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09/03/2023 | FRANCE | N°22/03699

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 09 mars 2023, 22/03699


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 09 Mars 2023

(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/03699 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFJOY



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Novembre 2021 par le Tribunal Judiciaire de BOBIGNY - RG n° 20/00342





APPELANTS

Monsieur [G] [K]

[Adresse 2]

[Localité 17]

représenté par Me Benoît JORION, avocat au barreau de PAR

IS, toque : E1758

substitué par Me Géraldine PRYFER, avocat au barreau de PARIS



Madame [M] [W] épouse [K]

[Adresse 2]

[Localité 17]

représenté par Me Benoît JORION, avoca...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 09 Mars 2023

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/03699 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFJOY

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Novembre 2021 par le Tribunal Judiciaire de BOBIGNY - RG n° 20/00342

APPELANTS

Monsieur [G] [K]

[Adresse 2]

[Localité 17]

représenté par Me Benoît JORION, avocat au barreau de PARIS, toque : E1758

substitué par Me Géraldine PRYFER, avocat au barreau de PARIS

Madame [M] [W] épouse [K]

[Adresse 2]

[Localité 17]

représenté par Me Benoît JORION, avocat au barreau de PARIS, toque : E1758

substitué par Me Géraldine PRYFER, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DE LA SEINE SAINT DENIS COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

France domaine

[Adresse 3]

[Localité 16]

représentée par Madame [L] [B], en vertu d'un pouvoir général

non comparante

S.A. SOREQA

[Adresse 15]

[Localité 14]

représenté par Me Stéphane DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, toque : K131

substitué à l'audience par Me Grégoire DUCONSEIL, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Hervé LOCU, Président

Madame Valérie MORLET, Conseillère

Monsieur Raphaël TRARIEUX, Conseiller

Greffier : Madame Dorothée RABITA, lors des débats

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, Président et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Dans le cadre du traité de concession du 24 juin 2015 par lequel l'établissement public territorial Plaine Commune a concédé à la SOREQA le traitement de l'habitat dégradé sur le secteur du [Localité 19] à [Localité 18], une enquête publique unique a été menée du 11 mars au 2 avril 2019 suivant arrêté préfectoral n°2019-0402 du 13 février 2019.

Par arrêté préfectoral n°2019-3178 du 28 novembre 2019, le périmètre du traitement de l'habitat dégradé sur le secteur [Localité 19] à [Localité 18] a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique au profit de la société de requalification des quartiers anciens (SOREQA).

La parcelle cadastrée H n°[Cadastre 4], d'une surface cadastrale de 335 m² est située en zone UP06a du plan local d'urbanisme correspondant à un zonage à vocation mixte de ville constituée ou à reconstituer. La parcelle est localisée dans un quartier urbanisé, à vocation d'habitation, très peu commerçant, excentré par rapport au centre-ville administratif et commerçant, mais desservi par plusieurs lignes de transports en commun et par l'A86. La parcelle supporte un ensemble immobilier, dont un bâtiment A construit en R+1 en 1930 en très mauvais état d'entretien et inhabitable. Les lots n°4 et 6 correspondent à deux studios d'une superficie respective de 30 m² et 33 m². Le lot n°7 correspond à un débarras situé au rez-de-chaussée.

Sont notamment concernés par l'opération M. [G] [K] et Mme [M] [W] épouse [K] (les consorts [K]) en tant que propriétaires des lots n°4, 6 et 7 sis [Adresse 6] à [Localité 18], sur la parcelle cadastrée H n°[Cadastre 4].

Faute d'accord sur l'indemnisation, la SOREQA a saisi le juge de l'expropriation de Bobigny par un mémoire daté du 17 décembre 2020 et reçu par le greffe le 18 décembre 2020.

