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09/03/2023 | FRANCE | N°21/04946

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 09 mars 2023, 21/04946


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 09 MARS 2023



(n°2023/ , 19 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04946 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZIL



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 19/10689





APPELANT



Monsieur [SM] [TZ]

[Adresse 1]

[Localité 4]

né le 27 Juillet

1980 à [Localité 3]



Assisté de Me William TROUVE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0138



INTIMEE



Etablissement Public Industriel et Commercial CAMPUS FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 09 MARS 2023

(n°2023/ , 19 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04946 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZIL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 19/10689

APPELANT

Monsieur [SM] [TZ]

[Adresse 1]

[Localité 4]

né le 27 Juillet 1980 à [Localité 3]

Assisté de Me William TROUVE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0138

INTIMEE

Etablissement Public Industriel et Commercial CAMPUS FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Assisté de Me Michel GUIZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame [M] [T], dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Philippine QUIL, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [SM] [TZ] a été engagé par l'établissement public à caractère industriel et commercial Campus France (ci-après EPIC Campus France) par un contrat de travail à durée indéterminée du 1er août 2012 en qualité de technicien d'exploitation, helpdesk et poste de travail.

Par avenant du 3 mars 2014, la qualité de cadre autonome lui a été reconnue et il a été soumis à un forfait en jours de 218 jours de travail par an.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à un accord d'entreprise du 15 octobre 2013 et l'EPIC Campus France occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Par lettre du 17 mars 2016, un avertissement a été notifié à M. [TZ] au motif de son départ de son poste de travail à 16h06 sans en avoir avisé au préalable son supérieur hiérarchique.

M. [TZ] a contesté cet avertissement par lettres des 3 mai et 30 novembre 2016.

Il a saisi le conseil de prud'hommes le 4 juillet 2017 d'une contestation de cette sanction disciplinaire qui, par jugement du 27 août 2018, l'a annulée.

M. [TZ] s'est porté candidat aux élections du comité social et économique dont le premier tour était fixé au 26 juin 2018.

Il a été convoqué par lettre du 5 juin 2019 à un entretien préalable fixé au 17 juin 2019. Le courrier n'ayant pas été retiré au guichet de la Poste, l'EPIC Campus France lui a adressé un courriel le 14 juin 2019 aux fins de lui transmettre cette convocation.

M. [TZ] a été victime le même jour d'un malaise dont le caractère professionnel a été reconnu par l'Assurance Maladie par lettre du 12 septembre 2019.

Il a été placé en arrêt de travail à compter de cet accident du travail.

Par lettre du 17 juin 2019, l'EPIC Campus France a reporté l'entretien préalable au 26 juin.

Par lettre du 1er juillet 2019, M. [TZ] a été licencié pour faute grave aux motifs d' 'accusations infondées et de mauvaise foi au préjudice de (son) supérieur hiérarchique et de dénigrement de (l') établissement ' et de 'manquements et négligences professionnelles'.

Considérant que son licenciement était nul, subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse, sollicitant notamment sa réintégration ainsi que des dommages et intérêts pour harcèlement moral et manquement à l'obligation de sécurité, M. [TZ] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 3 mai 2021 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, a débouté l'EPIC Campus France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné M. [TZ] aux dépens.

M. [TZ] a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 4 juin 2021.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 mars 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [TZ] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes ;

- dire et juger nul son licenciement à la fois en ce qu'il porte atteinte à la liberté fondamentale d'agir en justice, est intervenu à la suite d'une dénonciation de harcèlement moral et de témoignages apportés par lui dans ce cadre, et lors d'une suspension du contrat de travail pour cause d'accident de travail ;

- ordonner sa réintégration au sein de l'EPIC Campus France ;

- condamner l'EPIC Campus France à lui verser une indemnité représentative des salaires dont il a été privé depuis le 1er juillet 2019, date de notification de son licenciement soit une somme de 120 511,04 euros, compte arrêté au 28 février 2022, sauf à parfaire en tenant compte de la date de sa réintégration effective ;

