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15/03/2023 | FRANCE | N°20/05049

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 15 mars 2023, 20/05049


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 15 MARS 2023



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05049 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCGFC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mars 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 18/00163



APPELANT



Monsieur [Y] [P]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Frédéric BENO

IST, avocat au barreau de PARIS, toque : G0001



INTIMEES



S.C.P. [L] -HAZANNE Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « FECOMME MARKETING SERVICES »

[Adresse 4]

[Localité 5]

Non...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 15 MARS 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05049 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCGFC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mars 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 18/00163

APPELANT

Monsieur [Y] [P]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Frédéric BENOIST, avocat au barreau de PARIS, toque : G0001

INTIMEES

S.C.P. [L] -HAZANNE Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « FECOMME MARKETING SERVICES »

[Adresse 4]

[Localité 5]

Non représenté

S.A.S. THIERRY FECOMME CONSULTING

[Adresse 2]

[Localité 7]

N° SIRET : 443 349 469

Représentée par Me Sabine SAINT SANS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0426

S.A.S. THIERRY FECOMME HOLDING

[Adresse 2]

[Localité 7]

N° SIRET : 450 501 572

Représentée par Me Sabine SAINT SANS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0426

Association AGS CGEA IDF EST UNEDIC Délégation AGS CGEA IDF EST Association déclarée, représentée par sa Directrice, dûment habilitée [Z] [V],

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Claude-marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre

Mme Anne-Gaël BLANC, Conseillère

Mme Florence MARQUES, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Anne-Ga'l BLANC dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par contrat de travail à durée indéterminée du 27 janvier 2006, M. [Y] [P] a été engagé par la société Fecomme Marketing Quebecor en qualité de bobinier receveur, statut ouvrier.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [P] s'élevait à 2.597,13 euros.

Suivant plan de cession du 28 février 2011, l'activité de la société Imprimerie Fecomme [Localité 7], qui était en redressement judiciaire, a été reprise par la SAS Fecomme marketing services (FMS), filiale de la SAS Thierry Fecomme holding (TFH), qui contrôle également la SAS Thierry Fecomme consulting (TFC).

Du fait de la reprise, le contrat de travail de M. [P] a été transféré à la société FMS.

La société FMS occupait à titre habituel plus de dix salariés et appliquait la convention collective nationale de travail du personnel des imprimeries de labeur et des industries graphiques.

Par jugements du 30 septembre 2013 puis du 20 novembre 2014, la société FMS a été placée en redressement puis en liquidation judiciaires.

Le 28 suivant, le salarié a été licencié pour motif économique compte tenu de la cessation d'activité de la société.

Le 23 décembre 2014, M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Meaux aux fins de voir reconnaître une situation de coemploi entre les sociétés FMS, TFC et TFH, djuger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir la fixation au passif de la société FMS avec condamnation solidaire des sociétés TFC et TFH de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre l'indemnisation d'un temps de pause non pris.

Le 26 septembre 2016, le tribunal de commerce de Meaux a clôturé la procédure de liquidation pour insuffisance d'actifs, Me [O] [L] étant désigné ès qualité de mandataire ad hoc.

Par jugement du 4 mars 2020, le conseil a rejeté l'ensemble des demandes de M. [P].

Le 23 juillet 2020, le salarié a fait appel de cette décision notifiée le 3 avril précédent, le délai d'appel expirant pendant la période d'urgence sanitaire. Le même jour, le salarié a formé une autre déclaration d'appel. La jonction entre ces deux procédures a été ordonnée le 4 octobre 2021.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 octobre 2020, M. [P] demande à la cour, outre la jonction, d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- fixer au passif de la société FMS avec condamnation solidaire des sociétés TFC et TFH la somme de 6 345,00 euros de rappel de salaire au titre de la ' pause 20' ' non effectuée et 634,50 euros de congés payés afférents ;

- fixer au passif de la société FMS avec condamnation solidaire des sociétés TFC et TFH la somme de 32.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- déclarer l'arrêt opposable à l'AGS CGEA IDF Est ;

- assortir les condamnations des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation ;

- 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Assigné en intervention forcée le 4 août 2021, Me [O] [L], mandataire ad hoc de la société FMS, n'a pas constitué avocat.

Dans leurs conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 janvier 2021, les sociétés TFC et TFH demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes et, y ajoutant, de le condamner au paiement de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 25 octobre 2020, l'association AGS CGEA IDF Est demande à la cour, à titre principal, d'infirmer le jugement du conseil en ce qu'il retient sa compétence au détriment de celle du tribunal administratif de Meaux. Subsidiairement, elle soutient l'inopposabilité des condamnations à son égard. Plus subsidiairement, elle demande la confirmation du jugement entrepris et le rejet des demandes. A titre infiniment subsidiaire, elle demande de réduire à de plus justes proportions les demandes de fixation sollicitées, de limiter sa garantie en excluant notamment les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'astreinte, de rejeter la demande d'intérêts légaux et de dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à sa charge.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 octobre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 6 décembre 2022.

