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14/03/2023 | FRANCE | N°20/01175

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 14 mars 2023, 20/01175


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 14 MARS 2023



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01175 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBNSZ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Octobre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° 16/02604



APPELANTE



Madame [K] [B]

[Adresse 1]

[Localité

3]

Représentée par Me Valérie LANES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2185



INTIMEE



SAS SSP AEROPORTS PARISIENS venant aux droits de la SASU SSP ROISSY 2

[Adresse 4]

[Local...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 14 MARS 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01175 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBNSZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Octobre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° 16/02604

APPELANTE

Madame [K] [B]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Valérie LANES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2185

INTIMEE

SAS SSP AEROPORTS PARISIENS venant aux droits de la SASU SSP ROISSY 2

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Kjell KIRKAM, avocat au barreau de PARIS, toque : D1040

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière présente lors du prononcé.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [K] [B], née le 19 juillet 1994, a été engagée le 17 octobre 2014 par la SASU SSP Roissy 2, aux droits de laquelle vient la SAS SPP Aéroports Parisiens, selon contrat écrit à durée indéterminée, en qualité d'hôtesse au sein d'une boutique Starbucks située dans l'aéroport [5].

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants.

Le 16 novembre 2014, Mme [B] a été victime d'un accident du travail.

Elle a été arrêtée et indemnisée au titre de cet accident du travail du 5 janvier 2015 au 11 janvier 2015, puis du 23 avril 2015 au 30 mai 2015.

Par lettre du 19 janvier 2015, la société SSP Roissy 2 a convoqué Mme [B] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 29 janvier 2015, à la suite duquel elle lui a notifié, par lettre du 9 février 2015, une mise à pied disciplinaire d'un jour pour non-respect des procédures de caisse.

Par lettre du 4 février 2015, la société SSP Roissy 2 a convoqué Mme [B] à un nouvel entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 16 février 2015, à la suite duquel elle lui a notifié, par lettre du 13 mars 2015, un avertissement pour manquements aux procédures de caisse.

Par lettre du 13 avril 2015, la société SSP Roissy 2 a convoqué une nouvelle fois Mme [B] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 23 avril 2015, à la suite duquel elle lui a notifié, par lettre du 12 juin 2015, une nouvelle mise à pied disciplinaire d'un jour pour prétendu non-respect des procédures de caisse.

Du 14 octobre 2015 au 22 octobre 2015, Mme [B] a été placée en arrêt maladie.

Par lettre du 15 décembre 2015, Mme [B] a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, entretien préalable fixé au 22 décembre 2015.

Par lettre du 4 janvier 2016, Mme [B] a été à nouveau convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, entretien préalable fixé au 13 janvier 2016 avant d'être licenciée pour faute grave le 20 janvier 2016.

A la date du licenciement, Mme [B] avait une ancienneté de 1 an et 3 mois et la société occupait à titre habituel plus de 10 salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre l'annulation des sanctions disciplinaires, des rappels de salaires ainsi que des dommages et intérêts, Mme [B] a saisi le 14 juin 2016 le conseil de prud'hommes de Bobigny, qui par jugement rendu le 29 octobre 2019 en sa formation de départage, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

- Annule les sanctions de mise à pied disciplinaires infligées à Mme [K] [B], du 9 février et 12 juin 2015';

- Dit que le licenciement pour faute grave de Mme [K] [B] a fait l'objet de la part de la société SSP Aéroports Parisiens est justifié';

- Condamne la société SSP Aéroports Parisiens à payer à Mme [K] [B] les sommes suivantes à titre de rappels de salaire, avec intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2016';

* 85,92 euros';

* 81,14 euros';

* 8,59 euros et 8,11 euros au titre des congés payés afférents';

- Déboute Mme [K] [B] de sa demande de dommages-intérêts pour sanctions injustifiées';

- Déboute les parties de toute autre demande, fin ou prétention plus ample ou contraire';

- Laisse à la charge de chacune des parties la charge des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ainsi que ses propres dépens.