Subsidiairement,

- dire et juger que le licenciement dont il a été victime ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- condamner l'EPIC Campus France à lui verser les sommes suivantes :

* 8 686,80 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 11 297,90 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre une somme de 1 129,79 euros au titre des congés payés y afférents,

* 26 361,79 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause,

- condamner l'EPIC Campus France à lui verser une somme de 15 000 euros à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral et violation de l'obligation de sécurité de résultat en matière de santé au travail ;

- débouter l'EPIC Campus France de toutes ses demandes à toutes fins qu'elles comportent;

- dire et juger que l'ensemble des condamnations portent intérêts au taux légal, avec anatocisme, à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation pour les sommes à caractère de salaires ou accessoires de salaires et à compter de la décision à intervenir pour les sommes à caractère indemnitaire ;

- dire et juger que les intérêts échus pour une année entière se capitaliseront et porteront eux-mêmes intérêts, par application de l'article 1343-2 du code civil ;

- ordonner sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'EPIC Campus France d'afficher le dispositif du jugement à intervenir sur les panneaux légaux obligatoires de l'établissement pendant un mois à compter de sa notification ;

- condamner l'EPIC Campus France à lui verser une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner enfin aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 janvier 2023 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, l'EPIC Campus France demande à la cour de :

- confirmer le jugement ;

En conséquence,

- débouter M. [TZ] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner M. [TZ] à payer à l'EPIC Campus France la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [TZ] aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 janvier 2023.

MOTIVATION

Sur le harcèlement moral et le manquement à l'obligation de sécurité

M. [TZ] soutient qu'il a été victime d'un harcèlement moral ce que l'EPIC Campus France conteste.

Il résulte des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Conformément aux dispositions de l'article L.1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ces articles, il appartient au salarié de présenter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

A l'appui de cette allégation, M. [TZ] invoque :

- l'avertissement du 17 mars 2016 et un acharnement selon lui de l'employeur qui a refusé d'annuler cette sanction malgré sa demande, celle de son assureur dans le cadre d'une protection juridique et de son avocat ;

- des propos tenus selon lui par son supérieur hiérarchique, M. [K], évoquant son départ de l'entreprise ;

- une lettre de la directrice générale de l'EPIC Campus France, Mme [W], du 15 juin 2018, selon lui violente et révélatrice d'un véritable acharnement ;

- les plaintes d'autres salariés de l'EPIC Campus France au titre d'un harcèlement moral;

- des articles de Médiapart et du journal Le Monde ;

- une dégradation de son état de santé.

Sur l'avertissement et le refus de l'employeur de l'annuler

M. [TZ] produit à ce titre la lettre d'avertissement, les courriers adressés à l'EPIC Campus France afin de lui demander d'annuler cette sanction (lettre de M. [TZ] du 3 mai 2016, lettre de son conseil du 30 novembre 2016) ainsi que les réponses de l'EPIC Campus France (lettre du 19 mai 2016 adressée par la directrice générale, Mme [W], au salarié, lettre du 12 décembre de cette dernière au conseil du salarié, lettre du 11 janvier 2017 du conseil de l'EPIC à l'assureur garantie juridique de M. [TZ]), une attestation de M. [LM], son responsable hiérarchique, ainsi que le jugement du conseil de prud'hommes du 27 août 2018 qui a annulé cet avertissement.

Aux termes de cet avertissement, l'EPIC Campus France a reproché à M. [TZ] de s'être absenté le 9 mars 2016 à 16h06 de manière selon lui injustifiée, sans en aviser au préalable sa hiérarchie en laissant le support du service infrastruture réseau et sécurité non géré ce qui a contraint selon lui son supérieur hiérarchique, M. [K], à le gérer.

