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13/03/2023 | FRANCE | N°20/07996

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 13, 13 mars 2023, 20/07996


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 13



RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES



DÉCISION DU 13 Mars 2023



(n° , 5 pages)



N°de répertoire général : N° RG 20/07996 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5T2



Décision contradictoire en premier ressort ;



Nous, Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Justine FOURNIER, greff

ière, lors des débats et de Victoria RENARD, greffière, lors de la mise à disposition, avons rendu la décision suivante :



Statuant sur la requête déposée le 17 Mars 2020 par...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES

DÉCISION DU 13 Mars 2023

(n° , 5 pages)

N°de répertoire général : N° RG 20/07996 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5T2

Décision contradictoire en premier ressort ;

Nous, Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Justine FOURNIER, greffière, lors des débats et de Victoria RENARD, greffière, lors de la mise à disposition, avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée le 17 Mars 2020 par :

M. [P] [L]

né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 3] (Maroc)

demeurant [Adresse 2] ;

Comparant

Assisté par Me Frédéric BEAUFILS, avocat au barreau de Seine Saint Denis

 

Vu les pièces jointes à cette requête ;

Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 05 Décembre 2022 ;

Entendus :

Me Frédéric BEAUFILS représentant M. [P] [L],

Me Virginie METIVIER, substitué par Me Christelle BAROSO, avocat représentant l'Agent Judiciaire de l'Etat,

Madame Anne BOUCHET, Substitute Générale,

Les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;

* * *

M. [P] [L], de nationalité marocaine, mis en examen du chef de détention de l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique et placé sous le statut de témoin assisté pour des faits de viol avec usage d'une arme a été placé en détention provisoire à la maison d'arrêt de [Localité 5] du 4 au 9 octobre 2017, date à laquelle il a été placé sous contrôle judiciaire.

Le 24 septembre 2019, il a bénéficié d'une ordonnance de non lieu.

Le 17 mars 2020, M. [L] a adressé une requête au premier président de la cour d'appel de Paris en vue d'être indemnisé de sa détention provisoire, en application de l'article 149 du code de procédure pénale.

Il sollicite dans celle-ci, soutenue oralement,

- que sa requête soit déclarée recevable,

- le paiement des sommes suivantes :

* 10 000 euros au titre de son préjudice moral,

* 146,66 euros au titre de son préjudice matériel,

* 10 000 euros au titre de la perte de chance,

* 4 000 euros au titre des frais d'avocat liés à la question de la détention,

* 4 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses écritures, déposées et notifiés par RPVA le 7 avril 2022, développées oralement, l'agent judiciaire de l'Etat demande au premier président :

- à titre liminaire, d'écarter des débats les pièces n°2,4,5 et 6 du requérant,

- à titre principal, de déclarer l'action de M. [L] irrecevable faute de produire un certificat de non-appel et de le débouter de ses demandes,

- à titre subsidiaire, sur le fond, de ramener l'indemnité à allouer à M. [L] en réparation de son préjudice moral à la somme de 1 620 euros, de le débouter de ses demandes au titre de la perte de salaire, de la perte de chance de signer un contrat de travail à durée indéterminée, d'allouer à M. [L] une somme de 4 000 euros au titre de ses frais d'avocats, en lien avec la détention provisoire et de ramener la demande au titre des frais irrépétibles à de plus justes proportions.

Le procureur général, reprenant oralement à l'audience les termes de ses conclusions notifiées et déposées le 28 septembre 2022 conclut à titre principal à l'irrecevabilité de la requête et à titre subsidiaire, à l'indemnisation pour une détention d'une durée de quatre jours et à la réparation du préjudice moral et du préjudice matériel dans les conditions indiquées.

Le requérant a eu la parole en dernier.

Sur autorisation, M [L] a fourni un nouveau certificat de non-appel en cours de délibéré, lequel n'a fait l'objet d'aucune observation de la part de l'agent judiciaire de l'Etat et du ministère public.

SUR CE,

Il convient de relever au préalable qu'en dépit des demandes qui lui ont été faites, M. [L] n'a pas produit les pièces 4, 5 et 6 visées dans sa requête.

Sur la recevabilité

M. [L] soutient que sa requête est recevable, l'ordonnance de non lieu étant définitive. Il explique qu'il produit des certificats de non-appel lesquels expliquent les erreurs matérielles dont l'ordonnance de mise en accusation est atteinte.

L'agent judiciaire de l'Etat et le ministère public concluent à l'irrecevabilité de la requête en relevant des incohérences entre l'ordonnance de non lieu et les certificats de non-appel produits, de sorte qu'il n'y a aucune certitude sur le caractère définitif de la décision.

Au regard des dispositions des articles 149-1, 149-2 et R.26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.

A cette fin, il lui appartient de saisir, dans les six mois de cette décision, le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête signée de sa main ou d'un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d'appel.

Cette requête doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée, et toutes indications utiles prévues à l'article R26 du même code.