Par déclaration reçue par le greffe le 7 février 2020, Mme [K] [B] a interjeté appel du jugement rendu par le conseil de prud'hommes, notifié aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception le 10 janvier 2020.

Dans ses dernières conclusions adressées par courrier au greffe reçu le 23 juin 2022, Mme [B] demande à la cour'de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a annulé les mises à pied disciplinaire d'un jour notifiées à Mme [B] par lettres des 9 février 2015 et 12 juin 2015.

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société SSP Aéroports Parisiens à payer à Mme [B] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2016 :

* 85,92 € à titre de rappel de salaire correspondant à la mise à pied disciplinaire d'un jour notifiée par lettre du 9 février 2015,

* 8,59 € au titre des congés payés incidents,

* 81,14 € à titre de rappel de salaire correspondant à la mise à pied disciplinaire d'un jour notifiée par lettre du 12 juin 2015,

* 8,11 € au titre des congés payés incidents,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [B] de sa demande d'annulation de l'avertissement qui lui a été notifié par lettre du 13 mars 2015 ;

- Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté Mme [B] de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier, moral et professionnel subi du fait des sanctions disciplinaires injustifiées qui lui ont été notifiées ;

- Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit justifié le licenciement pour faute grave de Mme [B] ;

- Infirmer, en conséquence, le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté Mme [B] de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés incidents, d'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;

- Infirmer encore le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté Mme [B] de sa demande d'article 700 du CPC et de remise de documents de rupture conformes sous astreinte et de dépens ;

Et, statuant à nouveau,

- Annuler l'avertissement notifié à Mme [B] par lettre du 13 mars 2015 ;

- Dire et juger le licenciement de Mme [B] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la société SSP Aéroports Parisiens (anciennement dénommée SSP Roissy 2) à payer à Mme [B] les sommes suivantes :

* 1.466,65 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 146,65 € au titre des congés payés incidents,

* 395,11 € à titre d'indemnité de licenciement,

* 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

* 1.500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier, moral et professionnel subi du fait des sanctions disciplinaires injustifiées qui lui ont été notifiées,

* 4.000 € en application de l'article 700 du CPC,

- Ordonner la remise d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle Emploi et d'un bulletin de salaire récapitulatif conformes, sous astreinte de 30 € par jour de retard et par document à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte;

- Condamner la société SSP Aéroports Parisiens aux entiers dépens, lesquels comprendront, outre le droit de plaidoirie, l'intégralité des éventuels frais de signification et d'exécution que pourrait avoir à engager Mme [B] ;

- Dire que les intérêts courront à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;

- Ordonner la capitalisation des intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil;

- Débouter la société SSP Aéroports Parisiens de sa demande au titre de l'article 700 du CPC.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 10 juin 2020, la société SSP Aéroports Parisiens demande à la cour de':

- Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [B] reposait sur une faute grave et en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés incidents, d'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;

- Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté Mme [B] de sa demande d'annulation de l'avertissement du 13 mars 2015, de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier, moral et professionnel subi du fait de sanctions disciplinaires injustifiées, de sa demande d'article 700 du CPC et de remise de documents de rupture conformes sous astreinte et de dépens ;

- Infirmer le jugement pour le surplus ;

En conséquence,

- Dire et juger que le licenciement de Mme [B] repose sur une faute grave ;

En conséquence,

- Débouter Mme [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Ordonner le remboursement par Mme [B] de la somme de 190,23 euros qui lui a été réglée au titre de l'exécution provisoire du jugement attaqué ;

- La condamner à payer à la société SSP Aéroports Parisiens la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- La condamner aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 décembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 12 janvier 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les sanctions disciplinaires

Pour infirmation de la décision déférée, la société SSP Aéroports Parisiens soutient que les sanctions disciplinaires sont parfaitement justifiées et que les demandes d'annulation ne sont pas fondées.