Par note en délibéré du 15 février 2023, les AGS ont transmis leurs conclusions de première instance dans lesquelles figurait l'exception d'incompétence soutenue devant la cour sur laquelle le conseil n'a pas statué.

Pour l'exposé des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La demande de jonction est sans objet puisque celle-ci a d'ores et déjà été ordonnée par le conseiller de la mise en état.

Par ailleurs, le mandataire ad hoc qui n'a pas conclu est réputé adopter les motifs de la décision de première instance, sans pouvoir se référer à ses conclusions ou pièces déposées devant la juridiction de première instance. Ainsi, la cour qui n'est pas saisie de conclusions de Me [L] es qualité de mandataire ad hoc doit uniquement examiner les motifs du jugement ayant accueilli ses prétentions en première instance.

1 : Sur le coemploi

En application de l'article L. 1221-1 du code du travail, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

Ainsi, l'immixtion permanente d'une société dans la gestion économique et sociale d'une autre, entraînant la perte totale de l'autonomie de cette dernière est l'unique critère du coemploi et, alors que les sociétés d'un même groupe sont le plus souvent liées par une politique et une stratégie de groupe commune, des relations capitalistiques, financières, l'utilisation de moyens et de ressources mutualisées (tel que les services supports), c'est la perte d'autonomie d'action de la filiale, qui ne dispose pas du pouvoir réel de conduire ses affaires dans le domaine de la gestion économique et sociale et notamment des ressources humaines, prises en main par la société mère, qui est déterminante dans la caractérisation de cette immixtion justifiant alors que le principe d'indépendance juridique des personnes morales soit exceptionnellement neutralisé.

Par ailleurs, il appartient à celui qui se prévaut d'une situation de coemploi d'en rapporter la preuve.

Au cas présent, le salarié expose que la société FMS a été reprise par le groupe Fecomme qui n'a pas servi les intérêts de sa filiale mais ses intérêts propres pour s'enrichir à son détriment ce qui aurait abouti in fine à la liquidation judiciaire de la société et à sa cessation d'activité.

Concernant plus précisément le coemploi, il fait état d'une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre la société FMS, d'une part, et les sociétés TFH et TFC, d'autre part. Il se prévaut également d'un double lien de subordination.

Sur le premier aspect, le salarié souligne la participation importante du dirigeant du groupe TFH et de ses proches collaborateurs dans la société FMS. Il note que celui-ci détient des parts au sein de la société propriétaire des locaux de la société FMS à qui cette dernière verse un loyer. Il soutient que la société FMS était dans une situation de dépendance à l'égard de la société TFC et du groupe Fecomme puisqu'une partie du matériel d'impression de la société FMS était détenu par la société TFC, que l'équipe commerciale de la société FMS appartenait au groupe TFH qui lui facturait des prestations d'assistance administrative et commerciale et que la clientèle de FMS était constituée dans sa quasi-totalité de sociétés appartenant au groupe, les prix unitaires et les tarifications proposés par la société FMS étant inférieurs à ceux du marché alors que la société TFC pouvait encaisser une commission pour son intermédiation. Il fait également état d'une confusion possible pour la clientèle au regard des noms commerciaux proches des différentes filiales du groupe. Il ajoute que le groupe définissait le positionnement stratégique de la société FMS et affirme que la gestion financière et bancaire de la société FMS était sous le contrôle unique des coemployeurs ce qui résulterait de l'adresse figurant sur de nombreux documents bancaires correspondant au siège de la société mère et non de la filiale. Concernant la gestion sociale, il fait valoir que le directeur des ventes de la société TFC a été désigné comme directeur délégué de la société FMS et que ce dernier gérait les plannings et la répartition des tâches des salariés, allouait des promotions et signait des courriers de notification de licenciement pour motif économique. Il note que la directrice administrative et financière de TFC était positionnée comme le supérieur hiérarchique direct de cadre dans leur contrat de travail, définissait les plannings, établissait les fiches de poste et qu'elle a signé le courrier de rupture de période d'essai d'une salariée. Il affirme que le directeur des ventes et la directrice administrative et financière de la société TFC étaient les uniques interlocuteurs des représentants du personnel puisqu'ils organisaient les réunions du comité d'entreprise ou des délégués du personnel et en fixaient l'ordre du jour. Enfin, il souligne que certains contrats de travail mentionnaient que les salariés s'engageaient à travailler exclusivement pour le compte de la société FMS et/ou des sociétés du groupe.

Cependant, ces allégations sont, pour certaines, non démontrées, pour d'autres, inopérantes pour établir un coemploi et, en tout état de cause, insuffisantes à caractériser une immixtion permanente des prétendus coemployeurs privant la société FMS de toute autonomie de gestion économique et sociale.

