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09/03/2023 | FRANCE | N°21/21477

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 09 mars 2023, 21/21477


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 09 Mars 2023

(n° , 20 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/21477 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEZQQ



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Octobre 2021 par le Tribunal Judiciaire de BOBIGNY - RG n° 20/00140





APPELANTE

E.P.I.C. SOCIETE DU GRAND [Localité 27]

représentée par Monsieur [J] [L]

agissant en qualité de PrÃ

©sident du Directoire

[Adresse 8]

[Localité 14]

représentée par Me Stéphane DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, toque : K131





INTIMÉES

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FIN...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 09 Mars 2023

(n° , 20 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/21477 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEZQQ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Octobre 2021 par le Tribunal Judiciaire de BOBIGNY - RG n° 20/00140

APPELANTE

E.P.I.C. SOCIETE DU GRAND [Localité 27]

représentée par Monsieur [J] [L]

agissant en qualité de Président du Directoire

[Adresse 8]

[Localité 14]

représentée par Me Stéphane DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, toque : K131

INTIMÉES

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DE LA SEINE SAINT DENIS - COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

France Domaine

[Adresse 3]

[Localité 16]

représentée par Madame [G] [B], en vertu d'un pouvoir général

S.A.R.L. OPTIKOSS

[Adresse 4]

[Localité 15]

représentée par Me Gilles CAILLET de la SELEURL HELIANS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0876

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Décembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Hervé LOCU, Président

Madame Valérie GEORGET, Conseillère

Monsieur Raphaël TRARIEUX, Conseiller

Greffier : Madame Dorothée RABITA, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, Président et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

L'établissement public Société du Grand [Localité 27] (SGP) créé par la loi n°2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, a pour mission principale de concevoir et d'élaborer le schéma d'ensemble et les projets d'infrastructures composant le réseau de transport public du Grand Paris et d'en assurer également la réalisation, laquelle comprend notamment la construction des lignes, ouvrages et installations fixes ainsi que la construction et l'aménagement des gares, y compris d'interconnexion.

Le schéma d'ensemble prévoit notamment la création d'une ligne 15 Est Orange de 23 km de métro automatique en souterrain qui desservira [Adresse 2].

Par arrêté inter-préfectoral n°2016-1133 du 25 avril 2016, ont été prescrites l'ouverture de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique et l'ouverture de l'enquête pour la mise en compatibilité des documents d'urbanisme des communes de [Localité 14], [Localité 15], [Localité 26], [Localité 19], [Localité 16], [Localité 25], [Localité 17], [Localité 28], [Localité 20] et [Localité 22], relative au projet de création de la ligne 15 Est Orange. Par la suite, un arrêté inter-préfectoral n°2017-2645 du 13 septembre 2017 a prescrit l'ouverture d'une enquête préalable à la déclaration d'utilité publique modificative concernant la ligne 15 Est Orange du réseau complémentaire du réseau de transport public du Grand [Localité 27] entre « [Localité 14] Pleyel » et « [Localité 18] centre », menée sur les communes de [Localité 16], [Localité 17], [Localité 28] et [Localité 29], concernées par la modification du périmètre d'intervention potentielle, ainsi que d'une enquête pour la mise en compatibilité du PLU de la commune de [Localité 28], rendue nécessaire par 1'une des modifications apportées au projet.

Par un arrêté inter-préfectoral n°2017-325 du 13 février 2017, ont été déclarés d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation de la ligne 15 Est Orange du réseau complémentaire du réseau de transport public du Grand [Localité 27] entre « [Localité 14] Pleyel » (gare exclue) et « [Localité 18] centre ». Par un arrêté inter-préfectoral n°2018-1438 du 20 juin 2018, l'arrêté inter-préfectoral n°2017-325 du 13 février 2017 susvisé a été modifié afin de tenir compte des évolutions du périmètre d'intervention potentielle.

La parcelle cadastrée section Z n°[Cadastre 6] est incluse dans le périmètre des expropriations. Elle supporte deux immeubles de quatre étages construits en 1907 en meulière et briques, soumis au régime de la copropriété. D'une superficie de 557 m², elle comprend notamment des appartements et des locaux commerciaux. La parcelle se situe en zone UMTa du plan local d'urbanisme. Il s'agit d'une zone mixte traditionnelle. La parcelle sur laquelle est implantée le local se situe au c'ur du centre-ville de la commune d'[Localité 15] juste à côté de la mairie, dans un environnement privilégié et très dynamique avec la présence de nombreux commerces et services aux alentours, des transports et de toutes les commodités.

Est notamment concernée par l'opération la SARL Optikoss en tant que propriétaire des lots n° 1 et 2 de l'immeuble situé sur la parcelle cadastrée section Z n° [Cadastre 6] située [Adresse 4], dans lesquels elle exerce une activité commerciale d'activité d'optique-surdité.

A défaut d'accord amiable sur la juste indemnité de dépossession à revenir à la SARL Optikoss, la Société du Grand [Localité 27] a saisi le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Paris par mémoire valant offre visé par le greffe le 16 novembre 2020.

Par un jugement du 21 octobre 2021, après transport sur les lieux le 30 juin 2021, le juge de l'expropriation de [Localité 27] a :

Fixé la date de référence au 31 mars 2020 ;

Retenu un coefficient de 75% ;

Fixé à la somme de 383.844 euros l'indemnité à revenir à la SARL Optikoss pour la dépossession de son fonds de commerce, à savoir une activité commerciale d'optique-surdité exercée dans les lots n° 1 et 2 de l'immeuble situé sur la parcelle cadastrée section Z n° [Cadastre 6], au [Adresse 4], d'une contenance cadastrale de 557 m², se décomposant comme suit :

Indemnité principale : 301.649 euros (75% × 402.198 euros TTC/an),

Frais de remploi : 29.015 euros,

Indemnité pour trouble commercial : 19.716 euros,

Frais de déménagement : 3.500 euros,

Frais de réinstallation : 29.964 euros,

Sursis sur la fixation de l'indemnité au titre des frais de licenciement ;

Condamné la Société du Grand [Localité 27] à payer à la SARL Optikoss la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelé que les dépens sont de droit supportés par l'expropriant en vertu de l'article L.312-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

La Société du Grand [Localité 27] a interjeté appel du jugement le 13 décembre 2021 sur le montant de l'indemnité principale (chiffre d'affaires et coefficient à retenir) et sur l'indemnité pour frais de réinstallation.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

1/ adressées au greffe par la Société du Grand [Localité 27], le 10 mars 2022, notifiées le 11 mars 2022 (AR intimé le 12 mars 2022 et AR CG le 14 mars 2022), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

Infirmer le jugement en tant qu'il a fixé l'indemnité revenant à la SARL Optikoss pour la dépossession de son fonds de commerce à la somme globale de 383.444 euros et en particulier en tant qu'il a :

Fixé l'indemnité principale à la somme de 301.649 euros,

Fixé l'indemnité pour frais de remploi à la somme de 29.015 euros,

Accordé une indemnité pour frais de réinstallation d'un montant de 29.964 euros ;

Infirmer le jugement en tant qu'il a sursis à statuer sur les frais de licenciement ;

Statuant à nouveau,

Rejeter la demande d'indemnité pour frais de réinstallation ;

Rejeter la demande au titre des frais de licenciement ;

Fixer l'indemnité revenant à la SARL Optikoss pour la dépossession de son fonds de commerce à la somme globale de 246.913 euros, se décomposant de la manière suivante :

Une indemnité principale d'un montant de 204.406 euros,

Une indemnité de remploi d'un montant de 19.291 euros,

Une indemnité pour trouble commercial d'un montant de 19.716 euros,

Une indemnité pour frais de déménagement d'un montant de 3.500 euros.