Pour ajout à la décision déférée s'agissant de l'avertissement du 13 mars 2015 et pour confirmation de l'annulation des deux mises à pied des 9 février et 12 juin 2015, Mme [B] réplique que la société Aéroports Parisiens venant aux droits de la société SSP Roissy 2 ne rapporte pas la preuve de la licéité de cet avertissement ; qu'en outre elle ne verse aucune pièce à l'appui du grief allégué.

En application de l'article L.1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

L'article L.1333-1 du même code précise qu'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié

Une sanction disciplinaire autre que le licenciement ne peut être prononcée contre un salarié par un employeur employant habituellement au moins vingt salariés que si elle est prévue par le règlement intérieur prescrit par l'article L. 1311-2 du code du travail dans sa version applicable.

En l'espèce l'employeur ne justifie nullement de l'existence d'un règlement intérieur prévoyant une sanction disciplinaire pour les faits reprochés à la salariée et objet des sanctions notifiées les 9 février, 13 mars et 12 juin 2015, ni au demeurant de la réalité de ces faits.

Il convient donc, par ajout à la décision déférée, de prononcer l'annulation de cet avertissement notifié le 13 mars 2015 et de confirmer ladite décision en ce qu'elle a annulé les mises à pied des 9 février et 12 juin 2015.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont condamné la société SSP Aéroports Parisiens à payer Mme [B] les sommes de 85,92 euros au titre des rappels de salaire correspondant aux mises à pied outre et celle de 81,14 euros de congés payés afférents. La décision sera confirmée de ces chefs.

Sur la demande de dommages-intérêts

Pour infirmation de la décision, Mme [B] fait valoir qu'elle a été sanctionnée injustement à trois reprises en un temps extrêmement court ; qu'elle a subi un préjudice tant professionnel que moral.

L'employeur rétorque que la salariée ne démontre pas l'existence d'un préjudice financier et moral distinct de celui réparé par le rappel de salaire.

Au constat que Mme [B] a été sanctionnée à trois reprises en 4 mois sans que l'employeur ne se prévale d'un règlement intérieur et de pièces justifiant des prétendues fautes, que ces sanctions ont eu nécessairement une incidence sur la présence de la salariée au sein de l'entreprise, la lettre de licenciement visant ces sanctions, il s'ensuit que ces sanctions ont causé un préjudice à la salariée distinct de celui réparé par les rappels de salaire et que la cour évalue, au vu des éléments du dossier, à la somme de 500 euros. En conséquence, par infirmation de la décision déférée, la société SSP Aéroports Parisiens devra verser 500 euros à Mme [B] en réparation du préjudice subi.

Sur le licenciement

Pour infirmation du jugement, Mme [B] soutient qu'elle n'a commis aucun manquement et que son employeur procède par simples affirmations.

La société SSP Aéroports Parisiens réplique que les griefs sont établis et constituent une faute grave empêchant la poursuite du contrat de travail.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Il est constant que le juge a le pouvoir de requalifier la gravité de la faute reprochée au salarié en restituant aux faits leur exacte qualification juridique conformément à l'article'12 du code de procédure civile ; qu'en conséquence, si le juge ne peut ajouter d'autres faits à ceux invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement, lorsque celui-ci intervient pour motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l'employeur, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En l'espèce la lettre de licenciement qui circonscrit les limites du litige est ainsi rédigée :

'... Après réflexion, nous vous notifions par la présente, votre licenciement pour faute grave pour le motif suivant :

Vos écarts de caisse récurrents préjudiciables aux intérêts de l'entreprise.

En date du 05 décembre 2015, vos responsables opérationnels ont effectué des contrôles inopinés sur votre point de vente.

Au cours de ces contrôles, Madame [E] [H], Responsable Multi-Unités, et Monsieur [M] [W], Responsable Opérationnel, ont constaté un écart positif de 25.97 euros (vingt-sept euros et quatre-vingt-dix-sept centimes) sur votre caisse.

