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10/03/2023 | FRANCE | N°19/07114

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 10 mars 2023, 19/07114


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 10 Mars 2023



(n° , 2 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/07114 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAGCW



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Juin 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 19/00552



APPELANTE

CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représen

tée par Mme [U] [W] en vertu d'un pouvoir spécial



INTIME

Monsieur [J] [F]

[Adresse 2]

[Localité 3]

non comparant, non représenté



COMPOSITION DE LA COUR :



En application des disposi...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 10 Mars 2023

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/07114 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAGCW

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Juin 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 19/00552

APPELANTE

CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Mme [U] [W] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIME

Monsieur [J] [F]

[Adresse 2]

[Localité 3]

non comparant, non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Gilles REVELLES, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre

M. Gilles REVELLES, Conseiller

Mme Natacha PINOY, Conseillère

Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRET :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre et par Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse des Travailleurs Salariés (la caisse) d'un jugement rendu le 3 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Bobigny dans un litige l'opposant à [J] [F] (le débiteur).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les faits de la cause ayant été correctement rapportés par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé.

Il convient toutefois de rappeler que le 19 janvier 2007, la caisse a accordé à [P] [F], mère du débiteur, l'allocation supplémentaire prévue à l'article L. 815-2 ancien du code de la sécurité sociale. Elle est décédée le 27 septembre 2016. Du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2016, l'allocataire a perçu la somme totale de 45 039,89 euros au titre de l'allocation supplémentaire.

Après avoir reçu l'état de l'actif successoral établi le 19 septembre 2018, la caisse a notifié au débiteur, par lettre du 12 novembre 2018, une demande de remboursement réactualisée à hauteur de 3 228,58 euros, représentant sa part de dette en sa qualité d'héritier de l'allocataire.

Le 13 décembre 2018, le débiteur a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny aux en contestation de la décision précitée. Le 1er janvier 2019 le dossier a été transmis au tribunal de grande instance de Bobigny.

Par jugement du 3 juin 2019, ce tribunal a :

- Déclaré recevable et bien-fondée l'action du débiteur ;

- Débouté la caisse de sa demande en paiement ;

- Rappelé que la procédure est gratuite et sans frais en application de l'ancien l'article R. 144-10 alinéa 1 du code de la sécurité sociale.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que la créance successorale litigieuse portant sur l'allocation supplémentaire servie du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2016 à la défunte, la contestation de la décision de récupération sur succession n'est pas soumise à la saisine de préalable de la commission de recours amiable, de sorte que la contestation était recevable. Ensuite, sur le fond, le tribunal a retenu que l'allocataire s'est vu accorder l'allocation supplémentaire prévue à l'article L. 815-2 ancien du code de la sécurité sociale du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2016 pour un montant total de 45 039,89 euros ; que l'état actif/passif de la succession de l'intéressée faisait apparaître un actif net successoral de 62 413,65 euros ; que le débiteur n'avait pas renoncé à la succession, de sorte qu'en sa qualité d'héritier il était bien redevable d'une quote-part de la succession comptant 14 héritiers ; que néanmoins, si la caisse devait justifier les modalités de calcul de la créance, les pièces versées au débat ne permettaient pas de vérifier la valeur réelle du contrat d'assurance-vie évaluée à 27 900 euros, ni de comprendre pourquoi la caisse retenait un passif de 1 500 euros alors que l'état de l'actif/passif du 19 septembre 2018 faisait mention d'un passif de 18 497,12 euros dont 10 400 euros de la caisse sans que l'on puisse savoir si cette dette était en lien avec la créance objet du litige. Le tribunal a conclu que la créance ne présentait pas toutes les garanties nécessaires, n'étant ni liquide, ni exigible, ni certaine, de sorte que la demande en paiement devait être rejetée.

La caisse a interjeté appel de ce jugement le 8 juillet 2019, lequel lui avait été notifié le 24 juin 2019.

L'affaire a été appelée à l'audience du 17 juin 2022. La cour ayant constaté que la convocation du débiteur avait été retournée à la cour sans être signée, elle a ordonné son renvoi à l'audience du 17 janvier 2023 pour une nouvelle convocation de l'intimé.