2/ adressées au greffe par la Société du Grand [Localité 27], le 16 septembre 2022, notifiées le 22 septembre 2022 (AR intimé le 26 septembre 2022 et AR CG le 26 septembre 2022), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

Infirmer le jugement en tant qu'il a fixé l'indemnité revenant à la SARL Optikoss pour la dépossession de son fonds de commerce à la somme globale de 383.444 euros et en particulier en tant qu'il a :

Fixé l'indemnité principale à la somme de 301.649 euros,

Fixé l'indemnité pour frais de remploi à la somme de 29.015 euros,

Accordé une indemnité pour frais de réinstallation d'un montant de 29.964 euros ;

Infirmer le jugement en tant qu'il a sursis à statuer sur les frais de licenciement ;

Statuant à nouveau,

Rejeter la demande d'indemnité pour frais de réinstallation ;

Rejeter la demande au titre des frais de licenciement ;

Fixer l'indemnité revenant à la SARL Optikoss pour la dépossession de son fonds de commerce à la somme globale de 246.913 euros, se décomposant de la manière suivante :

Une indemnité principale d'un montant de 204.406 euros,

Une indemnité de remploi d'un montant de 19.291 euros,

Une indemnité pour trouble commercial d'un montant de 19.716 euros,

Une indemnité pour frais de déménagement d'un montant de 3.500 euros ;

Quant à l'appel incident de la SARL Optikoss,

S'en rapporter à la cour sur l'étendue de l'effet dévolutif de l'appel incident de la SARL Optikoss ;

Confirmer le jugement en tant qu'il a fixé à la somme de 3.500 € les frais de déménagement ;

Rejeter les demandes de la SARL Optikoss ;

Y ajoutant,

Condamner la SARL Optikoss à verser à la Société du Grand [Localité 27] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

3/ déposées au greffe par la SARL Optikoss, intimée, formant appel incident, le 9 juin 2022, notifiées le 14 juin 2022 (AR appelant le 15 juin 2022 et AR CG le 16 juin 2022), et le 25 novembre 2022 notifiées le 25 novembre 2022 avec trois nouvelles pièces N°27 à N°29 aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

La déclarer recevable et bien fondée en ses demandes incidentes ;

En conséquence,

Réformer le jugement 20/140 du Juge de l'Expropriation de [Localité 27] du 21 octobre 2021 en ce qu'il a fixé à 383.844 euros l'indemnité à revenir à la SARL Optikoss pour la dépossession de son fonds de commerce,

Fixer l'indemnité principale due par la Société du Grand [Localité 27] à la SARL Optikoss, en contrepartie de l'expropriation de son fonds de commerce situé [Adresse 4] à la somme de 537.184,00 euros ;

Fixer l'indemnité de remploi due par la Société du Grand [Localité 27] à la SARL Optikoss, en contrepartie de l'expropriation de son fonds de commerce situé [Adresse 4] à la somme de 52.568,40 euros;

Fixer l'indemnité pour trouble commercial due par la Société du Grand [Localité 27] à la SARL Optikoss, en contrepartie de l'expropriation de son fonds de commerce situé [Adresse 4] à la somme de 26.332,00 euros.

Fixer l'indemnité de déménagement due par la Société du Grand [Localité 27] à la SARL Optikoss, en contrepartie de l'expropriation de son fonds de commerce situé [Adresse 4] à la somme de 9.960,00 euros

Fixer l'indemnité pour frais de réinstallation due par la Société du Grand [Localité 27] à la SARL Optikoss, en contrepartie de l'expropriation de son fonds de commerce situé [Adresse 4] à la somme de 29.964 euros

Confirmer le Jugement 20/140 du Juge de l'Expropriation de Paris du 21 octobre 2021 en ce qu'il a sursis à statuer sur la fixation de l'indemnité au titre des frais de licenciement, et condamné la Société du Grand [Localité 27] à payer à la SARL Optikoss 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamner la Société du Grand [Localité 27] à payer une somme de 5.000 euros à la SARL Optikoss au titre des frais irrépétibles (article 700 du code de procédure civile), outre les 3.500 euros déjà accordé en première instance.

Ecarter toutes conclusions contraires des autres parties à la procédure, notamment de la Société du Grand [Localité 27].

4/ adressées au greffe par le commissaire du gouvernement, intimé, le 14 juin 2022, notifiées le 15 juin 2022 (AR appelant le 16 juin 2022 et AR intimé le 16 juin 2022), aux termes desquelles il forme appel incident et demande à la cour de :

Fixer à la somme de 331.758,60 euros l'indemnité d'expropriation due à la SARL Optikoss pour la dépossession du local commercial à usage d'activité d'optique-surdité constitué des lots n°1 et 2 sis [Adresse 4], sur la parcelle cadastrée Z n°[Cadastre 6], décomposée comme suit :

281.538,60 euros au titre de l'indemnité principale (70% × 402.198 euros TTC/an),

27.004 euros au titre de l'indemnité de remploi,

19.716 euros au titre de l'indemnité pour trouble commercial,

3.500 euros au titre de l'indemnité pour frais de déménagement.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES :

La Société du Grand [Localité 27] fait valoir que :

Concernant la description du bien, le local commercial est constitué d'une boutique, d'un atelier et d'une arrière-boutique dans le lot 2, ainsi que d'une réserve, d'une cuisine et de toilettes dans le lot 1. La surface totale est de 77,9 m², à laquelle il convient de retrancher 10 m² sous-loués par le titulaire à une autre société.

Concernant la situation locative, la SARL Optikoss est titulaire d'un bail commercial de 9 années en date du 18 mars 2005, renouvelé le 18 mars 2014 pour la même durée. Le loyer annuel consenti est de 18.300 euros.

Concernant la date de référence, il résulte des article L.322-2 du code de l'expropriation et L.213-4 du code de l'urbanisme que celle-ci doit en l'espèce être fixée au 31 mars 2020, date à laquelle est devenue opposable aux tiers la dernière modification du plan local d'urbanisme intercommunal de [Localité 14].

