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09/03/2023 | FRANCE | N°21/16407

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 09 mars 2023, 21/16407


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 09 MARS 2023



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/16407

N° Portalis 35L7-V-B7F-CEK5C



Décision déférée à la Cour : jugement du 08 juillet 2021 - tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 19/11940



APPELANTE



S.A.S. SEKA

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Sophie JANOIS, avocat au b

arreau de PARIS, toque : C0172 substituée à l'audience par Me Julia CAGNAN, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE



INTIMEES



Madame [I] [U]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Laetitia WADIO...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 09 MARS 2023

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/16407

N° Portalis 35L7-V-B7F-CEK5C

Décision déférée à la Cour : jugement du 08 juillet 2021 - tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 19/11940

APPELANTE

S.A.S. SEKA

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Sophie JANOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0172 substituée à l'audience par Me Julia CAGNAN, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE

INTIMEES

Madame [I] [U]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Laetitia WADIOU de la SELARL MODERE & ASSOCIES, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 41

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL-DE-MARNE

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représentée par Me Rachel LEFEBVRE de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

PARTIE INTERVENANTE

MUTUELLE INTERIALE

[Adresse 3]

[Localité 6]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Nina TOUATI, présidente de chambre dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Emeline DEVIN

ARRET :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Nina TOUATI, présidente de chambre pour la présidente empêchée et par Emeline DEVIN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Exposant que le 26 mars 2017 vers 2 heures du matin un employé du bar Le Bailly, situé [Adresse 2] à [Localité 11] et exploité par la société Seka, avait brusquement refermé la porte de l'établissement sur l'auriculaire de sa main gauche, Mme [I] [U] a, par actes d'huissier en date des 3 et 7 janvier 2019, fait assigner cette société en responsabilité et indemnisation en présence de la Mutuelle des étudiants (la MDE), aux droits de laquelle se trouve la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la CPAM) pour la part obligatoire de l'assurance maladie.

Par jugement du 8 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- déclaré la société Seka responsable de l'accident dont a été victime Mme [U] le 26 mars 2017, en sa qualité de commettant,

- condamné en conséquence la société Seka à indemniser Mme [U] des préjudices corporels subis,

- ordonné la redistribution de l'affaire enrôlée sous le n°RG 19/11940 à la 19ème chambre du tribunal judiciaire de Paris afin qu'elle statue sur la liquidation des préjudices corporels de Mme [U],

- réservé les dépens et les frais irrépétibles de la présente instance.

Par déclaration du 15 septembre 2021, la société Seka a interjeté appel de ce jugement en critiquant expressément chacune de ses dispositions.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions de la société Seka, notifiées le 3 octobre 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu l'article 1353 du code civil,

Vu l'article 1241 du code civil,

- infirmer le jugement rendu le 8 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Paris, en ce qu'il a :

- déclaré la société Seka responsable de l'accident dont a été victime Mme [U] le 26 mars 2017, en sa qualité de commettant

- condamné en conséquence la société Seka à indemniser Mme [U] des préjudices corporels subis

- ordonné la redistribution de l'affaire enrôlée sous le n°RG 19/11940 à la 19ème chambre du tribunal judiciaire de Paris afin qu'elle statue sur la liquidation des préjudices corporels de Mme [U],

En conséquence, statuant de nouveau :

A titre principal,

- déclarer que la société Seka n'est pas responsable du dommage subi par Mme [U] le 26 mars 2017,

A titre subsidiaire,

- compte-tenu de la faute de la victime, exonérer la société Seka de toute responsabilité,

A titre infiniment subsidiaire,

- compte-tenu de la faute de la victime, réduire proportionnellement son droit à indemnisation,

En tout état de cause,

- débouter Mme [U] de toutes ses demandes,

- débouter la CPAM venant aux droits de la MDE de toutes ses demandes,

- condamner Mme [U] à payer à la société Seka la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Vu les dernières conclusions de Mme [U], notifiées le 6 octobre 2022, aux termes desquelles il demande à la cour de :

- juger la société Seka mal fondée en son appel,

- confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a :

- jugé la société Seka responsable du préjudice corporel de Mme [U] en date du 27 mars 2017

- ordonné avant dire droit une expertise médicale,

- juger Mme [U] bien fondée en son appel incident,

- condamner la société Seka à payer à Mme [U] la somme de 5 000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice corporel,

- condamner la société Seka à payer à Mme [U] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- outre les entiers dépens.