En effet, à compter de la reprise jusqu'au jugement de liquidation, la participation de la société TFH au sein de la société FMS a diminué passant de 46 % à 30.13 %. Par ailleurs, la reprise de l'actif immobilier a été réalisée à la demande de l'administrateur judiciaire alors qu'elle était exclue de 1'offre initiale. En outre, selon l'attestation de l'expert immobilier versée aux débats, le loyer payé par la société FMS est inférieur au prix du marché. Au surplus, les activités des sociétés TFH (holding, fonctions supports), TFC (négoce) et FMS (imprimerie) étaient différentes et la société FMS disposait d'une clientèle et de moyens de production propres. La stratégie de la société a en outre été élaborée dans le cadre de la reprise et tend, par l'inovation qui la sous-tend, à servir les intérêts de la société FMS dans un contexte économique difficile pour le secteur de l'imprimerie. Rien ne permet enfin d'affirmer que les prix de FMS étaient inférieurs à ceux du marché ou que d'autres sociétés du groupe se soient enrichies à son détriment alors que la réalité de leur prestation n'est pas contestée.

Surtout, déjà avant sa reprise, la société FMS bénéficiait des fonctions support du groupe auquel elle appartenait alors puisqu'elle ne disposait pas elle-même de moyens humains dédiés. Après la reprise, des recrutements ont néanmoins été réalisés. Ainsi, un directeur d'usine et divers responsables ont été recrutés. Par ailleurs le directeur des ventes de la société TFC intervenait comme directeur général de la société FMS dans le cadre d'un contrat de mise à disposition signé le 1er juin 2012 et il n'est aucunement démontré qu'il recevait des instructions du groupe dans sa gestion sociale du personnel de FMS. Enfin, alors qu'un contrat de service et d'assistance générale renouvelable tacitement avait été signé le 1er octobre 2011 entre TFH et FMS, la directrice administrative et financière du groupe intervenait dans ce cadre et uniquement ponctuellement pour des missions spécifiques (24 jours en 2011, 67 jours en 2012, 40 jours en 2013 et 22 jours en 2014).

Dès lors, le moyen tiré de l'existence d'une immixtion permanente des sociétés TFH et TFC dans la gestion économique et sociale de FMS, entraînant la perte totale de son autonomie sera écarté.

Concernant en second lieu l'existence d'un double lien de subordination, le salarié n'apporte pas la preuve qui lui incombe d'avoir personnellement réalisé pour le compte des sociétés TFH et TFC une véritable prestation de travail ayant vocation à être rémunérée dans le cadre d'un lien de subordination et notamment pas que ces sociétés lui donnaient des ordres et des directives, en contrôlaient l'exécution et avaient le pouvoir de sanctionner ses éventuels manquements.

Le moyen tiré de l'existence d'un double lien de subordination sera donc également écarté.

Dès lors, il n'y a pas lieu de retenir que les sociétés TFH et TFC étaient coemployeurs de M.[P] et le jugement sera confirmé de ce chef ainsi qu'en ce qu'il rejette les demandes de condamnations solidaires subséquentes.

2 : Sur l'exécution du contrat et le non-respect du temps de pause

L'article 314 de la convention collective du personnel des imprimeries de labeur et des industries graphiques prévoit que, 'dans le cas de double équipe pour un même atelier, chaque équipe pourra travailler 5 jours de 8 heures, avec un salaire de 8 heures et une brisure de 1/2 heure, incluse dans les 8 heures et que la brisure conventionnelle intégrant les dispositions légales sera prise et payée pendant l'organisation du service ou à la fin de celui-ci'.

Par ailleurs, en application de l'article L.1224-2 du code du travail, dans les cas de reprise consécutive à un redressement judiciaire, le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur. Au cas présent, la reprise dans ce cadre étant intervenue le 1er mars 2011, il convient de rejeter les demandes du salarié portant sur les périodes antérieures.

En l'espèce, l'employeur, qui en a la charge, ne démontre pas par la seule production de l'accord d'entreprise mentionnant ce temps de pause, par l'absence de plainte des salariés ou des représentants du personnel sur ce point ou par le fait que cette prétendue pause était payée, que ce temps de pause était effectivement pris.

Il convient donc de fixer au passif de la société la somme de 4.124,25 euros outre 412,42 euros de congés payés afférents au titre du non-respect des temps de pause à compter de la reprise du 1er mars 2011 jusqu'à la cessation de la relation de travail.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

3 : Sur le licenciement pour motif économique

3. 1 : Sur la réalité du motif économique

Sauf faute de l'employeur ou légèreté blâmable de ce dernier, la cessation d'activité de l'entreprise constitue un motif autonome de licenciement économique même si cette entreprise appartient à un groupe, sauf en situation de coemploi.

