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14/03/2023 | FRANCE | N°20/00361

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 9, 14 mars 2023, 20/00361


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 9



ORDONNANCE DU 14 MARS 2023

Contestations d'Honoraires d'Avocat

(N° /2023 , 6 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00361 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCJY3





NOUS, Sylvie FETIZON, Conseillère, à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée

de Axelle MOYART, Greffière présente à l'audience et au prononcé de l'ordonnance.





Vu le recours formé par :





Monsieur [Z] [S]

[Adresse 3]

[Localité 2]



rep...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 9

ORDONNANCE DU 14 MARS 2023

Contestations d'Honoraires d'Avocat

(N° /2023 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00361 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCJY3

NOUS, Sylvie FETIZON, Conseillère, à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Axelle MOYART, Greffière présente à l'audience et au prononcé de l'ordonnance.

Vu le recours formé par :

Monsieur [Z] [S]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Cyril BOURAYNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P050

Demandeur au recours,

contre une décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS dans un litige l'opposant à :

Maître [U] [L]

[Adresse 1]

Cabinet ASW AVOCATS

[Localité 4]

représentée par Me Stefania VALMACHINO, avocat au barreau de PARIS, toque : GO162

Défendeur au recours,

Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au greffe,

et après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 23 Janvier 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,

L'affaire a été mise en délibéré au 14 Mars 2023 :

Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;

****

Statuant en application des articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991, Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Paris a rendu une décision contradictoire le 4 août 2020 qui a:

- fixé à la somme de 26 905,20 euros HT le montant total des honoraires dus à Maître [L] , avocat, par Monsieur [Z] [S],

- constaté qu'aucun réglement même partiel n'est intervenu,

-condamné en conséquence M [Z] [S] à verser à Maître [L] la somme de 26 905,20 euros HT,

-dit que cette somme sera majorée de la TVA au taux de 20'% et de l'intérêt au taux légal à compter de la date de saisine du bâtonnier ainsi que les frais éventuels de signification de la présente décision,

-débouté les parties de toutes autres demandes, plus amples ou complémentaires.

M [Z] [S] a formé un recours contre cette décision.

A l'audience du 23 janvier, M [Z] [S] n'est pas présent mais est représenté par Maître [V] [B] lequel dépose des conclusions auxquelles la cour se réfère. Il demande à la Cour :

-de rejeter les pièces n° 14, 17, 18 et 19 et les arguments y faisant référence,

-d'infirmer la décision critiquée en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- de débouter Maître [U] [L] de toutes ses demandes,

- condamner cette dernière à lui verser la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Maître [V] [B] fait valoir notamment que':

-il existe bien une convention d'honoraires fixée par un courriel en date du 18 juin 2019 laquelle est parfaitement claire': elle prévoyait un honoraire de résultat de 10'% HT de l'indemnité transactionnelle brute négociée ( au-delà de la proposition initiale faite par la société telle que sus visée ( 1 134 000 euros brut),

-le Bâtonnier a commis un erreur en prenant en compte la première proposition écrite de l'employeur de 538 000 euros d'indemnité contractuelle comme point de référence de l'honoraire de résultat'; or, aucun avenant modifiant le plancher de l'honoraire de résultat de 1 134 000 euros à 538 000 euros n'a été régularisé comme en témoignent les fiches de paie de fin de contrat de l'intéressé mentionnant la somme de 1 130 000 euros bruts comprenant l'indemnité conventionnelle de 841 000 euros et le solde de tout compte intégrant le préavis, les congés payés sur préavis, la quote part du 13ème mois, les congés payés de l'année et des années antérieures ainsi que les indemnités de licenciement et de non concurrence,

-Monsieur [S] a écrit le 6 décembre 2019 qu'il donnait son accord pour un honoraire de résultat calculé sur la base du seuil indiqué dans la convention d'honoraire soit 1 134 000 euros bruts,

