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13/03/2023 | FRANCE | N°20/17797

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 13 mars 2023, 20/17797


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 13 MARS 2023



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/17797 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCYRL



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Septembre 2020 -Tribunal de Grande Instance de Paris RG n° 18/01495





APPELANTS



Monsieur [R] [Y] [F] [S]



Madame [B] [J] [H] [S]

Domicilié ensemble [Ad

resse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Anne-Sophie RAMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : E0391





INTIMEE



S.A.S.U. GROUPE SOLLY AZAR

Ayant son siége social

[Adresse 2]

[Localité 3]...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 13 MARS 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/17797 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCYRL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Septembre 2020 -Tribunal de Grande Instance de Paris RG n° 18/01495

APPELANTS

Monsieur [R] [Y] [F] [S]

Madame [B] [J] [H] [S]

Domicilié ensemble [Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Anne-Sophie RAMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : E0391

INTIMEE

S.A.S.U. GROUPE SOLLY AZAR

Ayant son siége social

[Adresse 2]

[Localité 3] France

N° SIRET : 353 508 955

Représentée par Me Nathalie SAILLARD LAURENT de la SELARL DOUBLE SIX, avocat au barreau de PARIS, toque : D1636

Représentée par Me Victorine OYER , Avocat au Barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente

Monsieur Jacques LE VAILLANT, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Edouard LOOS, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE

En 2006, M. [R] [S] et Mme [B] [T] épouse [S] se sont vus proposer un investissement locatif dans le programme immobilier « résidence du Chêne » situé à [Localité 5] (50), dans le cadre du dispositif de défiscalisation de la loi Robien.

Le bien immobilier était vendu par la Sci du Chêne qui a en confié la commercialisation à la société Patrimoines de France aux droits de laquelle intervient la société Solly Azar Finance Patrimoine (ci-après désignée Azar).

Un contrat préliminaire de réservation était signé par les époux [S] le 14 mars 2006. Le contrat prévoyait une prise en charge des loyers en cas de carence de la première location ainsi qu'une garantie vacances locatives sous condition que la gestion du logement soit confiée à la société Elience. Un mandat de gestion a été signé le même jour avec la société Elience.

Par acte authentique du 30 juin 2006, la Sci du Chêne vendait en l'état futur d'achèvement aux époux [S] un appartement numéro B17, de type F2 comprenant un emplacement de parking, moyennant un prix total de 127 830 euros, taxes comprises, financé par un prêt du 30 juin 2006 consenti par la société Crédit Industriel et Commercial.

En raison de la vacance continue de loyers pendant 12 mois, l'administration fiscale a, par courrier du 28 novembre 2016, adressé aux époux [S] une proposition de rectification. Elle a procédé au recouvrement de la somme totale de 37 102 euros.

Par actes d'huissier de justice en date du 11 et 12 janvier 2018, les époux [S] ont fait assigner la société Solly Azar et la société Patrimoine de France devant le tribunal judiciaire de Paris.

Par jugement rendu le 24 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a statué comme suit :

- déclare irrecevable l'action de M. [R] [S] et Mme [B] [T] épouse [S] à raison de la prescription, s'agissant des demandes d'indemnisation au titre de l'impossibilité de revente du bien immobilier au montant investi et des vacances locatives

- la déclare recevable pour le surplus ;

- condamne la société Groupe Solly Azar SAS à payer à M. [R] [S] et Mme [B] [T] épouse [S] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- déboute M. [R] [S] et Mme [B] [T] épouse [S] de leurs demandes formées à l'encontre de la société Patrimoines de France et du surplus de leurs demandes indemnitaires ;

- dit sans objet la demande de garantie formée par la société Patrimoines de France à l'encontre de la société Cna Insurance Company Limited ;

- déboute la société Groupe Solly Azar Sas de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamne la société Groupe Solly Azar Sas à payer à M. [R] [S] et Mme [B] [T] épouse [S] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne M. [R] [S] et Mme [B] [T] épouse [S], in solidum, à payer à la société Patrimoines de France la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne la société Groupe Solly Azar SAS et M. [R] [S] et Mme [B] [T] épouse [S], in solidum, aux dépens de l'instance dont distraction au profit de la Selarl Fourgoux et Associés et de Me Lemoux ;

- ordonne l'exécution provisoire de la présente décision ;

Par déclaration du 8 décembre 2020, les époux [S] ont interjeté appel du jugement.

