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15/03/2023 | FRANCE | N°21/02334

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 15 mars 2023, 21/02334


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 15 MARS 2023



(n° 2023/ , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02334 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDJWP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Janvier 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/00887





APPELANTE



Madame [R] [Y]

[Adresse 1]

[Localité

2]



Représentée par Me Irène GABRIELIAN, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 65





INTIMÉE



S.A.S.U. CENTAURUS BEAUCHAMPS (HÔTEL BEAUCHAMPS) anciennement dénommée B-LG (...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 15 MARS 2023

(n° 2023/ , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02334 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDJWP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Janvier 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/00887

APPELANTE

Madame [R] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Irène GABRIELIAN, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 65

INTIMÉE

S.A.S.U. CENTAURUS BEAUCHAMPS (HÔTEL BEAUCHAMPS) anciennement dénommée B-LG (HÔTEL BEAUCHAMPS)

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société Centaurus Beauchamps (SASU), anciennement la société B-LG (SAS), qui exploite l'hôtel Beauchamps a employé Mme [R] [Y], née en 1983, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 mai 2017 en qualité de responsable d'hébergement.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants (HCR) et à la convention collective régionale des hôtels de tourisme trois, quatre et quatre étoiles luxe de [Localité 4] et de la région parisienne du 1er mai 1985 (IDC 1370).

Sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait à la somme de 3 165,86 € inclus les accessoires pour un salaire de base de 3 010,10 €.

Le contrat de travail fixe une période d'essai de quatre mois, du 2 mai 2017 au 1er septembre 2017, renouvelable une fois, dans la limite de huit mois.

L'article 4 du contrat prévoit que la salariée pourra être mise à disposition en fonction des besoins de l'employeur, sans que cela ne constitue une modification substantielle du contrat de travail.

Par avenant en date du 2 mai 2017, Mme [Y] a été mise à la disposition temporaire et partielle auprès de l'entreprise utilisatrice la société Nes [Localité 4], jusqu'au 1er mai 2018 sur le site de l'hôtel Best Western Premier Elysée Secret à [Localité 4] en exécution d'une convention de mise à disposition de 12 mois jusqu'au 1er mai 2018, à titre gratuit, signée le 2 mai 2017.

Le 27 juillet 2017, la période d'essai de Mme [Y] a été renouvelée pour une période de quatre mois, soit jusqu'au 1er janvier 2018.

Mme [Y] a été placée en arrêt maladie, du 14 au 20 décembre 2017.

Quelques jours plus tard, le 29 décembre 2017, Mme [Y] a indiqué qu'elle était dans l'incapacité de continuer à travailler au sein de l'Hôtel Best Western Premier Elysée Secret, pour des raisons de santé, et a fixé son dernier jour de travail au 3 janvier 2018.

L'employeur a ensuite mis fin à la période d'essai par une lettre en date du 2 janvier 2018 rédigée de la manière suivante :

« En application des dispositions de votre contrat de travail prévoyant une période d'essai de 4 mois renouvelable une fois, dans la limite de 8 mois renouvellement inclus, nous avons le regret de vous informer que nous avons décidé de mettre fin à votre période d'essai.

Conformément aux dispositions de la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail et considérant que votre présence dans l'entreprise est supérieure à 3 mois, le délai de prévenance est de 1 mois. Par conséquent, vous quitterez votre à l'issue de votre journée de travail du 13 janvier 2018 et serez rémunérée jusqu'à cette même date ».

Le bulletin de paie du mois de janvier 2018 comporte les indications utiles sur le délai de prévenance de 30 jours :

- dont 19 jours non effectués mais payés pour un montant de 2.639,59 € dans rubrique « 5300 Indem.Préavis N.EFF » ;

- dont 11 jours effectués et payés inclus dans la rubrique « 1052 Appointements »

Le solde de tout compte a été payé par chèque bancaire le 12 janvier 2018 pour le montant de 6 604,66 €.

Contestant la validité et la légitimité de la rupture du contrat de travail et réclamant diverses indemnités, Mme [Y] a saisi le 31 janvier 2019 le conseil de prud'hommes de Paris pour former les demandes suivantes :

« -Dommages et intérêts pour licenciement abusif 9 497,58 €

- Indemnité compensatrice de préavis 9 497,58 €

- Congés payés afférents 949,95 €

- Dommages et intérêts pour discrimination 18 995,16 €

- Remise de l'attestation d'employeur destinée au Pôle Emploi du certificat de travail et des bulletins de paie conformes au jugement à intervenir, sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document à compter de la date de notification du jugement à intervenir

- Réserver la liquidation de l'astreinte.

- Exécution provisoire article 515 C.P.C.

- Intérêts au taux légal

- Capitalisation des intérêts

- Article 700 du Code de Procédure Civile 2 000,00 € »

Par jugement du 21 janvier 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

« Déboute Mme [R] [Y] de l'ensemble de ses demandes.