M. [TZ] a contesté cet avertissement en faisant valoir qu'il bénéficie d'un forfait jours et n'est pas soumis à un horaire collectif, qu'il n'avait donc pas à prévenir son employeur de son départ justifié selon lui par la nécessité d'aller chercher sa fille en raison d'une grève nationale et que son absence n'avait engendré aucun trouble dans le fonctionnement du service. Son conseil a précisé dans son courrier que deux salariés étaient présents au moment de son départ. En réponse, l'EPIC Campus France a indiqué dans sa correspondance du 19 mai à M. [TZ] que bien que bénéficiant d'un forfait jours, il devait prévenir de son absence ou de son départ en respectant un délai de prévenance, qu'il était seul à ce poste et que son absence a désorganisé le service, M. [K] devant traiter les appels. Dans le courrier adressé au conseil du salarié, il a réitéré l'existence d'une désorganisation en l'absence des deux salariés présents selon M. [TZ]. Dans la correspondance destinée à l'assureur du salarié, il est indiqué que l'avertissement est justifié en raison de la désorganisation engendrée par le départ du salarié qui n'a prévenu personne.

Dans son attestation établie le 29 avril 2018, M. [LM], son responsable hiérarchique, indique que le salarié n'a pas été le dernier à partir et qu'il considère cette sanction comme injuste et disproportionnée.

Pour annuler cet avertissement, le conseil de prud'hommes a retenu que M. [TZ] était soumis à une convention de forfait en jours, que d'autres personnes étaient présentes ou en télé-travail et qu'un trouble dans le bon fonctionnement du service n'est pas démontré.

Cette décision est définitive.

Sur des propos tenus par son supérieur hiérarchique, M. [K], évoquant son départ de l'entreprise

M. [TZ] produit à ce titre la liste syndicale CFDT pour l'élection des membres du comité social et économique sur laquelle il figure et un courrier du 7 juin 2019 portant en objet 'droit d'alerte' adressé aux membres du comité économique et social et à la directrice générale de l'EPIC Campus France dans lequel il indique que lui ont été rapporté des propos qu'aurait tenus M. [K] à son égard au mois de juillet 2018 durant une réunion: 'De toute façon [H] et [SM], ils leur restent 6 mois de protection et puis c'est bon', et au début du mois de janvier 2019, en présence d'un groupe de personnes : '[SM] ne va pas rester longtemps'.

La cour relève que ce courrier constitue les propres dires de M. [TZ], qu'il emploie le conditionnel pour prêter à M. [K] ces propos puisqu'il débute son courrier par ' Je m'adresse à vous suite à des propos que Monsieur [K] aurait tenu à mon égard (...)' et qu'aucun élément n'est produit aux débats pour corroborer les dires prêtés à M. [K] comme par exemple des attestations des personnes qui, selon le salarié, étaient présentes.

Sur la lettre de la directrice générale de l'EPIC Campus France du 15 juin 2018

M. [TZ] soutient que ce courrier est révélateur d'un véritable acharnement de la part de la directrice générale à son encontre.

Il produit aux débats cette lettre qui comporte la transcription d'un courriel qu'il aurait adressé au secrétaire du CHSCT le 28 février 2018 et indique : ' (....) Aux termes de ce courriel d'une agressivité sans précédent, vous faisiez part à Monsieur [U] de faits, à les supposer avérés, d'une extrême gravité. Je vous indique avoir été profondément choquée de lire des accusations d'une telle violence de votre part.(...) Je conçois parfaitement qu'il puisse y avoir opposition dans le cadre des échanges professionnels. Dans ce contexte, je suis attachée à la liberté d'expression des salariés et à la liberté qu'ils ont de recourir aux institutions permettant de garantir la sauvegarde de leurs droits. De la même manière, je conçois parfaitement que les salariés qui souhaitent faire valoir leurs droits le fassent par le biais de la saisine des institutions ou juridictions compétentes. Cela étant, je ne peux accepter que des accusations d'une telle gravité soient formulées de cette façon là. Accuser la Direction de Campus France de participer à un 'véritable meurtre physique et psychique' de ses collaborateurs, est intolérable, en ce que les faits présentés et le choix des mots opérés revêtent non seulement un caractère calomnieux mais caractérisent de surcroît un abus dans la liberté d'expression. Vous décrivez une situation qui ne correspond pas à la réalité et vous le faites d'une manière particulièrement excessive et déplacée. Je serai toujours attentive à ce que chaque salarié de Campus France puisse s'exprimer librement et puisse user de tous les droits dont il dispose pour régler un litige avec la Direction. Cela étant, je vous avise que je ne tolèrerai plus à l'avenir de tels excès de langage qui sont diffamatoires et constituent par ailleurs de véritables dénonciations calomnieuses. Ainsi, je vous précise que si j'étais une nouvelle fois confrontée à de telles accusations, aussi violentes qu'infondées, j'userai des moyens de droit à ma disposition. En revanche, soyez assuré que vous serez toujours libre d'exprimer vos désacoords et de contester les décisions prises par la Direction à la condition expresse que cette contestation se fasse dans le strict cadre de la liberté d'expression et par des moyens légaux et respectueux des droits de chacun. (...)'. Il verse également aux débats un courriel du secrétaire du CHSCT, M. [U], adressé le 29 juin 2018 à plusieurs salariés dont l'appelant, faisant part de sa réponse à Mme [G] et soulignant son indignation ainsi que le caractère confidentiel des courriels qu'il a échangés avec des salariés.

