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15/03/2023 | FRANCE | N°19/01518

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 15 mars 2023, 19/01518


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 15 MARS 2023



(n° 55 /2023, 17 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/01518 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7EWZ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Décembre 2018 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° J2018000602





APPELANTE



SA AXA FRANCE IARD agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en c

ette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 7]



Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée de Me Sami...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 15 MARS 2023

(n° 55 /2023, 17 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/01518 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7EWZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Décembre 2018 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° J2018000602

APPELANTE

SA AXA FRANCE IARD agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée de Me Samia DIDI MOULAÏ, substituée par Me Simone-Claire CHETIVAUX

INTIMEES

Société ND EUROPE S.A.R.L. Société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois, venant aux droits de l'EURL [Localité 9]

[Adresse 1]

L1282 LUXEMBOURG BELGIQUE

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Maxime SIMONNET, avocat au barreau de PARIS

Société ND EUROPE S.A.R.L. Société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois, venant aux droits de l'EURL [G]

[Adresse 1]

L1282 LUXEMBOURG BELGIQUE

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Maxime SIMONNET, avocat au barreau de PARIS

PARTIES INTERVENANTES

SAS G.S.E

[Adresse 2]

Parc d'activités de l'aéroport

[Localité 6]

Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

XL INSURANCE COMPANY SE agissant poursuites et diligences de ses représentant slégaux domiciliés en cette qualité audit siège, venant aux droits de la Sté AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Assistée de Me Anne GAUVIN, substituée par Me Tatiana NAUMKINA, avocat au barreau de Paris

SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Assistée de Me Anne GAUVIN, substituée par Me Tatiana NAUMKINA, avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre

Madame Elise THEVENIN-SCOTT, conseillère

Mme Alexandra PELIER-TETREAU, vice-présidente placée faisant fonction de conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame [P] [Y] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Céline RICHARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Marie-Ange Sentucq, présidente de chambre et par Manon Caron, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

L'EURL [G] et l'EURL [Localité 9] ont fait réaliser deux bâtiments, dénommés A pour la première et B pour la seconde au lieu-dit [Adresse 8].

La réalisation de ces travaux a été confiée à la société GSE qui est intervenue en qualité de contractant général laquelle a sous-traité :

- le lot "réseau sprinkler aérien" à la société Axima Actis,

- le lot "réseau sprinkler/eau potable enterré" à la société Sade.

La réception a été prononcée le 1er juillet 2002.

La société GSE a souscrit auprès de la société Axa France Iard deux contrats d'assurance distincts, portant sur les deux opérations de construction distinctes des deux maîtres d'ouvrage :

- La Police Unique de Chantier dite 'PUC' portant le n° 1687390304 portant sur le bâtiment A dont le propriétaire était l'EURL [G] ;

- La Police Unique de Chantier dite 'PUC' portant le n° 375035194380N portant sur le bâtiment B dont le propriétaire était l'EURL [Localité 9].

Ces deux contrats d'assurance garantissaient les risques suivants :

- le risque 'dommages-ouvrage' au sens de l'article L. 242.1 du code des assurances qui garantit, au profit des propriétaires successifs, les dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792 du code civil,

- le risque "responsabilité civile décennale" souscrit en application de l'article L. 241.1 du code des assurances destiné à garantir la présomption de responsabilité des constructeurs visés dans la police, lorsque celle-ci est engagée en application de l'article 1792 du code civil.

Diverses déclarations de sinistre ont été adressées à la société Axa France France sur les volets dommages-ouvrage de ces deux contrats.

Par assignation en référé délivrée suivant acte en date du 9 avril 2010, l'EURL [Localité 9] et l'EURL [G] ont saisi le président du tribunal de grande instance de Paris à l'encontre de la société FL Développement, Axima, GSE, CGTH, Lyonnaise des Eaux et Axa France Iard, afin de voir désigner un expert judiciaire pour examiner les désordres affectant le réseau incendie enterré ayant fait l'objet des déclarations de sinistre et d'un rapport établi par la société Pergolèse Ingénierie.

Par ordonnance de référé prononcée le 18 mai 2010, M. [F] a été désigné en qualité d'expert judiciaire.

Par assignation en référé délivrée suivant acte du 17 octobre 2013, la société Axa France Iard a sollicité que les opérations d'expertise soient rendues communes à la société Sprinkler et à son assureur la Maaf ce qui lui a été accordé par ordonnance de référé en date du 15 novembre 2013.

M. [F] a déposé son rapport le 12 juin 2014.

Par assignation en référé délivrée suivant acte en date du 1er octobre 2014, l'EURL [Localité 9] et l'EURL [G] ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris afin de voir condamner, au principal, la société Axa France Iard indistinctement au titre des deux contrats d'assurance PUC n° 1687390304 et n° 375035194380N à lui payer la somme de 5 500 000 euros et, subsidiairement, la condamnation de la société GSE pour le même montant.

Par ordonnance de référé prononcée le 8 avril 2015, le juge des référés a rejeté ces demandes, considérant, au vu des conclusions déposées par la concluante, que les pièces produites ne permettaient pas de caractériser l'existence et l'étendue des fautes alléguées contre la société Axa France Iard au titre des risques dommages-ouvrage, condamnant au surplus les demanderesses à verser à la concluante la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par assignation délivrée par acte en date du 2 juin 2015, les sociétés [Localité 9] et [G] ont présenté les mêmes demandes devant le tribunal de commerce de Paris, sollicitant que la société Axa France Iard soit condamnée, au titre des risques dommages-ouvrage des deux contrats d'assurance qu'elle leur a délivrés, à leur verser diverses indemnités.

Enfin, par acte en date du 6 mars 2015, la société GSE a fait assigner la société d'assurances Axa France Solutions ainsi que divers constructeurs, ses sous-traitants, afin de les voir garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre du fait des réclamations des sociétés [Localité 9] et [G].