Déboute la SAS B-LG (HOTEL BEAUCHAMPS) de sa demande reconventionnelle.

Condamne Mme [R] [Y] aux dépens. »

Mme [Y] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 2 mars 2021.

La constitution d'intimée de la société Centaurus Beauchamps a été transmise par voie électronique le 7 avril 2021.

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 29 novembre 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience du 30 janvier 2023.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 2 juin 2021, Mme [Y] demande à la cour de :

« Infirmer le jugement du CPH de Paris section encadrement chambre 2 du 21 janvier 2021 (R.G. 19/00887) en ce qu'il a

- débouté Madame [Y] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné Madame [Y] aux dépens.

Statuant de nouveau :

Requalifier la rupture du contrat de travail de Madame [Y] [R] en licenciement nul ou à titre subsidiaire abusif ;

Condamner la SAS Société B-LG à payer à Madame [Y] [R] les sommes suivantes :

- 9 497,58 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

- 9 497,58 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 949,95 euros à titre de congés payés afférents ;

- 18 995, 16 euros à titre de dommages et intérêt pour discrimination ;

Ordonner la délivrance de bulletin de paye, d'un certificat de travail et d'une attestation pôle emploi conformément au prononcé de la décision à intervenir ;

Condamner la SAS Société B-LG aux entiers dépens de l'instance et à l'intérêt au taux légal avec capitalisation à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes ;

Condamner la SAS Société B-LG à payer à Madame [Y] [R] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 30 juillet 2021, la société Centaurus Beauchamps demande à la cour de :

« Déclarer Madame [Y] mal fondée en son appel et en conséquence :

DEBOUTER Madame [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions

La CONDAMNER en tous les dépens qui seront recouvrés par la SCP REGNIER BEQUET MOISAN, avocat aux offres de droit, dans les conditions de l'article 699 du CPC et au versement de la somme de 3 500 Euros au titre de l'article 700 du CPC. »

Lors de l'audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s'en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l'affaire a alors été mise en délibéré à la date du 15 mars 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la rupture du contrat de travail

Mme [Y] soutient que :

- la période d'essai applicable conformément à la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants plus favorable à la salariée était de 3 mois ou 6 mois renouvellement inclus ;

- le période d'essai de 4 mois renouvelable une fois incluse dans le contrat de travail doit être écartée ;

- la requalification de la rupture de son contrat de travail en licenciement abusif s'impose puisque l'employeur ne pouvait donc rompre son contrat de travail que par un licenciement et non en notifiant la fin de la période d'essai, tardivement au regard du délai de préavis conventionnel de 3 mois.

En défense, la société Centaurus Beauchamps :

- l'article L. 1221-21 du Code du travail prévoit que la durée de la période d'essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser huit mois pour les cadres ;

- les stipulations des conventions collectives qui régissent le contrat de travail de Mme [Y] et qui prévient des durées de périodes d'essai de 3 mois renouvelables pour les cadres ne sont pas applicables, compte tenu de la date des conventions collectives en cause (1997 pour la convention collective HCR et 1985 pour la convention collective de l'hôtellerie de luxe) et la durée de 4 mois pour les cadres, renouvelable une fois, prévue aux articles L. 1221-19 et L. 1221-21 du code du travail s'y substituent ;

- la période d'essai ayant pour but de permettre l'appréciation des qualités du salarié, celle-ci est prolongée du temps d'absence du salarié ; 13 jours prolongent la période d'essai (congé du 16 au 21 octobre 2017, congé du 1er novembre 2017, arrêt de travail pour maladie du 14 au 20 décembre 2017) ;

- la période d'essai a été repoussée jusqu'au soir du 13 janvier 2018 et en conséquence, en rompant la période d'essai par courrier le 2 janvier 2018, l'employeur a valablement mis fin au contrat de travail.

L'article 13 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997 dispose :

« Au cours de la période d'essai ou de son renouvellement, l'une ou l'autre des parties peut rompre le contrat de travail sans préavis ni indemnités de rupture. La période d'essai terminée, l'engagement est réputé conclu ferme.

La période d'essai, ainsi que sa durée, devra obligatoirement être prévue dans le contrat de travail ou la lettre d'embauche.

La durée de la période d'essai est de :

- cadres supérieurs : accord de gré à gré ;

- cadres : 3 mois pouvant être renouvelée une fois ;

- agents de maîtrise : 2 mois pouvant être renouvelée une fois ;

- autres salariés : 1 mois pouvant être renouvelée une fois. Le renouvellement n'est pas applicable aux salariés de niveau I, échelon 1.

