Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 9
ORDONNANCE DU 13 MARS 2023
Contestations d'Honoraires d'Avocat
(N° /2023, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00514 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCVOB
NOUS, Stéphanie GARGOULLAUD, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, greffière présente lors des débats ainsi que lors du prononcé de l'ordonnance.
Vu le recours formé par :
Maître [P] [U]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Comparant en personne,
Demandeur au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS dans un litige l'opposant à :
Monsieur [H] [C]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Claire DI CRESCENZO, avocat au barreau de PARIS, toque : C1738
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/001544 du 03/02/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
Défendeur au recours,
Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au Greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 13 Janvier 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L'affaire a été mise en délibéré au 13 Mars 2023 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
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RÉSUMÉ DES FAITS
Vu le recours formé par M. [U], enregistré le 18 novembre 2020, à l'encontre de la décision rendue le 12 novembre 2020 par le bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Paris, et notifiée le 16 novembre suivant, qui a :
- fixé à la somme de 2 000 € HT (deux mille euros hors taxes) le montant total des honoraires dus à Maître [P] [U] par Monsieur [H] [C], sous déduction de la somme réglée à hauteur de 7 000 euros HT, laissant apparaître un trop-perçu de 5 000 euros HT dont il est dû la restitution.
- condamné en conséquence Maître [P] [U] à verser à Monsieur [H] [C] la somme de 5 000 euros HT avec intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du Bâtonnier, outre la TVA au taux de 20 % ainsi que les frais d'huissier de justice en cas de signification de la présente décision.
- ordonné la restitution immédiate par Maître [P] [U] auprès de Monsieur [H] [C] du « dossier témoins » comportant la liste de vingt témoins sélectionnés par Monsieur [C] ainsi que les documents annexés, et qu'il en sera justifié auprès du Bâtonnier.
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- prononcé l'exécution provisoire de la décision.
Le 13 janvier, les deux parties ont comparu et ont été entendues.
M. [U] conteste la motivation du Bâtonnier qu'il impute à son absence lors des débats du fait d'une malencontreuse erreur de calendrier de sa part. Il demande l'infirmation de sa décision, que ses honoraires soient fixés à la somme de 7000 euros au regard des diligences accomplies et des documents qu'il verse pour en justifier, indique n'avoir pas conservé de pièces et ne présente pas de demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'avocat de M. [C] demande in limine litis la radiation de l'appel en application de l'aeticle 524 du cpc en raison de l'absence d'exécution de la décision du Bâtonnier qui avait ordonné l'exécution provisoire. Il demande, à défaut, la confirmation de la décision en toutes ses dispositions sauf l'exécution provisoire et demande 1000 euros de dommages-intérêts au titre des contrariétés imposées liées notamment à l'absence de restitution de certaines pièces. Il ne présente pas de demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'affaire a été mise en délibéré au 13 mars 2023.
SUR CE,
Sur le moyen relevé d'office tiré de l'excès de pouvoir du prononcé de l'exécution provisoire qui a été discuté par les parties lors de la procédure orale :
L'article 178 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat en vigueur à la date de la présente procédure prévoyait que : « Lorsque la décision prise par le bâtonnier n'a pas été déférée au premier président de la cour d'appel, elle peut être rendue exécutoire par ordonnance du président du tribunal de grande instance à la requête, soit de l'avocat, soit de la partie. »
Il résulte des articles L. 111-2 et L. 111-3, 1° et 6°, du code des procédures civiles d'exécution, 502 du code de procédure civile et 178 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat que la décision prise par le bâtonnier d'un ordre d'avocats sur une contestation en matière d'honoraires, fût-elle devenue irrévocable par suite de l'irrecevabilité du recours formé devant le premier président de la cour d'appel, ne constitue pas une décision à laquelle la loi attache les effets d'un jugement, de sorte l'exécution provisoire ne peut être ordonnée que par ordonnance du président du tribunal judiciaire, seul habilité à cet effet (2e Civ., 27 mai 2021, pourvoi n° 17-11.220).
Si le décret n°2021-1322 du 11 octobre 2021 a créé un nouvel article 175-1 au sein du premier décret cité aux termes duquel, notamment « la décision du bâtonnier peut, même en cas de recours, être rendue exécutoire dans la limite d'un montant de 1 500 euros, ou, lorsqu'il est plus important, dans la limite des honoraires dont le montant n'est pas contesté par les parties », cette disposition a été rendue applicable aux réclamations introduites à compter de la date d'entrée en vigueur du décret du 11 octobre 2021 et ne saurait s'appliquer aux situations antérieures.
Il s'en déduit, d'une part, que le Bâtonnier ne pouvait sans excès de pouvoir ordonner l'exécution provisoire de la décision contestée, d'autre part, qu'il y a lieu de rejeter la demande de radiation présentée par M. [C] en raison du défaut d'exécution de la décision.
La décision du Bâtonnier doit dont être infirmée en ce qu'elle ordonne l'exécution provisoire.
Sur la proportion entre les actes effectués et les honoraires et versements sollicités :
Le défaut de signature d'une convention ne prive pas l'avocat du droit de percevoir pour ses diligences, dès lors que celles-ci sont établies, des honoraires qui sont alors fixés en tenant compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci. Pour autant, il appartient à l'avocat de rapporter la preuve de l'existence d'un accord sur le principe d'un honoraire, étant précisé que la seule exécution partielle (le paiement d'une facture) ne suffit pas en soi à établir la preuve de la convention.