Par jugement du 13 décembre 2018, le tribunal de commerce de Paris, a :

Joint d'office les instances enregistrées sous les références RG 2015019141 et RG 2015034794 sous le seul et même numéro RG J2018000602 ;

Dit la société [Localité 9] recevable en son action à l'encontre de la société Axa France Iard;

Débouté la société Axa France Iard de sa demande de prescription des sociétés [Localité 9] et [G] ;

Condamné en conséquence la société Axa France Iard à payer au titre du remplacement du réseau :

- la somme de 1 608 990,06 euros à la société [Localité 9],

- la somme de 3 059 093,55 euros à la société [G] ;

Condamné en conséquence la société Axa France Iard à payer à titre des dommages connexes :

- la somme de 127 193,19 euros à la société [Localité 9] ;

- la somme de 217 317,09 euros à la société [G] ;

Débouté les sociétés [Localité 9] et [G] de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Condamné la SA Axa France Iard à payer aux sociétés [Localité 9] et [G] la somme de 50 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné SA GSE anciennement GSE Holding à payer à la société Sade - Compagnie Générale de Travaux d'Hydraulique la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejeté les demandes autres, plus amples ou contraires ;

Ordonné l'exécution provisoire ;

Condamné la société Axa France Iard aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 293,04 euros dont 48,62 euros de TVA.

Par déclaration d'appel du 23 janvier 2019, la société Axa France Iard a interjeté appel du jugement, intimant les sociétés [Localité 9] et [G].

Par acte du 18 juillet 2019, la société ND Europe, venant aux droits des sociétés [Localité 9] et [G], a fait assigner en intervention forcée la société GSE, en sa qualité de contracteur général, et la société Axa Corporate Solutions, en sa qualité d'assureur responsabilité de la société GSE, aux droits de laquelle se trouve la société XL Insurance Company SE.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions signifiées via le réseau privé virtuel des avocats le 26 avril 2022, la société Axa France Iard, appelante, demande à la cour, au visa des articles des articles L. 241-1 et L. 242-2 du code des assurances, des articles 16 et 246 du code de procédure civile, de l'article L. 121-1 du code des assurances, et de l'article 1221 nouveau du code civil, de :

Juger, au vu de tous les documents versés aux débats, qu'il s'agisse des rapports d'expertise contractuelle, du rapport de l'expert judiciaire ou du rapport de M. [V], que les fuites observées sur les canalisations des réseaux de sprinkler des bâtiments des sociétés [Localité 9] et [G] n'ont jamais été causées par des défauts de quelque nature que ce soit, y compris de corrosion, qui aient affecté les canalisations proprement dites des réseaux de sprinkler ;

Juger que les seuls désordres ou défauts de conformité affectant les réseaux de sprinkler, aux dires unanimes de ces experts, se situent "au droit des brides de raccordement qui ont été contrôlées comme insuffisamment serrées, avec des boulons manquants, avec l'absence de buttées en béton, avec des remblais sans sablon et avec des remblais hétérogènes" ;

Juger, ce qui n'est ni contesté, ni contestable, que toutes les réparations qui ont été conçues et financées par la compagnie Axa France Iard durant toute la période de garantie décennale ont pleinement donné satisfaction aux sociétés [Localité 9] et [G] qui n'ont jamais signalé la moindre reprise des fuites aux emplacements réparés ;

Juger que la tardiveté à présenter un moyen de défense qui a servi de base aux condamnations prononcées par le tribunal de commerce de Paris dans son jugement du 13 décembre 2018 n'est pas, à elle seule, suffisante pour rejeter l'offre de réparation présentée en cours de procédure par la compagnie Axa France Iard ;

Juger que la tardiveté pour proposer l'offre indemnitaire d'Axa France ne résulte pas de son fait mais est le résultat d'une situation de non-respect du contradictoire au cours des opérations d'expertise ;

Juger que l'indemnité d'assurance due par un assureur ne peut excéder le montant des travaux nécessaires pour remédier aux dommages ;

Limitant les obligations de l'assureur aux seuls "travaux nécessaires", dans le respect du principe indemnitaire et du principe de proportionnalité, rejeter la solution de remplacement complet du système de sprinklage réclamée par les sociétés [Localité 9] et [G] comme étant parfaitement excessive et infondée, et valider la solution de réparation proposée et financée par la société Axa France Iard ;

Juger que l'assureur dommages-ouvrage est garant envers son assuré, de l'efficacité des travaux de réparation qu'il préfinance ce qui ne peut amener à exclure sa proposition de réparation ;

Juger que la solution de réparation, déjà mise en 'uvre avec satisfaction par elle est suffisante et justifiée et que la solution de remplacement complet du réseau viole tout à la fois le principe de proportionnalité et le principe indemnitaire ;

Juger que l'offre indemnitaire de la compagnie Axa France, à hauteur de la somme totale de 1 546 191,22 euros HT pour les deux sites de [Localité 9] et [G] est sérieuse, motivée et suffisante pour remédier aux dommages en ce qu'elle constitue la généralisation aux deux réseaux de la solution réparatoire qui a été conçue et financée par la société Axa France au cours des opérations d'expertise amiable et qui a pleinement donné satisfaction ;

En conséquence,

Réformer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 13 décembre 2018 en ce qu'il a condamné la compagnie Axa France à payer aux sociétés [Localité 9] et [G] le coût du remplacement complet du réseau de sprinkler à hauteur des sommes, respectivement de 1 608 990,06 euros à la société [Localité 9] et 3 059 093,55 euros à la société [G] ;