-la remise en cause du montant initialement proposé à M [S] par l'employeur ne peut avoir aucune incidence sur l'accord des parties visant sans aucune ambiguité un seuil de déclenchement de l'honoraire de résultat de 1 134 000 euros bruts,

-Maître [L] a par la suite, essayé de négocier sous la pression afin d'obtenir un honoraire de résultat , menaçant l'appelant de bloquer la somme reçue de 645 104,11 euros nets sur le compte Carpa puis finalement renonçant à ce blocage des fonds,

-il existe une confusion entre les montants bruts et super bruts tels que visés par l'avocate'; ces montants de super bruts ( 1 403 052 euros) ne ressortant d'aucun document justificatif

-en tout état de cause, l'honoraire de résultat ne peut être perçu que sur l'indemnité transactionnelle effectivement perçue par son client ce qui correspond à la pratique habituelle en droit du travail'; de plus, les discussions ont toujours porté sur des montants bruts et non super bruts, ce dernier mot étant totalement absent de leurs discussions'; or, il faut se référer uniquement à la commune intention des parties,

-dès lors que le montant de l'indemnité transactionnelle était inférieur à la somme de 1 134 000 euros bruts, aucune honoraire de résultat n'est dû.

Maître [U] [L] est représentée à l'audience par un avocat, Maître Valérie HANOUN laquelle soutient , dans des conclusions visées à l'audience par le greffe et auxquelles la cour se réfère, que':

-Monsieur [S] doit être débouté de sa demande de rejet des pièces N° 14,17,18 et 19 qu'elle a produites,

-la décision critiquée doit être confirmée,

-la capitalisation des intérêts doit être ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

-une somme de 3000E doit lui être allouée sur le fondement de l'article 700 du CPC, l'appelant étant , en outre, condamné aux entiers dépens,

Maître [L] soutient notamment que':

-le rejet des pièces demandé par Monsieur [S] doit être écarté'; la production de ces documents est uniquement justifiée par la stricte nécessité de la défense en justice,

-il n'est pas contesté que le courriel en date du 18 juin 2019 vaut convention d'honoraires et que le principe d'un honoraire de résultat a été acquis entre les parties,

-toutefois, la somme initialement proposée correspondait au coût total pour l'employeur incluant les charges patronales donc la somme de 1 134 000 euros en super brut,

-son rôle a permis d'augmenter considérablement l'enveloppe donnée au salarié ,

-l'honoraire de résultat convenu porte donc à 10'% de l'indemnité conventionnelle brute négociée au-delà de la proposition faite par l'employeur , ce calcul s'élevant donc à 30 300 euros HT ( 841 000 euros -538 000 euros) x10% HT,

-la somme de 1 134 000 euros que M [S] dont il prétend qu'il aurait du la percevoir, est en réalité une simple proposition orale qui n'était pas destinée à percevoir puisque calculée sur le super brut ( incluant les charges patronales),

-la clause de la convention d'honoraires n'est pas claire et il appartient donc au juge d'en apprécier la base de calcul, en recherchant la commune intention des parties'; or, il ressort des éléments de la cause que la commune intention des parties était bien d'accorder un honoraire supplémentaire à l'avocat sur les sommes obtenues et négociées au bénéfice du client au-delà de la proposition initiale de l'employeur,

-en tout état de cause, la somme demandée correspond bien tant au temps de travail consacré au dossier ( 50 heures au total) qu'au résultat obtenu pour le client, augmenté de 300 000 euros bruts, la somme accordée au salarié au titre de la transaction étant finalement fixée à 841 000 euros bruts au lieu de la somme de 538 000 euros bruts initialement proposée.

SUR CE

La cour rappelle qu'en matière de contestations relatives à la fixation et au recouvrement des honoraires des avocats, les règles prévues par les articles 174 à 179 du décret n° 91-1197 du 27 novembre1991 organisant la profession d'avocat doivent recevoir application, alors qu'elles sont d'ordre public et instituent une procédure obligatoire et exclusive (cf. Cass. 2ème Civ., 1er juin 2011, pourvoi n° 10-16.381, Bull. n 124 ; 2 Civ., 13 septembre 2012, P. pourvoi n° 10-21.144).