Par dernières conclusions signifiées le 31 août 2021, les époux [S] demandent à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 24 septembre 2020 seulement en ce qu'il a condamné la société Groupe Solly Azar à indemniser monsieur et madame [S] qu'à hauteur de 1 000 euros.

en statuant à nouveau :

- recevoir monsieur et madame [S] en leurs demandes et les dire bien fondées.

- débouter la société Groupe Solly Azar de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions  ;

- débouter la société Groupe Solly Azar de son appel incident,

vu l'article 1382 du Code civil (nouveau 1240 du Code civil),

- dire et juger que la société Groupe Solly Azar , venant aux droits de la société Solly Azar Finance Patrimoine Conseil a manqué à son devoir d'information et de conseil.

en conséquence

- condamner la société Groupe Solly Azar, venant aux droits de la société Solly Azar Finance Patrimoine Conseil à payer à monsieur et madame [S] la somme de 37 102,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

- condamner la société Groupe Solly Azar, venant aux droits de la société Solly Azar Finance Patrimoine Conseil à payer à monsieur et madame [S] la somme de 6 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

- prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par dernières conclusions signifiées le 4 juin 2021, la société Groupe Solly Azar demande à la cour de :

vu les articles 1131, 1310, 1240, 1992, ancien 1382, 2224 et 2222 du code civil, l'article L. 64 du livre des procédures fiscales

in limine litis

Vu l'article 527, 529 alinéa 2 et 538 du code de procédure civile,

- déclarer les consorts [S] irrecevables du fait de leur appel hors délai,

- en conséquence, déclarer leur appel définitivement irrecevable,

à titre subsidiaire,

Vu l'ancien article 2170-1 du Code civil, la réforme de 2008 ayant réformé les durées de prescription et son décret d'application,

- déclarer irrecevable les consorts [S] du fait de la prescription de leur action,

- en conséquence infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris en date du 24 septembre 2020 en ce qu'il a condamné Solly Azar à payer aux consorts [S] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts et de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

à titre infiniment plus subsidiaire,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris en date du 24 septembre 2020 en ce qu'il a condamné Solly Azar à payer aux consorts [S] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts et de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

à titre encore plus subsidiaire,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris en date du 24 septembre 2020 en ce qu'il a condamné Solly Azar à payer aux consorts [S] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- en toutes hypothèses, condamner monsieur et madame [S] à payer à Solly Azar la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et l'ensemble des dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par elle en cause d'appel et de première instance.

SUR CE,

Sur l'exception d'irrecevabilité de l'appel des époux [S]

La société Solly Azar soulève l'irrecevabilité de l'appel relevé par les époux [S].

Or, par arrêt du 24 janvier 2022, la cour de céans, sur déféré d'une décision du conseiller de la mise en état, a infirmé l'ordonnance rendue le 13 septembre 2021 en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'appel des époux [S], déclaré recevable leur déclaration d'appel, rejeté les autres demandes et condamné la société Solly Azar aux dépens d'incident.

L'appel des époux [S] ayant été déclaré recevable, l'exception sera dès lors rejetée.

A titre liminaire

Les époux [S] sollicitent l'infirmation du jugement entrepris seulement en ce qu'il a condamné la société Groupe Solly Azar à ne les indemniser qu'à hauteur de 1 000 euros. Ils demandent à la cour de juger que la société Groupe Solly Azar , venant aux droits de la société Solly Azar Finance Patrimoine Conseil a manqué à son devoir d'information et de conseil et sollicitent l'indemnisation de leur préjudice à hauteur de la somme de 37 102 euros.