Par un jugement du 25 novembre 2021, après transport sur les lieux le 15 juin 2021, le juge de l'expropriation de Bobigny a :

Annexé à la décision le procès-verbal de transport du 15 juin 2021 ;

Fixé la date de référence au 31 mars 2020 ;

Retenu une surface cadastrale de 33 m² ;

Évalué le bien exproprié en valeur libre d'occupation ;

Retenu la méthode d'évaluation par comparaison ;

Retenu une valeur unitaire de 2.800 euros/m² ;

Retenu un abattement de 50% pour vétusté ;

Fixé l'indemnité due par la SOREQA aux consorts [K], au titre de la dépossession des lots n°4, 6 et 7 du bien situé [Adresse 7] à [Localité 18] à la somme de 51.820 euros (33 m² × 2.800 euros/m² × 50%) ;

Dit que cette somme se décompose de la façon suivante :

46.200 euros au titre de l'indemnité principale,

5.620 euros au titre de l'indemnité de remploi ;

Rejeté la demande d'indemnité pour frais assumés ;

Condamné la SOREQA aux dépens ;

Rejeté toutes les autres demandes des parties.

Les consorts [K] ont interjeté appel du jugement le 25 janvier 2022 sur l'ensemble des chefs du jugement critiqué, à l'exception des dépens.

Pour l'exposé complets des faits, de la procédure, des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

1/ adressées au greffe le 24 mai 2022 par les consorts [K], notifiées le 7 juin 2022 (AR intimé le 8 juin 2022 et AR CG le 8 juin 2022), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

Infirmer dans son ensemble le jugement ;

En conséquence,

Fixer l'indemnité principale due à au titre de l'expropriation de son bien situé à la somme arrondie de 135.000 euros, sur la base d'un prix de 4.090,90 euros le m² sur la base d'une superficie de 33 m² ;

Fixer l'indemnité accessoire de remploi à la somme de 14.500 euros ;

Fixer l'indemnité complémentaire des frais assumés à la somme de 15.000 euros ;

Condamner la SOREQA à lui verser la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner aux dépens.

2/ adressées au greffe le 13 juillet 2022 par la SOREQA, intimée, formant appel incident, notifiées le 15 juillet 2022 (AR appelant le 18 juillet 2022 et AR CG le 18 juillet 2022), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

Recevoir les époux [K] en leur appel, mais le dire mal fondé ;

Recevoir la SOREQA en son appel incident et, par voie de conséquence infirmer le jugement dont appel, et statuer à nouveau en fixant l'indemnité d'expropriation comme suit :

Valeur vénale : 33 m² × 1.260 euros/m² = 41.580 euros,

Remploi : 5.158 euros,

Total : 46.738 euros.

3/ adressées au greffe le 8 septembre 2022 par le commissaire du gouvernement, intimé, notifiées le 9 septembre 2022 (AR appelant le 12 septembre 2022 et AR intimé le 12 septembre 2022), aux termes desquelles il forme appel incident et demande à la cour de :

Fixer à la somme de 102.640 euros l'indemnité d'expropriation due aux consorts [K] pour la dépossession des lots n°4, 6 et 7 de la parcelle cadastrée H n°[Cadastre 4] sis [Adresse 7] à [Localité 18], décomposée comme suit :

92.400 euros au titre de l'indemnité principale (2.800 euros/m² × 33 m²),

10.240 euros au titre de l'indemnité de remploi.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES :

Les consorts [K] font valoir que :

Concernant la description du bien exproprié, il s'agit des lots n°4, 6 et 7 du bâtiment A de l'ensemble immobilier situé [Adresse 6] à [Localité 18]. La surface cadastrale est de 33 m². Les lots ont toujours été entretenus. Une attestation de valeur établie le 23 avril 2016 par une agence immobilière fait état d'une valeur comprise entre 110.000 euros et 120.000 euros (Pièce 8A). L'état des parties communes n'est pas du fait des propriétaires mais de squatteurs. Un arrêté d'insalubrité à caractère irrémédiable a été pris le 16 mai 2013, et une ordonnance d'expulsion le 30 décembre 2014.

