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09/03/2023 | FRANCE | N°22/15446

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 09 mars 2023, 22/15446


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 09 MARS 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/15446 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGK5Y



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 04 Août 2022 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 22/52822





APPELANTS



M. [F] [K]

[Adresse 1]

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Mme [B] [K]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentés par Me Hugo NAUCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1364







INTIMEE



LA VILLE DE [Localité 2], prise en la personne de Madame la...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 09 MARS 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/15446 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGK5Y

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 04 Août 2022 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 22/52822

APPELANTS

M. [F] [K]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Mme [B] [K]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentés par Me Hugo NAUCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1364

INTIMEE

LA VILLE DE [Localité 2], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 2], Mme [C] [Z], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Stéphane DESFORGES de la SELARL LE SOURD DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0131

Assistée à l'audience par Me Grégoire DUCONSEIL, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Février 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

******

EXPOSE DU LITIGE

Suivant convention d'occupation du domaine public en date du 6 juin 2019, la ville de [Localité 2] a autorisé M. et Mme [K] à exercer une activité commerciale (exploitation d'un kiosque de vente de souvenirs, d'accessoires et de jouets) sur un emplacement sis [Adresse 3] à l'angle du [Adresse 5] à [Localité 2], dans le quartier de la Tour Eiffel.

Se prévalant de l'arrivée à son terme de cette convention, par acte du 2 mars 2022 la ville de [Localité 2] a fait assigner M. et Mme [K] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir :

- ordonner l'expulsion immédiate et sans délai de M. et Mme [K] et de tout occupant de leur chef de l'emplacement sis [Adresse 3], à l'angle du [Adresse 5] à [Localité 2] et ce avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;

- ordonner la séquestration du mobilier et du matériel garnissant ces lieux dans un garde-meubles aux frais, risques et périls de M. et Mme [K] ;

- dire que les délais prévus aux articles L. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ne peuvent trouver à s'appliquer en l'espèce ;

- condamner M. et Mme [K] à libérer les lieux sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

- condamner M. et Mme [K] aux entiers dépens et chacun à lui payer la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

M. et Mme [K] ont soulevé l'incompétence du tribunal judiciaire de Paris au profit du tribunal administratif de Paris et sollicité le rejet des demandes, subsidiairement un délai de douze mois pour quitter les lieux et la condamnation de la ville de [Localité 2] à leur payer la somme de 2.750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par ordonnance contradictoire du 04 août 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

- déclaré sa compétence pour connaître de l'affaire ;

- ordonné immédiatement l'expulsion de M. et Mme [K] et de tout occupant de leur chef de l'emplacement sis [Adresse 3], à l'angle du [Adresse 5] à [Localité 2], objet de la convention d'occupation conclue par les parties le 6 juin 2019, le cas échéant avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;

- dit que le sort des meubles garnissant les lieux sera régi en application des dispositions des articles L. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- rejeté la demande tendant à la libération des lieux sous astreinte ;

- rejeté la demande reconventionnelle de délai pour quitter les lieux en cause ;

- condamné M. et Mme [K] à payer à la ville de [Localité 2] la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus ;

- condamné in solidum M. et Mme [K] aux entiers dépens ;

- rappelé que la présente ordonnance est exécutoire par provision de plein droit.

Par déclaration du 26 août 2022, M. et Mme [K] ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 23 septembre 2022, ils demandent à la cour de :

- infirmer totalement l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau,

In limine litis,

- déclarer incompétent le tribunal judiciaire de Paris au profit du tribunal administratif de Paris ;

A titre principal,

- débouter la ville de [Localité 2] de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire il était fait droit à la demande d'expulsion,

- leur accorder un délai pour partir de douze mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

En tout état de cause,

- condamner la ville de [Localité 2] à leur payer la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

M. et Mme [K] soutiennent en substance :

- que le tribunal administratif de Paris est compétent en vertu de l'article 4 de la convention qui prévoit la compétence des juridictions de l'ordre administratif pour statuer sur les contestations s'élevant entre les parties au sujet de l'application du contrat ;

- que la preuve d'un trouble manifestement illicite n'est pas apportée par la Ville, le kiosque étant occupé par eux depuis 22 ans sans la moindre difficulté et aucune demande n'ayant été formée par la Ville pour accéder aux lieux ;

- qu'il n'est pas non plus justifié d'une urgence, un simple planning prévisionnel de travaux étant fourni par la Ville ;

- que si l'expulsion devait être prononcée, un délai de douze mois devra leur être accordé compte tenu de l'importance du montant de leur investissement, de leur situation financière qui a été lourdement affectée par la crise sanitaire et de l'état de santé de M.[K] qui ne bénéficie pas de l'assurance chômage du fait de son statut.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 21 novembre 2022, la ville de [Localité 2] demande à la cour de :

A titre principal,

- constater que la déclaration d'appel formée par les appelants n'a pas d'effet dévolutif ;

En conséquence,

- juger que la cour n'est saisie d'aucune demande ;

A titre subsidiaire,

- confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a ordonné l'expulsion immédiate de M. et Mme [K] de tous occupants de son chef, occupants sans droit ni titre installés sur emplacement situé [Adresse 3] à [Localité 2] à l'angle du [Adresse 5] ;

En tout état de cause,

- condamner les appelants au paiement d'une amende civile de 10.000 euros pour procédure abusive ;

- condamner les appelants aux entiers dépens d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