Juger que le montant total des travaux de réparation, objet de la proposition d'Axa France Iard, fondée sur la généralisation des travaux réparatoires déjà financés par l'assureur dommages -ouvrage et qui ont pleinement donné satisfaction, s'élève à la somme totale de 1 546 191,22 euros HT valeur décembre 2016, date d'achèvement des travaux, soit 576 369,54 euros HT pour la société [Localité 9] et 969 821,68 euros HT pour la société [G] ;

En conséquence,

Réduire le montant des condamnations prononcées à l'encontre de la compagnie AXA FRANCE aux sommes de 576 369,54 euros HT pour la société [Localité 9] et 969 821, 68 euros HT pour la société [G] ;

Réduire à de plus justes proportions le montant exorbitant des sommes qui ont été allouées aux sociétés [Localité 9] et [G] au titre des frais irrépétibles qu'elles prétendent avoir engagés sans en apporter le moindre justificatif ;

Condamner in solidum les sociétés [Localité 9] et [G] en tous les dépens de la présente instance dont le montant pourra être recouvré directement.

Par conclusions signifiées via le réseau privé virtuel des avocats le 1er août 2022, la société ND Europe, intimée, demande à la cour, au visa de l'article 16 du code de procédure civile, des articles L. 241-1 et L. 242-1 du code des assurances, des 1792 et suivants du code civil, et des articles 1147 (ancien), 1134 (ancien), 1382 (ancien) du code civil, de :

- Lui donner acte de ce qu'elle vient aux droits des sociétés [G] et [Localité 9] ;

À titre principal,

- Confirmer intégralement le jugement entrepris rendu par le tribunal de commerce de Paris le 13 décembre 2018 excepté en ce qu'il a :

débouté les sociétés [Localité 9] et [G] de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

rejeté les demandes autres, plus amples ou contraires ;

- Statuant de nouveau sur ces chefs de demandes et y ajoutant :

Condamner additionnellement la société Axa France Iard à payer à la société ND Europe SARL venant aux droits des sociétés Servin [G] et [Localité 9], la somme de 98 622,07 euros au titre des pertes d'eau, se répartissant comme suit :

62 210,80 euros en faveur de la société [G] (soit 63,08 % du total), aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société ND Europe SARL,

36 411,27 euros en faveur de la société [Localité 9] (soit 36,92 % du total), aux droits de laquelle se trouve désormais la société ND Europe SARL ;

Rejeter les demandes autres, plus amples ou contraires,

Condamner la société Axa France Iard à verser à la société ND Europe Sarl venant aux droits des sociétés Servin [G] et [Localité 9], la somme de 100 000 euros pour résistance abusive ;

A titre subsidiaire, et si par impossible la cour d'appel de céans devait infirmer le jugement entrepris en faisant droit à la demande de la société Axa France Iard de ramener à la somme totale de 1 546 191,22 euros le montant des travaux de réparations,

- Condamner solidairement la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de la société GSE, et la société GSE, à lui verser, venant aux droits des sociétés Servin [G] et [Localité 9], la somme de 3 121 892,39 euros HT, correspondant à la différence entre le montant acquitté par les sociétés [Localité 9] et [G] pour le remplacement intégral du réseau de 4 668 083,61 euros HT et la proposition financière de la société Axa France Iard de 1 546 191,22 euros HT, se décomposant comme suit :

Travaux [G] : 2 089 271,87 euros HT (soit 3 059 093,55 euros HT moins 969 821,68 euros HT);

Travaux [Localité 9] : 1 032 620,52 (soit 1 608 990,06 euros HT moins 576 369,54 euros HT).

- Condamner solidairement la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de la société GSE, et la société GSE, à verser à la société ND Europe SARL venant aux droits des sociétés Servin [G] et [Localité 9], la somme de 98 622,07 euros au titre des demandes connexes relatives aux pertes d'eau, se répartissant comme suit :

62 210,80 euros en faveur de la société [G], aux droits de laquelle se trouve désormais la société ND Europe SARL,

36 411,27 euros en faveur de la société [Localité 9], aux droits de laquelle se trouve désormais la société ND Europe SARL ;

A titre infiniment subsidiaire, et si par impossible la cour d'appel de céans devait infirmer le jugement entrepris en faisant droit à la demande de la société Axa France Iard de ramener à la somme totale de 1 546 191,22 euros le montant des travaux de réparations,

- Condamner solidairement la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de la société GSE, et la société GSE, à verser à la société ND Europe SARL, venant aux droits des sociétés Servin [G] et [Localité 9], la somme de 3 121 892,39 € HT, correspondant à la différence entre le montant acquitté par les sociétés [Localité 9] et [G] pour le remplacement intégral du réseau de 4 668 083,61 euros HT et la proposition financière de la société Axa France Iard de 1 546 191,22 euros HT, se décomposant comme suit :

Travaux [G] : 2 089 271,87 euros HT (soit 3 059 093,55 euros HT moins 969 821,68 euros HT) ;

Travaux [Localité 9] : 1 032 620,52 (soit 1 608 990,06 euros HT moins 576 369,54 euros HT).

- Condamner la société XL Insurance Company SE venant aux droits de la société Axa Corporate Solutions Assurance à relever et garantir la société GSE de la condamnation à la somme de 98 622,07 euros au titre des demandes connexes relatives aux pertes d'eau, se répartissant comme suit :

62 210,80 euros en faveur de la société [G], aux droits de laquelle se trouve désormais la société ND Europe SARL,

36 411,27 euros en faveur de la société [Localité 9], aux droits de laquelle se trouve désormais la société ND Europe SARL ;

En tout état de cause,

- Débouter la société Axa France Iard de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions autres, plus amples ou contraires,

- Débouter la société XL Insurance Company SE venant aux droits de la société Axa Corporate Solutions Assurance de ses demandes dirigées à l'encontre de la société ND Europe SARL, venant aux droits des sociétés Servin [G] et [Localité 9] ;

- Rejeter les demandes autres, plus amples ou contraires,

- Condamner la société Axa France Iard à payer la somme de 50 000 euros à la société ND Europe SARL, au titre des frais irrépétibles d'appel ;

- Condamner Axa France Iard aux entiers dépens d'appel.