Concernant l'évaluation du bien exproprié, le premier juge a retenu un abattement de 50% pour vétusté alors que les termes de comparaison sont dans un état extérieur similaire à celui du bien exproprié. La moyenne des dix termes de comparaison produit s'élève à 3.428,78 euros/m². Il convient de fixer l'indemnité principale d'expropriation à 135.000 euros (33 m² × 4.090,90 euros/m²).

Concernant l'indemnité de remploi, celle-ci doit être fixée à 14.500 euros en application de la formule suivante : 20% du montant de l'indemnité principale jusqu'à 5.000 euros, 15% entre 5.000 et 15.000 euros, et 10% au-delà de 10.000 euros.

Concernant l'indemnisation des frais assumés, les consorts [K] ont dû assumer seuls les réclamations de la société Veolia (Pièce 7A). Ils ont continué à s'acquitter des taxes foncières, des taxes pour les logements vacants et des frais de syndic. Il est donc sollicité le versement de la somme de 15.000 euros.

Concernant les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il serait manifestement inéquitable de laisser à la charge des appelants les frais qu'ils ont dû exposer pour assurer leur défense en recourant aux services d'un avocat. La SOREQA doit donc être condamnée à leur verser une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SOREQA rétorque que :

Concernant la description du bien exproprié, l'ensemble immobilier est ancien, vétuste, vacant et en très mauvais état. La copropriété a fait l'objet de deux arrêtés d'insalubrité irrémédiable avec interdiction d'habiter en 1988 et 2013. La toiture et le plancher ont été arrachés, les fenêtres sont sans vitrage et les murs fissurés. L'accès à la copropriété est condamné. La surface utile totale du bien exproprié est de 33 m².

Concernant la date de référence, il résulte des articles L.322-2 du code de l'expropriation et L.213-4 du code de l'urbanisme que celle-ci doit en l'espèce être fixée au 31 mars 2020, date à laquelle est devenue opposable aux tiers la dernière modification du plan local d'urbanisme de Plaine Commune.

Concernant la valeur unitaire, les consorts [K] n'ont pas été en mesure de permettre la visite de leur appartement, lequel est manifestement vétuste tout comme le reste de l'ensemble immobilier, de sorte qu'il ne peut pas être comparé à la valeur du marché sans abattement. La SOREQA valide le raisonnement du premier juge en ce qu'il fixé la valeur unitaire à 2.800 euros/m², mais pas en ce qu'il a retenu un abattement de 50% pour vétusté, demandant l'application d'un abattement de 65% comme proposé par le commissaire du gouvernement en première instance. La valeur unitaire est donc de 1.260 euros/m².

Concernant l'indemnisation des frais assumés, les dépenses invoquées ne correspondent pas à un préjudice directement causé par la procédure d'expropriation s'agissant des frais de syndic, de sommes dues à un fournisseur et du paiement de charges fiscales.

Le commissaire du gouvernement conclut que :

Concernant la description du bien exproprié, il s'agit d'un ensemble immobilier à usage d'habitation en copropriété composé de quatre bâtiments construits sur la parcelle H n°[Cadastre 4] d'une superficie de 335 m². La copropriété a été frappée en 1988 et en 2013 d'un arrêté d'insalubrité irrémédiable avec interdiction d'habiter. Les logements sont tous en très mauvais état, toiture et plancher arrachés, fenêtres sans vitrage, murs fissurés. L'accès à la copropriété est actuellement condamné et les logements ont été murés pour éviter les occupations illégales. Les lots n°4, 6 et 7 correspondent à deux studios situés au premier étage porte gauche du bâtiment A et à un débarras situé au rez-de-chaussée du bâtiment A. Les parties retiennent une surface de 31 m².

Concernant la date de référence, le PLUi de Plaine Commune, approuvé le 25 février 2020 est devenu opposable le 31 mars 2020. À cette date, le bien exproprié était situé en zone UP06a.

Concernant l'indemnité principale, en l'absence de visite et au regard de la vétusté du bien exproprié, la valeur unitaire retenue par le premier juge peut être admise.