Concernant l'indemnité principale, le chiffre d'affaires TTC moyen sur les exercices 2018 à 2020 s'élève à 402.198 euros. Deux des huit termes de comparaison produits par le commissaire du gouvernement, à savoir les termes n°4 et n°6, doivent être écartés car ils correspondant à des situations privilégiées sans rapport avec le fonds exproprié. Compte tenu de ces références, le coefficient de 65% du chiffre d'affaires moyen TTC doit être retenu. La SARL Optikoss souhaitant déménager ses équipements et marchandises en vue de se réinstaller ailleurs, il convient de déduire ces éléments de la valeur totale du fonds de commerce. Au 31 décembre 2020, date de clôture du dernier exercice connu, la valeur comptable nette des immobilisations corporelles est de 21.820 euros et celle des marchandises est de 35.203 euros. L'indemnité d'éviction s'établit donc comme suit : 402.198 euros x 65% - 57.023 euros = 204.406 euros.

Concernant l'indemnité de remploi, celle-ci doit être fixée à 19.291 euros en application de la formule suivante : 5% du montant de l'indemnité principale d'éviction jusqu'à 23.000 euros et 10% au-delà de 23.000 euros.

Concernant l'octroi de frais de réinstallation, la jurisprudence rendue en matière d'expropriation exclut de manière constante l'indemnisation des frais de réinstallation dans le cadre d'une indemnisation en perte de fonds de commerce (13/18927, 13/17547). Au surplus, les frais de réinstallation allégués sont sans lien avec l'opération d'expropriation. Le jugement devra donc être infirmé en ce qu'il a accordé une indemnité pour frais de réinstallation.

Concernant les frais de licenciement, il est indiqué à tort dans le jugement que « les parties sont d'accord pour que l'expropriée soit indemnisée au titre des frais de licenciement ». En effet, il ne peut être fait droit à une telle demande en l'absence de preuve du caractère direct, matériel et certain du préjudice allégué et en particulier du lien de causalité entre les licenciements et l'opération d'expropriation, dès lors qu'en l'espèce la société évincée prévoit de se réinstaller dans le même département. Le jugement devra donc être infirmé en ce qu'il a sursis à statuer sur les frais de licenciement.

Concernant l'indemnité pour trouble commercial, l'indemnité est réévaluée en fonction des chiffres d'affaires connus de la société et correspondant à 15 jours de chiffre d'affaires moyen TTC arrondi, soit 402.198 euros x 15 / 306 = 19.716 euros.

La Société du Grand [Localité 27] fait valoir dans un second jeu de conclusions que :

Concernant le chiffre d'affaires de référence, il ne peut pas être pris en compte l'exercice clôturé au 31 décembre 2021 puisque conformément à l'article L. 322-2 du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, soit à la date du 21 octobre 2021. De plus, rien ne justifie de retenir un chiffre d'affaires moyen pondéré alors que le chiffre d'affaires moyen TTC constitue une donnée objective sur la base de laquelle tous les fonds de commerce sont évalués.

Concernant l'effet dévolutif de l'appel incident, les conclusions de l'intimé ne précisent pas si l'intimée demande la réformation ou la confirmation du jugement quant aux différentes indemnités accordées par le juge de première instance.

Concernant l'indemnité principale, la demande de l'expropriée tendant à retenir du 100% du chiffre d'affaires doit donc être rejetée.

Concernant l'indemnité pour trouble commercial, il ne peut pas être pris en compte l'exercice clôturé au 31 décembre 2021 puisque conformément à l'article L. 322-2 du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, soit à la date du 21 octobre 2021. La demande de l'expropriée doit donc être rejetée.

Concernant l'indemnité pour frais de déménagement, il convient de rejeter la demande de l'expropriée car elle n'apporte aucune preuve concernant une éventuelle confusion entre les présentoirs déménageables et les présentoirs fixes réalisés sur-mesure non déménageables.

La SARL Optikoss rétorque que :

Concernant la description du bien, il s'agit d'un commerce d'optique ayant permis une exploitation bénéficiaire, continue et pérenne par la SARL Optikoss depuis 2005. Ces locaux commerciaux bénéficient d'une surface de 77,9 m², subdivisée entre un espace de vente, un bureau, un laboratoire, et un local de 10 m² qui était sous-loué à la société Oscar Photos. Le local bénéficie d'une large vitrine de 8 mètres environ. Le commerce se trouve au c'ur de la commune d'[Localité 15], dans le quartier dynamique, calme du point de vue de la sécurité et commerçant du centre-ville Victor Hugo, au croisement de deux axes principaux. L'achalandage du commerce est également particulièrement important en raison de la présence d'un des trois bureaux de poste de la commune d'[Localité 15].

Il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité d'éviction selon la méthode de la perte du fonds de commerce. En matière d'optique, la jurisprudence précise que seul le chiffre d'affaires TTC doit être retenu (12/00763).

Concernant le chiffre d'affaires, comme il est d'usage en matière d'évaluation de fonds de commerce, il convient de retenir un chiffre d'affaires TTC moyen pondéré, selon la formule suivante : (1 x CA TTC 2019 + 2 x CA TTC 2020 + 3 x CA TTC 2021) / 6, soit 537.184 euros. De plus, le chiffre d'affaires du fonds progresse chaque année et génère un bénéfice important (53.085 euros en 2020), ce qui doit conduire à une meilleure valorisation du fonds par rapport à d'autres fonds en pleine déconfiture.

Concernant, la détermination du coefficient à appliquer au chiffre d'affaires par la méthode des barèmes professionnels, il ressort des cinq barèmes de référence à jour produits que la valeur d'un commerce d'optique qui se situe dans une situation normale s'évalue entre 70% et 110% de son chiffre d'affaires TTC (pièce 8I). En l'espèce, la très bonne situation du fonds, face au bureau de poste et au c'ur du centre-ville d'[Localité 15], l'absence de franchisage, la dimension suffisante du local pour accueillir à la fois une grande surface d'exposition et un laboratoire de confection, ainsi que la belle dynamique du fonds que révèle la progression constante de son chiffre d'affaires depuis cinq ans, permettent de fixer le coefficient à une valeur d'au moins 100%.

Concernant, la détermination du coefficient à appliquer au chiffre d'affaires par la comparaison, il n'existe pas un panel suffisamment large de cession de fonds de commerces comparables au bien à évaluer pour permettre d'estimer le fonds directement. La SARL Optikoss produit tout de même cinq termes de comparaison à titre informatif présentant des coefficients de 100%, 92,1%, 100%, 84%, 85% (Pièces 4I, 5I, 6I, 18I, 19I). Il convient d'écarter certaines références de cessions communiquées en première instance par le Commissaire du Gouvernement et reprises par l'expropriante en appel. D'une part, ces références se fondent uniquement sur des commerces en vente alors qu'il est évident que les affaires rentables sont rarement mises en vente ce qui conduit à une sous-évaluation de la moyenne des références produites. C'est pourquoi il convient de retenir la méthode des barèmes qui reste la méthode la plus fiable en matière d'évaluation de fonds de commerce plutôt que celle par comparaison avec des cessions libres. Au surplus, certains termes doivent être écartés en ce qu'ils sont trop éloignés de [Localité 27], correspondent à des commerces franchisés, ou ont connu une situation économique dégradée contrairement au fonds d'espèce qui est annuellement bénéficiaire.