Lors de votre entretien préalable, vous avez affirmé qu'il n'y avait eu aucun écart de caisse et avez soutenu que Madame [H] n'avait pas correctement compté les billets.

En d'autres termes, vous arguez délibérément d'une erreur de la part de votre responsable hiérarchique dans le contrôle de caisse afin de justifier de cet écart.

Or, nous vous rappelons que ce contrôle de caisse a été effectué sous le regard de Monsieur [M] [W] et Monsieur [S] [O] (1er Assistant Manager). soit en présence de 4 personnes.

Au surplus, vous avez volontairement apposé votre signature sur le document de contrôle reconnaissant ainsi l'exactitude du comptage.

N'hésitant pas à remettre en cause le contrôle établi, vous avez ensuite poursuivi votre argumentation en vous positionnant en victime arguant que vous étiez une 'cible' de votre hiérarchie.

Il est évident que vos propos visent essentiellement à remettre en cause l'impartialité de votre hiérarchie dans les contrôles effectués sur votre point de vente et ce, d'autant plus que ce même jour, Monsieur [S] [O] a également fait l'objet d'un contrôle.

Il est donc certain que vous faites preuve d'une parfaite mauvaise foi, laquelle vous entendez entretenir.

En effet, depuis le mois de novembre 2015, nous avons constaté de nombreux écarts de caisse. Tel a été le cas pour les journées suivants :

- le 11 novembre 2015 avec un écart négatif de 48,43,

- le 12 novembre 2015 avec un écart négatif de 38, 09 euros,

- le 13 novembre 2015 avec un écart positif de 2,49 euros,

- le 14 novembre 2015 avec un écart positif de 13,35 euros,

- le 16 novembre 2015 avec un écart positif de 0,41 euros

- le 17 novembre 2015 avec un écart positif de 0,46 euros,

- le 30 novembre 2015 avec un écart positif de 6 euros,

- le 4 décembre 2015 avec un écart positif de 18,36 euros,

- le 6 décembre 2015 avec un écart positif de 0,55 euros,

- le 8 décembre 2015 avec un écart positif de 6,1 euros,

- le 9 décembre 2015 avec un écart positif de 0,2 euros,

- le 10 décembre 2015 avec un écart positif de 7,36 euros,

- le 11 décembre 2015 avec un écart positif de 0,04 euros,

- le 12 décembre 2015 avec un écart positif de 76,03 euros,

- le 16 décembre 2015 avec un écart négatif de 0.2 euros,

- le 17 décembre 2015 avec un écart négatif de 2,8 euros,

- le 21 décembre 2015 avec un écart positif de 1,1euros,

- le 25 décembre 2015 avec un écart positif de 0,11 euros,

- le 26 décembre 2015 avec un écart positif de 8,68 euros,

- le 30 décembre 2015 avec un écart négatif de 1,37 euros.

Force est donc de constater qu 'à plusieurs reprises, vous n'avez pas respecté les procédures de caisse en vigueur au sein de la société !

En effet, depuis le 11 novembre 2015, il ressort que sur 25 jours travaillés, 21 d'entre elles présentent des écarts de caisse plus ou moins importants et pouvant aller jusqu'à 76, 03 euros en une seule journée !

Face à ce constat édifiant, nous avons tenté de recueillir vos explications mais vous n'avez pas su nous apporter un quelconque élément de réponse. Ces écarts restent donc injustifiés.

Compte tenu des montants élevés de certains écarts, nous ne pouvons qu'être étonnés par votre silence.

Aussi, nous vous rappelons que vous avez déjà fait l'objet de trois sanctions disciplinaires motivées par des manquements aux procédures de caisse dont une mise à pied d'une journée notifiée le 12 juin 2015 pour des écarts de caisse similaires.

Il est donc patent que vous persistez délibérément dans vos agissements fautifs ce qui aggrave davantage votre faute.