Par conclusions signifiées via le réseau privé virtuel des avocats le 14 mai 2020, la société XL Insurance, intimée, demande à la cour, au visa des articles 328 et suivants du code de procédure civile, des l'article 2224 du code civil, de l'article 1353 du code de procédure civile, de l'article L. 124-3 du code des assurances et de l'article L. 112-6 du code des assurances, de :

Dire et juger que l'intervention volontaire de la société XL Insurance Company SE dans les droits de la compagnie Axa Corporate Solutions est recevable et bien fondée ;

A titre principal,

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 13 décembre 2018, en ce qu'il n'a prononcé aucune condamnation à l'encontre de la société Axa Corporate Solutions , aux droits desquels vient la société XL Insurance Company SE, par motifs propres, ;

Ce faisant,

- Débouter la société ND Europe, venant aux droits des sociétés [G] et [Localité 9], de sa demande d'indemnisation au titre des pertes d'eau consécutives aux désordres ;

Subsidiairement,

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 13 décembre 2018, en ce qu'il n'a prononcé aucune condamnation à l'encontre de la société Axa Corporate Solutions, aux droits desquels vient la société XL Insurance Company SE par motifs propres ;

Ce faisant,

- Dire et juger inapplicable le contrat d'assurance responsabilité civile de l'entreprise n° XFR0061984CE au motif que la réclamation des tiers lésés est antérieure à sa date de prise d'effet et à défaut en raison du passé connu,

- Débouter la société ND Europe, venant aux droits des sociétés [G] et [Localité 9], et toute autre partie qui formerait une demande en garantie au titre de l'action directe à l'encontre la société XL Insurance Company SE, venant aux droits de la compagnie Axa Corporate Solutions ;

Plus subsidiairement,

- Dire et juger que le contrat d'assurance souscrit auprès de la compagnie Axa Corporate Solutions n° XFR0061984CE ne doit s'appliquer, le cas échéant, qu'après épuisement des garanties de l'assurance PUC pour les dommages immatériels,

- Débouter la société ND Europe, venant aux droits des sociétés [G] et [Localité 9], ainsi que toute autre partie qui formerait une action directe pour la réparation des préjudices immatériels engageant la responsabilité de la société GSE ;

En tout état de cause,

- Dire et juger que le montant des condamnations mises à la charge de la société XL Insurance Company SE, venant aux droits de la société Axa Corporate Solutions, fera nécessairement l'objet d'une déduction à hauteur du montant de la franchise contractuelle, parfaitement opposable aux tiers en matière d'assurance non obligatoire;

- Condamner la société ND Europe, venant aux droits des sociétés [G] et [Localité 9], ou tout autre succombant à verser au profit de la société XL Insurance Company SE, venant aux droits de la société Axa Corporate Solutions, une somme de 3 500 euros à titre d'indemnisation de ses frais irrépétibles ;

- Condamner la société ND Europe, venant aux droits des sociétés [G] et [Localité 9], ou tout succombant au paiement des entiers dépens au profit de la société XL Insurance Company SE, venant aux droits de la société Axa Corporate Solutions.

***

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 septembre 2022.

MOTIFS

Sur le périmètre de l'appel

Le tribunal a condamné la société Axa France Iard au titre des deux polices unique de chantier (PUC) qu'elle a délivrées à financer le coût du remplacement complet du réseau enterré du sprinkler des sociétés [Localité 9] et [G].

Le caractère décennal des dommages consistant en des fuites des réseaux enterrés du sprinkler des deux bâtiments appartenant aux sociétés [Localité 9] et [G], aux droits desquelles vient désormais la société ND Europe, n'est pas contesté par la société Axa France Iard, pas plus que la réalisation, dans son principe, des risques couverts par ses contrats, étant précisé qu'elle a d'ores et déjà financé les travaux de réparation des fuites survenues durant le délai de garantie décennale à hauteur de 132 409,49 euros.

De même, tant l'importance des dommages que leur caractère évolutif ne sont pas davantage contestés par la société Axa France Iard devant la cour.

L'appel formé par la société Axa France Iard à l'encontre du jugement du tribunal porte dès lors exclusivement sur le montant des condamnations prononcées au titre du remplacement complet des réseaux alors que, selon elle, la nature des dommages ne le justifiait pas et que les travaux de réparation qu'elle proposait étaient nécessaires et suffisants pour remédier aux dommages.

Par conséquent, la matérialité des désordres, leur cause et leur origine désormais acquises en cause d'appel, ne seront pas discutées par la cour.

Leur caractère décennal, non contesté par l'appelante, sera également tenu pour définitivement jugé.

Sur les sociétés [G] et [Localité 9]

La société ND Europe énonce que les sociétés [G] et [Localité 9] n'ont plus d'existence juridique et demande à la cour de lui donner acte qu'elle vient à leurs droits.

La cour observe que le jugement a été notifié à la société Axa France Iard suivant acte extrajudiciaire du 26 décembre 2018, à la requête des sociétés [Localité 9] et [G], et que la société ND Europe est venue aux droits de :

- l'EURL [G], radiée le 27 décembre 2018, par suite d'une transmission universelle de patrimoine au profit de son associée unique la société [G] Holding du même jour, laquelle a elle-même été radiée le même jour par suite d'une autre transmission universelle de patrimoine au profit de son associée unique la société Bruyères I SAS du même jour, laquelle a elle-même été radiée le 31 décembre 2018 par suite d'une ultime transmission universelle de patrimoine au profit de son associée unique la société de droit luxembourgeois ND Europe SARL du 28 décembre 2018 ;

- l'EURL [Localité 9], radiée le 27 décembre 2018 par suite d'une transmission universelle de patrimoine au profit de son associée unique la société [Localité 9] Holding du même jour, laquelle a elle-même été radiée le même jour par suite d'une autre transmission universelle de patrimoine au profit de son associée unique la société Bruyères II SAS du même jour, laquelle a elle-même été radiée le 28 décembre 2018 par suite d'une ultime transmission universelle de patrimoine au profit de son associée unique la société de droit luxembourgeois ND Europe SARL du 28 décembre 2018.