Concernant la déduction des équipements et marchandises, premièrement, dans la mesure où le fonds n'est pas la somme des éléments qui le composent, il n'est pas non plus possible d'opérer par soustraction d'éléments qui n'ont pas été additionnés. Deuxièmement, il n'est pas possible de déduire les immobilisations corporelles du montant de l'indemnité principale, alors que la très grande majorité de ces éléments est définitivement perdue pour la partie expropriée et n'est pas déménagée. Troisièmement, il n'y a aucune correspondance entre les valeurs comptables des immobilisations corporelles et de la marchandise, et la valeur réelle des biens déménagés. Il convient donc de ne pas retrancher la valeur des immobilisations corporelle et des marchandises au montant de l'indemnité principale.

Concernant l'indemnité principale, il convient de fixer celle-ci à la somme de 537.184 euros (537.184 euros x 100%).

Concernant l'indemnité de remploi, celle-ci doit être fixée à 52.568,40 euros en application de la formule suivante : 5% du montant de l'indemnité principale d'éviction jusqu'à 23.000 euros et 10% au-delà de 23.000 euros.

Concernant l'indemnité pour frais de déménagement, il convient de réformer le jugement et de porter à 9.960 euros le montant des frais de déménagement, montant justifié par les deux devis de déménagement produits (Pièce 10I). En effet, le premier juge avait confondu la situation des présentoirs fixes réalisés sur mesure qui ne sont effectivement pas déménageables et qui seront définitivement perdus, et celle des présentoirs mobiles qui figurent dans le devis et qui sont déménageables.

Concernant l'indemnité pour trouble commercial, il convient de calculer le trouble commercial sur la base de 15 jours de chiffres d'affaires TTC, soit 26.332 euros (537.184 euros x 15 jours / 306 ouvrables), étant précisé que le trouble commercial subi par la SARL Optikoss est aggravé par la durée de la procédure d'expropriation.

Concernant l'indemnité pour frais de réinstallation, l'appelante prétend que l'indemnité principale et l'indemnité de remploi permettraient de substituer un fonds à un autre sans difficulté. Cette position a été désavouée par la Cour de cassation (06-10.780, 18-16.993, 98-13.018). Cette solution applicable en matière d'éviction commerciale est strictement transposable à la situation des propriétaires expropriés. En effet, les fonds de commerces ne sont pas des biens fongibles, identiques et interchangeables, mais des corps certains. Pour pouvoir exploiter ce fonds nouveau, le commerçant va devoir réaliser des travaux pour l'adapter à son savoir-faire et à sa personnalité qu'il convient d'indemniser. Il convient donc d'allouer une indemnité compensatrice de frais de réinstallation d'un montant de 29.964 euros.

Concernant l'indemnité pour frais de licenciement, conformément à la pratique en la matière, il y a lieu de surseoir à statuer sur ce chef de demande, dans l'attente du licenciement effectif d'un salarié.

Concernant les frais irrépétibles, pour assurer sa défense, la SARL Optikoss a dû exposer des frais irrépétibles dont le coût doit être mis à la charge de l'expropriante, soit 5.000 euros.

Le commissaire du gouvernement conclut que :

Concernant la description du bien, le propriétaire des murs est la Société du Grand [Localité 27] tandis que le propriétaire du fonds de commerce est la SARL Optikoss, laquelle est titulaire d'un bail commercial depuis 2005 consenti pour un loyer initial annuel HT/HC de 18.300 euros. Le local est situé au centre-ville d'[Localité 15], à deux pas de la mairie et en face du bureau de Poste principal. L'emplacement commercial est très attractif. La surface utile du bien est de 77,90 m².

Concernant la date de référence, il résulte des article L.322-2 du code de l'expropriation et L.213-4 du code de l'urbanisme que celle-ci doit en l'espèce être fixée au 31 mars 2020, date à laquelle est devenue opposable aux tiers la dernière modification du plan local d'urbanisme intercommunal de [Localité 14].

Concernant la situation d'urbanisme, la parcelle Z n°[Cadastre 6] se situe en zone UMTa. Cette zone correspond notamment aux espaces denses des centres-villes anciens, au tissu traditionnel. Il s'agit d'une zone urbaine dédiée à l'habitat, aux commerces, et services, activités, équipements.

Concernant le coefficient à retenir, il est proposé d'utiliser la méthode par comparaison portant sur des cessions de fonds de commerce dont l'activité et le chiffre d'affaires sont comparables au bien objet de l'expropriation. La moyenne des huit termes de comparaison ressortant de la recherche s'établit à 73%. Trois de ces résultats de recherche devant être écartés car leur chiffre d'affaires n'est pas aussi proche de celui du bien objet de l'expropriation, la moyenne des coefficients des termes de comparaison restant est de 67,2%. Il est proposé de retenir un coefficient de 70% du chiffre d'affaires.

Concernant l'indemnité principale, il convient de fixer celle-ci à la somme de 281.538,60 euros (402.198 x 70%).

Concernant l'indemnité de remploi, celle-ci doit être fixée à 27.004 euros en application de la formule suivante : 5% du montant de l'indemnité principale d'éviction jusqu'à 23.000 euros et 10% au-delà de 23.000 euros.

Concernant la déduction des équipements et marchandises, les meubles et marchandises sont des éléments corporels constitutifs d'un fonds de commerce.

Par ailleurs, les termes de comparaison proposés incluent le matériel dans le prix total des biens. Il n'y a donc pas lieu de déduire le prix des éléments corporels de l'indemnité principale.

Concernant les frais de réinstallation, la jurisprudence rendue en matière d'expropriation est constante en ce qu'elle exclut l'indemnisation des frais de réinstallation dans le cadre d'une indemnisation en perte de fonds de commerce (13/18927, 13/17547).

Concernant les frais de licenciement, des indemnités de licenciement peuvent être accordées s'il est établi que l'employeur doit en verser à certains de ses salariés qui refuseraient de le suivre dans ses nouveaux locaux. Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a sursis à statuer sur ce point.

Concernant les indemnités pour trouble commercial et pour frais de déménagement, celles-ci ne sont pas remises en cause par l'appelante. Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé le montant de ces indemnités respectivement à 19.716 euros et 3.500 euros.

SUR CE, LA COUR

- Sur la recevabilité des conclusions

Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017-article 41 en vigueur au 1 septembre 2017, l'appel étant du 13 décembre 2021, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l'espèce, les conclusions de la SGP du 10 mars 2022, de la SARL Optikoss du 9 juin 2022 et du commissaire du gouvernement du 14 juin 2022 adressées ou déposées dans les délais légaux sont recevables.

Les conclusions hors délai de la SGP du 16 septembre 2022 sont de pure réplique à celles de la SARL Optikos appelant incident et à celles du commissaire du gouvernement ne formulent pas de demandes nouvelles ou de moyens nouveaux, sont donc recevables au delà des délais initiaux.

Les conclusions hors délai de la SARL Optikos du 25 novembre 2022 sont de pure réplique à celles de la SGP et à celles du commissaire du gouvernement, ne formulent pas de demandes nouvelles ou de moyens nouveaux, sont donc recevables au delà des délais initiaux.