Compte tenu de votre ancienneté et de votre connaissance des procédures de caisse, vous n'êtes pas sans savoir que votre attitude fautive, préjudiciable aux intérêts de la société, porte incontestablement atteinte à notre image de marque ainsi qu'à l'image de l'enseigne Starbucks, mettant ainsi en péril nos relations commerciales avec celle-ci.

En conséquence, la persistance de votre comportement nuisible à la société et à l'enseigne Starbucks ne nous permet de garantir quelque amélioration que ce soit de votre part, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible.

Ainsi, à la lumière de ces éléments, nous n'avons pas d'autres choix que de vous notifier, par la présente votre licenciement pour faute grave. [...] ''

Il est donc reproché à Mme [B] les faits suivants :

- un écart de caisse de 25,97 € constaté sur sa caisse le 5 décembre 2015 lors d'un contrôle inopiné de Mme [H] et de MM [V] [G] et [O] ;

- des écarts de caisse récurrents depuis le mois de novembre 2015, soit les 11, 12, 13, 14, 16, 17, 30 novembre 2015 et les 4, 6, 8, 9, 10, 11, 12, 16, 17, 21, 25, 26 et 30 décembre 2015.

Il résulte des éléments versés aux débats que Mme [B] a pris connaissance le 15 octobre 2014 des '7 règles d'or' et du document portant 'connaissance de la procédure de caisse' ; que la clé de caisse est unique et personnelle et permet d'identifier toutes les opérations effectuées sur la caisse ; que cette clé de caisse est nominative ; que 'le salarié est responsable de sa recette et de son fonds de caisse jusqu'au dépôt aux coffres ou à la remise à son responsable'.

Par des motifs, dont les débats devant la cour n'ont pas altéré la pertinence, les premiers juges ont fait une juste application de la règle de droit et une exacte appréciation des faits et documents de la cause en retenant que selon les attestations versées aux débats, M. [W] et Mme [H] ont constaté lors d'un contrôle inopiné du 5 décembre 2015 un écart de caisse de 25,97 euros sur celle de Mme [B] qui oppose en vain qu'elle serait victime de ses supérieurs hiérarchiques, auteurs de ces attestations, sans présenter aucun élément à l'appui de ses allégations permettant de mettre en doute leur sincérité.

S'agissant des autres écarts de caisse, il n'est pas contesté que les arrêtés de caisse produits par l'employeur comportent le numéro de clé de Mme [B] ainsi que son identité et le montant de l'écart prétendument constaté. Selon les 'procédures de caisse', à la fin de son service, l'hôtesse doit isoler le fonds de caisse, compter, classer et ranger correctement la recette par mode de règlement, inscrire les montants sur la feuille de caisse à l'emplacement prévu ainsi que son nom et son numéro de clé de caisse, tandis que le responsable de caisse doit réaliser 'un comptage contradictoire' (en gras dans le texte), sortir une lecture de la caisse uniquement après avoir procédé au comptage contradictoire, déclarer le chiffre d'affaires attendu de l'hôtesse et calculer l'éventuelle différence de caisse, cette différence de caisse devant être justifiée par l'hôtesse dans la partie commentaires de la feuille de caisse.

Or en l'espèce, l'employeur n'établit nullement que le responsable de caisse a sorti les lectures de caisse litigieuses après avoir procédé au comptage contradictoire tel que prévu par 'les procédures de caisse' et procède à cet égard par simples affirmations. En outre, alors qu'il est prévu que la différence de caisse doit être justifiée par l'hôtesse, aucun commentaire de Mme [B] ne figure dans la case prévue à cet effet dans les arrêtés de caisse produits. Il est pour le moins étonnant que l'employeur qui ne manque pas de relever le nombre prétendument élevé d'écarts de caisse dans une courte période, soit 21 écarts sur 25 jours travaillés, n'ait pas demandé à sa salariée de justifier les écarts constatés à chaque fin de service conformément à la procédure. Il s'ensuit que l'employeur n'établit pas la réalité des écarts de caisse prétendument constatés.