Ainsi, dans ce cadre procédural, il appartient au bâtonnier de l'ordre des avocats et, en appel, au premier président, à qui une contestation d'honoraires est soumise d'apprécier, d'après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l'honoraire dû à l'avocat.

Sur la demande de rejet des pièces produites par Maître [L] ( N°14et 17)':

Vu les dispositions du décret daté du 12 juillet 2005 et du règlement intérieur national des Barreaux';

Il convient de rejeter ces pièces qui concernent des échanges entre avocats, en raison du secret professionnel qui s'attache à la production de tels documents . En outre, la production de telles pièces n'a comme objectif que de clarifier le mode de calcul d'un convention d'honoraires alors même que cette convention d'honoraires ne supporte pas de clause ambiguë.

Dès lors, cette demande de rejet est accueillie.

Sur la somme réclamée au titre de l'honoraire de résultat':

En l'espèce, il est constant que M [Z] [S] a saisi en mai 2019 Maître [U] [L] pour la défense de ses intérêts, ce salarié souhaitant rompre son contrat de travail en qualité d'executive vice president au sein de la société CTL INTERNATIONAL et négocier le montant de la rupture envisagée.

Le 18 mai 2019, un mail a été échangé entre les parties, ce document valant convention d'honoraires d'un commun accord.

La société CAPSAN a été mandatée pour mener la négociation de la rupture, notamment pour les modalités financières de cette dernière ainsi que pour fixer le financement d'une formation à Harvard le cas échéant.

Ce mail sus visé, adressé par Maître [L] à son client, valant convention d'honoraires, prévoyait que':

«'Suite à notre échange de ce matin, j'ai pris note de la proposition orale qui t'a été faite par la société CHARLES RIVER à savoir':

- une enveloppe globale de 1 134 000 euros bruts ( dont nous ignorons à ce stade ce qu'elle comporte au-delà du STC ( solde de tout compte')

- une acceptation en son principe de prendre en charge une formation à Harvard autour de 88 000 euros.

J'ai noté ton accord sur les modalités de mon intervention dans le cadre de la rupture négociée de son contrat de travail à savoir':

1°) si accord transactionnel signé hors BCO ( Bureau de conciliation)':

*honoraires fixes': 5 000 eurosHT

*honoraires de résultat': 10% HT de l'indemnité transactionnelle brute négociée ( au delà de la proposition initiale faite par la société telle que susvisée, intégrant à priori ton STC ( solde de tout compte) + formation Harvard outre une éventuelle proposition transactionnelle''

2°) Si accord finalisé dans le cadre d'un procès verbal de conciliation dans le cadre d'un Bureau de Conciliation et d'orientation ( optimisation fiscale potentielle), alors honoraires fixés à 6000 euros HT ( saisine du conseil, rédaction pv de conciliation, tenue de l'audience du CPH, exécution de l'ordonnance de conciliation ) et honoraires de résultat idem que paragraphe 1 ci-dessus

3°)En revanche, ces honoraires fixes et variables n'intègrent pas mes éventuelles prestations au sujet de la rédaction/ négociation du contenu de l'accord de prestations de services qui devrait t'être proposé, interventions qui seront donc facturées par simplicité au temps passé sur la base d'un taux horaire de 300 euros HT'»

Il ressort de la seule lecture de cette convention d'honoraires que':

-le seuil de déclenchement des honoraires de résultat était de 1 134 000 euros bruts, en effet la convention d'honoraires prévoyait':1°) si accord transactionnel signé hors BCO ( Bureau de conciliation) des honoraires de résultat calculés comme suit': 10% HT de l'indemnité transactionnelle brute négociée ( au delà de la proposition initiale faite par la société telle que susvisée, intégrant à priori ton STC ( solde de tout compte) + formation Harvard outre une éventuelle proposition transactionnelle,

