation à vous entendre sur les faits reprochés de sorte que vous ayez la possibilité de vous exprimer. Nous vous avons fait savoir que vous aviez la possibilité d'apporter des éléments contradictoires avant toute prise de décision.

Vous avez refusé cette possibilité en indiquant ne pas vouloir « vous abaisser à solliciter vos collègues », « avoir votre conscience pour vous » et avez conclu qu'en tout état de cause vous ne pourriez revenir à la MAS La Briancière dans le contexte actuel ajoutant que « vous étiez très en colère et que si vous reveniez ça serait un carnage »

Vous conviendrez que la situation est particulièrement préjudiciable à la bonne marche de l'établissement et à la prise en charge des résidents.

Les faits qui vous sont reprochés sont incompatibles avec vos fonctions de veilleur de nuit et avec la poursuite de toute relation contractuelle. Compte tenu de la gravité de vos manquements qui ont d'ailleurs justifié votre mise à pied à titre conservatoire dès le 09 mai 2019, la poursuite de votre activité au sein de notre association s'avère totalement impossible même pendant le préavis.

Par conséquent, au regard des griefs qui viennent d'être énoncés ci-dessus, nous vous notifions, par la présente votre licenciement pour faute grave. Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture et vous cessez donc à cette date de faire partie des effectifs de notre Association.

En raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, le salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire, ne vous sera pas versé.

(...) »

La lettre de licenciement mentionne donc en substance les griefs suivants :

- Mme [M] a tenu des propos inadaptés, xénophobes, homophobes et vexatoires, à l'égard de ses collègues de travail et de la direction,

- le 11 mars 2019 à 6h20, Mme [M] dormait durant le temps de prise en charge des résidents.

A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Mme [M] avait une ancienneté de 7 ans et 1 mois ; l'association Altérité occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail, Mme [M] a saisi le 27 juin 2019 le conseil de prud'hommes d'Évry-Courcouronnes pour former les demandes suivantes :

« - DIRE ET JUGER que le licenciement de Madame [M] ne repose pas sur une faute grave,

- DIRE ET JUGER que le licenciement a été prononcé dans de conditions brutales et vexatoires,

- CONDAMNER l'Association ALTERITE à verser à Madame [M] les sommes suivantes :

' Indemnité compensatrice de préavis : 4.237,56 €

' Congés payés afférents : 423,76 €

' Indemnité de licenciement : 3.750,24 €

' Rappel de salaires sur mise à pied conservatoire : 1.656,41 €

' Congés payés afférents : 165,64 €

' Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 18.000 €

' Dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire : 3.000 €

- ORDONNER la remise de l'attestation POLE EMPLOI et un bulletin de paie conformes au jugement à intervenir sous astreinte de 50 € par jour de retard,

- ASSORTIR l'ensemble des condamnations pécuniaires à venir des intérêts au taux légal,

- CONDAMNER l'Association ALTERITE à la somme de 1.800 € au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

- CONDAMNER l'Association ALTERITE aux entiers dépens,

- ORDONNER l'exécution provisoire sur le tout. »

Par jugement du 18 février 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

« - DIT que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, mais qui ne peut être qualifié de faute grave,

- CONDAMNE l'Association ALTERITE à verser à Madame [M] les sommes suivantes :

' 1.656,41 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

' 165,64 € au titre des congés payés afférents,

' 4.237,56 € à titre d'indemnité de préavis,

' 423,76 € au titre des congés payés sur indemnité de préavis,

' 3.750,24 € à titre d'indemnité de licenciement,

- AVEC intérêt au taux légal à compter de la signature par l'employeur de l'AR de la convocation devant le bureau de Conciliation et d'Orientation, soit le 8 juillet 2019,

- DIT que l'employeur devra établir et remettre un bulletin de paie correspondant à Madame [M],

- DEBOUTE les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires,

- LAISSE les dépens à la charge de Madame [M]. »

L'association Altérité a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 3 mars 2021.

La constitution d'intimée de Mme [M] a été transmise par voie électronique le 15 avril 2021.

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 29 novembre 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience du 30 janvier 2023.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 16 avril 2021, l'association Altérité demande à la cour de :

« Infirmer le jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes d'EVRY COURCOURONNES.