Sur les plaintes d'autres salariés de l'EPIC Campus France au titre d'un harcèlement moral

M. [TZ] affirme que des salariés ont souffert de harcèlement moral de la part de M. [K], Messieurs [LM], [ON], [V], [I] ainsi que Mme [E], et produit des pièces à ce titre.

Cependant, le salarié doit présenter des éléments de faits relatifs à sa personne.

Sur les articles de presse

M. [TZ] produit ces articles qui n'évoquent pas sa situation personnelle.

A l'appui d'une dégradation de son état de santé, M. [TZ] souligne que le médecin du travail l'a orienté le 23 mai 2019 vers un psychologue du travail. Il produit à ce titre la copie de son dossier médical au service de santé au travail dans lequel le médecin du travail a indiqué le 23 mai 2019 à la rubrique 'psychiatrie' : ' Résultat : Anormal-Commentaire : le salarié rapporte comme symptômes : - anxiété à l'ouverture de sa boîte mail, - crises d'angoisse sous forme d'oppression thoracique : 3/semaines, - sommeil perturbé (...)' et l'a orienté vers un psychologue du travail. Il verse également aux débats un courrier de son médecin traitant adressé le 6 décembre 2019 à un de ses confrères mentionnant l'existence d'un 'syndrome anxiogène-dépressif dans un contexte d'harcèlement moral au travail'.

Les éléments de faits retenus par la cour (l'avertissement et le refus de l'employeur de l'annuler ainsi que le courrier de la directrice générale du 15 juin 2018) pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Au vu de ces éléments, il incombe à l'EPIC Campus France de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L'EPIC Campus France fait valoir que dès que M. [TZ] a évoqué dans le cadre d'un entretien d'évaluation du 17 février 2017 ressentir une souffrance au travail, il a organisé un entretien de médiation entre le salarié, le médecin du travail et le directeur adjoint des ressources humaines, entretien auquel M. [TZ] a refusé de participer. Il ajoute qu'à cette époque, il faisait procéder à une enquête sur les risques psycho-sociaux et la qualité de vie au travail confiée au cabinet Empreinte Humaine. Il souligne que le 24 mai 2018, M. [TZ] a rejoint 'un petit collectif' de salariés qui ont fait état d'une souffrance au travail et de risques psychosociaux dans une lettre adressée aux ministères de tutelle et que le cabinet REHALTO, expert en qualité de vie au travail, a été mandaté pour analyser la situation sociale au sein de la direction des systèmes d'information au sein de laquelle M. [TZ] travaillait. Il précise que ce cabinet a conclu à l'absence de harcèlement moral au sein de cette direction notamment au préjudice de M. [LM], responsable hiérarchique de M. [TZ].

En l'espèce, la cour est saisie d'un litige individuel qu'elle doit trancher aux regards des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail précités sans être tenue par l'analyse d'un cabinet d'experts qui au surplus n'a pas été saisi de la situation personnelle de M. [TZ].