A l'appui de sa demande, M. [L] produit :

- une ordonnance de non lieu partiel en date du 24 septembre 2019, rendue par Mme [M] [E], portant les numéros de parquet 16183000099 et de dossier JICABJI1017000030 mentionnant que M. [L] a été mis en examen du chef de détention de l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique, placé sous le statut de témoin assisté du chef de viol avec usage ou menace d'une arme, placé en détention provisoire le 4 octobre 2017 puis sous contrôle judiciaire le 9 octobre 2017 et qu'il n'y a lieu de le poursuivre pour les faits de détention de l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique,

- un certificat de non-appel d'une ordonnance de non lieu rendue le 23 septembre 2019 par Mme [K] [I], daté du 29 novembre 2022, établi par Mme [S] [Z], adjoint administratif, portant les numéros de parquet 17304000084 et d'instruction 10/17/54,

- une note de Mme [N] [O], greffière, portant les numéros de parquet 17034000084 et d'instruction JICABJI1017000054, en date du 23 janvier 2023, qui ne reprend que les faits pour lesquels M. [L] a été placé sous le statut de témoin assisté, indiquant que 'Mentionnons que sur l'ordonnance de mise en accusation, plusieurs erreurs matérielles se sont glissées :

- le numéro parquet : 16183000099

- le numéro d'instruction : 10/17/30

- l'ordonnance de mise en accusation rendue le 23 septembre 2020.

Après vérification, le numéro parquet ainsi que le numéro instruction sont :

- 1704000084 6 10/17/54

- l'ordonnance de mise en accusation a bien été rendue le 24 septembre 2020.'

- un certificat de non-appel d'une ordonnance de non lieu rendue par Mme [M] [E] le 23 septembre 2019, daté du 6 février 2023, établi par Mme [N] [O], greffière, portant les numéros de parquet 17304000084 et d'instruction 10/17/54 auquel est joint une note dans laquelle elle explique les changements successifs de numéros pour conclure que la procédure dans laquelle M. [L] a bénéficié d'un non lieu est bien celle enregistrée sous les numéros 17304000084 et 10/17/54.

La fiche pénale quant à elle indique que M. [L] a été écroué le 5 octobre 2017 en vertu d'un mandat de dépôt en date du 4 octobre 2017 délivré dans le cadre d'une procédure criminelle portant les numéros de parquet 17277/82 et d'instruction12/17/40.

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que M. [L] rapporte la preuve que l'ordonnance de non lieu le concernant est devenue définitive.

La demande de M. [L] est donc recevable au titre d'une détention provisoire indemnisable du 4 au 9 octobre 2017, soit pour une durée de 5 jours.

Sur l'indemnisation

- Le préjudice moral

M. [L] soutient que cette procédure a 'bousillé sa vie', en ce qu'il a été incarcéré sous une des qualifications les plus infamantes et les plus dangereuses pour un détenu, qu'il a été très affecté par cette privation de liberté et le regard de sa famille dont celui de son épouse alors enceinte, qu'il a subi une crainte considérable de voir sa détention se prolonger et qu'il est actuellement suivi dans le cadre d'un soutien psychologique.

L'agent judiciaire de l'Etat ne conteste pas le principe de l'existence d'un préjudice moral, reconnaissant qu'il convient de tenir compte de la durée de la détention, de l'absence de passé carcéral, de la situation personnelle de M. [L] et de l'éloignement de ses proches.

Le ministère public ne le conteste pas davantage mais relève l'absence de justificatif d'un suivi psychologique.

M. [L], qui a été incarcéré à l'âge de 32 ans, a subi un préjudice moral certain aggravé par l'éloignement familial d'avec sa femme alors enceinte. Le choc carcéral a été important s'agissant d'une première incarcération.

En revanche, le besoin d'un suivi psychologique en lien avec la détention injustifiée n'est démontré par aucune pièce.

En outre, la nature criminelle de l'infraction reprochée, son placement en garde à vue et son sentiment d'injustice lié à la proclamation de son innocence ne peuvent être retenus comme un facteur d'aggravation du préjudice moral.

Il lui sera alloué une somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral.

- Le préjudice matériel

M. [L] expose avoir perdu son emploi au sein de la société [4] du fait de l'incarcération et de l'éloignement imposé dans le cadre du contrôle judiciaire soit une perte de salaire de 146,66 euros. Il ajoute que le contrat de travail avait fait l'objet d'une prolongation et qu'il existait une perspective d'embauche dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, de sorte qu'il a également perdu une chance de signer un tel contrat. Il ajoute avoir dû exposer des frais pour être assisté devant le juge d'instruction puis le juge des libertés et de la détention.

L'agent judiciaire de l'Etat et le ministère public répliquent qu'en l'absence de bulletins de salaire, M. [L] ne démontre pas le préjudice allégué au titre de la perte de salaires. Outre l'absence d'élément sur la situation professionnelle de M. [L] au 1er novembre 2017, ils relèvent que l'absence éventuelle de la poursuite de la relation de travail avec la société [4] ne peut pas être imputée à la détention provisoire mais éventuellement au contrôle judiciaire. Enfin, ils ne contestent pas la somme de 4 000 euros au titre des frais d'avocat liés à la question de la détention.

M. [L] verse aux débats un avenant à son contrat de travail du 26 juillet 2017, le prolongeant du 30 septembre 2017 au 31 octobre 2017 mais ne justifie pas du salaire perçu, de sorte que sa demande au titre de sa perte de salaire ne peut qu'être rejetée.

En l'absence de tout élément, il ne démontre pas davantage l'existence d'une chance réelle et sérieuse d'obtenir un contrat à durée indéterminée de sorte que sa demande au titre d'une perte de chance doit également être rejetée.

En revanche, la facture du 1er octobre 2019 montre qu'il a dû engager des frais en lien avec la détention provisoire à hauteur de 4 000 euros qui doivent être indemnisés.

PAR CES MOTIFS :

Déclarons la requête de M. [P] [L] recevable,

Lui allouons les sommes suivantes :

- 2 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- 4 000 euros en réparation de son préjudice matériel,

- 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboutons M. [L] du surplus de ses demandes,

Laissons les dépens à la charge de l'Etat.

Décision rendue le 13 Mars 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 20/07996
Date de la décision : 13/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-13;20.07996 ?
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