Concernant l'indemnité accessoire au titre des frais assumés, l'article L.321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose que les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice, direct, matériel et certain causé par l'expropriation. Or au cas présent, les frais évoqués ne constituent pas un préjudice direct résultant de la procédure d'expropriation puisque les taxes foncières et les taxes pour logements vacants sont dues à la qualité de propriétaire de l'exproprié et les frais de syndic sont dus au titre du fonctionnement de la copropriété.

Concernant le montant des indemnités à allouer à l'exproprié, l'indemnité principale doit s'élever à 92.400 euros (2.800 euros/m² × 33 m²) et l'indemnité de remploi à 10.240 euros, soit une indemnité totale de 102.640 euros.

SUR CE, LA COUR :

Sur la recevabilité des conclusions,

Aux termes de l'article R.311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique modifié par l'article 41 du décret n°2017-891 du 6 mai 2017 en vigueur depuis le 1er  septembre 2017, applicable en l'espèce l'appel étant du 29 novembre 2021, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l'espèce, les conclusions des consorts [K] du 24 mai 2022, de la SOREQA du 13 juillet 2022, et du commissaire du gouvernement du 8 septembre 2022 adressées ou déposées dans les délais légaux sont recevables.

Sur le fond,

Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s'impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l'article L.321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

Aux termes de l'article L.321-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.

Aux termes de l'article L.322-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété ou lorsque l'expropriant fait fixer l'indemnité avant le prononcé de l'ordonnance d'expropriation, à la date du jugement.

Conformément aux dispositions de l'article L.322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération ' sous réserve de l'application des articles L.322-3 à L.322-6 dudit code ' leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L'appel des consorts [K] porte sur toutes les dispositions de fond du jugement à savoir le montant de l'indemnité principale, le montant de l'indemnité de remploi et la demande d'indemnité pour frais assumés. Les appels incidents de la SOREQA et du commissaire du gouvernement oncernent les montants de l'indemnité principale et de l'indemnité de remploi.

S'agissant de la date de référence, les parties s'accordent toutes à la situer comme le premier juge au 31 mars 2020 en application de l'article L.213-6 du code de l'urbanisme, le bien exproprié étant soumis au droit de préemption urbain ; cette date correspond à l'affichage en préfecture du plan local d'urbanisme de Plaine Commune approuvé le 25 février 2020. À cette date, la parcelle expropriée est située en zone UP06 secteur UP06a qui correspond à des opérations d'aménagement situées dans le centre-ville d'[Localité 18]. Les dispositions réglementaires favorisent une forme urbaine constituée de fronts bâtis sur voie et de c'urs d'ilot aérés. Le secteur UP06a correspond au projet d'aménagement dit du [Localité 19], sur les deux îlots [Adresse 20] et [Adresse 21].

S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s'agit de celle du jugement de première instance conformément à l'article L.322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, soit le 25 novembre 2021.

Sur l'indemnité principale,

Sur la surface du bien exproprié, comme en première instance, les parties s'accordent pour fixer la superficie à 33 m².

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la situation locative, aux termes de l'article L.322-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété. L'évaluation par le premier juge en valeur libre n'est pas contestée par les parties.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la nature du bien, son usage effectif et sa consistance, il est situé [Adresse 6] à [Localité 18] sur la parcelle cadastrée section H n°[Cadastre 4], d'une superficie cadastrale de 335 m², à 1 km de la gare La Plaine Stade de France du RER B, à 1,3 km de la station Front Populaire de la ligne 12 du métro, à 1 km de l'A86, et à 800 m de la mairie d'[Localité 18]. Le quartier, urbanisé et résidentiel, apparaît toutefois excentré par rapport au centre-ville administratif et commerçant d'[Localité 18]. La parcelle supporte un ensemble immobilier édifié en 1930 comportant quatre bâtiments. La copropriété a fait l'objet de deux arrêtés d'insalubrité irrémédiable en 1988 et 2013 et est inaccessible. De l'extérieur, le bâtiment A, dans lequel sont situés les lots expropriés, apparaît en très mauvais état et inhabitable. La façade est fissurée, les fenêtres sont condamnées et la toiture est manquante. Pour une plus ample description, il convient de se référer au procès-verbal de transport du 15 juin 2021.