Eu égard à l'ensemble de ses éléments, la cour retient que le seul écart de caisse relevé le 5 décembre 2015 lors d'un contrôle inopiné ne caractérise pas une faute dont la gravité est de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

En outre, au constat que Mme [B] soutient n'avoir eu aucune formation notamment au logiciel de gestion des caisses, sans être contredite sur ce point par son employeur, la cour juge que son licenciement pour un seul écart de caisse est une sanction pour le moins disproportionnée de telle sorte qu'il doit être considéré comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières

Aux termes de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l'ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur.

Si le préavis n'est pas exécuté du fait de l'employeur, ou si cette inexécution lui est imputable, celui-ci doit payer l'indemnité compensatrice de préavis.

L'indemnité compensatrice de préavis due au salarié en application de l'article L.1234-5 du code du travail est égale au salaire brut, assujetti au paiement des cotisations sociales, que le salarié aurait perçu s'il avait travaillé pendant la duré du délai-congé. Ce salaire englobe tous les éléments de rémunération auxquels le salarié aurait pu prétendre s'il avait exécuté normalement son préavis, à l'exclusion des sommes représentant des remboursements de frais.

En conséquence, Mme [B] qui bénéficiait d'une ancienneté de 1 an et 3 mois au jour du licenciement, doit percevoir une indemnité compensatrice de préavis de 1.466,65 euros correspondant à un mois de salaire, outre la somme de 146,66 euros de congés payés afférents.

En outre, en application des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 et suivants du code du travail dans leur rédaction applicable au litige, Mme [B] doit percevoir une indemnité légale de licenciement égale à 395,11 euros.

En application de l'article L.1235-5 du code du travail dans sa version issue de l'ordonnance 2007-329 du 12 mars 2007, la salariée peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice résultant de son licenciement abusif.

Pour établir son préjudice lié à la perte de son emploi, Mme [B], âgée de 21 ans au jour du licenciement, justifie avoir bénéficié des allocations de chômage et de courtes missions en intérim. Il convient donc de lui allouer la somme 3.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif.

Sur la remise des documents de fin de contrat

La société SSP Aéroports Parisiens devra remettre à Mme [B] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de sa signification sans qu'il y ait lieu à astreinte.

Sur la capitalisation des intérêts

En application de l'article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu'elle est régulièrement demandée. En l'espèce, il doit être fait droit à cette demande.

Sur les frais irrépétibles

La société SSP Aéroports Parisiens sera condamnée aux entiers dépens et devra verser à Mme [B] la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a annulé les sanctions notifiées les 9 février et 12 juin 2015 et en ce qu'il a condamné la SAS SSP Aéroports Parisiens à verser à Mme [K] [B] les sommes de 85,92 euros et de 81,14 euros à titre de rappels de salaires outre celle de 8,59 euros de congés payés afférents ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

ANNULE l'avertissement notifié le 13 mars 2015 ;

JUGE que le licenciement de Mme [K] [B] est sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SAS SSP Aéroports Parisiens à verser à Mme [K] [B] les sommes suivantes:

- 500 euros de dommages-intérêts en réparation des sanctions injustifiées,

- 1.466,65 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

- 146,66 euros de congés payés afférents,

- 395,11 euros d'indemnité légale de licenciement,

- 3.000 euros d'indemnité pour licenciement abusif,

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts ;

CONDAMNE la SAS SSP Aéroports Parisiens à remettre à Mme [K] [B] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de sa signification sans qu'il y ait lieu à astreinte;

CONDAMNE la SAS SSP Aéroports Parisiens aux entiers dépens ;

CONDAMNE la SAS SSP Aéroports Parisiens à verser à Mme [K] [B] la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 20/01175
Date de la décision : 14/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-14;20.01175 ?
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