Les documents produits N°27, 28 et 29 viennent uniquement au soutien des mémoires complémentaires.

- Sur le fond

Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s'impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l'article L 321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

Aux termes de l'article L 321-3 du code de l'expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.

Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété ou lorsque l'expropriant fait fixer l'indemnité avant le prononcé de l'ordonnance d'expropriation, à la date du jugement.

Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L'appel de la SGP porte sur le coefficient du chiffres d'affaires et sur la demande de déduire de la valeur du fond les équipements et marchandises à déménager et sur l'infirmation pour les frais de réinstallation , l'indemnité de déménagement et sur le sursis à statuer pour l'indemnité au titre des frais de licenciement.

L'appel incident de la SARL Optikoss concerne la demande de retenir les chiffres d'affaires de 2020 et 2021 et sur le coefficient à retenir, et l'indemnité de déménagement.

Le commissaire du gouvernement propose de retenir un coefficient de 70% du chiffre d'affaires et l'exclusion de l'indemnité pour réinstallation.

S'agissant de la date de référence, le premier juge a retenu en application de l'article L213-6 du code de l'urbanisme, le bien exproprié étant soumis au droit de préemption urbain, la date du 31 mars 2020.

Les parties retenant cette même date.

S'agissant des données d'urbanisme, à cette date le bien est situé en zone UMTa, correspondant principalement aux espaces denses des centres-villes anciens, tissu traditionnel, à savoir une zone urbaine dédiée à l'habitat, commerces, services, activités, équipements, secteurs correspondant notamment au centre-ville d'[Localité 15].

Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, il s'agit d'une parcelle cadastrée numéro Z [Cadastre 6] incluant le périmètre des expropriations, supportant deux immeubles de 4 étages construits en 1907 en meulière et briques, soumis au régime de la copropriété d'une superficie de 557 m, comprenant notamment des appartements et des locaux commerciaux.

Cette parcelle sur laquelle est implanté le local se situe aussi c'ur du centre-ville de la commune d'[Localité 15] juste à côté de la mairie, dans un environnement privilégié très dynamique avec la présence de nombreux commerces et services aux alentours, des transports et de toutes les commodités.

Les lots n° 1 et n° 2 situés au rez-de-chaussée de l'immeuble, en façade sur la rue de la commune de [Localité 27] constituent un local commercial à usage d'activités d'optique-surdité ; ce local se compose d'une boutique avec présentoir, d'un atelier et d'une arrière-boutique permettant le stockage de la marchandise, un coin cuisine et des toilettes, ainsi que d'une réserve, bénéficiant d'un accès à la cour commune située à l'arrière de l'immeuble avec un accès par une porte blindée ; les lots sont en état d'usage.

Les lots n° 1 et 2 ont une superficie de 77,90 m² dont 10 m² sous-loués à la société OSCAR PHOTOS.

La SARL Optikoss est locataire des lots concernés propriétaire du fonds de commerce d'activités d'optique-surdité.

Elle est titulaire d'un bail commercial de 9 années du 18 mars 2005, renouvelé le 18 mars 2014 pour la même durée, consenti pour un loyer initial HT/HC de 18300 euros, s'élevant actuellement à 19380 euros annuel HT/HC.

La société Optikos souligne que le centre optique existe depuis plus de 20 ans, que le fonds est particulièrement rentable et solide, puisqu'il a permis une exploitation bénéficiaire, continue et pérenne sur 15 années ; elle ajoute que sa bonne santé est garantie par sa très bonne localisation, puisque le commerce se trouve au c'ur de la commune d'[Localité 15], dans le quartier très dynamique du centre-ville (quartier Victor Hugo), au croisement de deux axes principaux :

'[Adresse 21] qui est une des artères principales du centre-ville d'[Localité 15]. Percée en 1900, elle a donné son nom au quartier du centre-ville. Elle correspond à la N301 qui relie directement [Localité 15] à [Localité 27] au niveau de la porte d'[Localité 15] ;

'l'avenue de la République, qui constitue l'autre grand axe du centre-ville et s'inscrit dans le prolongement de la D 27.

En outre, le local se situe dans un environnement propre et agréable, à proximité immédiate de la mairie et de l'église dans un secteur qui est à la fois commerçant et calme du point de vue de la sécurité.

Elle conclut que cet aspect est absolument déterminant ce qui la distingue de celle des autres commerçants du département.

En effet , sa situation est particulière en face du bureau de poste « [Localité 15] principale » ce qui la fait bénéficier d'une clientèle de passage.

Le commissaire du gouvernement indique que l'emplacement commercial est très attractif.

Pour une plus ample description, il convient de se référer au procès verbal de transport.

S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s'agit de celle du jugement de première instance conformément à l'article L322-2 du code de l'expropriation, soit le 21 octobre 2021.

- Sur l'indemnité principale

Le premier juge a procédé à l'évaluation du fonds de commerce en cessation d'activité, rappelant les différentes méthodes permettant d'évaluer l'indemnité d'éviction des fonds de commerce et indiqué que les parties s'accordent pour que l'évaluation soit réalisée par l'utilisation de la méthode des barèmes qu'il a donc appliqués.

Il a retenu le chiffre d'affaires moyen à hauteur de 3 années, un coefficient de 75 % et fixé en conséquence l'indemnité d'éviction à la somme de 301'649 en nombre rond.

Les parties s'accordent comme en première instance pour retenir la méthode d'évaluation du fonds de commerce sur la base de la perte du fonds de commerce; le jugement sera donc confirmé en ce sens.

Cette méthode consiste à évaluer le montant de l'indemnité principale en appliquant un coefficient au chiffre d'affaires moyen TTC.

1° sur le chiffre d'affaires

Le premier juge a retenu comme il est d'usage, 3 années, à partir des chiffres d'affaires TTC de 2018,2 019 et 2020, les parties s'accordant sur une moyenne de 402'198 euros.

La SGP et le commissaire du gouvernement demandent la confirmation.

La SARL Optikos indique que sur les 4 dernières années, son chiffre d'affaire TTC moyen est de 529'503 euros TTC (pièce numéro 7 : bilan 2019-2021 +TVA et pièce numéro 27 : attestation comptable chez d'affaires TTC arrêté au 21 octobre 2021 et pièce numéro 28 : bilan 2021) :

'2019:379'230 euros

'2020:468'834 euros

'2021 : 635'402 euros

Elle indique que la solution retenue par le premier juge constitue une injustice, en produisant un graphique dans ses conclusions, pour démontrer la très bonne dynamique de la progression de son chiffre d'affaires sur les 5 dernières années, y compris pendant la période de crise sanitaire ; entre 2018 et octobre 2021, son chiffre d'affaires a progressé de 40 % et cette caractéristique doit être prise en compte ; or, évaluer un fonds qui se développe chaque année sur la base de la moyenne des 3 derniers exercices clos revient à évaluer le bien sur la base d'une valeur passée, et dépassée et en conséquence sous-évaluer la valeur du fonds par rapport à sa valeur effective, à la date du jugement de première instance ; aujourd'hui , à la date du jugement du 21 octobre 2021, le chiffre d'affaires était de 516'061 euros TTC et il n'y a aucune raison de ne pas le prendre en compte ; elle demande en conséquence de fixer le chiffre d'affaires de référence en écartant les exercices 2018 et 2019 qui ne sont pas pertinents, et en opérant la moyenne entre l'exercice 2020 et l' exercice 2021, soit de retenir la somme de 545'503 euros.