Au rappel de l'affaire à l'audience du 17 janvier 2023, la caisse a fait soutenir et déposer par son représentant des conclusions écrites demandant la cour de :

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bobigny en toutes ses dispositions ;

- Confirmer le bien-fondé de l'action en recouvrement engagée par la caisse à l'encontre du débiteur ;

- Constater que le débiteur est redevable de la somme de 3 228,58 euros correspondant à sa quote-part ;

- Condamner le débiteur au remboursement de cette somme.

Il est renvoyé aux conclusions déposées par la caisse, et visées par le greffe à la date d'audience, pour un exposé complet de ses moyens développés au soutien de ses prétentions.

Bien que régulièrement convoqué pour avoir signé l'accusé de réception de sa convocation du 17 juin 2022 pour l'audience de ce jour, le débiteur n'est ni présent ni représenté.

SUR CE,

Aux termes de l'article 870 du code civil les cohéritiers contribuent entre eux au paiement des dettes et charges de la succession, chacun dans la proportion de ce qu'il y prend.

L'article 873 du même code ajoute que les héritiers sont tenus des dettes et charges de la succession, personnellement pour leur part successorale, et hypothécairement pour le tout ; sauf leur recours soit contre leurs cohéritiers, soit contre les légataires universels, à raison de leur part pour laquelle ils doivent y contribuer.

L'article L. 815-2 ancien du code de la sécurité sociale prévoyait le versement d'une allocation supplémentaire à certains allocataires dont le montant total versé de leur vivant pouvait être, selon certaines conditions, récupéré sur la succession.

Selon les dispositions des articles L. 815-12, D. 815-4 et D. 815-6 anciens du code de la sécurité sociale, les sommes servies au titre de l'allocation supplémentaire sont récupérées en tout ou partie sur la succession de l'allocataire après son décès lorsque l'actif net est au moins égal à la somme de 39 000 euros, la récupération n'étant opérée que sur la fraction de l'actif net excédant cette dernière somme et ne pouvant avoir pour conséquence d'abaisser l'actif net de la succession en dessous de ce montant.

En outre pour établir l'actif et le passif de la succession, l'article 775 du code général des impôts dispose que les frais funéraires sont déduits de l'actif de la succession pour un montant de 1 500 euros et pour la totalité de l'actif si celui-ci est inférieur à ce montant.

Enfin, en application des articles L. 132-12 et L. 132-13 du code des assurances le capital ou la rente d'une assurance vie stipulée payable lors du décès de l'assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers n'entrent pas dans la succession. Néanmoins ces règles ne s'appliquent pas aux sommes versées par l'assuré à titre de primes, à moins que celles-ci n'étaient manifestement exagérées eu égard à ses facultés.

En l'espèce, il est constant que la mère du débiteur a perçu de son vivant l'allocation supplémentaire à compter du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2016, pour un montant total de 45 039,89 euros. Il est également constant que l'état de l'actif/passif de la succession de l'intéressée, établi le 19 septembre 2018, a fait apparaître un actif net successoral de 62 413,65 euros, de sorte que, n'ayant pas renoncé à la succession, le débiteur est tenu en sa qualité d'héritier au remboursement de l'allocation supplémentaire à hauteur de sa quote-part dans la succession, laquelle compte 14 héritiers.

La caisse justifie la réintégration des primes d'assurance-vie dans la détermination de l'actif brut successoral ainsi que de celles qui ont été inscrites au passif de la succession pour déterminer l'actif net successoral servant d'assiette à la récupération de l'allocation supplémentaire servie au défunt et constituant une dette de sa succession.

En effet, il résulte des éléments versés au dossier que l'assurée a souscrit un contrat d'assurance-vie le 24 octobre 2007, soit à l'âge de 75 ans, au profit d'une bénéficiaire unique, sa fille [C] [F], chez laquelle elle était hébergée de son vivant. L'utilité d'une telle souscription ne peut donc s'expliquer que par la volonté de l'assurée de constituer un capital pour son enfant qui l'hébergeait.