Ainsi, force est de constater qu'ils ne remettent pas en cause les dispositions du jugement :

- ayant déclaré prescrite leur action en responsabilité délictuelle à l'encontre de la société Solly Azar pour les chefs de préjudice relevant de la surévaluation du bien immobilier (point de départ fixé à la date de la réitération de la vente par acte authentique au 30 juin 2006) et du potentiel locatif de leur bien (discontinuité des contrats de bail et donc vacances locatives découvertes en septembre 2012) ;

- ayant déclaré recevables en leur demandes relative à la surévaluation des loyers (découverte en septembre 2015) et en celles consécutives au redressement fiscal dont ils ont fait l'objet dès lors qu'ils en ont eu connaissance lors de la notification de la proposition de rectification fiscale le 28 novembre 2016 ;

- les dispositions du jugement n'ayant pas fait droit à leur demande indemnisation du chef de la surévaluation du loyer au motif que ce chef de préjudice n'était pas prouvé d'autant que la première baisse de loyer était intervenue plus de six ans après et qu'il ne ressortait d'aucune pièce du dossier que la société Solly Azar se serait engagée au maintien du montant du loyer de sorte qu'aucun manquement à l'obligation de conseil ou d'information ne pouvait être reprochée à cette dernière.

Le tribunal a estimé que la société Solly Azar avait manqué à son obligation d'information de conseil en ne démontrant pas avoir informé les époux [S] sur le risque encouru en cas de vacance de loyer de plus de 12 mois, à savoir la perte de l'avantage fiscal, lequel constituait l'objectif principal des investisseurs, et était responsable du préjudice subi par ces derniers constitué en une perte de chance de ne pas subir un redressement fiscal.

Sur la prescription

Les époux [S] soutiennent que la société Azar a manqué à son obligation d'information et de conseil en ne les informant pas du risque encouru en cas de vacance locative de plus de 12 mois à savoir la perte de leur avantagefiscal et que ces manquements ont causé leur préjudice.

Ils invoquent l'indivisibilité de l'opération de défiscalisation et font valoir que la rentabilité de l'opération de défiscalisation est basée sur trois éléments, à savoir, la valeur initiale du bien immobilier, la location de ce bien dans les conditions fixées par la loi et la perception de l'avantage fiscal.

Ils font valoir qu'en l'espèce, la valeur du bien est anormalement basse au regard de son prix d'achat, peu importe que les investisseurs aient pu profiter d'un avantage fiscal dès lors que ce dernier est à peine égal au tiers des sommes engagées pour financer le bien immobilier support de l'opération et que les investisseurs ne sont en mesure de se rendre compte de la surévaluation du bien qu'à l'issue de l'opération de défiscalisation.

Ils font valoir que le droit d'accès au juge afin de pouvoir lui soumettre des prétentions, premier pendant du procès équitable, serait atteint dans sa substance même si le point de départ du délai de prescription devait être fixé au moment de la souscription de l'opération ; qu'ainsi et conformément à l'article 2224 du code civil, le point de départ de la prescription ne pourra être fixé à la date de conclusion de l'acte de vente en 2006 car à ce moment-là les titulaires de l'action n'avaient pas connaissance des faits leur permettant d'agir utilement.

Ils soutiennent qu'ils ne se sont rendu compte des manquements à l'obligation d'information et de conseil dont ils ont été victimes que le 28 novembre 2011 lorsqu'ils ont reçu un courrier de l'administration fiscale établissant que l'opération qui leur avait été promise n'était en réalité qu'un leurre et que la société intimée avait manqué à son obligation de conseil et d'information.

La société Azar soutient que la prescription est acquise pour l'ensemble des chefs de préjudice allégués par les époux.

Elle fait valoir que les époux [S] agissent sur le fondement de l'ancien article 1382 du code civil, pour manquement aux obligations d'information et de conseil, n'ayant conclu aucun contrat avec elle et que le délai de cette action fondée sur la responsabilité délictuelle était de 10 ans avant l'entrée en vigueur de la réforme de 2008 qui l'a réduit à compter de cette date à 5 ans ; que le délai abrégé de 5 ans ayant commencé à courir le 19 juin 2008, leur action devait être engagée avant le 19 juin 2013 au plus tard, sans que la durée écoulée depuis le jour où ils ont acheté l'appartement litigieux puisse excéder 10 ans.