Débouter Madame [M] de l'intégralité de ses demandes

Condamner Madame [M] à verser à l'association ALTERITE la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 30 avril 2021, Mme [M] demande à la cour de :

« - CONFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes d'EVRY en ce qu'il a jugé que le licenciement ne repose pas sur une faute grave,

- CONFIRMER le jugement du Conseil en ce qu'il a condamné l'Association ALTERITE à verser à Madame [M] les sommes suivantes :

' Indemnité compensatrice de préavis : 4.237,56 €

' Congés payés afférents : 423,76 €

' Indemnité de licenciement : 3.750,24 €

' Rappel de salaires sur mise à pied conservatoire : 1.656,41 €

' Congés payés afférents : 165,64 €

- INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes d'EVRY en ce qu'il a dit que le jugement repose sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté Madame [M] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,

En conséquence et statuant de nouveau,

- CONDAMNER l'Association ALTERITE à verser à Madame [M] les sommes suivantes :

' Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 18.000 €

' Dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire : 3.000 €

- ORDONNER la remise de l'attestation Pôle Emploi et un bulletin de paie conformes à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50€ par jour de retard et par document,

- ASSORTIR l'ensemble des condamnations pécuniaires à venir des intérêts au taux légal,

- CONDAMNER l'Association ALTERITE à la somme de 2.000 € au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

- CONDAMNER l'Association ALTERITE aux entiers dépens. »

Lors de l'audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s'en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l'affaire a alors été mise en délibéré à la date du 15 mars 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur le licenciement

Mme [M] soutient que le motif du licenciement ne caractérise pas une faute grave privative des indemnités de préavis et de licenciement, ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement au motif que les faits allégués à son encontre ne sont pas établis.

L'association Altérité soutient que les griefs sont établis par les éléments de preuve qu'elle produits et notamment les pièces numérotées suivantes :

- pièce 7 : Mails de Mme [F] du 12 avril 2019

- pièce 8 : Mail de Mme [C] du 22 avril 2019

- pièce 9 : Mail de Mme [G] du 29 avril 2019

- pièce 10 : Message de Mme [X]

- pièce 16 : Attestation de Mme [Z] du 22 mai 2019

- pièce 20 Lettre de M. [B] [Z]

- pièce 21 : Attestation de M. [J]

- pièce 22 : Attestation de Mme [P].

Il ressort de l'article L. 1235-1 du Code du travail qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste il profite au salarié.

Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l'employeur de prouver la réalité de la faute grave, c'est à dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu'elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.

Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l'ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère.

Si un doute subsiste sur la gravité de la faute reprochée, il doit profiter au salarié.

Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que Mme [M] a été licenciée pour les faits suivants :

- Mme [M] a tenu des propos inadaptés, xénophobes, homophobes et vexatoires, à l'égard de ses collègues de travail et de la direction,

- le 11 mars 2019 à 6h20, Mme [M] dormait durant le temps de prise en charge des résidents

- G3

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que l'association Altérité n'apporte pas suffisamment d'éléments de preuve pour établir que Mme [M] a tenu des propos inadaptés, xénophobes, homophobes et vexatoires, à l'égard de ses collègues de travail et de la direction ; en effet la pièce 7 composée de 2 courriers électroniques de Mme [F] du 12 avril 2019 ne contient aucune relation de faits établissant le grief ; la pièce 8 composée d'un courrier électronique de Mme [C] du 22 avril 2019 est un élément de preuve dépourvu de valeur probante au motif qu'il s'agit d'un témoignage imprécis sur les faits et subjectif en ce qu'il ne contient que des énonciations subjectives qu'aucun élément objectif et factuel ne vient corroborer ; il en est de même de la pièce 9 composée par un courrier électronique de Mme [G] du 29 avril 2019 et de la pièce 21 composée d'une attestation de M. [J] ; la pièce 16 composé d'une attestation sans les formes de M. [Z] du 22 mai 2019 est un élément de preuve dépourvu de valeur probante au motif qu'il s'agit d'un témoignage imprécis sur le contexte des faits relatés (aucune mention des dates, des lieux, et des personnes devant qui Mme [M] aurait tenu les propos cités hors de tout contexte) et subjectif qu'aucun autre élément ne vient corroborer ; il en est de même de la pièce 20 composée d'une longue lettre de M. [Z] qui porte sur des faits de décembre 2018 étrangers à la prévention disciplinaire et sur des faits survenus dans la nuit du 12 au 13 avril 2013 (à partir de la page 5) qui ne contient aucune mention de propos inadaptés, xénophobes, homophobes et vexatoires ; la pièce 22 composée de l'attestation de Mme [P] mentionne des faits étrangers à la prévention disciplinaire.