Sur la méthode d'évaluation, le juge de l'expropriation dispose du pouvoir souverain d'adapter la méthode qui lui paraît la mieux appropriée à la situation du bien exproprié. Les parties s'accordent à retenir la méthode d'évaluation globale par comparaison.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

1/ Les références retenues par le premier juge

Les termes de comparaison produits par les parties et retenus par le premier juge sont listés ci-dessous.

N° du terme

Date de vente

Adresse

Surface

(en m²)

Prix

(en euros)

Prix unitaire

(en euros/m²)

Observations

DEM2

CG2

18/10/2019

[Adresse 5]

26

68.000

2.615

Occupé

DEF1

29/07/2019

[Adresse 8]

35

155.000

4.429

Libre

DEF2

CG5

16/10/2019

[Adresse 8]

30

146.200

4.873

Libre

CG1

21/12/2018

[Adresse 10]

35

127.000

3.629

Libre

CG3

11/06/2019

[Adresse 8]

30

128.000

4.267

Libre

CG4

29/07/2019

[Adresse 8]

36

155.000

4.306

Libre

Le premier juge a retenu un prix unitaire 2.800 euros/m² compte tenu du mauvais état d'entretien, auquel il a appliqué un abattement de 50% pour vétusté, soit un prix unitaire de 1.400 euros/m².

Les consorts [K] font remarquer que parmi les références par le premier juge, la valeur unitaire la plus basse est de 2.615 euros/m² et correspond au bâtiment mitoyen de celui des lots expropriés. Les deux bâtiments étant dans le même état d'entretien en 2019, le premier juge aurait dû retenir cette valeur unitaire sans sanctionner une seconde fois cet état d'entretien en appliquant un abattement pour vétusté de 50%. Il convient d'examiner les références des parties produites en cause d'appel.

2/ Les références produites par les consorts [K]

Les termes de comparaison, avec les références de publication, proposés par les consorts [K] sont listés dans le tableau ci-dessous.

N° du terme

Date de vente

Adresse

Surface

(en m²)

Prix

(en euros)

Prix unitaire

(en euros/m²)

Observations

APP1

18/10/2019

[Adresse 5]

26

68.000

2.615

Occupé

APP2

21/12/2018

[Adresse 10]

35

127.000

3.629

Libre

APP3

22/06/2020

[Adresse 11]

28

77.000

2.750

1880

APP4

08/07/2019

[Adresse 13]

22

70.000

3.181

1900

APP5

24/05/2019

[Adresse 9]

21

62.000

2.949,57

1850

APP6

01/04/2021

[Adresse 1]

20

66.000

3.273,81

1839

APP7

04/12/2020

[Adresse 12]

23

55.000

2.405,95

1900

APP8

09/08/2021

[Adresse 12]

20

68.000

3.331,70

1900

APP9

29/07/2019

[Adresse 8]

35

155.000

4.429

Libre

APP10

16/10/2019

[Adresse 8]

30

146.200

4.873

Libre

La moyenne des termes de comparaison s'établit non pas à 3.428,78 mais à 3.343,803 euros/m².

La SOREQA et le commissaire du gouvernement ne formulent aucune critique à l'encontre des termes de comparaison produits par les consorts [K].

Les termes de comparaison APP4, APP5, APP6, APP7 et APP8 ont une surface inférieure à 25 m², hors de proportion avec le bien exproprié. Ces termes de comparaison seront donc écartés.

Les termes de comparaison APP1, APP2, APP3, APP9, et APP10 sont comparables en consistance et en localisation au bien exproprié. Ces termes de comparaison seront donc retenus.

Les consorts [K] proposent également une attestation de valeur établie le 23 avril 2016 par l'agence Immo-Transaction qui estime la valeur du bien exproprié entre 110.000 et 120.000 euros. Ils considèrent que cette attestation de valeur prouve que leur bien était bien entretenu et qu'il ne peut donc pas souffrir d'une décote.