Vu les conclusions de la CPAM, notifiées le 20 décembre 2021, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale,

- recevoir la CPAM venant aux droits et obligations de la MDE en ses demandes et l'y déclarer bien fondée,

En conséquence,

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Si la cour devait évoquer les préjudices,

- condamner la société Seka à verser à la CPAM la somme de 1 882,39 euros correspondant à sa créance provisoire,

- dire que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2019 par application de l'article 1231-6 du code civil,

- réserver les droits de la CPAM quant aux prestations non connues à ce jour et celles qui pourraient être versées ultérieurement,

- condamner la société Seka à verser à la CPAM l'indemnité forfaitaire de gestion, due de droit en application des dispositions d'ordre public de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, au montant fixé par arrêté ministériel au moment du règlement, et qui s'élève à 627,47 euros,

En toute hypothèse,

- condamner la société Seka à verser à la CPAM la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'instance qu'elle a été contrainte d'engager par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Seka en tous les dépens dont distraction au profit de la SELARL Kato & Lefebvre associes, avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La MDE à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 24 novembre 2021, par acte d'huissier délivré à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION

Il convient de relever à titre liminaire que le jugement déféré en date du 8 juillet 2021 n'ayant prescrit avant dire droit aucune expertise médicale mais seulement ordonné la redistribution de l'affaire à une autre chambre afin qu'elle statue sur la liquidation des préjudices de Mme [U], la cour ne peut confirmer une disposition inexistante du jugement.

Sur la responsabilité de la société Seka en raison de la faute commise par son préposé

Le tribunal a estimé que les circonstances de l'accident étaient établies par les attestations versées aux débats, la main courante déposée par la victime et le certificat médical produit et a retenu que la responsabilité de la société Seka était engagée en raison de la faute qu'avait commise son préposé en refermant la porte de l'établissement sans s'assurer qu'il pouvait le faire en toute sécurité puis en insistant alors même que le doigt de Mme [U] empêchait la fermeture.

Il a également considéré qu'en n'appelant pas les secours, le préposé de la société Seka avait commis une faute ayant aggravé les dommages subis par Mme [U].

La société Seka qui conclut à l'infirmation du jugement conteste toute faute commise par son préposé qui a fermé la porte de l'établissement à l'heure de la fermeture après avoir prévenu le groupe de jeunes dont faisait partie Mme [U] ; elle ajoute que le serveur ne pouvait légitimement prévoir que Mme [U] placerait son doigt dans la charnière de la porte.

Elle estime que l'accident est dû à la seule faute d'imprudence de Mme [U] et verse aux débats deux attestations émanant de ses préposés.

Elle conclut à titre subsidiaire que Mme [U] qui a imprudemment positionné son doigt dans la charnière de la porte alors que le serveur avait à plusieurs reprises annoncé la fermeture de l'établissement a commis une faute d'imprudence justifiant qu'elle soit exonérée totalement ou au moins partiellement de sa responsabilité.

Mme [U] qui produit des attestations établies par ses amis, la main courante qu'elle a déposée et un certificat médical attestant de son admission aux urgences le 26 mars 2017 à 4 heures du matin et de l'intervention chirurgicale pratiquée le même jour pour une fracture ouverte de l'auriculaire gauche, soutient que la faute du préposé de la société Seka est établie.

Elle fait valoir qu'il appartenait à ce dernier de veiller à refermer la porte en toute sécurité d'autant qu'il s'agit d'un établissement accueillant du public et que la porte n'était pas équipée d'un système de protection des charnières permettant d'éviter les risques de pincement.