Elle ajoute que le point de départ de la prescription ne peut être laissé à la discrétion de celui qui l'invoque, sauf à lui conférer un caractère potestatif incompatible avec les impératifs de sécurité juridique.

Elle précise qu'il ressort de l'acte de VEFA que les époux [S] avaient été parfaitement informés de l'exigence posée par le dispositif Robien de location continue du bien.

Elle indique que si devait être prise en compte la date à laquelle le deuxième des trois éléments intrinsèques de rentabilité de l'opération de défiscalisation immobilière s'est révélé défaillant, il conviendrait de retenir, tel que l'ont jugé les juges de première instance, au plus tard le mois de septembre 2012, fin de la première période de vacance, période à laquelle, les époux [S] auraient dû avoir conscience du manque de rentabilité de leur investissement, et des risques de redressement fiscal.

Ceci étant exposé, l'article 2224 du code civil, issue de la loi du 27 juin 2008 dispose que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit à connu ou aurait dû connaître ces faits lui permettant de l'exercer. »

Le dommage résultant d'un manquement à l'obligation pré-contractuelle d'information et de conseil, consistant en la perte de chance de ne pas contracter, se manifeste dès la conclusion du contrat envisagé, à moins que l'investisseur ne démontre qu'il pouvait, à cette date, légitimement ignorer ce dommage.

En l'espèce, les époux [S] soutiennent que la société Azar a manqué à son obligation d'information et de conseil en ne les informant pas du risque encouru en cas de vacance locative de plus de 12 mois à savoir la perte de leur avantage fiscal et que ces manquements ont causé leur préjudice constitué par le redressement fiscal dont ils ont fait l'objet.

Le dommage invoqué s'est bien révélé au jour d'exigibilité du paiement des avis d'imposition rectificatifs, soit le 15 juin 2017 et non pas à compter de la notification du redressement comme l'a indiqué le tribunal.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a estimé que les époux [S] étaient recevables en leur action.

Sur le manquement à l'obligation d'information et de conseil

Les époux [S] exposent que leur action est fondée sur le manquement de la société intimée à son obligation de conseil et d'information pré-contractuelle et est donc de nature délictuelle.

Ils exposent avoir acquis le bien immobilier sur les conseils de Solly Azar, conseiller de gestion en patrimoine (son extrait Kbis faisant état du « conseil en gestion de patrimoine » comme une des principales activités de la société) qui leur a proposé cette vente sous la forme d'un package de Robien et qui, afin de soutenir son argumentaire de vente, leur a remis une simulation financière détaillée, une plaquette commerciale de la résidence ainsi qu'un livret descriptif du programme établi par Patrimoines de France dans lequel ils allaient investir.

Ils ajoutent que la société Elience, filiale du groupe Patrimoines de France a été imposée en tant que gestionnaire du bien et qu'un mandat de gestion a ainsi été signé le 14 mars 2006 avec la société Elience le jour même de la signature du contrat de réservation préliminaire, avant même la signature de l'acte de vente et avant même que le bien immeuble soit construit, ainsi que le rappelle la société Azar Patrimoine Conseil. Ce contrat de gestion était accompagné d'un bulletin d'adhésion au contrat d'assurances souscrit par la société Elience censé garantir contre les risques de l'investissement tels que les loyers impayés et les carences locatives. Des avantages fiscaux très séduisants leur ont été promis à travers la remise, par la société Solly Azar, d'une simulation financière ; qu 'outre une économie fiscale globale très importante de 9 152 € sur 10 ans, il leur avait été annoncé qu'ils percevraient des revenus locatifs mensuels de 380 € avec une revalorisation du loyer de 1,85% par an ; qu'il s'est avéré que ce prix de location était manifestement au-dessus du prix du marché, de même que le prix d'acquisition du bien immobilier et que le bien n'avait pas le potentiel locatif attendu, la preuve en étant qu'il a connu plusieurs périodes de vacances locatives entre décembre 2011 et septembre 2012 pendant 9 mois, entre avril 2014 et septembre 2015, pendant près de 16 mois et pendant 16 mois et qu'ils ont perdu l'avantage fiscal qui constitue la clef de voûte du dispositif de Robien, de manière rétroactive, ayant fait l'objet d'un redressement fiscal de 37 102 €.