Il convient en conséquence conformément aux dispositions de l'article L.1154-1 du code du travail, de rechercher si l'EPIC Campus France prouve que les faits retenus pris dans leur ensemble laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Sur l'avertissement et le refus de l'employeur de l'annuler

Après avoir souligné que le jugement du conseil de prud'hommes de Paris annulant cette sanction disciplinaire est définitif, l'EPIC Campus France fait valoir que les premiers juges ne l'ont pas condamné à verser à M. [TZ] des dommages et intérêts et que ce fait est isolé. Il relate les échanges de courriers entre les parties.

La cour constate qu'en tout état de cause, cet avertissement a été annulé par une décision définitive et qu'il n'était donc pas justifié par des éléments objectifs, peu important à cet égard que M. [TZ] ait été débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la lettre de la directrice générale

L'EPIC Campus France relate le déroulement des faits et les échanges entre les parties sans produire pour autant le courriel que M. [TZ] a selon l'employeur adressé au CHSCT ce dont il résulte que la cour ne peut pas s'assurer de sa teneur. Il ne produit donc pas d'élément objectif à ce titre étant observé en outre qu'un salarié peut saisir le CHSCT devenu le conseil social et économique dans le cadre d'échanges confidentiels et que les termes employés par Mme [G] sont particulièrement vifs.

Il résulte de cette analyse que contrairement à ce que soutient l'EPIC Campus France, l'avertissement n'est pas un acte isolé insusceptible de caractériser un harcèlement moral.

La cour retient en conséquence que l'EPIC Campus France échoue à prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et que dès lors, M. [TZ] a été victime d'un harcèlement moral.

M. [TZ] soutient ensuite que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité en ne tenant pas compte de sa situation et en faisant le choix de le licencier. Il ajoute que l'EPIC Campus France n'a pas communiqué le Document Unique d'Evaluation des Risques malgré une sommation de communiquer.

L'EPIC Campus France fait valoir les mesures qu'il a mises en oeuvre dans le suivi de M. [TZ] notamment par le médecin du travail ainsi que les études qu'il a déclenchées. Il ajoute que le salarié tente de lui attribuer de mauvaise foi la responsabilité de son accident du travail.

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 4121-1, L. 4121-2, L. 4121-3 et R. 4121- 1 et suivants du code du travail dans leur rédaction applicable au litige, que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la sécurité physique et mentale des travailleurs parmi lesquelles figurent des actions de prévention des risques professionnels et de pénibilité au travail, ce sur le fondement de principe généraux de prévention parmi lesquels figurent notamment : ' éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l'homme, planifier la prévention', que l'employeur transcrit dans un document unique d'évaluation des risques (DUER), les risques identifiés.

Il s'en déduit que l'employeur doit dans un premier temps évaluer les risques puis dans un second temps, élaborer et mettre en oeuvre des actions de prévention.

En l'espèce, malgré une sommation de communiquer produite aux débats, l'EPIC Campus France ne produit pas aux débats le DUER pour les années 2018 et 2019 concernées par le litige et ne présente pas de moyens à ce titre. En outre, la cour a précédemment retenu que M. [TZ] avait été victime d'un harcèlement moral.

En conséquence, la cour retient que l'EPIC Campus France a manqué à son obligation de sécurité.

M. [TZ] a subi à ces deux titres un préjudice caractérisé par les pièces médicales précitées, qui sera indemnisé par l'allocation de la somme de 4 000 euros au paiement de laquelle l'EPIC Campus France sera condamné.

La décision des premiers juges sera infirmée sur ce chef de demande.

Sur la nullité du licenciement

M. [TZ] soutient que son licenciement est nul selon lui pour plusieurs motifs :

- il constitue une atteinte à sa liberté d'agir en justice ;

- il est intervenu à la suite d'une dénonciation d'actes répétés de harcèlement moral et de témoignages apportés par lui dans ce cadre ;

- il est intervenu en cours de suspension de son contrat de travail pour cause d'accident du travail sans qu'une faute grave soit caractérisée.