La CPAM qui conclut à la confirmation du jugement estime que les attestations produites tardivement par la société Seka ne sont pas manuscrites contrairement aux exigences de l'article 202 et qu'émanant de ses préposés, elles ont été établies pour les besoins de la cause.

Sur ce, il résulte de l'article 1242, alinéa 5, du code civil, que les commettants sont responsables du dommage causé par la faute de leurs préposés.

En l'espèce, il résulte des attestations versées aux débats émanant de plusieurs amis de Mme [U] mais également de deux préposés de la société Seka qu'un groupe de jeunes gens dont faisait partie Mme [U] se trouvait le 26 mars 2017, vers 2 heures du matin, devant le bar Le Bailly, situé [Adresse 2] à [Localité 11].

Si aucune de ces attestations n'est manuscrite contrairement aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile, il convient de rappeler que les dispositions de ce texte ne sont pas prescrites à peine de nullité.

Mme [B] expose dans son attestation établie le 31 mars 2017 qu'elle se trouvait le 26 mars 2007 vers 2 heures du matin avec des amis devant le bar Le Bailly, que Mme [U] était adossée à la porte d'entrée du bar lorsque sans le faire exprès, elle a glissé son doigt dans la charnière de la porte ouverte et que le barman a fermé la porte «en insistant» sans réaliser malgré leurs cris qu'il la refermait sur le doigt de Mme [U] ; elle ajoute que le barman a rouvert la porte, fait entrer Madame [U] et versé de la vodka sur son doigt pour le désinfecter mais qu'il n'a pas appelé les secours bien que Mme [U] se soit évanouie aussitôt après être sortie de l'établissement.

Dans leurs attestations datées respectivement du 31 mars 2017 et du 2 avril 2017, Mme [X] et Mme [O] ont confirmé les déclarations de Mme [B] concernant le déroulement des faits, Mme [O] précisant que le barman, soucieux de respecter l'heure légale de fermeture du bar avait insisté pour fermer la porte de l'établissement et n'avait pas réalisé qu'il était en train de la refermer sur le doigt de Mme [U].

M. [P], a établi le 12 septembre 2021 une attestation dans laquelle il expose qu'il travaille comme serveur dans le bar Le Bailly, que le 26 mars 2017, aux alentours de 2 heures du matin, un groupe de jeunes a voulu entrer pour se rendre aux toilettes alors qu'il était en train de fermer l'établissement, que ces jeunes n'ayant pas consommé dans le bar, il a refusé de les laisser entrer, qu'ils se sont alors appuyés sur la façade du restaurant, qu'après avoir fermé la porte, une jeune fille lui a déclaré que son doigt s'était coincé dans la charnière, qu'il a rouvert le bar pour la soigner, l'établissement disposant d'une trousse de secours, qu'il a vu que le doigt de la jeune fille saignait et a voulu appeler les pompiers ce que cette dernière a refusé ; il ajoute avoir constaté que les jeunes étaient très alcoolisés et leur avoir demandé de partir compte tenu de l'heure tardive et affirme ne pas avoir vu la jeune fille s'évanouir devant le bar.

M. [M] a confirmé dans son attestation en date du 12 novembre 2021 les déclarations de son collègue de travail, précisant que celui-ci avait bien prévenu le groupe de jeunes adossés à la vitrine du bar qu'il allait fermer la porte de l'établissement ; il a ajouté qu'il n'y avait eu ni porte claquée ni « forcing », précisant que s'agissant d'une porte vitrée, « il fallait faire attention ».

Au vu de ces éléments, il n'est pas établi que M. [P], préposé de la société Seka, a commis une faute d'imprudence en refermant la porte du bar, alors que selon les déclarations concordantes sur ce point de Mme [O] et de M. [M], il avait annoncé la fermeture de l'établissement et que les amies de Mme [U] admettent elles-mêmes que cette dernière avait glissé son doigt dans la charnière de la porte, ce que le serveur n'avait pas réalisé en la refermant.