Ils font valoir qu'il leur a été présenté un investissement « clé en main », sans apport, sans risque ni aléa ; que la société Solly Azar a affirmé qu'il s'agissait d'un investissement locatif sans risque ; que le package qui leur a ainsi été vendu était entièrement pris en charge les laissant dans l'illusion que leur affaire était entre de bonnes mains et sans risque.

Ils soutiennent qu'à aucun moment la société intimée ne les a informés qu'en l'absence de location continue du bien durant 12 mois consécutifs, ils perdraient la possibilité de défiscaliser pour l'avenir et devraient rembourser les économies d'impôts réalisées depuis le début de l'opération.

Ils soutiennent que la simulation financière ayant été complètement faussée par les informations données par Solly Azar afin de rendre l'opération plus attractive, ils ont dû engager des dépenses beaucoup plus importantes que ce qui avait été annoncé ; qu'ayant acheté le bien au prix de 127 830 €, le bien ne vaut aujourd'hui, selon des premières estimations que 59 400 € ; le bien ayant été surévalué de près de 115 %.

Ils soutiennent que ces faits sont constitutifs d'un grave manquement à leur obligation de conseil et d'information.

Ils font valoir que la plaquette de présentation de la société Solly Azar Finance Patrimoine Conseil indique « Aujourd'hui ; l'investissement immobilier locatif neuf représente un placement privilégié pour ceux qui souhaitent : se constituer un patrimoine de qualité, alléger leurs impôts et préparer leur retraite. Solly Azar Finance Patrimoine Conseil vous donne les clés d'un placement réussi » ; qu'en réalisant une étude personnalisée, prétendument destinée à offrir des montages financiers efficaces et compétitifs, et présentée sous l'angle de la défiscalisation de Robien, la société Solly Azar Finance Patrimoine Conseil s'est présentée comme une société de conseil en gestion de patrimoine, et a agi comme telle ; qu'elle était ainsi tenue d'une obligation de conseil et d'information vis-à-vis des personnes qu'elle démarche et devait fournir aux époux [S] des informations non faussées, indépendantes et personnalisées alors qu'en l'espèce, les affirmations contenues dans la projection financière se sont avérées inexactes et ne mettent à aucun moment en garde les investisseurs des conditions et des risques de l'investissement.

Ils font valoir que la société Solly Azar est mal fondée à contester le fait que la SCI du chêne ne soit pas attraite à la procédure alors que cette société n'existe plus, celle-ci ayant été le vendeur promoteur, coquille vide », qui avait été créée dans le seul et unique but de construire l'immeuble, objet de la vente avec un capital que 300 € et elle a fait l'objet d'une dissolution amiable le 31 décembre 2010, ajoutant que l'absence de transparence de procédés des intervenants fait partie du mécanisme ; que les biens sont vendus sous forme d'un package par la société Solly Azar Finance Patrimoine Conseil, simulation financière et documents publicitaires à l'appui.

