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09/03/2023 | FRANCE | N°22/15204

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 09 mars 2023, 22/15204


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 09 MARS 2023



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/15204 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGKIB



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Mai 2022 -Président du TJ de Paris- RG n° 20/50203





APPELANTE



LA VILLE DE [Localité 6], prise en la personne de Madame la Maire de [Locali

té 6], Mme [I] [Z], domiciliée en cette qualité audit siège



[Adresse 7]

[Localité 6]



Représentée et assistée par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat a...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 09 MARS 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/15204 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGKIB

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Mai 2022 -Président du TJ de Paris- RG n° 20/50203

APPELANTE

LA VILLE DE [Localité 6], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 6], Mme [I] [Z], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représentée et assistée par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1844

INTIMEES

Mme [X] [Y] [O] [H]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Mme [L] [I] [N]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Mme [J] [N]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentées par Me Christian VALENTIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2441

Assistés à l'audience par Me Cécile FOURNIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1938

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

******

EXPOSE DU LITIGE

Par exploits des 20, 22 et 28 novembre 2019, la ville de [Localité 6] a fait assigner Mme [H], Mme [L] [N] et Mme [J] [N] devant le président du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir :

- condamner in solidum Mme [H], Mme [L] [N] et Mme [J] [N] à une amende civile de 50.000 euros et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la ville de [Localité 6] conformément aux dispositions de l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- ordonner le retour à l'habitation de l'appartement situé au 5 ème étage porte face du bâtiment A de l'immeuble du [Adresse 5], à Paris (2e) (constituant le lot n°53) transformé sans autorisation, sous astreinte de 130 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai qu'il plaira au tribunal qui se réservera la liquidation de l'astreinte, de fixer ;

- condamner in solidum Mme [H], Mme [L] [N] et Mme [J] [N] à une amende civile de 5.000 euros et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versée à la ville de [Localité 6] conformément aux dispositions de l'article L.324-2-1 du code du tourisme ;

- condamner in solidum Mme [H], Mme [L] [N] et Mme [J] [N] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Ville de [Localité 6] ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ordonnance du 6 février 2020, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la ville de Paris dans l'attente d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne appelée, sur renvoie préjudiciel de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 15 nov. 2018, n°17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Par arrêt du 22 septembre 2020, la Cour de justice de l'Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne en jugeant notamment que la réglementation locale de la ville de [Localité 6] sur le changement d'usage était conforme à la réglementation européenne.

L'affaire a été rétablie le 4 avril 2022.

Par ordonnance contradictoire du 16 mai 2022, le président du tribunal judiciaire de Paris a :

- débouté la ville de [Localité 6] de sa demande de condamnation à une amende civile à l'encontre de Mme [H], Mme [L] [N] et Mme [J] [N] sur le fondement des dispositions des articles L.631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- débouté la ville de [Localité 6] de sa demande portant sur le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation situés [Adresse 5], à Paris (2e) (5ème étage, porte face, lot n°53) ;

- condamné Mme [H] à payer une amende civile de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article L.324-1-1 III du code du tourisme, dont le produit sera versé à la ville de [Localité 6] ;

- débouté la ville de [Localité 6] de sa demande de condamnation à l'encontre de Mme [L] [N] et Mme [J] [N] fondée sur les dispositions de l'article L.324-1-1 III du code du tourisme ;

- condamné Mme [H] à payer à la Ville de [Localité 6] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté Mme [L] [N] et Mme [J] [N] de leurs demandes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [H] aux dépens ;

- rappelé que la décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Par déclaration du 17 août 2022, la ville de [Localité 6] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 28 octobre 2022, la ville de [Localité 6] demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance en la forme des référés rendue le 16 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a :

débouté la ville de [Localité 6] de sa demande de condamnation à une amende civile à l'encontre de Mme [H], Mme [L] [N] et Mme [J] [N] sur le fondement des dispositions des articles L.631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

débouté la ville de [Localité 6] de sa demande portant sur le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation situés [Adresse 5], à Paris (2e) (5ème étage, porte face, lot n°53) ;

condamné Mme [H] à payer une amende civile de mille cinq cents euros (1.500 euros) euros au titre des dispositions de l'article L.324-1-1 III du code du tourisme, dont le produit sera versé à la ville de [Localité 6] ;

débouté la ville de [Localité 6] de sa demande de condamnation à l'encontre de Mme [L] [N] et Mme [J] [N] fondée sur les dispositions de l'article L.324-1-1 III du code du tourisme.