La cour retient que ce grief n'est pas établi.

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que l'association Altérité apporte suffisamment d'éléments de preuve pour établir que le 11 mars 2019 à 6h20, Mme [X] a surpris Mme [M] en train de dormir avant que son service prenne fin à 6h45.

La cause doit être sérieuse, ce qui implique notamment que le grief invoqué par l'employeur à l'appui du licenciement doit être suffisamment pertinent pour justifier le licenciement.

En l'espèce, il résulte de l'examen des pièces versées et des débats que Mme [M] a commis les faits retenus à son encontre sans qu'ils présentent de caractère suffisamment sérieux au motif que s'il est établi que Mme [M] a été vue le 11 mars 2019 en train de dormir à 6h20 alors que son service prenait fin à 6h45, la survenance de ce fait unique, ne suffit pas à justifier une sanction aussi sévère qu'un licenciement : une telle sanction est disproportionnée.

Il ressort de ce qui précède que l'employeur n'a pas suffisamment caractérisé dans la lettre de licenciement de Mme [M] et à l'occasion de la présente instance ni la faute grave ni la cause réelle et sérieuse justifiant un licenciement au sens de l'article L. 1235-1 du Code du travail ; en conséquence, le licenciement de Mme [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [M] est justifié par une cause réelle et sérieuse, et statuant à nouveau de ce chef, la cour dit que le licenciement de Mme [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [M] demande par infirmation du jugement la somme de 18 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; l'association Altérité s'oppose à cette demande sans faire valoir de moyens sur le quantum.

En vertu de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au jour du licenciement, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés pour une ancienneté de 7 ans entre 3 mois et 8 mois de salaire.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de Mme [M], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de Mme [M] doit être évaluée à la somme de 9 000 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [M] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne l'association Altérité à payer à Mme [M] la somme de 9 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Mme [M] demande par confirmation du jugement la somme de 4 237,56 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ; l'association Altérité s'oppose à cette demande sans faire valoir de moyens sur le quantum.

En application de articles L. 1234-1 et L. 1234-2 du Code du travail, le salarié a droit à un délai-congé dont la durée varie en fonction de l'ancienneté : avec une ancienneté supérieure à 2 ans, la durée du préavis est fixée à 2 mois.

A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, le salarié avait une ancienneté de 7 ans et 1 mois ; l'indemnité légale de préavis doit donc être fixée à la somme de 4 237,56 €.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné l'association Altérité à payer à Mme [M] la somme de 4 237,56 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis

Mme [M] demande par confirmation du jugement la somme de 423,76 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis ; l'association Altérité s'oppose à cette demande.

Par application de l'article L. 3141-22 du Code du travail, l'indemnité de congés payés est égale au dixième de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence ayant déterminé le droit et la durée des congés ; la présente juridiction a fixé à la somme de 4 237,56 €, l'indemnité compensatrice de préavis due à Mme [M] ; en conséquence, l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis due à Mme [M] est fixée à la somme de 423,76 €.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné l'association Altérité à payer à Mme [M] la somme de 423,76 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis.

Sur l'indemnité de licenciement

Mme [M] demande par confirmation du jugement la somme de 3 750,24 € au titre de l'indemnité de licenciement ; l'association Altérité s'oppose à cette demande sans faire valoir de moyens sur le quantum.

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats, que le salaire de référence s'élève à 2 118,78 € par mois.

Il est constant qu'à la date de la rupture du contrat de travail, Mme [M] avait une ancienneté de 7 ans et 1 mois et donc au moins 8 mois d'ancienneté ; l'indemnité légale de licenciement doit donc lui être attribuée ; cette indemnité ne peut être inférieure à une somme calculée sur la base d'un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans et sur la base d'un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans (Art. R. 1234-1 et suivants du code du travail) ; les années incomplètes doivent être retenues, la fraction de l'indemnité de licenciement afférente à une année incomplète étant proportionnelle au nombre de mois de présence ; pour le calcul du montant de l'indemnité, l'ancienneté prise en considération s'apprécie à la date de fin du préavis ; l'indemnité légale de licenciement doit donc être fixée dans les limites de la demande à la somme de 3 750,24 €.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné l'association Altérité à payer à Mme [M] la somme de 3 750,24 € au titre de l'indemnité de licenciement.