Il y a par conséquent lieu de donner acte à la société ND Europe qu'elle vient aux droits des sociétés [G] et [Localité 9].

Sur la demande de remboursement du coût du remplacement intégral du réseau

Exposé des moyens des parties

La société Axa France Iard, poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'elle a été condamnée à payer aux sociétés [Localité 9] et [G] la somme totale de 5 112 593,89 euros et 24 993,77 euros à titre de frais annexes, soutient que tous les documents versés aux débats, qu'il s'agisse des rapports d'expertise contractuelle, du rapport de l'expert judiciaire ou du rapport de M. [V], attestent que les fuites observées sur les canalisations du réseau sprinkler n'ont jamais été causées par des défauts ou de la corrosion affectant les canalisations. Elle précise que les seuls désordres ou défauts de conformité se situent "au droit des brides de raccordement', ne concernent pas les canalisations proprement dites, et que toutes les réparations qu'elle a financées durant la période de garantie décennale ont pleinement donné satisfaction aux sociétés [Localité 9] et [G] qui n'ont jamais signalé la moindre reprise des fuites aux emplacements réparés. Elle énonce en outre que, dans le respect des principes juridiques liés à la condamnation de l'assureur dommages-ouvrage aux seuls travaux nécessaires, du principe indemnitaire et du principe de proportionnalité, la solution de remplacement complet doit être rejetée.

La société ND Europe réplique que les constatations amiables de la société Saretec avant les opérations d'expertise, ainsi que celles de la société Pergolèse Ingénierie, justifiaient un remplacement intégral du réseau et non seulement un remplacement des assemblages boulonnés et des raccords de jonction. Elle ajoute que l'expert judiciaire [F] a également préconisé un remplacement intégral du réseau, tant en raison de la généralisation des désordres que de la multiplicité de leurs causes que par leur caractère évolutif et par l'impossibilité, en l'état des investigations réalisées, de déterminer avec exactitude la localisation et le nombre des fuites persistantes. Elle conclut que le réseau rendait incompatible la neutralisation de la sécurité sprinkler s'il avait été procédé à des reprises des joints sur toute la longueur du réseau et à la pose de butées en béton compte tenu des contraintes opérationnelles des exploitants des sites, de sorte que la mise en 'uvre du remplacement intégral du réseau en laissant en place le réseau existant a permis également d'assurer la sécurité des lieux. Elle souligne le caractère insuffisant de la solution réparatoire proposée par la société Axa France Iard au regard des désordres, tant en ce que cette proposition financière n'a pas été présentée en temps utile qu'en ce qu'elle intervient postérieurement à la réalisation des travaux.

Réponse de la cour

Il est de principe que, dans le cadre de l'assurance de dommages obligatoire, même lorsque l'assureur doit être condamné à titre de sanctions en application de l'alinéa 5 de l'article L. 242-1 du code des assurances, les condamnations prononcées à son encontre ne peuvent excéder le montant des "travaux nécessaires" pour remédier aux dommages résultant du sinistre déclaré.

En outre, il résulte du principe indemnitaire d'ordre public édicté par l'article L. 121-1 du code des assurances, que l'indemnité d'assurance ne peut être source d'enrichissement pour l'assuré en ce que le montant de l'indemnisation ne peut excéder le montant de la réparation.

En ce sens, le montant de la réparation servie par l'assureur ne peut excéder le préjudice effectivement subi par l'assuré.

Il s'ensuit que le choix délibéré d'engager des travaux au-delà du préjudice effectivement subi alors que ceux-ci ne sont pas justifiés ne permet pas d'obtenir une indemnisation de l'assureur correspondant aux coûts des travaux non justifiés.

Enfin, l'inexécution des obligations contractuelles est soumise au respect du principe de proportionnalité qui commande de mettre en balance le coût pour le débiteur de bonne foi et l'intérêt du créancier.

A l'aune de ces principes, il convient de rechercher si la démolition-reconstruction de l'ouvrage est l'unique moyen d'assurer au maître de l'ouvrage la réparation intégrale des préjudices liés aux désordres, et si elle constitue une sanction proportionnée à la gravité des désordres et non-conformités qui l'affectent en présence d'une autre solution réparatoire pérenne.

En l'espèce, l'expert amiable désigné par l'assureur en la personne de M. [D] de la société Saretec, en suite des déclarations de sinistre, avait analysé - aux termes de ses rapports d'expertise de 2004, 2006, 2009 et 2010 - les dommages consistant en des fuites apparues sur le réseau de sprinkler comme provenant de défauts affectant les raccordements des différentes portions de canalisations et, à aucun moment, n'a relevé un quelconque dommage tel qu'une corrosion ou autres défauts concernant les canalisations desdits réseaux.

C'est ainsi que sont évoqués par la société Saretec des 'resserrages de la bride', un défaut 'd'une bride de raccordement', la 'défaillance de l'assemblée boulonnée... rendant inefficace le joint d'étanchéité', un 'défaut d'étanchéité dû à l'exécution du raccord de jonction des tubes PE mal calés', un 'défaut d'étanchéité d'un coude de dérivation du réseau enterré d'alimentation des installations de sprinklage'.