La Ville de [Localité 2] soutient en substance :

- que la déclaration d'appel est irrégulière en ce qu'elle ne mentionne pas les chefs de jugement critiqué conformément aux dispositions de l'article 901 du code de procédure civile, et n'a donc pas opéré effet dévolutif ;

- que le contentieux de l'occupation sans droit ni titre du domaine public routier relève de la compétence du juge judiciaire sur le fondement de l'article L.116-1 du code de la voirie routière;

- qu'il y a bien un trouble manifestement illicite dès lors que les appelants se maintiennent sans droit ni titre sur la propriété de la ville de [Localité 2], leur convention d'occupation ayant pris fin le 1er décembre 2021, peu important l'existence ou non d'une urgence,

- qu'aucun délai supplémentaire ne saurait être accordé alors que M. et Mme [K] se maintiennent dans les lieux depuis le 1er décembre 2021 et qu'ils ont été prévenus dès le mois d'avril 2021 du projet d'aménagement du quartier en vue des jeux olympiques de 2024 ; qu'ils n'ont entrepris aucune démarche pour partir et cherchent à se maintenir le plus longtemps possible, leur kiosque étant toujours ouvert et achalandé ;

- que dans ces conditions leur appel est abusif.

SUR CE, LA COUR

Sur l'effet dévolutif de l'appel

Selon l'article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2022-245 du 25 février 2022,

'La déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :

[...

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

[...]'.

En l'espèce, si la déclaration d'appel ne mentionne pas les chefs du jugement expressément critiqués, mentionnant seulement 'Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués Ordonnance de référé rendue le 4 août 2022 par le Président du Tribunal judiciaire de Paris sous le numéro RG 22/52822", elle comporte une annexe qui quant à elle mentionne expressément les chefs critiqués de l'ordonnance de référé entreprise dont il est sollicité l'infirmation.

La déclaration d'appel de M. et Mme [K] est donc régulière et opère effet dévolutif.

Sur le fond du référé

En application de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer. Le trouble manifestement illicite découle de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

En l'espèce, il est sollicité l'expulsion de M. et Mme [K] sur le fondement du trouble manifestement illicite caractérisé par leur occupation sans droit ni titre de l'emplacement du domaine public objet de la convention conclue entre les parties le 6 septembre 2019, arrivée à terme le 30 novembre 2021.

Il est d'abord soulevé l'incompétence de la juridiction sur le fondement de l'article 4 de la convention, qui prévoit que 'les contestations qui pourraient s'élever entre exploitants et la ville de [Localité 2] au sujet de l'application du contrat relèveront de la compétence des juridictions de l'ordre administratif.'

C'est à bon droit que le premier juge a écarté cette exception d'incompétence au motif que le litige est relatif à l'occupation sans droit ni titre du domaine public routier qui, en application de l'article L.116-1 du code de la voirie routière relève de la compétence du juge judiciaire, qu'il ne porte pas sur l'application de la convention d'occupation du domaine public conclue entre les parties, la clause attributive de juridiction n'étant donc pas applicable.

Sur le fond, le trouble manifestement illicite est incontestablement caractérisé par le maintien sur les lieux sans droit ni titre de M. et Mme [K] alors que la convention a pris fin le 30 novembre 2021 en application de son article 2 et qu'il ne leur a été accordé aucun renouvellement, étant relevé que la convention précise à son article 4 qu'à l'expiration du contrat les exploitants ne bénéficieront d'aucun droit au maintien sur les lieux ni à renouvellement.

Peu importe, comme l'a souligné le premier juge en réponse aux contestations soulevées et réitérées en appel, l'existence ou non d'une urgence ou que les occupants laissent ou non la ville de [Localité 2] accéder aux lieux. La cour y ajoute qu'il importe peu également que l'occupation de M. et Mme [K] dure depuis 22 ans sans avoir été entachée d'aucune difficulté. Le trouble manifestement illicite est en effet caractérisé dès lors que l'emplacement se trouve occupé sans droit ni titre depuis l'expiration de la convention le 30 novembre 2021.

Comme jugé en première instance, il ne peut être mis fin à ce trouble qu'en ordonnant l'expulsion de M. et Mme [K], afin de permettre à la ville de [Localité 2] de récupérer la pleine jouissance de l'emplacement du domaine public routier aux fins de réalisation de travaux en vue des jeux olympiques de 2024.

C'est par des motifs exacts et pertinents, que la cour approuve, que le premier juge a rejeté la demande de délai pour quitter les lieux formée sur le fondement de l'article L.412-3 du code des procédures civiles d'exécution, aucun élément nouveau n'étant produit en appel.

L'ordonnance entreprise sera par conséquent confirmée en toutes ses dispositions, y compris celles relatives à la charge des frais et dépens de l'instance dont il a été fait une juste appréciation.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'amende civile formée par l'intimée sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile, l'abus du droit de relever appel de l'ordonnance critiquée n'étant pas caractérisé par le simple fait d'agir sans éléments nouveaux.

Perdant en appel, M. et Mme [K] seront condamnés aux dépens de la présente instance et à payer à la ville de [Localité 2] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Dit régulière la déclaration d'appel,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

Déboute la ville de [Localité 2] de sa demande d'amende civile,

Condamne M. et Mme [K] aux dépens de l'instance d'appel,

Les condamne à payer à la ville de [Localité 2] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/15446
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;22.15446 ?
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