En cas de renouvellement de la période d'essai, un accord écrit devra être établi entre les partie »

L'article 8 de la convention collective régionale des hôtels de tourisme trois, quatre et quatre étoiles luxe de [Localité 4] et de la région parisienne du 1er mai 1985 dispose :

« Tout salarié peut être soumis par l'employeur à une période d'essai.

Sauf stipulation contractuelle particulière, la période d'essai est fixée à :

- personnel " employé " : un mois ;

- personnel " agent de maîtrise " : deux mois ;

- personnel " cadre " : trois mois.

Pendant la période d'essai, chacune des parties peut rompre le contrat de travail à tout moment sans préavis ni indemnité.

Pour le personnel " cadre ", le contrat de travail peut prévoir un délai de prévenance réciproque d'un minimum d'une semaine, une fois le premier mois d'essai écoulé.

La période d'essai terminée, l'engagement est réputé conclu ferme.

Pour les salariés embauchés à durée déterminée, les conditions relatives à la période d'essai sont celles déterminées par la loi. »

Il en résulte que la période d'essai conventionnelle est de 3 mois pour les cadres, hors renouvellement, 6 mois avec renouvellement.

Cependant l'article 2 I de la loi du 25 juin 2008 a inséré dans le code du travail les articles L.1221-19 et suivants qui fixent la durée maximale de la période d'essai, le régime de son renouvellement ainsi que son articulation avec les dispositions conventionnelles.

L'article L.1221-19 du code du travail dispose « le contrat de travail à durée indéterminée peut comporter une période d'essai dont la durée maximale est :

« 1 Pour les ouvriers et les employés, de deux mois ;

« 2 Pour les agents de maîtrise et les techniciens, de trois mois ;

« 3 Pour les cadres, de quatre mois.'

L'article L. 1221-21 du code du travail dispose « la période d'essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit. Cet accord fixe les conditions et les durées de renouvellement.

La durée de la période d'essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser :

1° Quatre mois pour les ouvriers et employés ;

2° Six mois pour les agents de maîtrise et techniciens ;

3° Huit mois pour les cadres. »

L'article L.1221-22 du code du travail dispose « les durées des périodes d'essai fixées par les articles L. 1221-19 et L. 1221-21 ont un caractère impératif, à l'exception :

- de durées plus longues fixées par les accords de branche conclus avant la date de publication de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail ;

- de durées plus courtes fixées par des accords collectifs conclus après la date de publication de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 précitée ;

- de durées plus courtes fixées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail. »

Par ailleurs, l'article 2 II de la loi précitée instaure une période transitoire durant laquelle les accords de branche conclus antérieurement à la publication de la loi et prévoyant des durées plus courtes demeurent provisoirement en vigueur : « Les stipulations des accords de branche conclus avant la publication de la présente loi et fixant des durées d'essai plus courtes que celles fixées par l'article L. 1221-19 restent en vigueur jusqu'au 30 juin 2009 ».

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1221-22 du code du travail et de l'article 2 II de la loi, que les durées maximales fixées par la loi ont un caractère impératif et que, s'agissant du sort des conventions collectives de branche conclues avant l'entrée en vigueur de la loi du 25 juin 2008, seules les dispositions prévoyant des durées d'essai plus longues continuent de s'appliquer étant précisé que les dispositions conventionnelles prévoyant des durées plus courtes ont cessé de s'appliquer après le 30 juin 2009.

Compte tenu de ce qui précède, la cour retient que la société Centaurus Beauchamps est bien fondée à soutenir que la rupture notifiée le 2 janvier 2018 s'analyse effectivement en une rupture de la période d'essai et non en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; en effet le contrat de travail a fixé sans que cela ne puisse être critiqué une période d'essai de quatre mois, du 2 mai 2017 au 1er septembre 2017, renouvelable une fois, dans la limite de huit mois ; le 27 juillet 2017, la période d'essai de Mme [Y] a été renouvelée pour une période de quatre mois, soit jusqu'au 1er janvier 2018 et cette période d'essai a été prolongée d'au moins 5 jours du fait que Mme [Y] a été placée en arrêt maladie du 14 au 20 décembre 2017 étant précisé qu'une absence pour maladie ou accident du travail entraîne la prolongation de la période d'essai d'autant, en sorte que le 2 janvier 2018, la période d'essai était encore en cours quand la société Centaurus Beauchamps y a mis fin.

En revanche, compte tenu de ce qui précède, Mme [Y] est mal fondée dans son moyen de contestation des conditions de légitimité de la rupture du contrat de travail et elle est notamment mal fondée à soutenir que la période d'essai applicable conformément à la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants plus favorable à la salariée était de 3 mois ou 6 mois renouvellement inclus et que par suite la rupture du contrat de travail du 2 janvier 2018 s'analyse en un licenciement abusif.

La demande relative à la légitimité de la rupture du contrat de travail doit par conséquent être rejetée.