Sur le rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire

Mme [M] demande par confirmation du jugement la somme de 1 656,41 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire ; l'association Altérité s'oppose à cette demande sans faire valoir de moyens sur le quantum.

Mme [M] a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire qui n'a pas été rémunérée.

Compte tenu de ce que le licenciement de Mme [M] a été déclaré abusif, que Mme [M] a donc été abusivement privée de sa rémunération pendant la période de mise à pied conservatoire, que pendant sa mise à pied conservatoire, Mme [M] aurait dû percevoir la rémunération de 1 656,41 €, la cour fixera en conséquence à la somme de 1 656,41 € le rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné l'association Altérité à payer à Mme [M] la somme de 1 656,41 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de mise à pied conservatoire.

Mme [M] demande par confirmation du jugement la somme de 165,64 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de mise à pied conservatoire ; l'association Altérité s'oppose à cette demande.

Par application de l'article L. 3141-22 du Code du travail, l'indemnité de congés payés est égale au dixième de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence ayant déterminé le droit et la durée des congés ; la présente juridiction a fixé à la somme de 1 656,41 €, l'indemnité due à Mme [M] au titre de la non rémunération de la période de mise à pied conservatoire ; en conséquence la cour fixera à la somme de 165,64 € l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de mise à pied conservatoire due à Mme [M].

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné l'association Altérité à payer à Mme [M] la somme de 165,64 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de mise à pied conservatoire.

Sur l'application de l'article L.1235-4 du code du travail

Le licenciement de Mme [M] ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu à l'application de l'article L.1235-4 du Code du travail ; en conséquence la cour ordonne le remboursement par l'association Altérité aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme [M], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

Mme [M] demande par infirmation du jugement la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ; l'association Altérité s'oppose à cette demande.

En application des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, en particulier l'existence d'un fait générateur de responsabilité, du préjudice en découlant et donc d'un lien de causalité entre le préjudice et la faute.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que Mme [M] est mal fondée dans cette demande au motif qu'elle ne justifie d'aucune circonstance vexatoire ni d'un préjudice distinct de celui résultant de la rupture de son contrat ;

Le jugement déféré sera dès lors confirmé en ce qu'il a débouté Mme [M] de ce chef de demande.

Sur la délivrance de documents

Mme [M] demande la remise de documents (certificat de travail, bulletins de paie, attestation destinée à Pôle Emploi) sous astreinte.

Il est constant que les documents demandés lui ont déjà été remis ; il est cependant établi qu'ils ne sont pas conformes ; il est donc fait droit à la demande de remise de documents formulée par Mme [M].

Rien ne permet de présumer que l'association Altérité va résister à la présente décision ordonnant la remise de documents ; il n'y a donc pas lieu d'ordonner une astreinte.

Le jugement déféré est donc confirmé sur ce point, et ajoutant, la cour ordonne à l'association Altérité de remettre Mme [M] le certificat de travail, un bulletin de paie et l'attestation destinée à Pôle Emploi, tous ces documents devant être établis conformément à ce qui a été jugé dans la présente décision, dans les deux mois de la notification de la présente décision.

Sur les autres demandes

Les dommages et intérêts alloués seront assortis des intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Les autres sommes octroyées qui constituent des créances salariales, seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'association Altérité de la convocation devant le bureau de conciliation.

La cour condamne l'association Altérité aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel en application de l'article 696 du Code de procédure civile.

Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner l'association Altérité à payer à Mme [M] la somme de 2 000 € en application et dans les conditions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement mais seulement en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [M] est justifié par une cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il a débouté Mme [M] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en ce qui concerne les dépens ;

Statuant à nouveau et ajoutant,

DIT et juge que le licenciement de Mme [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse

CONDAMNE l'association Altérité à payer à Mme [M] la somme de 9 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIT que les dommages et intérêts alloués à Mme [M], sont assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

ORDONNE à l'association Altérité de remettre Mme [M] le certificat de travail, un bulletin de paie et l'attestation destinée à Pôle Emploi, tous ces documents devant être établis conformément à ce qui a été jugé dans la présente décision, dans les deux mois de la notification de la présente décision,

ORDONNE le remboursement par l'association Altérité aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme [M], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,

CONDAMNE l'association Altérité à verser à Mme [M] une somme de 2 000 € en application et dans les conditions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

CONDAMNE l'association Altérité aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/02388
Date de la décision : 15/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-15;21.02388 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award