Cependant, ne peuvent être prises en considération comme références pertinentes que des ventes dont les références de publication sont communiquées afin de pouvoir accéder aux actes de vente et connaître les caractéristiques des biens concernés ainsi que

les modalités des transactions ; de simples offres d'achat non concrétisées, des annonces ou des estimations immobilières ne peuvent être en conséquence être retenues. En conséquence, cette attestation de valeur sera écartée.

3/ Les références produites par la SOREQA

Les termes de comparaison, avec les références de publication, proposés par la SOREQA sont listés dans le tableau ci-dessous. Il s'agit des termes de comparaison mentionnés dans le jugement dont appel. Elle acquiesce en cause d'appel au raisonnement du premier juge consistant à fixer la valeur unitaire à 2.800 euros/m².

N° du terme

Date de vente

Adresse

Surface

(en m²)

Prix

(en euros)

Prix unitaire

(en euros/m²)

Observations

INT1

18/10/2019

[Adresse 5]

26

68.000

2.615

Occupé

INT2

29/07/2019

[Adresse 8]

35

155.000

4.429

Libre

INT3

16/10/2019

[Adresse 8]

30

146.200

4.873

Libre

INT4

21/12/2018

[Adresse 10]

35

127.000

3.629

Libre

INT5

11/06/2019

[Adresse 8]

30

128.000

4.267

Libre

INT6

29/07/2019

[Adresse 8]

36

155.000

4.306

Libre

Les consorts [K] ne formulent aucune critique à l'encontre des termes de comparaison produits par la SOREQA.

Le commissaire du gouvernement souscrit aux termes de comparaison produits par la SOREQA.

Les termes de comparaison INT2 et INT6 sont identiques mais leur prix unitaire diffère. Dans l'impossibilité de déterminer quel prix unitaire retenir, ces deux termes de comparaison seront écartés.

Le terme de comparaison INT5 est comparable en consistance et en localisation au bien exproprié. Ce terme de comparaison sera donc retenu.

Les termes de comparaison INT1, INT3, INT4 ont déjà été retenus.

4/ Les références produites par le commissaire du gouvernement

Les termes de comparaison, avec les références de publication, proposés par le commissaire du gouvernement sont listés dans le tableau ci-dessous. Il s'agit des termes de comparaison mentionnés dans le jugement dont appel. Il sollicite de retenir la valeur unitaire retenue par le premier juge.

N° du terme

Date de vente

Adresse

Surface

(en m²)

Prix

(en euros)

Prix unitaire

(en euros/m²)

Observations

CG1

18/10/2019

[Adresse 5]

26

68.000

2.615

Occupé

CG2

29/07/2019

[Adresse 8]

35

155.000

4.429

Libre

CG3

16/10/2019

[Adresse 8]

30

146.200

4.873

Libre

CG4

21/12/2018

[Adresse 10]

35

127.000

3.629

Libre

CG5

11/06/2019

[Adresse 8]

30

128.000

4.267

Libre

CG6

29/07/2019

[Adresse 8]

36

155.000

4.306

Libre

Les époux [K] ne formulent aucune critique à l'encontre des termes de comparaison produits par le commissaire du gouvernement.

La SOREQA souscrit aux termes de comparaison produits par le commissaire du gouvernement.

Les termes de comparaison CG2 et CG6 ont déjà été écartés. Les termes de comparaison CG1, CG3, CG4, et CG5 ont déjà été retenus.

La moyenne des six références retenues correspond à un prix unitaire de :

(2.615 + 3.629 + 2.750 + 4.429 + 4.873 + 4.267) ÷ 6 = 3.760,50 euros/m²

Le premier juge, sur la base d'un prix unitaire moyen de 4.020 euros/m² a retenu une valeur unitaire 2.800 euros/m², à laquelle il a appliqué un abattement de 50% pour vétusté.

Les consorts [K] soutiennent que les termes de comparaison produits correspondent à des biens dont l'état extérieur est similaire à celui du bien exproprié, de sorte qu'aucun abattement ne saurait être appliqué.