Par suite, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [Y] de sa demande relative à la légitimité de la rupture du contrat de travail.

Sur la discrimination

Mme [Y] demande des dommages et intérêts pour discrimination en raison de l'état de santé ; la société Centaurus Beauchamps s'oppose à cette demande.

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

Selon l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations :

- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable,

- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

- la discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, Mme [Y] invoque les faits suivants :

- en réalité cette fin de période d'essai avait pour motif caché son état de santé ; elle avait été en arrêt maladie (pièce salarié n° 4) et ne pouvait plus travailler dans le cadre de la mise à disposition au sein du site où elle avait été affectée dès son embauche ;

- cette fin de période d'essai n'avait aucun lien avait ses compétences ; elle a eu des retours positifs de son travail auprès de l'entreprise utilisatrice (pièce salarié n° 8) et en plus, la société Centaurus Beauchamps ne l'a pas employée directement et ne pouvait donc pas apprécier ses compétences ;

- ne pouvant plus supporter les conditions de travail difficiles qui impactaient son état de santé au sein de son site d'affectation, elle avait demandé à mettre fin à cette mise à disposition pour réintégrer la société et postulé à un poste de direction d'hôtel (pièce salarié n° 9) puis informé son employeur par courrier électronique du 29 décembre 2017 de son impossibilité de continuer à travailler dans l'entreprise utilisatrice (pièce salarié n° 5) ;

- un entretien était fixé avec l'employeur pour lui proposer un poste de direction d'hôtel au sein de la société Centaurus Beauchamps le 8 janvier 2018 (pièce salarié n° 9) ;

- elle dénonce donc le caractère discriminatoire de la fin de sa période d'essai et demande à ce que la rupture de son contrat de travail soit déclaré nulle.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d'éléments suffisants pour retenir que Mme [Y] établit l'existence matérielle de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une discrimination à son encontre.

La société Centaurus Beauchamps fait valoir :

- la lettre de renouvellement de la période d'essai du 27 juillet 2017 (pièce adverse n° 3) exposait que la période initiale de quatre mois n'avait pas permis à l'employeur de conclure avec certitude à l'aptitude de Mme [Y] à remplir les fonctions envisagées ;

- non seulement la seconde période d'essai n'a pas permis à l'employeur d'estimer qu'elle remplissait les conditions nécessaires pour occuper ce poste à l'Hôtel Beauchamps mais Mme [Y] elle-même a précisé spontanément, par courriel du 29 décembre 2017 (pièce adverse n° 5), qu'elle n'était plus en mesure « d'assurer le poste de responsable d'exploitation », ajoutant « mon dernier jour de travail sera le mercredi 3 janvier 2018 » ;

- Mme [Y] ne donnait pas entière satisfaction et l'employeur ne l'estimait pas apte à remplir les fonctions de responsable de l'hébergement de son hôtel : Mme [Y] elle-même l'a écrit ;

- les retours positifs que Mme [Y] invoquent contiennent en réalité des félicitations générales adressées à toute l'équipe suite à un audit (pièce salarié n° 8) ; il n'y a rien d'individuel en ce qui la concerne ;

- la fixation d'un entretien au 8 janvier 2018 était une réponse « par correction » à sa demande mais aucunement un engagement (pièce salarié n° 9).

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d'éléments suffisants pour retenir que la société Centaurus Beauchamps démontre que les faits matériellement établis par Mme [Y] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. En effet la cour retient que la société Centaurus Beauchamps apporte suffisamment d'éléments pour contredire les allégations de Mme [Y] et pour démontrer qu'elle a mis fin à la relation de travail en exerçant sa faculté de mettre fin régulièrement à la période d'essai sans faute ni abus, ni discrimination en raison de l'état de santé de Mme [Y] parce que la société Centaurus Beauchamps ne l'estimait pas apte à remplir les fonctions de responsable de l'hébergement de son hôtel.

Les demandes relatives à la discrimination et à la nullité de la rupture du contrat de travail doivent par conséquent être rejetées.

Par suite, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [Y] de sa demande formée au titre de la discrimination.

Par voie de conséquence, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [Y] de toutes ses demandes.

Sur la délivrance de documents

Mme [Y] demande la remise de documents (certificat de travail, attestation destinée à Pôle Emploi).

Il est constant que les documents demandés lui ont déjà été remis ; il n'est cependant pas établi qu'ils ne sont pas conformes ; la demande de remise de documents est donc rejetée.

Sur les autres demandes

La cour condamne Mme [Y] aux dépens en application de l'article 696 du Code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de la société Centaurus Beauchamps les frais irrépétibles de la procédure d'appel.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Ajoutant,

DÉBOUTE la société Centaurus Beauchamps de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

CONDAMNE Mme [Y] aux dépens,

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/02334
Date de la décision : 15/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-15;21.02334 ?
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