Pour autant l'intéressée était déjà bénéficiaire de l'allocation supplémentaire depuis le 1er octobre 2006 laquelle est soumise à une condition de ressources. Il est donc établi que le 25 septembre 2006 date à laquelle l'allocataire a sollicité l'allocation supplémentaire, elle a justifié de ressources constituées d'une pension de réversion assortie du complément de retraite pour un montant mensuel de 164,11 euros et d'une pension de retraite algérienne de 51,86 euros, soit un montant total de 215,97 euros.

Du 24 octobre 2007 au 27 septembre 2016, l'assurée a versé 27 900 euros de primes sur l'assurance-vie, soit un versement mensuel d'environ 260 euros, lequel est supérieur au montant des ressources déclarées par l'intéressée en sa qualité d'allocataire.

Il convient donc de constater que les primes versées par l'allocataire à l'assurance au titre de l'assurance-vie souscrite étaient manifestement exagérées eu égard à ses facultés financières, lesquelles avaient justifié par ailleurs le versement de l'allocation supplémentaire afin de lui assurer un minimum permettant une vie décente. Il se déduit qu'une partie de cette allocation supplémentaire a servi en réalité à l'allocataire à constituer un capital financier au bénéfice d'un seul de ses enfants à titre de gratification.

C'est donc à bon droit que la caisse a procédé à la réintégration du capital de l'assurance-vie dans l'actif de la succession.

Ensuite, le passif de la succession tel qu'il ressort de l'état établi par le notaire instrumentaire le 17 en septembre 2018 se décompose comme suit :

- Centre d'action sociale de la ville de [Localité 4] : 6 597,12 euros ;

- Cnav : 10 400 euros ;

- Frais funéraires : 1 500 euros ;

Passif de succession : 18 497,12 euros.

Néanmoins malgré cet état dressé par le notaire instrumentaire, il convient de rappeler que les dettes sociales récupérables sont des dettes nées après le décès de l'assurée ou allocataire et n'entrent pas dans le passif de la succession du défunt, de sorte que ni la créance du centre d'action sociale de la ville de [Localité 4] ni celle de la Cnav ne doit entrer dans le passif successoral au sens des règles du droit commun. Seuls les frais funéraires prévus par ailleurs par le code général des impôts à hauteur de 1 500 euros constituent le passif successoral.

C'est donc à bon droit que la caisse n'a retenu qu'un passif successoral de 1 500 euros.

Ainsi, par la réintégration dans la succession du montant du capital de l'assurance-vie et la déduction du seul passif successoral, l'actif successoral s'élève donc à 107 310,77 euros duquel il convient de déduire la somme de 39 000 euros prévue par le code de la sécurité sociale pour déterminer la limite du recouvrement de l'allocation supplémentaire à l'assiette de 68 310,77 euros. Ce montant étant supérieur à l'allocation supplémentaire servie, à savoir 45 039,89 euros, la totalité des arrérages versés entre l'attribution de l'allocation et le décès de l'allocataire peut être récupérée sur la succession de cette dernière.

Au surplus, la caisse justifie que par jugement du 25 mars 2021, le tribunal judiciaire de Paris, saisi par sept héritiers de l'allocataire, dont la bénéficiaire de l'assurance-vie, a considéré que la réintégration des primes d'assurance-vie à la succession était parfaitement justifiée et a condamné les sept héritiers au remboursement de l'allocation supplémentaire à hauteur de leur quote-part respective de 3 228,58 euros (pièce n°11 de la caisse). Il n'est toutefois pas établi que ce jugement est définitif.

Enfin, le débiteur de comparaissant pas et ne faisant valoir aucun moyen à l'encontre des comptes établis par la caisse et qui par ailleurs ont été confirmés à l'égard d'autres héritiers, la créance de la caisse correspondant à la quote-part héréditaire du débiteur fixée à 3 228,58 euros est suffisamment justifiée.

Il s'ensuit que le jugement déféré sera infirmé en toutes ces dispositions et la demande de la caisse sera accueillie.

Le débiteur succombant en appel sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DÉCLARE l'appel recevable ;

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

CONDAMNE [J] [F] à payer à la CNAV la somme de 3 228,58 euros au titre de sa quote-part dans la succession de sa mère, [P] [F], pour le remboursement de l'allocation supplémentaire perçue par cette dernière de son vivant ;

CONDAMNE [J] [F] aux dépens d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 19/07114
Date de la décision : 10/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-10;19.07114 ?
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