Ils exposent que l'indexation n'a jamais été appliquée, le gestionnaire leur ayant imposé une baisse de loyer mensuel à 373 € hors charges en septembre 2012 puis à 320 € hors charges en septembre 2015 ; que le gestionnaire a prélevé en moyenne 100 € par mois pour charges et frais de gestion de sorte que 26% du revenu mensuel garanti ont été perçus par le gestionnaire et non par l'investisseur, ce qui rend cette opération peu rentable et surtout totalement déconnectée de l'opération qui avait été présentée par les sociétés ; que le montant des mensualités de remboursement du prêt s'élèvent à 909 €, de sorte qu'un loyer de 320 € ne peut en aucun cas couvrir le remboursement des mensualités du prêt immobilier, le surplus étant à leur charge, leur effort financier mensuel réel étant de 589 € et donc plus important que l'épargne mensuelle moyenne entre 475 € et 484 € annoncée dans la simulation financière ; que ces charges trop élevées rendent infructueuse de l'opération financière et compromettent leur équilibre financier ; que dès le départ, l'opération de défiscalisation était vouée à l'échec, le potentiel locatif n'étant pas compatible avec un investissement de Robien sécurisé et pérenne, contrairement à ce qui avait été présenté par l'intimée ; que le potentiel locatif de la ville de [Localité 5] est loin de pouvoir permettre un tel investissement.

La société Solly Azar conteste toute obligation, faisant valoir qu'elle n'est intervenue à l'opération que postérieurement à la signature de l'acte préliminaire de vente du 30 juin 2006 et qu'elle n'a nullement commercialisé ce bien auprès des consorts [S] mais que c'est la société Patrimoines de France qui l'a fait.

Elle fait valoir que la facture qu'a retenue le tribunal ne mentionne nullement qu'une telle prestation aurait été réalisée par Solly Azar ; qu'elle n'est intervenue qu'après la signature par les époux [S] de l'acte préliminaire de vente et la réitération de celui-ci par acte authentique pour gérer la VEFA et les différents appels de fonds ; qu'elle n'est intervenue qu'en qualité de mandataire du promoteur immobilier Fair Affaires et non en qualité de conseiller en gestion de patrimoine. Elle précise que la documentation remise aux consorts [S] est établie au nom de la société Patrimoines de France.

A titre subsidiaire, elle soutient qu'il ressort de l'acte de VEFA que les époux [S] avaient été parfaitement informés de l'exigence posée par le dispositif Robien de location continue du bien.

Ceci étant exposé, il résulte des pièces produites aux débats les éléments suivants :

La pochette commerciale de la société Solly Azar Finance Patrimoine et Conseil la présente comme un conseil en gestion de patrimoine et indique l'objectif, à savoir « se constituer un patrimoine de qualité, alléger leurs impôts et préparer leur retraite. »,

L'étude personnalisé réalisée par la société Solly Azar le 14 mars 2006 pour les époux [S] pour le programme « Résidence du Chêne sous le régime Robien neuf » mentionne comme conseiller « Solly Azar Patrimoine Conseil » et affiche comme objectifs une économie d'impôts, une capitalisation, un complément de retraite et une sécurité, qu'elle détaille sous forme de tableaux, par année, sur une durée de simulation de 18 ans.

La lettre adressé le 16 mars 2006 par cette même société leur rappelle qu'il venaient de se porter acquéreurs d'un bien immobilier dans le cadre de la loi Robien, les félicite et indique « nous vous soumettrons dans les meilleurs délais une offre de prêt conforme au financement que nous vous avions suggéré lors de la présentation de votre étude financière » et les remercie de leur confiance et développe succinctement le déroulement de l'investissement financier en rappelant les avantages de l'opération souscrite, prévoyant un mandat de gestion, des garanties locatives de loyers impayés, carence et vacance locative, et s'engagent à accompagner les intéressés « tout au long de votre investissement, de vous assister à tout moment et plus particulièrement lors de la déclaration annuelle de vos revenus ».

Ces documents établissent l'intervention de la société Solly Azar Finance Patrimoine Conseil auprès des époux [S] dans l'opération de défiscalisation immobilière qui leur a été présentée et dans laquelle ils se sont engagés. Le rôle de la société Solly Azar a consisté à commercialiser un placement immobilier défiscalisant, son argument de vente étant non pas le bien immobilier en tant que tel mais l'avantage que pouvait procurer l'acquisition d'un bien financé par un emprunt, destiné à la location, en vue de bénéficier d'un avantage fiscal prévu par la loi.

Elle était donc tenue à une obligation d'information sincère et complète, devant la conduire à faire état des caractéristiques les moins favorables de l'investissement proposé et des éventuels risques encourus, qui peuvent être le corollaire des avantages annoncés.