Conformément à l'article L322-2 du code de l'expropriation , les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, soit en l'espèce à la date du 21 octobre 2021.

Il ne peut en conséquence être tenu compte des résultats d'exercice de 2021, qui était pas clos à la date de la décision première instance.

S'agissant des effets de la crise sanitaire, les commerces de première nécessité et certains commerces dont faisaient partie les opticiens n'ont pas été contraints à une fermeture administrative ; en conséquence, l'augmentation des chiffres d'affaires réalisées en 2020 et 2021 s'explique de plusieurs manières et l'exproprié ne rapporte pas la preuve que l'augmentation de son chiffre d'affaires n'aurait pour origine que ses efforts.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a exactement retenu comme il est d'usage, les 3 derniers exercices clos soit :

'2018:358'531 euros TTC

'2019:3 79'230 euros TTC

'2020:468'834 euros TTC

soit une moyenne de 402'198 euros TTC.

2° sur le coefficient

Le premier juge a retenu un coefficient de 75 %.

La société du Grand [Localité 27] demande de le ramener à 65 %, la SARL Optikos de le porter à 100 % et le commissaire du gouvernement de le fixer à 70 % du chiffre d'affaires.

Il convient en conséquence d'examiner les propositions des parties :

A- Société du Grand [Localité 27]

Elle reprend les termes du commissaire du gouvernement repris en appel en demandant d'en exclure deux.

Ces termes seront donc étudiés ci-après.

B- SARL Optikoss

Elle demande de se référer aux usages de la profession et elle propose ensuite trois décisions jurisprudentielles, un protocole d'accord signé dans le cadre d'une expropriation et un exemple de cession situé à proximité immédiate du local.

1° barèmes professionnels

Elle cite (pièce 8) :

'table financière de l'administration fiscale : 60 % à 130 % du chiffre annuel TTC soit une moyenne de 95 % chiffre d'affaires TTC

'Code annuel des valeurs vénales immobilières et foncières 2020 (cote CAILLON) :

'petites villes : 50 à 65 % du chiffre d'affaires TTC

'villes moyennes : 60 à 80 % du chiffre d'affaires TTC

'grandes villes : 80 à 130 % du chiffre d'affaires TTC

soit une moyenne de 90 % du chiffre d'affaires TTC

'le barème d'évaluation des fonds de commerce LAMY 2020 : 50 à 130 % du chiffre d'affaires TTC soit une moyenne de 90 % chiffre d'affaires TTC

'le dossier pratique évaluation, [E] [O] 2018 : 60 à 150 % le chiffre d'affaires hors taxes, soit 48 à 124 % le chiffre d'affaires TTC, soit une moyenne de 86 % chiffre d'affaires TTC.

'l'encyclopédie Delmas, fonds de commerce 2020'2021 : 60 à 150 % le chiffre d'affaires hors taxes, soit 48 à 124 % le chiffre d'affaires TTC, soit une moyenne de 86 % du chiffre d'affaires TTC.

Ces cinq barèmes qui ont des fourchettes de pourcentage de CA larges et différentes ne donnent donc que des indications ; il convient en conséquence d'étudier les termes de comparaison proposés par les parties permettant de fixer une juste indemnisation.

2° termes de comparaison

'Arrêt de la cour d'appel d'Orléans du 8 septembre 2015 : 100 % du chiffre d'affaires TTC (pièce numéro 4).

Ce terme datant de plus de 5 ans est trop ancien et sera donc écarté.

'Arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 9 novembre 2016 : 92,1 % du chiffre d'affaires TTC (pièce numéro 5)

Ce terme datant de près de 5 ans est trop ancien et sera donc écarté.

'Arrêt de la cour d'appel de Paris du 27 novembre 2013:100 % du chiffre d'affaires TTC (pièce numéro 6)

Ce terme datant de plus de 5 ans est trop ancien et sera donc écarté

'protocole d'accord EPFIF-JK OPTIC du 8 novembre 2019:84 % du chiffre d'affaires TTC (pièce numéro 18)

La pharmacie occupait une cellule commerciale de 40 m².

L'exproprié indique que cette pharmacie se trouvait dans un centre à l'abandon en dehors de toute centralité, éloignée des transports en commun, et que sa situation en plein c'ur de la commune d'[Localité 15] est meilleure.

Ce terme récent est comparable en activité et sera donc retenu.

'Cession LOOK OPTIC du 13 septembre 2021:85 % du chiffre d'affaires TTC (pièce numéro 19).

En réalité, il s'agit de la cession du 8 septembre 2016 au prix de 70'000 euros chiffre d'affaires de 82'800 euros TTC. Coefficient de 85 %, situé à 130 m du commerce à exproprier.

En conséquence, malgré la proximité géographique en raison de son ancienneté de plus de 5 ans, cette référence sera écartée.

C- commissaire du gouvernement

Le commissaire du gouvernement propose huit termes avec les références d'enregistrement en retenant comme critère afin de corroborer les taux en fonction du chiffre d'affaires TTC :

'fonds de commerce d'optique (collectivités 4778 A)

'chiffre d'affaires moyen compris entre 298'000 euros et 660'000 euros :

N° du terme

Date de vente

Adresse

Prix

CA MOYEN TTC/euros

résultats d'exploitation moyen/euros

ratio

PV/CA TTC

T1

8 juillet 2019

boutique d'optique [Adresse 13])

360'000 euros dont 60'000 euros de matériel

658'130

positif de 17'518

55 %

T2

24 avril 2018

boutique d'optique [Adresse 10] (93)

240'000 euros dont 30'000 euros de matériel

424'850

positif de 42'845

56 %

T3

23 juin 2018

boutique d'optique [Adresse 7] (93)

180'000 euros dont 30'000 euros de matériel

298'000

positif de 29'100 de

60 %

T4

premier avril 2021

boutique d'optique [Adresse 9]

805'000 euros dont 320'000 euros de matériel

602'000

positif de 45'000

134 %

T5

13 juillet 2020

boutique d'optique [Adresse 11] (92)

297'000 euros dont 22'000 euros de matériel

460'445

négatif de 22'630

65 %

T6

4 janvier 2021

boutique d'optique [Adresse 5])

270'000 euros dont 160'000 euros de matériel

335'845

négatif de 27'714

80 %

T7

11 octobre 2019

boutique d'optique [Adresse 12] (94)

280'000 euros dont 10'000 euros de matériel

461'330

positif de 12'526

61 %

T8

premier février 2021

boutique d'optique [Adresse 1]

310'000 euros dont 15'000 euros de matériel

418'433

positif de 29'683

74 %

moyenne

73 %

Il demande donc de retenir un coéfficient de 70%.

La société du Grand [Localité 27] sollicite d'écarter les termes 4 et 6 correspondant à des situations privilégiées sans rapport avec le fond exproprié.

La SARL Optikos parmi ces deux termes demande d'écarter uniquement le terme 6.

Elle indique qu'il s'agit d'une franchise Krys dont l'activité est déficitaire.

Si le terme T4 est situé à [Localité 24], soit effectivement dans un secteur attractif, il est établi que la pharmacie à évaluer qui est située à [Localité 15] est très attractive en raison de sa localisation ; en conséquence, ce terme comparable sera retenu.

Si le terme T6 correspond à une franchise, ce seul fait ne saurait suffire à l'écarter et malgré le résultat déficitaire de 22'630 euros, le ratio restant élevé à 80 %.

En conséquence ce terme comparable sera retenu.

La SARL Optikoss demande d'écarter également les termes suivants :

T1 : elle indique qu'il s'agit d'une franchise AFFLELOU non comparable.

Ce seul motif ne peut justifier d'écarter cette référence qui est comparable en localisation et datant de moins de 5 ans sera retenue.

T2 : elle indique que ce terme de référence est situé dans un environnement urbain moins favorable, au nord-est de [Localité 27], juste après le Blanc-Mesnil à 10 km de [Localité 27] ; qu'en outre, le fond acheté à 240'000 euros en 2018 a été revendu 10'000 euros le 10 février 2021 (pièce n°21), et que de nombreux avis consultables sur Internet font état de pratiques frauduleuses d'escroquerie (pièce numéro 21).

En raison de l'ancienneté de cette référence et de sa localisation non comparable, celle-ci sera écartée.

T3 : elle indique que cette référence est située à proximité de la mairie de [Localité 23], qu'elle est franchisée « Optique Pierre LEMAN », qu'elle a été cédée la première fois le 27 mars 2013 au prix de 200'000 euros (pièce numéro 22) et cédée le 20 juin 2018 au prix de 180'000 euros, le commerce étant aujourd'hui fermé ; que ce terme de comparaison correspond à une franchise qui se dévalue depuis 2013, en lien avec la date d'ouverture du centre commercial Grand-Angle, qui accueille deux opticiens (pièce numéro 23).

En raison de l'ancienneté de ce terme et de sa localisation moins attractive, ce terme non comparable sera écarté.

T5: elle indique que ce terme de référence correspond à un local immense, trop grand pour être exploité par un opticien et que d'ailleurs l'exportation non rentable a été remplacée par une pizzeria au nom de [F], avec une activité déficitaire de 22'630 euros.

Ce terme n'est pas comparable en localisation, il présente un résultat d'exploitation déficitaire et il sera donc écarté.

T7: elle indique que ce terme porte sur une boutique de petite taille située dans une commune de 30'000 habitants à 10 km de [Localité 27], dans le cadre d'une franchise OPTIC 2000 (pièce numéro 25).

Ces éléments ne sauraient justifier d'écarter cette référence qui est récente et comparable en consistance et qui sera donc retenue.

T8 : elle indique que ce terme porte sur un commerce situé dans une commune de 25'000 habitants 16 km de [Localité 27], avec un commerce franchisé sous l'enseigne KRYS.

Ces éléments ne sauraient justifier cette référence qui est récente et comparable en consistance et qui sera donc retenue.

Les coefficients retenus correspondent donc à :

84(terme SARL OPtikoss)+134+80+55+61+74 (références du commissaire du gouvernement)= 488/6=81, 33 %.

En tenant compte de la bonne localisation de la SARL Optikos au centre ville d'[Localité 15] en face du bureau de poste principal, accessible par de nombreux transports en commun, de la situation petite couronne d'Île-de-France, de l'ancienneté de certaines

des références et de l'évolution du marché, il convient de retenir un coefficient supérieur à cette moyenne, soit 85 %.

La SGP demande en outre de déduire les équipements et marchandises en indiquant que la SARL Optikoss demande à être indemnisée en valeur pleine et entière du fonds de commerce et dans le même temps, elle entend conserver un certain nombre d'équipements et marchandises de son fonds de commerce, en vue de se réinstaller dans le département ; elle produit au soutien d'une demande d'indemnité pour frais de déménagement et devis de déménagement portant sur les équipements informatiques, les présentoirs et vitrines mobiles et d'importants équipements d'atelier, et ne formule aucune demande relative à son stock de marchandises, ces éléments sont constitutifs du fonds de commerce à déduire de la valeur du fonds de commerce telle que déterminée par application d'un coefficient au chiffre d'affaires qui représentent une somme totale de 57'023 euros.

Cependant, les meubles et marchandises sont des éléments corporels constitutifs d'un fonds de commerce ; en outre, les mutations retenues par la cour incluent le matériel dans le prix total des biens ; il n'y a donc pas lieu de déduire le prix des éléments corporels de l'indemnité principale.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à déduire la somme de 57'023 euros au titre du stock de marchandises des meubles corporels.

L'indemnité est donc de:

402'198 X85%= 341'868,3 euros arrondis à 341'869 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

- Sur les indemnités accessoires

1° Sur l'indemnité de remploi

Elle est calculée selon la jurisprudence habituelle comme suit :

5% sur la fraction de l'indemnité principale jusquà 23000 euros soit 1150 euros

10% pour le surplus soit: 341869-23000= 318869 X0,10=31886, 9

soit un total de 33036,9 euros arrondis à 33037 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

2° sur l'indemnité pour trouble commercial

Le premier juge a retenu la limitation de 15 jours de chiffre d'affaires moyen des 3 dernières années, soit 20'110 euros en nombre rond et indiqué qu'étant tenu par l'objet du litige tel que défini par les parties, il a retenu la somme de 19'716 euros comme proposé par la Société du Grand [Localité 27].

La cour ayant retenu le chiffre moyen de 402198 euros, en l'absence de contestation de la SARL Optikos de retenir 15 jours, le jugement sera confirmé qui a retenu : 402198X15/300=19716 euros.

3° sur les frais de déménagement

Le premier juge a fixé l'indemnité accessoire pour les frais de déménagement à la somme de 3500 euros.

La SGP demande la confirmation, comme le commissaire du gouvernement, tandis que la SARL Optikos demande l'infirmation et sollicite une somme de 9960 euros.

Celle-ci indique en effet que ce montant est justifié par les deux devis de déménagement qu'elle produit (pièce numéro 10) et que le premier juge a réduit ce montant à 3500 euros en relevant que les présentoirs réalisés sur mesure ne pouvaient pas être déménagés ; or, celui-ci a confondu la situation des présentoirs fixes réalisés sur mesure qui ne sont effectivement pas déménageables et qui seront effectivement définitivement perdus et celle des présentoirs mobiles qui figurent dans le devis et qui sont déménageables (pièce numéro 29).

La SARL produit un devis de déménagement pour un montant de 9960 euros et démontre avec un reportage photographique des présentoirs déménageables, que le devis produit correspond aux présentoirs mobiles qui seront déménageables.