Au cas présent alors que la société FMS a cessé son activité, que le coemploi a été écarté et que la légèreté blâmable n'est pas invoquée, le moyen tiré de l'absence de réalité du motif économique invoqué sera écarté.

3.2 : Sur l'obligation de reclassement

3.2.1 : Sur l'exception d'incompétence soulevée par l'association AGS CGEA

Il résulte de l'article L.1235-7-1 du code du travail, issu de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, que, si le juge judiciaire demeure compétent pour apprécier le respect par l'employeur de l'obligation individuelle de reclassement, cette appréciation ne peut méconnaître l'autorité de la chose décidée par l'autorité administrative ayant homologué le document élaboré par l'employeur par lequel a été fixé le contenu du plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi.

Cependant, au cas présent, il ne ressort pas des débats que M. [P] aurait été licencié dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi en sorte que l'exception d'incompétence soulevée par l'association AGS CGEA IDF sera rejetée.

Le jugement sera complété de ce chef.

3.2.2 : Sur le fond

Aux termes de l'article L.1233-4 du code du travail dans sa version applicable au litige, dispose que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient, que le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure et que les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

L'obligation de moyens renforcée de reclassement est remplie lorsque l'employeur établit soit l'absence de poste disponible à l'époque du licenciement dans l'ensemble des sociétés du groupe relevant du périmètre de reclassement, soit que l'ensemble des postes disponibles a été proposé au salarié soit que des propositions personnalisées, précises et concrètes de reclassement, correspondant à sa qualification, ont été faites au salarié qui les a refusées abusivement.

Au cas présent, le conseil a considéré que l'employeur avait rempli son obligation de reclassement dans la mesure où l'administrateur avait interrogé l'ensemble des entreprises du groupe qui n'avaient aucun poste disponible et qu'il avait recherché des postes dans des entreprises externes au groupe.

Or, alors que le salarié soutient que les intimées ne justifient pas de l'impossibilité effective de reclassement au sein des différentes sociétés du groupe, en cause d'appel, aucune pièce n'est produite au soutien de la réalité des démarches effectuées, le mandataire ad hoc étant défaillant et ne pouvant se référer à ses pièces transmises en première instance et les sociétés TFH et TFC ne produisant aucune pièce au soutien de leurs affirmations sur ce point, ce qui prive la cour de sa possibilité de vérifier que le conseil a justement déduit des pièces qui étaient produites devant lui que l'employeur s'était acquitté de son obligation de reclassement.

Il convient donc de considérer que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et, en application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, au regard du préjudice subi par le salarié compte tenu de son âge et de son ancienneté, de fixer au passif de la société la somme de 24.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il juge que le licenciement économique est fondé et qu'il rejette la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

4 : Sur la garantie des AGS

Il ressort de l'article L.1235-8 du code du travail que l'AGS doit garantir les sommes dues lors de l'ouverture de toute procédure de liquidation ainsi que les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation, ce qui est le cas en l'espèce, de sorte que le présent arrêt sera déclaré opposable à l'AGS CGEA Ile de France Est dans les limites de sa garantie peu important que la liquidation ait été clôturée depuis.

5 : Sur les intérêts

Le jugement de redressement judiciaire du 30 septembre 2013 ayant arrêté le cours des intérêts au taux légal, la demande à ce titre sera rejetée pour la créance au titre du non-respect du temps de pause qui est née antérieurement aux jugements de redressement puis de liquidation. Les dommages et intérêts pour licenciement abusif nés postérieurement à la liquidation porteront en revanche intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

6 : Sur les demandes accessoires

Au regard du sens de la présente décision, le jugement sera infirmé sur la charge des dépens. Les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de Me [L] ès qualité de mandataire ad hoc.

L'équité commande de ne pas faire droit aux demandes au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour :

- Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 1er avril 2019, sauf en ce qu'il rejette les demandes au titre du coemploi et la demande subséquente de condamnation solidaire des sociétés TFC et TFH ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

- Fixe au passif de la SAS Fecomme marketing services la somme de 4.124,25 euros outre 412,42 euros de congés payés afférents au titre du non-respect des temps de pause à compter de la reprise du 1er mars 2011 jusqu'à la cessation de la relation de travail;

- Rejette l'exception d'incompétence soulevée par l'AGS CGEA IDF Est ;

- Juge le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ,

- Fixe au passif de la SAS Fecomme marketing services la somme de 24.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Rappelle que seuls les dommages et intérêts pour rupture abusive porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

- Dit que le présent arrêt est opposable à l'AGS CGEA Ile-de-France Est dans les limites de sa garantie ;

- Rejette les demandes au titre des frais irrépétibles ;

- Condamne Me [L] ès qualité de mandataire ad hoc aux dépens de première instance et d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/05049
Date de la décision : 15/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-15;20.05049 ?
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