Statuant de nouveau,

- juger que Mme [H], Mme [L] [N] et Mme [J] [N] ont enfreint les dispositions de l'article L 631-7 du code de la construction et de l'habitation en louant pour de courte durée l'appartement situé au 5ème étage porte face du bâtiment A de l'immeuble du [Adresse 5] (constituant le lot n°53) et condamner in solidum Mme [H], Mme [L] [N] et Mme [J] [N] à une amende civile de 50.000 euros et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la ville de Paris conformément aux dispositions de l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- ordonner le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation, de l'appartement situé au 5ème étage porte face du bâtiment A de l'immeuble du [Adresse 5], à [Localité 6] (2e) (5ème étage, porte face, lot n°53), sous astreinte de 130 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai qu'il plaira à la cour de fixer ;

- juger que Mme [H], Mme [L] [N] et Mme [J] [N] ont enfreint les dispositions des articles L.324-1-1 et L.324-2-1 du code de tourisme et la délibération du conseil de [Localité 6] des 4, 5 et 6 juillet 2017 en ne faisant pas apparaître de numéro d'enregistrement de déclaration préalable auprès de la commune dans l'annonce publiée sur la plate-forme numérique airbnb ;

- condamner in solidum Mme [H], Mme [L] [N] et Mme [J] [N] à payer une amende civile de 5.000 euros et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la ville de [Localité 6] conformément aux dispositions de l'article L. 324-2-1 du code du tourisme ;

En tout état de cause,

- débouter Mme [H], Mme [L] [N] et Mme [J] [N] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

- condamner in solidum Mme [H], Mme [L] [N] et Mme [J] [N] à verser à la ville de [Localité 6] une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [H], Mme [L] [N] et Mme [J] [N] aux entiers dépens.

La ville de [Localité 6] expose notamment que :

- l'usage d'habitation du bien est établi par la fiche H2, le registre cadastral, la fiche R, les calepins de l'immeuble, le relevé de propriété et la taxe d'habitation 2018 qui sont produits,

- ce bien n'est pas la résidence principale du loueur, et en l'absence d'autorisation préalable, sa location meublée pour de courtes durées à une clientèle de passage constitue un changement d'usage d'un local d'habitation pour une activité commerciale, ce qui caractérise l'infraction aux dispositions de l'article L 631-7 du code de la construction et de l'habitation,

- chaque contrevenant doit être condamné à une amende civile, soit Mme [H] mais également Mmes [N], en leur qualité d'usufruitières,

- l'activité illicite a généré d'importants revenus,

- les intimées n'ont pas effectué de déclaration en infraction aux dispositions de l'article L 324-1-1 III du code de tourisme et seront condamnées in solidum à ce titre.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 6 janvier 2023, Mme [H], Mme [L] [N] et Mme [J] [N] demandent à la cour de :

- confirmer l'ordonnance du 19 mai 2022 en ce qu'elle a :

débouté la ville de [Localité 6] de sa demande de condamnation à une amende civile à l'encontre de Mme [H], Mme [L] [N] et Mme [J] [N] sur le fondement des dispositions des articles L.631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

débouté la ville de [Localité 6] de sa demande portant sur le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation situés [Adresse 5], à Paris (2e) (5ème étage, porte face, lot n°53) ;

condamné Mme [H] à payer une amende civile de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article L.324-1-1 III du code du tourisme, dont le produit sera versé à la ville de [Localité 6] ;

débouté la ville de [Localité 6] de sa demande de condamnation à l'encontre de Mme [L] [N] et Mme [J] [N] fondée sur les dispositions de l'article L.324-1-1 III du code du tourisme.

Si par extraordinaire la cour devait réformer l'ordonnance et condamnait Mme [H], Mme [L] [N] et Mme [J] [N], ou encore uniquement Mme [H], sur le fondement des dispositions des articles L.631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation :

- débouter la ville de [Localité 6] de sa demande de condamnation à payer une amende civile de 50.000 euros et réduire l'amende prononcée à de plus justes proportions ;

En tout état de cause,

- condamner la ville de [Localité 6] au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [L] [N] et Mme [J] [N], chacune, ainsi qu'aux entiers de pens d'appel.