Il ne peut, en effet être reproché au préposé de la société Seka de ne pas avoir anticipé le fait que Mme [U] adossée contre la façade de l'établissement introduirait un doigt par inadvertance dans la charnière de la porte du bar au moment de sa fermeture.

Par ailleurs, en l'état des attestations contradictoires des amis de Mme [U] et des deux préposés de la société Seka, il n'est démontré ni que M. [P] aurait refermé la porte brusquement ou en insistant, ni qu'il n'aurait pas pris les mesures qui s'imposaient à la suite de l'accident.

Il n'est ainsi établi aucune faute du préposé de la société Seka dont cette dernière devrait répondre en sa qualité de commettant.

Sur la responsabilité de la société Seka en sa qualité de gardienne de la porte

La société Seka soutient d'une part, que les circonstances dans lesquelles Mme [U] s'est blessée demeurent indéterminées, d'autre part qu'il n'est démontré aucune anormalité de la porte, en particulier de ses charnières, permettant de retenir qu'elle a été l'instrument du dommage.

La société Seka estime en outre que compte tenu du délai écoulé entre les faits et l'admission de Mme [U] aux urgences, il n'est pas établi que la fermeture de la porte par le serveur soit à l'origine de la fracture ultérieurement diagnostiquée.

Elle se prévaut subsidiairement de la faute d'imprudence commise par Mme [U] en positionnant son doigt dans la charnière de la porte alors que le serveur avait annoncé, à plusieurs reprises, la fermeture de l'établissement et conclut que cette faute justifie l'exonération totale ou au moins partielle de la responsabilité qu'elle encourt.

Mme [U] soutient pour sa part que la responsabilité de la société Seka est engagée en sa qualité de gardienne de la porte, instrument du dommage qu'elle a subi et conteste avoir commis une faute d'imprudence susceptible d'exclure ou même de réduire son droit à indemnisation.

Sur ce, ce aux termes de l'article 1242, alinéa 1, du code civil, « on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait [...] des choses que l'on a sous sa garde».

Il résulte de ce texte que dès lors qu'une chose en mouvement est entrée en contact avec le siège du dommage, elle est présumée en être la cause génératrice, le gardien ne pouvant s'exonérer totalement de la responsabilité de plein droit qu'il encourt qu'en justifiant d'une cause étrangère, du fait d'un tiers ou d'une faute de la victime revêtant les caractères de la force majeure, ou partiellement, en rapportant la preuve d'une faute de la victime ayant concouru à la réalisation de son dommage.

En l'espèce, les attestations établies par les amies de Mme [U] dont la teneur a été rappelée plus haut et le certificat médical du Docteur [S] indiquant que Mme [U] a été admise le 26 mars 2017 à 4 heures du matin aux urgences de l'hôpital [9] à [Localité 10] (92)puis opérée sous anesthésie générale le même jour à 15 h 30 d'une fracture ouverte de l'auriculaire gauche permettent d'établir que la porte de l'établissement s'est refermée sur le doigt de Mme [U], comme l'ont déclaré de manière concordante Mmes [B], [O] et [X], étant observé que dans son attestation M. [P], préposé de la société Seka, a admis qu'après avoir refermé la porte de l'établissement il avait été alerté de l'accident et avait personnellement constaté que le doigt de Mme [U] saignait.

Il est ainsi démontré que la porte du bar en mouvement lors de sa fermeture a été l'instrument du dommage subi par Mme [U], étant relevé que la chronologie des faits permet de retenir que les lésions constatées par le service des urgences de l'hôpital [9] sont bien imputables à l'accident.

La société Seka qui ne conteste pas sa qualité de gardienne de la porte est ainsi responsable de plein droit des dommages causés à Mme [U] et ne peut s'exonérer totalement qu'en prouvant l'existence d'une cause étrangère, du fait d'un tiers ou d'une faute de la victime revêtant les caractères de la force majeure, ou partiellement, en rapportant la preuve d'une faute de Mme [U] ayant concouru à la réalisation de son dommage.