Aucune convention d'honoraire n'étant produite, il y a lieu de prendre en considération les échanges de courriels, notamment les courriels de M. [C] des 02 et 06 juillet 2018 et celui de M. [U] du 29 juin 2018 faisant état, sur deux pages des diligences, des huit rendez-vous au cabinet de l'avocat entre le 27 avril et le 26 juin 2018 et des deux chèques de provision de 3 000 euros à encaisser à un mois d'intervalle. La seule facture produite est une facture de 2000 euros HT du 16 janvier 2019 qui, au demeurant, n'est pas contestée à la barre.
M. [C] soutient en substance être atteint d'un handicap cognitif qui le conduit à prendre des décisions irréfléchies. Il ne rapporte cependant pas la preuve de ce qu'il n'aurait pas été en état de consentir à la date à laquelle il a confié sa défense à Me [U], étant précisé que :
- le contenu des courriels, notamment en mai et juin 2018, caractérisent une parfaite compréhension de la procédure en cours par M. [C] sous tous ses aspects ;
- M. [C] ne fait l'objet d'aucune mesure de protection ;
- M. [C] ne soutient pas que le handicap dont il se prévaut aurait connu une évolution qui aurait rendu son consentement altéré à la date de se relations avec Me [U] mais ne le serait plus pour être utilement représenté devant notre cour, et ce indépendamment du bénéfice de l'aide juridictionnelle qui lui est accordée.
Il en résulte que M. [C] était apte à conclure une convention ou à s'entendre avec son avocat sur les montants dus. L'accord sur les montants des honoraires dus ne peut se lire, dans ce contexte, qu'au regard des documents produits aux débats, étant précisé que la facture de 2000 euros HT du 16 janvier 2019 porte la seule mention « conseil, assistance et représentation ».
Or aucune autre pièce de la procédure ne mentionne un montant prévisionnelle, alors même que l'un des courriels du 02 juillet 2018, à 20 heures 19, établit que M. [C] a évoqué la possibilité d'une prise en charge au titre de l'aide juridictionnelle, fût-ce pour la partie de la procédure liée à une consignation devant une juridiction.
La facture de 5 000 euros contestée n'est pas produite et, s'il est constant qu'elle était antérieure à la facture de 2000 euros du 16 janvier 2019, il n'est pas possible de déterminer à quel travail effectif elle correspondait ni quel était l'accord conclu entre le client et son avocat s'agissant de la part du travail qui serait pris en charge au titre de l'aide juridictionnelle. M. [C] rapporte la preuve qu'il a sollicité une copie de cette facture en vain par courriel du 17 septembre 2018. Dans un tel contexte et au regard de l'exigence de clarté et de compréhensibilité qui doit présider aux relations entre un avocat et son client pour ce qui concerne les honoraires (arrêt CJUE du 12 janvier 2023, C-395/21 | D.V.), il y a lieu de considérer que la preuve d'un accord sur le montant des honoraires n'est rapportée que dans la limité de 2 000 euros hors taxe.
Il convient donc de confirmer la décision du Bâtonnier en ce qu'elle a fixé à la somme de 2 000 € HT (deux mille euros hors taxes) le montant total des honoraires dus à Maître [P] [U] par Monsieur [H] [C], sous déduction de la somme réglée à hauteur de 7 000 euros HT, laissant apparaître un trop-perçu de 5 000 euros HT dont il est dû la restitution et condamné en conséquence Maître [P] [U] à verser à Monsieur [H] [C] la somme de 5 000 euros HT avec intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du Bâtonnier, outre la TVA au taux de 20 % ainsi que les frais d'huissier de justice en cas de signification de la présente décision
Sur les autres demandes :
Il n'entre pas dans l'office de notre juridiction d'ordonner une restitution de pièces, étant précisé en outre que la demande n'est assortie d'aucune information sur la nature des pièces en cause ni sur les dates de remise de pièces à l'une ou l'autre des parties dont chacune des parties se prévaut.
M. [C] n'apporte aucun élément de preuve au soutien de sa demande de dommages-et-intérêts qui permette à la cour d'en apprécier le bien-fondé. La demande sera donc rejetée.
Les parties n'ont présenté aucune demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant en dernier ressort, par décision contradictoire et par mise à disposition au Greffe,
Rejette la demande de radiation ;
Infirme la décision du Bâtonnier ;
Fixe à la somme de 2 000 € HT (deux mille euros hors taxes) le montant total des honoraires dus à Maître [P] [U] par Monsieur [H] [C], sous déduction de la somme réglée à hauteur de 7 000 euros HT, laissant apparaître un trop-perçu de 5 000 euros HT dont il est dû la restitution.
Condamne en conséquence Maître [P] [U] à verser à Monsieur [H] [C] la somme de 5 000 euros HT avec intérêts au taux légal à compter de la date de la saisine effective du Bâtonnier, soit le 29 mai 2020, outre la TVA au taux de 20 % ainsi que les frais d'huissier de justice en cas de signification de la présente décision.
Rejette les autres demandes.
Laisse les dépens à la charge de Me [U]
Dit qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE