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13/03/2023 | FRANCE | N°21/05961

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 13, 13 mars 2023, 21/05961


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 13



RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES



DÉCISION DU 13 Mars 2023



(n° , 5 pages)



N°de répertoire général : N° RG 21/05961 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDMQL



Décision contradictoire en premier ressort ;



Nous, Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Justine FOURNIER, greff

ière, lors des débats et de Victoria RENARD, greffière, lors de la mise à disposition, avons rendu la décision suivante :



Statuant sur la requête déposée le 13 Juillet 2020 ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES

DÉCISION DU 13 Mars 2023

(n° , 5 pages)

N°de répertoire général : N° RG 21/05961 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDMQL

Décision contradictoire en premier ressort ;

Nous, Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Justine FOURNIER, greffière, lors des débats et de Victoria RENARD, greffière, lors de la mise à disposition, avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée le 13 Juillet 2020 par :

M. [C] [F]

né le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 3],

demeurant [Adresse 2] ;

Comparant

Assisté par Me Joseph COHEN SABBAN, avocat au barreau de Paris, substitué par Me Stéphane NICOLA'

Vu les pièces jointes à cette requête ;

Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 30 Janvier 2023 ;

Entendus

Me Joseph COHEN SABBAN substitué par Me Stéphane NICOLA' représentant M. [C] [F],

Me Xavier NORMAND BODARD de la SELARL NORMAND & ASSOCIES substitué par Me Hadrien MONMONT, avocat représentant l'Agent Judiciaire de l'Etat,

Madame Anne BOUCHET, Substitute Générale,

Les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;

* * *

M. [C] [F], de nationalité française, mis en examen des chefs de trafic de stupéfiants en récidive, trafic d'armes de catégorie A et B en réunion et en récidive, association de malfaiteurs en récidive, usage de fausse plaque d'immatriculation et recel de vol a été placé en détention provisoire à la maison d'arrêt de [Localité 4] du 10 novembre 2017 au 26 février 2019.

Le 26 février 2019, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a prononcé la nullité de l'entière procédure et ordonné la levée du contrôle judiciaire. Cette décision est devenue définitive en suite du rejet du pourvoi intervenu le 29 avril 2019.

Le 14 janvier 2020,un avis de classement de la procédure a été rendu.

Le 13 juillet 2020, M. [F] a adressé une requête au premier président de la cour d'appel de Paris en vue d'être indemnisé de sa détention provisoire, en application de l'article 149 du code de procédure pénale.

Il sollicite dans celle-ci, soutenue oralement,

- que sa requête soit déclarée recevable,

- le paiement des sommes suivantes :

* 20 000 euros au titre de son préjudice moral,

* 42 550 euros au titre de son préjudice matériel,

* 12 950 euros au titre de ses frais d'avocat,

* 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, déposées le 24 janvier 2023, développées oralement, l'agent judiciaire de l'Etat demande au premier président de, ramener à de plus justes proportions les demandes formulées au titre du préjudice matériel qui ne saurait excéder la somme de 44 924euros, au titre du préjudice moral qui ne saurait excéder la somme de 16 000 euros et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le procureur général, reprenant oralement à l'audience les termes de ses conclusions déposées et notifiées par RPVA le 16 décembre 2022, conclut à la recevabilité de la requête pour une détention d'une durée de treize mois et vingt-huit jours et à la réparation du préjudice moral et matériel dans les conditions indiquées.

Le requérant a eu la parole en dernier.

SUR CE,

Sur la recevabilité

Au regard des dispositions des articles 149, 149-1, 149-2 et R.26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. Il lui appartient dans les six mois de cette décision, de saisir le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête, signée de sa main ou d'un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d'appel.

Cette requête doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l'article R.26 du même code.

Le délai de six mois ne court à compter de la décision définitive que si la personne a été avisée de son droit de demander réparation ainsi que des dispositions des articles 149-1,149-2 et 149-3 du code précité.

Il n'est pas démontré que M. [F] aurait été avisé de son droit à demander réparation. Dans ces conditions, le délai n'a pas couru à son encontre, de sorte que la requête présentée le 13 juillet 2020 est recevable au titre d'une détention provisoire indemnisable du 10 novembre 2017 au 13 février 2018 puis du 1er avril 2018 au 26 février 2019, soit pour une durée de treize mois et vingt-huit jours dès lors qu'il faut déduire de la détention injustifiée la période durant laquelle il a été détenu pour autre cause en exécution d'une peine de deux mois d'emprisonnement prononcée le 9 janvier 2018 par le tribunal correctionnel de Versailles et exécutée du 14 février 2018 au 31 mars 2018. En effet, l'argument de M. [F] selon lequel c'est sa détention qui aurait entraîné la mise à exécution de cette peine est loin d'être certaine au regard du bulletin n°1 de son casier judiciaire qui comporte treize condamnations.

Sur l'indemnisation

* Le préjudice moral

M. [F] soutient avoir subi un préjudice moral important. Il rappelle qu'il a été détenu loin du domicile de sa femme et de ses trois enfants, qu'il a subi des conditions de détention particulièrement dégradantes d'abord à la maison d'arrêt d'[Localité 6] puis à celle de [Localité 4], que sa détention particulièrement longue a mis un terme à ses perspectives professionnelles outre l'angoisse d'être potentiellement condamné à une peine de 20 ans d'emprisonnement.

L'agent judiciaire de l'Etat et le procureur général rappellent que le préjudice moral ne doit être apprécié qu'au regard de l'âge du requérant, de la durée et des conditions de la détention, de son état de santé, de sa situation familiale et d'éventuelles condamnations antérieures.

Ils ajoutent que la preuve de conditions de détention plus difficiles que celles des autres détenus dans les mêmes circonstances n'est pas rapportée, que la preuve de ce que la durée de la détention aurait mis un terme aux perspectives professionnelles de M. [F] n'est pas démontrée en l'absence de justificatifs de recherches d'emploi, que l'angoisse de la peine encourue n'est pas justifiée et relève de sa mise en examen et qu'il ne s'agissait pas d'une première incarcération.

A la date de son incarcération, M. [F] justifie par la production de son livret de famille qu'il était marié et père de trois enfants nés en 2012, 2013 et 2014 dont il a été séparé du fait de sa détention. Il a subi un préjudice moral certain en raison du choc carcéral subi, lequel a été aggravé par cette séparation familiale et la longueur de la détention.

Il a toutefois été amoindri par de précédentes incarcérations survenues en 2006, 2010 et 2012, son casier judiciaire portant mentions de nombreuses condamnations.

Il ne peut être tenu compte comme facteur d'aggravation ni des conditions de détention faute pour le requérant de démontrer avoir subi personnellement des conditions de détention particulièrement difficiles, la seule lettre de son conseil adressée le 9 juillet 2020 au juge d'instruction étant insuffisante à cet égard, ni de la peine encourue laquelle résulte des faits pour lesquels il a été mis en examen.

Enfin, la preuve n'est pas rapportée que la détention aurait mis fin à ses perspectives professionnelles en l'absence de tout justificatif de démarches pour retrouver un emploi.

Il lui sera alloué une somme de 18 000 euros en réparation de son préjudice moral.

* Le préjudice matériel

M. [F] explique qu'il a perdu son emploi en raison de son incarcération et sollicite les quinze mois de salaires perdus de ce fait (39 000euros), outre la perte de chance d'obtenir des points retraite (2 550euros), les frais de transport exposés par son épouse avec laquelle il est marié sous le régime de la communauté légale (1000euros) et de défense (12 950euros TTC).

L'agent judiciaire de l'Etat ne conteste pas la perte de salaires et la perte de chance de cotiser à un régime de retraite complémentaire proposant à ce titre les sommes de 36 227 euros et de 69 euros, déduction faite de la période d'incarcération pour autre cause. Il conclut en revanche au rejet des frais de transport non justifiés et à la réduction des frais de défense à la somme de 8000 après exclusion des frais qui ne sont pas en lien exclusif et direct avec la détention.

Le ministère public conclut à l'indemnisation des pertes de salaires et de chance de cotiser à un régime de retraite complémentaire, au rejet des frais de transport non justifiés et à l'indemnisation des seuls frais de défense en lien avec la détention.

M. [F] justifie qu'avant son incarcération, il était employé par la SARL [5] moyennant un salaire net de 2 600euros et avoir été licencié en raison de ses absences non justifiées à compter du mois de novembre 2017.

Déduction faite de la période durant laquelle il a été détenu pour autre cause, il lui sera alloué à ce titre la somme justement proposée par l'agent judiciaire de l'Etat soit 36 227 euros.

Il a également perdu une chance de cotiser à un régime de retraite complémentaire laquelle peut être évaluée à hauteur de 697euros.

Les frais de transport engagés par le demandeur pour permettre à son épouse de lui rendre visite en prison constituent des dépenses liées à la détention. M. [F] justifie qu'il est marié sous le régime de la communauté légale mais en l'absence de tout justificatif de frais démontrant qu'ils ont en outre été engagés par la communauté, le demandeur ne peut pas se prévaloir d'un préjudice personnel à hauteur de la moitié des frais engagés.

Enfin s'agissant des frais de défense, M. [F] produit une facture de son conseil datée du 6 mars 2019 qui détaille les diligences accomplies par celui-ci dont il convient de retirer les frais d'ouverture du dossier, l'assistance en garde à vue et lors des interrogatoires de première comparution et au fond et six des treize visites en maison d'arrêt, qui ne sont pas en lien direct et exclusif avec la détention.

Il convient de lui allouer à ce titre la somme de 10 900 euros HT, soit 13 080 euros TTC.

Il y a lieu, par conséquent, d'accorder à M. [F] la somme globale de 50 004 euros en réparation de son préjudice matériel.

PAR CES MOTIFS :

Déclarons la requête de M. [C] [F] recevable,

Lui allouons les sommes suivantes :

- 18 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- 50 004 euros en réparation de son préjudice matériel,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboutons M. [F] du surplus de ses demandes,

Laissons les dépens à la charge de l'Etat.

Décision rendue le 13 Mars 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 21/05961
Date de la décision : 13/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-13;21.05961 ?
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