Les intimées exposent notamment que :

- la ville de [Localité 6] est défaillante dans sa démonstration à l'égard des deux nues-propriétaires, qui ne sont pas intervenues dans les locations et n'ont perçu aucun loyer,

- l'usage d'habitation des lieux au 1er janvier 1970 n'est pas établi,

- sur le quantum de l'amende, seule Mme [H] dispose de l'usufruit du bien, alors qu'elle est âgée de 75 ans, est de bonne foi, ne s'est pas enrichie,

- Mme [H] reconnaît enfin qu'elle ignorait les dispositions des articles L 324-1-1 et L 324-2-1 du code du tourisme et sollicite une diminution de l'amende à laquelle elle a été condamnée.

SUR CE,

L'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, tel qu'issu de la loi du n°2016-1547 du 18 novembre 2016, dispose que toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros (anciennement 25.000 euros avant la loi du 18 novembre 2016) par local irrégulièrement transformé.

Cette amende est prononcée par le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure. Le produit de l'amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal de grande instance compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local.

Sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat, le président du tribunal ordonne le retour à l'usage d'habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu'il fixe. A l'expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d'un montant maximal de 1.000 euros par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé.

Passé ce délai, l'administration peut procéder d'office, aux frais du contrevenant, à l'expulsion des occupants et à l'exécution des travaux nécessaires.

Il résulte en outre de l'article L. 631-7, dans sa version résultant de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, que la présente section est applicable aux communes de plus de 200.000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable.

Constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L. 632-1.

Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

Toutefois, lorsqu'une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l'usage d'un local mentionné à l'alinéa précédent, le local autorisé à changer d'usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de l'autorisation.

Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.

Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article.

Pour l'application des dispositions susvisées, il y a donc lieu d'établir :

- l'existence d'un local à usage d'habitation, un local étant réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés, le formulaire administratif de type H2 rempli à cette époque permettant de préciser l'usage en cause ;

- un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, hypothèse excluant notamment la location saisonnière de son logement résidence principale, pour une durée n'excédant pas 120 jours par an, la location d'un meublé résidence principale (titre 1er bis de la loi du 6 juillet 1989) ou encore la location d'un meublé dans le cadre d'un bail mobilité (titre 1er ter de la loi du 6 juillet 1989).

Il est en outre constant que, s'agissant des conditions de délivrance des autorisations, la ville de [Localité 6] a adopté, par règlement municipal et en application de l'article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation, le principe d'une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage.

En l'espèce, s'agissant de l'usage d'habitation, le formulaire H2 versé aux débats date du 19 octobre 1970 et mentionne la présence d'un propriétaire occupant, M. [W], sans référence à la présence d'un locataire au 1er janvier 1970.

Si les mentions de la fiche H2 ont été portées à une date assez proche du 1er janvier 1970, elles ne suffisent pas à établir un usage d'habitation au 1er janvier 1970, étant observé :

- qu'aux termes de l'article L 631-7 du code de la construction et de l'habitation, le local doit être affecté à un usage d'habitation au 1er janvier 1970, le texte ne posant pas une simple présomption d'affectation à un usage d'habitation ;

- que la mention de l'occupation du bien par le propriétaire ne se réfère pas à la date du 1er janvier 1970 (contrairement à l'hypothèse de la perception d'un loyer au 1er janvier 1970), en sorte que l'occupation par le propriétaire ne peut être considérée comme étant acquise dès le 1er janvier 1970 ;

- qu'au demeurant, comme le souligne d'ailleurs habituellement la ville de [Localité 6], la preuve à apporter n'est pas celle de l'occupation du bien au 1er janvier 1970 mais de l'affectation du bien à un usage d'habitation à cette date de référence ;

- que de même, si le local est décrit sur la fiche comme étant à usage exclusif d'habitation, cette description ne vaut qu'à la date à laquelle la fiche est renseignée, soit au 19 octobre 1970.

Si la ville de [Localité 6] soutient que l'établissement de la fiche H2 impliquerait nécessairement un usage d'habitation au 1er janvier 1970, les dispositions invoquées du décret n°69-1076 du 28 novembre 1969 ne permettent toutefois pas non plus une telle déduction (article 38, les déclarations sont établies sur des formules spéciales fournies par l'administration ; article 39, la date de référence de la première révision foncière quinquennale des évaluations foncières des propriétés bâties est fixée au 1er janvier 1970 ; article 40, les formules visées à l'article 38 comportent, à la date de leur souscription, les renseignements utiles à l'évaluation de chaque propriété ou fraction de propriété [...] la date limite d'envoi ou de remise des déclarations est fixées au plus tard en ce qui concerne les biens autres que les établissements industriels au 15 octobre 1970 pour les communes de plus de 5.000 habitants).