La société fait valoir que ce licenciement fondé sur une faute grave n'est pas nul.

Sur la nullité du licenciement au titre d'une atteinte à la liberté d'agir en justice

M. [TZ] soutient que sa situation s'est dégradée à compter de cet avertissement ce qu'il a relaté lors des entretiens d'évaluation et qu'il est évident que l'employeur a pris ombrage de son action justice ce qui a conduit à son licenciement.

L'EPIC Campus France souligne qu'il n'a pas interjeté appel de la décision du conseil de prud'hommes et que le licenciement est intervenu plus de trois ans après la notification de l'avertissement et plus d'un an après le jugement du conseil de prud'hommes.

Le droit d'agir en justice constitue une liberté fondamentale protégée par l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif au droit à un procès équitable. En droit interne, le droit au juge est un droit constitutionnel garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789.

Dès lors, un licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite par le salarié est nul en ce qu'il porte atteinte à une liberté fondamentale peu important par ailleurs que sa demande soit infondée.

Lorsque le licenciement du salarié faisant suite à son action en justice contre son employeur est dépourvu de cause réelle et sérieuse, il appartient à ce dernier d'établir que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice, par le salarié, de son droit d'agir en justice.

Lorsque le licenciement du salarié est fondé sur une cause réelle et sérieuse, il appartient à ce dernier de prouver l'existence d'un lien de causalité entre l'action en justice qu'il avait engagée et son licenciement.

Il convient donc de rechercher si le licenciement de M. [TZ] est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et à laquelle il est expressément renvoyée, est fondée sur deux catégories de griefs :

- des accusations infondées et de mauvaise foi au préjudice du supérieur hiérarchique de M. [TZ] et le dénigrement de l'établissement ;

- des manquements et négligences professionnelles.

Il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et nécessite son départ immédiat sans indemnité. L'employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve.

Sur les accusations infondées et de mauvaise foi au préjudice du supérieur hiérarchique de M. [TZ] et le dénigrement de l'établissement

Ces griefs sont ainsi formulés :

' (...)Vous occupez les fonctions de technicien d'Exploitation helpdesk et postes de travail depuis le 1er août 2012. Le 8 mars 2019, vous avez bénéficié d'un entretien d'évaluation qui portait sur l'année 2018 avec votre N+2 Monsieur [IJ] [K] compte-tenu de l'absence de votre N+1 Monsieur [S] [LM]. A l'issue de l'entretien, Monsieur [K] vous a adressé par email le formulaire complété pour la partie « manager ». Vous lui avez ensuite adressé en retour le formulaire complété pour la partie « collaborateur » accompagné d'une page d'observations non évoquées selon votre responsable lors de l'entretien. Aux termes de cette page jointe en annexe de votre formulaire d'entretien d'évaluation, vous avez affirmé en des termes particulièrement excessifs : « J'ai subi durant cette année une pression énorme en travaillant dans des conditions de travail délétère. Cela a eu un impact négatif sur mes conditions de travail. J'ai eu en permanence une sensation de travailler avec une épée de Damoclès sur la tête. Néanmoins, je n'ai pas choisi la solution de facilité en me mettant en arrêt maladie. » « Ce qui est regrettable, c'est que tu n'hésites pas une seule seconde à me faire des reproches et remarques négatives quand dans l'une des mes actions ou tâches il y a malencontreusement un oubli ou une erreur ». Par email du 12 mars 2019 votre responsable surpris vous a répondu que ces affirmations n'avaient pas été évoquées lors de l'entretien : « cela me semble particulièrement excessif. Je te remercie de préciser tes propos dans le formulaire d'évaluation. De mon côté, je n'ai pas le sentiment d'être un manager qui met la pression à ses équipes, ou qui crée des conditions de travail délétères ». En réponse, vous avez fait le choix de maintenir votre position sans apporter des preuves ou préciser vos dires. Compte tenu de la situation la Direction des ressources humaines vous a convié par email du 17 avril 2019 à un entretien RH le 6 mai 2019.