Pour sa part, l'expert judiciaire, M. [F], comme l'expert amiable, a également constaté la même origine des fuites qui se situaient au droit des brides de raccordement. Il énonce ainsi, en page 36 de son rapport, que "Les désordres que nous avons constatés se situent au droit des brides de raccordement qui ont été contrôlées comme insuffisamment serrées, avec des boulons manquants, avec l'absence de butées en béton, avec des remblais sans sablon et avec des remblais hétérogènes". Il conclut ensuite, en page 45, que "Nous pouvons avancer que la cause des désordres est la mise en 'uvre des canalisations sans grands soins et sans respect des règles de l'art puisque nous avons constaté l'absence de boulon au droit des brides, l'absence de serrage de certain collier, car nous avons constaté le déboîtement de certaines canalisations, l'absence partielle de cul qui favorise le déboîtement des canalisations sous la poussée de l'eau, l'absence de pose de ces canalisations sur un lit de sablon qui aurait permis une meilleure dilatation des canalisations".

Il résulte de ces appréciations portées tant par l'expert amiable que par l'expert judiciaire qu'il convenait de procéder à la révision et à la réparation de toutes les brides de fixation défectueuses, de resserrer tous les boulons et les colliers et de ré-emboîter toutes les canalisations défectueuses comme de combler les manques de sable générés par les fuites d'eau, ce que ne conteste pas la société Axa France Iard.

Il s'ensuit que le remplacement total des canalisations, qui n'étaient affectées d'aucun dommage ni d'aucune corrosion ou autre défaut, n'était pas nécessaire ni justifié au vu de ces expertises.

De même, aux termes de l'analyse de M. [V], technicien spécialiste en matière d'incendie et de réseau de sprinkler, consulté par la société Axa France Iard sur la fiabilité des solutions de réparation qu'elle a proposées dans ce litige, il est démontré l'inutilité de procéder au remplacement complet des réseaux et le caractère sérieux et suffisant de l'offre de réparation présentée par l'assureur.

Ainsi, dans son rapport établi le 27 février 2019, il est précisé que les "défauts de serrage et même absence de serrage des brides' absences de butées en béton' absence de lit de sable sous les canalisations' absence de grillage de signalisation des câbles' défaut d'enfouissement garantissant le hors gel" et que "En revanche, il n'est signalé aucun signe de corrosion des canalisations en place".

Enfin, il résulte de l'audit mené par la société Pergolèse Ingénierie concernant la solution de réparation des boîtes de raccordement - et non la solution de remplacement total des canalisations - que cette société avait déjà proposé aux termes de son rapport du 22 juillet 2009 lorsqu'elle avait été mandatée à cet effet par les sociétés [Localité 9] et [G], que 'Le réseau sur ses parties courantes ne présente pas de défaillances, seules les jonctions et branchements d'accessoires présentent des faiblesses dues à une mauvaise exécution de pose du réseau'.

M. [V] avait expressément ajouté en ces termes, confirmant l'analyse de la société Pergolèse Ingénierie, qu' 'Il n'est pas question, dans cette étude, de remplacer l'intégralité du réseau qui ne présente pas de défauts dans les parties courantes'.

Sur le rapport d'expertise judiciaire, M. [V] souligne que M. [F] a bien retenu initialement comme cause des dommages les défauts de serrage des brides, l'absence de butées, l'absence de lit de sable et la profondeur insuffisante d'enfouissement ne garantissant pas le hors gel, mais il constate également qu'à aucun moment il n'est fait état de défauts affectant les canalisations.

S'agissant des réparations effectuées durant les opérations d'expertise amiable, M. [V] relève, au vu de l'examen de tous les rapports d'expertise contractuelle et des devis et factures correspondant aux travaux de réparation financés par la société Axa France Iard, que toutes les réparations qui ont été effectuées au cours des opérations d'expertise contractuelles ont concerné le serrage de l'ensemble des boulonneries, des manchons, les joints d'étanchéité, une butée en béton et, mais seulement ponctuellement, la reprise du lit de sable et en tous cas, jamais, le remplacement proprement dit des canalisations. M. [V] a ajouté qu'au vu des photos, le défaut de conformité tenant au lit de sable n'est pas généralisé et qu'il est probablement dû 'à l'écoulement des eaux provenant des fuites importantes des canalisations', énonçant, au demeurant, que lorsque le lit de sable a dû être remplacé au cours des travaux de réparation, il n'a nullement exigé le remplacement des canalisations.

A ce même titre, l'expert judiciaire - M. [F] - a également attesté dans ses notes aux parties, lors des visites des zones où les sinistres avaient été constatés, que 'Nous avons dans un premier temps regardé le désordre qui s'était produit sur la canalisation sanitaire et nous avons constaté que la réparation et la cause de ce désordre a été facilement détectable, car il s'agissait d'un déboîtement de la canalisation par rapport à la pénétration du raccord. ['] Nous avons par la suite observé la réparation qui avait été effectuée sur la canalisation d'eau du réseau sprinkler en diamètre 300 et nous avons constaté que la réparation effectuée semblait satisfaisante".

Force est ainsi de constater qu'aucune contestation n'a jamais été émise par les sociétés [Localité 9] et [G] sur la nature des travaux de réparation qui ont été financés par la société Axa France Iard durant toute la période légale d'application des garanties.

La cour observe en outre que les sociétés [Localité 9] et [G], en faisant réaliser les travaux du remplacement complet des réseaux de sprinkler de leurs bâtiments, avant même l'issue judiciaire de la procédure qu'elles avaient intentée devant le tribunal de grande instance et en présence de l'échec de leur demande de provision devant le juge des référés, ont usé de leur droit le plus strict en leur qualité de propriétaire des lieux.

A ce titre, les maîtres de l'ouvrage ont légitimement pu opter pour le choix qu'elles souhaitaient, à savoir une réfection complète de leur réseau de sprinklage, surtout alors que cette installation avait déjà plus de 15 ans, la réception ayant été prononcée en 2012.