Ce seul document ne permet donc pas d'établir l'usage d'habitation au 1er janvier 1970.

Par ailleurs, la ville de [Localité 6] produit (pièce 3) :

- le calepin des propriétés bâties qui permet de voir que M. [W] est redevable des contributions foncières, à une date non précisée ;

- une fiche R du 26 septembre 1970 qui décrit les caractéristiques générales de l'immeuble mais ne suffit à apporter la preuve de l'usage d'habitation des lieux ;

- le relevé de propriété qui certes comporte la lettre "H" pour habitation dans la case affectation mais a été établi pour l'année 2018, soit bien postérieurement à la date du 1er janvier 1970,

- la taxe d'habitation 2018, également postérieure à la date requise.

L'usage d'habitation du bien au 1er janvier 1970 n'est donc pas établi.

Aussi, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la ville de [Localité 6] de sa demande fondée sur les articles L 637-1 et L 651-2 du code de la construction et de l'habitation.

Par ailleurs, s'agissant de l'infraction secondaire, l'article L. 324-1-1 du code du tourisme dispose notamment que :

II.-Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé.

Cette déclaration préalable n'est pas obligatoire lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986.

III.-Par dérogation au II, dans les communes où le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d'un meublé de tourisme.

La déclaration indique si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.

IV.-Dans les communes ayant mis en 'uvre la procédure d'enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale ne peut le faire au-delà de cent vingt jours au cours d'une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.

La commune peut, jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué. Le loueur transmet ces informations dans un délai d'un mois, en rappelant l'adresse du meublé et son numéro de déclaration.

V.- Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du III est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 5.000 euros.

Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 10.000 euros.

S'agissant en l'espèce de l'infraction aux dispositions de l'article L 324-1-III du code du tourisme, il résulte du constat d'infraction établi le 30 septembre que l'agent vérificateur a nécessairement consulté le fichier des télé-déclarations pour relever que l'annonce figurant sur le site airbnb et proposant l'appartement litigieux ne comportait aucun numéro d'enregistrement.

Il s'en déduit que Mme [H] qui le reconnaît n'a procédé à aucune déclaration préalable, ce défaut de déclaration préalable étant par voie de conséquence caractérisé.

Il est constant que Mmes [L] et [J] [N] ont qualité de nues-propriétaires des lieux, personnes ayant qualité pour solliciter l'autorisation de changement d'usage, de sorte qu'elles entrent incontestablement dans la catégorie des personnes visées par le texte même de l'article L324-1-1 III du code du tourisme qui évoque "le loueur" tandis que l'article L 324-1-1 V cite que "toute personne" qui ne se conforme pas aux obligations résultant du III est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 5.000 euros.

S'agissant du quantum de l'amende, il apparaît que l'amende prononcée à hauteur de 1.500 euros, est proportionnée et adaptée, tenant compte de la période d'infraction, qui n'a duré que six mois.

Le jugement rendu sera dans ces conditions infirmé uniquement en ce qu'il a débouté la ville de [Localité 6] de sa demande de condamnation à l'encontre de Mme [L] [N] et Mme [J] [N] fondée sur les dispositions de l'article L.324-1-1 III du code du tourisme.

Le sort des dépens de première instance et des frais irrépétibles a été exactement tranché par le premier juge.

Compte tenu du sens de cette décision, la ville de [Localité 6] sera condamnée aux dépens de l'appel.

A hauteur d'appel, il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance rendue, sauf en ce qu'elle a débouté la ville de [Localité 6] de sa demande de condamnation à l'encontre de Mme [L] [N] et Mme [J] [N] fondée sur les dispositions de l'article L.324-1-1 III du code du tourisme,

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Condamne in solidum Mmes [H], [L] et [J] [N] à payer une amende civile de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article L.324-1-1 III du code du tourisme, dont le produit sera versé à la ville de [Localité 6] ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la ville de [Localité 6] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/15204
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;22.15204 ?
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