-il n'existe aucun document justifiant de la référence à des montants calculés selon la méthode de super bruts ( incluant notamment les charges patronales) , document dont le salarié aurait eu connaissance et ce, nonobstant la production de courriers entre avocats,

-cette convention d'honoraires n'est accompagnée d'aucun avenant justifiant un calcul de référence à une notion de «' super bruts'» , notion dont il ne ressort d'aucune pièce que le client en ait été informé et que ce type de calcul ( super bruts) ait prospéré,

-l'enveloppe finale selon l'avocate soit'la somme de 1 403 042 euros - 1 134 000 euros (enveloppe initiale) soit 269 052 euros d'où des Honoraires de résultat de 26 905,20 euros HT dont elle précise «' que le calcul mathématique solde de tout compte arrêté au 2/11/2019 ( 272 658,13 euros) + coût indemnité de conciliation totale (1 130 393,66 euros)'ne peut se déduire de la convention d'honoraires produite laquelle ne fait aucune allusion à la notion de calcul de l'indemnité transactionnelle en ' super bruts' ,

-la référence à l'indemnité transactionnelle ne peut correspondre qu'à un montant effectivement perçu et non d'une somme virtuelle, le salarié n'ayant pas à apprécier le montant des charges patronales ainsi que les incidences fiscales pour l'employeur , d'un accord portant sur une transaction chiffrée mettant fin au contrat de travail de ce dernier'; en effet, la notion de «'super bruts est avant tout, une notion fiscale et comptable' qu'il n'appartient pas au salarié d'apprécier le quantum à supposer qu'il en connaisse le principe,

-les discussions transactionnelles entre un salarié et son employeur dans le cadre d'une rupture de contrat de travail négocié ont lieu sur la base des sommes brutes et jamais sur la base de super brut, notion absente de la convention d'honoraires,

-le tableau EXEL présenté par le salarié daté du 21 juin 2021 ne justifie en rien que le seuil de déclenchement de l'honoraire de résultat ait été de la somme de 1 134 000 euros «' super bruts'»

-l'amélioration de la somme transactionnelle obtenue par Monsieur [S] , qui aurait été obtenue grâce à l'intervention de l'avocate, est inopérante en raison du caractère clair de la clause de la convention d'honoraires,

Il appartenait à l'avocat de préciser clairement à son client par un avenant signé contradictoirement , qu'un honoraire de résultat serait dû si la transaction aboutissait à hauteur d'une somme convenue , somme entendue en bruts et expliquée au client;ce souci d'information aurait évité des incompréhensions réciproques , nonobstant la qualité du travail de l'avocate qui a permis d'aboutir à des négociations favorables comme en témoigne le courriel adressé le 6 décembre 2019 à Monsieur [S] par Maître [L] ,

Enfin, le recours à une mesure de médiation entre les parties aurait , le cas échéant, permis de clôturer le litige entre ces parties, depuis longtemps en bon termes professionnels.

Dès lors, la décision critiquée sera infirmée et Maître [L] déboutée de ses demandes, au vu des termes explicites de la convention d'honoraires sus visée.

Sur l'application de l'article 700 du CPC

Il n'apparaît pas inéquitable de faire supporter par les parties des sommes non comprises dans les dépens

Sur les dépens:

Chacune des parties conservera par devers elles, les dépens par elles exposés.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt rendu en dernier ressort, par arrêt contradictoire et publiquement par disposition de la décision au greffe de la chambre.

Dit le recours recevable.

Dit y avoir lieu d'écarter les pièces cotées n° 14,17,18 et 19 présentées par Maître [L] constituant des courriers entre avocats couverts par le secret professionnel.

Infirme la décision critiquée.

Statuant de nouveau,

Déboute Maître [U] [L] de sa demande en paiement des honoraires de résultat à hauteur de 26 905,20 euros HT.

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du CPC.

Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens par elles exposés.

Dit qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l'arrêt sera notifié aux parties par le Greffe de la Cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 20/00361
Date de la décision : 14/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-14;20.00361 ?
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