Toutefois, en exerçant ce choix, les maîtres de l'ouvrage se sont retrouvées dans une situation plus favorable que celle qui était la leur avant le sinistre du fait de l'amélioration importante de la totalité d'un réseau neuf de sprinklage, alors que l'obligation de l'assureur dommages-ouvrage ne consistait qu'en la réparation du réseau et non en son amélioration par le financement d'un ouvrage neuf, et tandis que sa réparation, même d'un coût élevé, était non seulement possible, mais suffisante pour remédier aux dommages l'affectant d'autant qu'il s'agissait du même mode réparatoire généralisé aux deux réseaux que celui qui avait été mis en 'uvre ponctuellement à la suite de chaque fuite survenue durant le délai décennal et financé, avec satisfaction, par la société Axa France Iard.

En conséquence de l'ensemble de ce qui précède, la cour conclut que les désordres de l'ouvrage pouvaient être repris, que le choix délibéré des sociétés [Localité 9] et [G] de procéder à un remplacement intégral des canalisations existantes n'était pas justifié, que le devis qu'elles ont présenté comportait une surestimation des travaux réparatoires et, enfin, que le tribunal, en indemnisant le préjudice dont il avait constaté l'existence au-delà des travaux nécessaires, a violé le principe indemnitaire, de sorte que la demande des sociétés [Localité 9] et [G] correspondant au coût de remplacement total desdites canalisations non affectées par les dommages ne pouvait être accueillie.

Il y a dès lors lieu d'infirmer le jugement de ce chef.

Sur l'évaluation du préjudice

En application de l'article 246 du code de procédure civile, le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien. Le juge est donc libre d'apprécier souverainement leur objectivité, leur valeur et leur portée.

En l'espèce, la cour relève une contradiction entre, d'une part, les constatations de l'expert, aux termes desquelles il est expressément précisé, comme il a été examiné supra, que les désordres proviennent d'un défaut dans le resserrage des jonctions et raccords des canalisations et dans la conception ou la mise en oeuvre de ces jonctions et, d'autre part, l'évaluation de la solution réparatoire qui commande un remplacement complet du réseau de canalisations, alors que seules les jointements sont défaillants et que la société ND Europe ne rapporte pas la preuve que les canalisations étaient corrodées ou atteintes d'un quelconque défaut.

La société Axa France Iard avait proposé de financer les travaux de réparation à hauteur de la somme totale de 1 469 221,46 euros HT honoraires inclus, à l'appui d'un devis particulièrement circonstancié, pour l'ensemble des réseaux de sprinkler alimentant les deux sites des sociétés [Localité 9] et [G], cette solution de réparation étant généralisée à l'ensemble des deux réseaux et traite de la totalité des emboîtements et raccordements puisque les désordres avaient été considérés comme évolutifs, sans remplacement des canalisations proprement dites.

Cette solution permettait d'assurer la continuité de l'exploitation des bâtiments ainsi que la continuité de la protection contre les risques d'incendie, comme l'a justement relevé M. [V], qui la qualifie de cohérente avec les constatations des dommages faites par les autres techniciens.

Il est par ailleurs de principe que la tardiveté d'une offre ne peut, à elle seule, justifier d'écarter une solution réparatoire proposée par l'assureur dommages-ouvrage alors qu'il est garant de l'efficacité des travaux de réparation qu'il préfinance d'une part, et qu'il ne peut être tenu au-delà du principe indemnitaire, quels que soient les choix du maître de l'ouvrage qui demeure libre de faire réaliser les travaux qu'il entend sur son bien.

Il s'ensuit que le moyen fondé sur la tardiveté de la présentation de l'offre alternative d'indemnisation présentée par la société Axa France Iard est inopérant, à lui seul, pour refuser l'offre de réparation.

Enfin, comme il a été vu précédemment, le moyen selon lequel les travaux auraient d'ores et déjà été réalisés est également inopérant au regard des principes qui commandent le droit à indemnisation en matière d'assurance.

Ainsi, convient-il d'infirmer le jugement en ce que le tribunal a rejeté la proposition de réfection que la société Axa France Iard présentait, au seul motif qu'elle l'avait présentée trop tard et que les travaux avaient été réalisés par les sociétés [Localité 9] et [G].

Enfin, s'agissant de l'évaluation du préjudice indemnisable, l'offre présentée par la société Axa France Iard s'établit à hauteur de la somme totale de 1 469 221,46 euros HT pour remédier aux dommages.

Dès lors que cette solution réparatoire, consistant notamment en des reprises des joints sur toute la longueur du réseau, soit sur 1 700 mètres, et en la pose de butées en béton, peut être mise en 'uvre pour remédier efficacement aux désordres, la neutralisation de la sécurité sprinkler en cas d'incendie étant par ailleurs assurée, il y a lieu d'y faire droit.

Il s'ensuit que le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Axa France Iard à payer, au titre du remplacement du réseau, la somme totale de 4 668 083,61 euros HT, soit la somme de 1 608 990,06 euros HT à la société [Localité 9] et la somme de 3 059 093,55 euros HT à la société [G], aux droits desquelles se trouve désormais la société ND Europe.

S'agissant des préjudices connexes, la société ND Europe conclut que les sociétés [Localité 9] et [G] ont, en outre, subi d'importants préjudices financiers que l'expert [F] a chiffrés comme suit :

- Reprise des désordres au fur et à mesure de leur apparition : 161 360,86 euros TTC ;

- Investigations en cours d'expertise demandées par M. [F] : 87 636,30 euros TTC ;

- Remplacement des motopompes : 95 512,56 euros TTC ;

- Pertes d'eau : 61 050 m3, soit 98 622,07 euros ;

Soit un total de 443 131,79 euros.