En l'espèce, en demeurant adossée contre la façade de l'établissement, le doigt glissé dans la charnière de la porte alors qu'il résulte de l'attestation de Mme [O] et de celle de M. [M] que M. [P], préposé de la société Seka, avait annoncé la fermeture de l'établissement, Mme [U] a commis une faute d'imprudence ayant concouru à la réalisation de son dommage.

S'il n'est ni allégué ni justifié que cette faute revêt les caractères de la force majeure, l'imprudence commise par Mme [U] justifie compte tenu de sa nature et de sa relative gravité l'exonération partielle de la société Seka de la responsabilité qu'elle encourt en sa qualité de gardienne, dans une proportion qu'il convient de fixer à 30 %.

Le jugement sera en conséquence infirmé.

Sur la demande de provision de Mme [U] et les demandes de la CPAM au titre de sa créance provisoire et de l'indemnité forfaitaire de gestion

Le tribunal devant lequel Mme [U] sollicitait l'indemnisation de ses préjudices et la CPAM le remboursement de ses débours provisoires et le versement de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale n'a pas statué sur ces demandes ni prescrit une mesure d'expertise mais seulement ordonné la « redistribution de l'affaire » vers une autre chambre de la juridiction afin qu'elle statue sur la liquidation des préjudices corporels de Mme [U].

La cour a dans ces conditions invité les parties à conclure sur le moyen relevé d'office tiré de ce qu'en application des articles 568 et 380 du code de procédure civile, elle ne peut statuer par voie d'évocation que lorsqu'elle infirme ou annule un jugement qui a ordonné une mesure d'instruction ou, qui statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l'instance et lorsque l'appel d'un jugement de sursis à statuer a été autorisé par le premier président.

La CPAM, Mme [U] et la société Seka ont fait valoir leurs observations sur ce moyen relevé d'office par notes en délibéré en date des 2 janvier 2023 et 18 janvier 2023 aux termes desquelles il conviendra de se reporter.

Sur ce, la cour ne pouvant pour les motifs sus-énoncés évoquer le litige sur des points non jugés par le tribunal, il n'y pas lieu de statuer sur la demande de provision de Mme [U] qu'il appartiendra à cette dernière le cas échéant de présenter devant le juge de la mise en état qui a seul compétence pour en connaître, ni sur le recours exercé par la CPAM au titre de sa créance provisoire et sa demande d'indemnité forfaitaire de gestion.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles qui ont été réservés doivent être confirmées.

La société Seka qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à Mme [U] la somme de 2 500 euros et à la CPAM celle de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour, et de rejeter la demande formulée au même titre par la société Seka.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

- Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré la société Seka responsable de l'accident dont a été victime Mme [I] [U] le 26 mars 2017, en sa qualité de commettant et condamné en conséquence la société Seka à indemniser Mme [I] [U] des préjudices corporels subis,

- Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Dit que le préposé de la société Seka n'a commis aucune faute engageant la responsabilité de cette dernière en sa qualité de commettant,

- Dit que la responsabilité de la société Seka est engagée en sa qualité de gardienne de la porte du bar Le Bailly, instrument du dommage subi par Mme [I] [U] le 26 mars 2017,

- Dit que Mme [I] [U] a commis une faute exonérant partiellement, à hauteur de 30 %, la société Seka de la responsabilité qu'elle encourt,

- Condamne la société Seka à indemniser Mme [I] [U] de son préjudice corporel consécutif à l'accident du 26 mars 2017 à concurrence de 70 %,

- Dit que l'évocation n'est pas possible,

- Condamne en application de l'article 700 du code de procédure civile la société Seka à payer à Mme [I] [U] la somme de 2 500 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne celle de 1 500 au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour,

- Déboute la société Seka de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société Seka aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/16407
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;21.16407 ?
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