La société ne démontre pas plus en cause d'appel qu'en première instance avoir informé les époux [S] sur le risque encouru en cas de vacance locative de plus de 12 mois, à savoir la perte de l'avantage fiscal, lequel constituait un objectif très important pour les investisseurs.

Dès lors, en manquant à son obligation d'information, la société Solly Azar a commis une faute et est responsable du préjudice subi par les époux [S] consistant en une perte de chance, non pas de ne pas subir un redressement fiscal comme l'a indiqué le tribunal, car une parfaite information sur ce point n'aurait pas empêcher le redressement fiscal, mais une perte de chance de ne pas contracter.

La société Solly Azar est mal fondée à invoquer l'acte notarié de vente notarié que 30 juin 2006, aux termes duquel il est indiqué, page 19, que le notaire mentionne que l'acquéreur déclare vouloir bénéficier des dispositions dite de «  l'amortissement Robien » et que le propriétaire doit notamment s'engager à louer le logement d'une manière effective et continue pendant une durée de 9 ans et que le non-respect d'une des conditions rappelées entraîne la réintégration du montant des amortissements déduits dans le revenu foncier net de l'année de la remise en cause  au motif d'une part que cette information est donnée dans le cadre contractuel de la vente, postérieurement au contrat de réservation du 14 mars 2006 alors que les époux [S] ne pouvaient plus renoncer à la vente et d'autre part, au motif que la responsabilité de la société Solly Azar est recherchée sur le fondement délictuel et non contractuel.

Sur le préjudice des époux [S]

Les époux [S] font valoir que les manquements de la société intimée leur ont fait perdre la chance de ne pas contracter l'investissement litigieux et de ne pas subir un redressement fiscal qu'ils ont subi à hauteur de 37 102 euros, somme qu'ils sollicitent.

La société Azar sollicite, à titre infiniment plus subsidiaire, la confirmation du jugement entrepris sur le montant de la condamnation à hauteur de 1 000 euros, précisant que le préjudice dont pourraient se prévaloir les époux [S] serait celui de la perte de chance et non un préjudice égal au remboursement des sommes investies dans ce projet immobilier.

Ceci étant exposé, la perte de chance de ne pas contracter subie par les époux [S] ne peut être constituée par le montant du redressement fiscal dont ils sollicitent l'indemnisation et qui, en tout état de cause ne constitue pas un préjudice indemnisable dès lors que les contribuables ont seulement été amenés à payer l'impôt auquel ils étaient légalement tenus, mais dans le fait qu'ils ont dû subir une procédure de redressement fiscal qu'ils n'auraient par subie s'ils n'avaient pas contracté et qui sera justement réparé par l'allocation de la somme de 5 000 euros.

Sur les demandes reconventionnelles de Solly Azar

La société Solly Azar sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive au titre de l'article 1240 du code civil.

Les époux [S] étant accueillis partiellement en leur demande d'indemnisation, la procédure diligentée par ces derniers ne peut être qualifiée d'abusive.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a débouté la société Solly Azar de sa demande de dommages et intérêts.

La société Solly Azar, partie perdante sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande d'indemnité de procédure. Elle sera condamnée, sur ce même fondement, à payer aux époux [S] la somme de 6 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

la cour,

CONFIRME le jugement entrepris sauf sur le montant de la condamnation au paiement de la société Groupe Solly Azar et sur les dépens,

Statuant à nouveau sur ces chefs,

CONDAMNE la société Groupe Solly Azar à payer à Monsieur [R] [S] et Madame [B] [T] épouse [S], la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;  

CONDAMNE la société Groupe Solly Azar aux dépens de première instance ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Groupe Solly Azar aux dépens d'appel ;

DÉBOUTE la société Groupe Solly Azar de sa demande d'indemnité de procédure ;

CONDAMNE la société Groupe Solly Azar à payer à Monsieur [R] [S] et Madame [B] [T] épouse [S] la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 20/17797
Date de la décision : 13/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-13;20.17797 ?
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