Le tribunal a retenu ces postes de préjudice, à l'exception du dommage immatériel consistant en d'importantes pertes d'eau, résultant des désordres intervenus, faisant application des seules conditions générales des polices d'assurance constructions qui stipulent que 'Pour chacun des Assurés, le contrat garantit le coût de l'ensemble des travaux afférents à la remise en état des ouvrages ou des éléments d'équipement de l'opération de construction ayant donné lieu à sinistre, et ce dans la limite du coût total de construction définitif'.

Néanmoins, les conventions spéciales (article 2.2.1 de la PUC) applicables audit contrat et désormais communiquées par l'appelante en cause d'appel stipulent que 'La garantie s'applique à la réparation des dommages immatériels subis par le propriétaire de la construction ou l'occupant résultant directement d'un dommage matériel survenu après réception et garanti au titre des articles 1 et 2.1 ci-dessus", ce dommage immatériel étant défini, aux termes des conditions générales de la PUC, comme 'Tout dommage autre que corporel ou matériel consécutif à un dommage garanti'.

Par conséquent, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a écarté la demande connexe liée aux pertes d'eau d'un montant de 98 622,07 euros, montant couvert par la limite de garantie conformément aux conditions particulières des PUC, qui s'élève à 457 348 euros.

En revanche, il n'y a pas lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Axa France Iard à payer, à titre des demandes connexes, les sommes de :

217 317,09 euros en faveur de la société [G], aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société ND Europe,

127 193,19 euros en faveur de la société [Localité 9], aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société ND Europe,

dès lors que ces condamnations n'ont pas été contestées par la société Axa France Iard et qu'elles sont dès lors définitives.

Par conséquent et statuant à nouveau, la cour condamnera la société Axa France Iard à payer à la société ND Europe la somme totale de 98 622,07 euros au titre des pertes d'eau valablement établies, se répartissant comme suit :

62 210,80 euros en faveur de la société [G], aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société ND Europe,

36 411,27 euros en faveur de la société [Localité 9], aux droits de laquelle se trouve désormais la société ND Europe.

Sur le recours en garantie à l'encontre de la société GSE et de la société XL Insurance Company SE

Moyens des parties

La société ND Europe forme, à titre subsidiaire, un appel en garantie à l'encontre de la société GSE et de son assureur, la société XL Insurance Company SE, afin de se voir payer la somme de 3 121 892,39 € HT, correspondant à la différence entre le montant acquitté par les sociétés [Localité 9] et [G] pour le remplacement intégral du réseau de 4 668 083,61 euros HT et la proposition financière de la société Axa France Iard de 1 546 191,22 euros HT.

La société XL Insurance Company SE sollicite la confirmation du jugement, en ce qu'il n'a prononcé aucune condamnation à son encontre et a débouté la société ND Europe, venant aux droits des sociétés [G] et [Localité 9], de sa demande d'indemnisation au titre des pertes d'eau consécutives aux désordres. Elle ajoute que le contrat d'assurance est inapplicable au motif que la réclamation des tiers lésés est antérieure à sa date de prise d'effet et, à défaut, en raison du passé connu, et que s'il devait s'appliquer, cela ne pourrait intervenir qu'après épuisement des garanties de l'assurance PUC pour les dommages immatériels, de sorte que tout recours à son encontre doit être rejeté.

La société GSE a constitué avocat, mais n'a pas conclu.

Réponse de la cour

Dès lors que, pour indemniser justement la société ND Europe venant aux droits des sociétés [Localité 9] et [G], la cour ne retient que les sommes de 1 469 221,46 euros au titre du préjudice matériel correspondant aux travaux de reprises nécessaires et 98 622,07 euros correspondant au préjudice immatériel afférent aux pertes d'eaux (outre les préjudices définitivement indemnisés en première instance), les recours en garantie ne peuvent prospérer.

Aussi, convient-il de débouter la société ND Europe de sa demande formée à titre subsidiaire à l'encontre de la société GSE, intervenue sur le chantier, et de la société XL Insurance Company SE en sa qualité d'assureur de responsabilité civile décennale de la société GSE, sans qu'il soit utile d'examiner l'applicabilité du contrat d'assurance à la présente cause.

Sur les frais du procès

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement sur l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Chaque partie conservera la charge de ses propres dépens exposés en cause d'appel.

En outre, la société Axa France Iard sera condamnée à payer la somme de 20 000 euros à la société ND Europe au titre de ses frais irrépétibles engagés au titre de la présente instance.

Il y a par conséquent lieu de rejeter les autres demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code précité.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Donne acte à la société ND Europe qu'elle vient aux droits des sociétés [G] et [Localité 9] ;

Infirme le jugement en ce qu'il condamne la société Axa France Iard à payer au titre du remplacement du réseau :

- la somme de 1 608 990,06 euros à la société [Localité 9],

- la somme de 3 059 093,55 euros à la société [G] ;

Infirme le jugement en ce qu'il condamne la société Axa France Iard à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 50 000 euros à chacune des sociétés [Localité 9] et [G] ;

Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions frappées d'appel ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne la société Axa France Iard à payer la somme de 1 469 221,46 euros à la société ND Europe, venant aux droits des sociétés [Localité 9] et [G], au titre des travaux nécessaires de reprise des désordres sur le réseau de canalisation sprinkler ;

Condamne la société Axa France Iard à payer la somme de 98 622,07 euros à la société ND Europe, venant aux droits des sociétés [Localité 9] et [G], au titre du préjudice immatériel correspondant aux pertes d'eau ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens d'appel ;

Condamne la société Axa France Iard à payer la somme de 20 000 euros à la société ND Europe, venant aux droits des sociétés [Localité 9] et [G], au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la société XL Insurance Company SE formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 19/01518
Date de la décision : 15/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-15;19.01518 ?
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