Il convient en conséquence de fixer l'indemnité au titre des frais de déménagement à la somme de 9960 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

4° sur les frais de réinstallation

Le premier juge a accordé à la SARL Optikos une indemnité pour frais de réinstallation pour un montant de 29'964 euros.

La société du Grand [Localité 27] demande l'infirmation en indiquant que cette demande n'est pas justifiée dans l'hypothèse d'une réalisation en perte de fonds de commerce ; en effet, dans l'hypothèse de non réinstallation, l'exproprié est indemnisé de la valeur pleine et entière du fonds de commerce, ce qui lui permet d'acquérir un nouveau fonds de commerce en semblable état, à savoir un fonds de commerce aménagé pour cette activité ; en conséquence, la société évincée ne saurait avoir droit à une indemnité pour frais de réinstallation qui correspond à un enrichissement sans cause et la jurisprudence rendue en matière d'expropriation exclut de manière constante l'indemnisation des frais de réinstallation dans le cas d'une indemnisation de perte de fonds de commerce. En outre, les frais de réinstallation alléguée, portent sur les travaux de dépose et démolition, pose d'une poutre IPN, de plomberie, d'électricité, de faux plafond, de carrelage, peinture et de menuiserie, qui sont sans lien avec l'opération d'expropriation ; en effet, il ne saurait être mis à sa charge des travaux de second 'uvre en vue de la rénovation complète d'un local vétuste, pour des travaux qui sont normalement le fait du bailleur souhaitant mettre son local en location ou, à défaut, donne lieu traditionnellement à des réductions de loyer lorsque les travaux arrêtés sont importants ; de plus, les éventuels frais de réinstallation doivent porter sur un local équivalent à celui faisant l'objet de l'opération d'expropriation ; or, en l'espèce, le local occupé actuellement par la société Optikoss est en bon état d'entretien, de sorte que d'éventuels frais de réinstallation devaient s'apprécier au regard d'un local de remplacement en bon état d'entretien.

La société Optikoss rétorque que la solution impliquée en matière d'éviction commerciale est transposable à la situation des propriétaires expropriés ; l'indemnisation du commerçant exproprié doit lui permettre de retrouver une situation équivalente à l'installation perdue et pour exploiter son nouveau fonds, il va devoir réaliser les travaux pour l'adapter à son savoir-faire et à sa personnalité ; en conséquence, dans l'hypothèse de la perte du fonds, les frais de réinstallation du commerçant évincé correspondent aux travaux d'individualisation du nouveau fonds à la personne du commerçant.

Le commissaire du gouvernement conclut que la jurisprudence rendue en matière d'expropriation est constante en excluant l'indemnisation des frais de réinstallation dans le cadre d'une indemnisation pour perte de fonds de commerce.

Aux termes de l'article L 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ; les indemnités allouées doivent donc permettre à une société exploitant un fonds de commerce dans les locaux expropriés, qui souhaite se réinstaller afin de poursuivre son activité, d'être placée dans la situation où elle se serait trouvée si l'expropriation n'était pas intervenue.

En conséquence, l'indemnisation par la méthode de la perte du fonds de commerce est sans incidence ; le principe de l'indemnisation de frais de réinstallation est acquis en effet même en cas de perte du fonds sous condition d'en justifier par des devis et de prouver que ceux- ci correspondent à un préjudice réel et à une dépense que le preneur doit réellement exposer au regard de ses projets.

L'exproprié ne sera indemnisé que pour le même type d'installation.

En l'espèce, la SARL Optikos produit un devis établi le 28 mai 2021 par la SARL La Méridienne d'un montant de 29'964 euros comprenant des frais dépose et installation d'une chaudière, les travaux de menuiserie comprenant la fourniture et la pose de vitrines et présentoirs, les travaux de peinture et installations d'éclairage.Ce devis concerne les locaux actuellement occupés par la SARL Optikos au [Adresse 4] (Pièce N°11).

Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a fixé l'indemnité pour frais de réinstallation à cette somme de 29'964 euros.

5° sur les frais de licenciement

Le premier juge a indiqué que les parties sont d'accord pour que l'exproprié soit indemnisé au titre des frais de licenciement, y compris la part patronale et que la société du Grand [Localité 27] sollicite qu'il soit indiqué dans le jugement qu'elle versera les indemnités à ce titre sur justificatifs.

Le premier juge a indiqué, qu'en l'absence de tout justificatif, il apparaît de bonne justice de surseoir à statuer sur cette question.

La société du Grand [Localité 27] conclut que le premier juge a indiqué à tort que les parties sont d'accord pour que l'exproprié soit indemnisé au titre des frais de licenciement; elle demande le rejet de la demande d'indemnité au titre des frais de licenciement compte tenu du projet de réinstallation dans le même département.

La SARL Optikoss rétorque que le coût du licenciement est un chef de préjudice indemnisable et demande la confirmation.

Le commissaire du gouvernement sollicite également la confirmation du sursis à statuer.

Des indemnités de licenciement peuvent être accordées s'il est établi que l'employeur doit en verser à certains de ses salariés qui refuseraient de le suivre dans ses nouveaux locaux.

En l'espèce, aucun justificatif n'étant versé aux débats, il convient de confirmer le sursis à statuer.

En conséquence, le décompte indemnitaire est le suivant :

- indemnité principale : 340869 euros

- indemnité de remploi : 33037 euros

- indemnité pour trouble commercial : 19716 euros

- indemnité pour frais de déménagement : 9960 euros

- indemnité pour les frais de réinstallation : 29964 euros

soit un total de : 433 546 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement qui a condamné la Société du Grand [Localité 27] à payer à la SARL Optikoss la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de débouter la société du Grand [Localité 27] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et de la condamner sur ce fondement à payer la somme de 3000 euros à la société Optikoss.

- Sur les dépens

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance, qui sont à la charge de l'expropriant conformément à l'article L 312-1 du code de l'expropriation.

La SGP perdant le procès sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare recevables les conclusions des parties ;

Statuant dans les limites des appels,

Infirme partiellement le jugement entrepris

Statuant à nouveau,

Fixe à la somme de 433546 euros arrondis l'indemnité à revenir à la SARL OPTIKOSS pour la dépossession de son fonds de commerce désigné ci dessous :

activité commerciale d'optique- surdité exercée dans les lots numéro un et 2 de l'immeuble situé sur la parcelle cadastrée section Z numéro [Cadastre 6] [Adresse 4],

contenance cadastrale : 557 m²,

se décomposant comme suit :

- indemnité principale : 340869 euros

- indemnité de remploi :33037 euros

- indemnité pour trouble commercial : 19716 euros

- indemnité pour frais de déménagement : 9960 euros

- indemnité pour les frais de réinstallation : 29964 euros

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Déboute la société du Grand [Localité 27] de sa demande au titre de l' article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société du Grand [Localité 27] à payer à la société OPTIKOSS la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société du Grand [Localité 27] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 21/21477
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;21.21477 ?
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