La SOREQA soutient que le bien exproprié, non visitable et vétuste, est manifestement hors marché, de sorte qu'il n'y a pas d'autres méthodes d'évaluation possible que de pratiquer un abattement par rapport aux valeurs du marché, en retenant les moyens les plus basses.

Le commissaire du gouvernement souscrit au raisonnement du premier juge.

L'état extérieur de la plupart des références retenues est similaire à celui du bien exproprié. En revanche, la copropriété a été frappée de deux arrêtés d'insalubrité à caractère irrémédiable et d'une ordonnance d'expulsion du 30 décembre 2014, ce qui justifie d'appliquer un abattement de 65% pour vétusté sera retenu.

L'indemnité principale, en valeur libre, est donc de :

33 m² × 3.760,50 euros/m² × 35% = 43.433,78 euros

Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.

Sur les indemnités accessoires,

1/ L'indemnité de remploi

L'indemnité de remploi est calculée selon la jurisprudence habituelle comme suit :

20% de l'indemnité principale jusqu'à 5.000 euros

15% de l'indemnité principale entre 5.001 et 15.000 euros

10% de l'indemnité principale sur le surplus

L'indemnité de remploi s'établit en l'espèce à 5.343,38 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.

2/ L'indemnité pour frais assumés

Le premier juge a débouté les consorts [K] de leur demande au titre de l'indemnité pour frais assumés au motif que le préjudice invoqué n'a pas été généré par la procédure d'expropriation et n'est pas direct au sens de l'article L.321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Les consorts [K] soutiennent qu'ils ont continué à s'acquitter des taxes foncières et des taxes pour les logements vacants et des frais de syndic le temps de la procédure d'expropriation.

La SOREQA s'oppose à cette demande. Elle considère que les dépenses invoquées ne correspondent pas à un préjudice directement causé par la procédure d'expropriation, s'agissant des frais de syndic, de sommes dues à un fournisseur et du paiement de charges fiscales.

Le commissaire du gouvernement s'oppose à cette demande. Il soutient que les frais évoqués ne sont pas générés par la procédure d'expropriation, les taxes foncières et les taxes pour logements vacants étant dues à la qualité de propriétaire de l'exproprié et les frais de syndic sont dus au titre du fonctionnement de la copropriété. Le préjudice invoqué n'étant pas direct, il ne doit donc pas être indemnisé.

L'article L.321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose que les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation. Or, les frais évoqués au soutien de la demande d'indemnisation pour frais assumés ne sont pas directement générés par la procédure d'expropriation. En effet, les taxes foncières sont liées à la qualité de propriétaires des expropriés, les taxes pour logement vacant sont liées aux arrêtés d'insalubrité à caractère irrémédiable et à l'ordonnance d'expulsion du 30 décembre 2014, et les frais de syndic sont liées au fonctionnement de la copropriété.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

L'indemnité totale de dépossession est donc de 48.777,16 euros, se décomposant comme suit :

43.433,78 euros au titre de l'indemnité principale

5.343,38 au titre de l'indemnité de remploi

Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.

Sur l'article 700 du code de procédure civile,

L'équité commande de débouter les consorts [K] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Sur les dépens,

Il convient de confirmer le jugement qui a condamné l'expropriant en application de l'article L312-1 du code de l'expropriation.

Les consorts [K] perdant le procès seront condamnés aux dépens d'appel en application de l'article L.312-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevables les conclusions des parties ;

Infirme partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

Fixe à la somme de 48.777,16 euros en valeur libre l'indemnité à revenir aux consorts [K], pour la dépossession des lots n°4, 6 et 7 de la parcelle cadastrée H n°[Cadastre 4] sise [Adresse 6] à [Localité 18], se décomposant comme suit :

43.433,78 euros au titre de l'indemnité principale,

5.343,38 euros au titre de l'indemnité de remploi ;

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions ;

Condamne les consorts [K] aux dépens d'appel ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 22/03699
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;22.03699 ?
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