« Les termes employés dans ton formulaire sont particulièrement graves et alarmistes. Aussi je souhaiterais m'entretenir avec toi afin d'échanger sur tes conditions de travail. Cet entretien sera l'occasion pour toi de t'expliquer librement et complètement sur la situation que tu dénonces. Par ailleurs, compte-tenu de cette situation que tu dénonces je t'informe que nous allons prévenir le médecin du travail et te convoquer à une visite médicale ». Cet entretien mené par Monsieur [Z] Chargé RH s'est tenu le 6 mai 2019. A l'issue de cet entretien un compte-rendu vous a été adressé par email le 9 mai 2019. Monsieur [Z] indique notamment : « Tu ne m'as pas donné d'éléments factuels laissant à penser que ton responsable cherchait à te sanctionner ou te mettre le pression [']. Tu m'as indiqué que l'ambiance et tes conditions de travail sont meilleures et tu espères que cela va continuer [']. Tu reconnais également avoir oublié de préciser que [IJ] t'a déjà remercié pour ton travail. Tu apprécies d'ailleurs que [IJ] assure en direct l'intérim en l'absence d'[H] [LM]. ['] En résumé concernant tes conditions de travail, tu estimes qu'elles se sont améliorées et espère que cela se poursuivra en 2019 ». Parallèlement, à l'issue de votre visite médicale avec le Médecin du travail, nous avons reçu l'attestation de suivi du médecin datée du 23 mai 2019 laquelle ne fait état d'aucune proposition de mesures individuelles à mettre en 'uvre. Pour autant, par email du 3 juin 2019, soit quasi un mois après l'entretien RH, vous avez accusé cette fois-ci, Monsieur [Z] de n'avoir pas retranscrit les propos que vous auriez tenus durant l'entretien du 9 mai 2019. « Je constate hélas il ne reflète pas les propos que j'avais exprimé, la réalité me parait tout autre que le contenu de ton email [']. Je continue de constater que mon responsable hiérarchique direct continue de critiquer de façon humiliante et régulière le travail que je fournis [']. Ce précédent qui vient d'être décrit que j'observe persister voire s'intensifier me contraint à venir au travail la peur au ventre comme une épée de Damoclès pointée en permanence au-dessus de ma tête [']. La souffrance au travail que je vis au quotidien [']. Je souhaite que les pressions remarques, critiques non justifiées à mon encontre cessent ['] ». A la lecture de cet email nous ne pouvons que constater votre mauvaise foi dans les faits que vous dénoncez. A aucun moment lors de l'entretien RH avec Monsieur [Z] vous n'avez tenu de tels propos. Ce dernier nous a, en effet confirmé être surpris par les propos tenus dans votre email qui ne reflètent, selon lui, pas l'échange qu'il a eu avec vous le 6 mai. Monsieur [K] que nous avons reçu en entretien suite à la réception de votre email du 3 juin 2019 nous a dit être profondément choqué par vos accusations et être tombé des nues. Pour lui cette situation est incompréhensible et il réfute fermement vos accusations. Aussi bien Monsieur [K] lors de l'entretien d'évaluation du 8 mars 2019 que Monsieur [Z] lors de l'entretien du 6 mai 2019 ont été surpris des allégations que vous avez formulées par écrit à l'issue de ces entretiens et non pendant ces entretiens. Tous les deux nous ont confirmé que vos écrits ne reflètent pas les échanges qu'ils ont eus avec vous. De plus le médecin du travail à qui nous avons adressé la copie de votre entretien d'évaluation et à qui nous avons expliqué la situation n'a strictement émis aucune préconisation / propositions de mesures individuelles à l'Employeur suite à votre visite médicale, ce qui nous amène à conclure à l'absence de situation de RPS. Par ailleurs suite à des tensions interpersonnelles au sein de la Direction des systèmes d'information (DSI) la Direction des Ressources Humaines en partenariat avec le Comité social et économique a fait appel en début d'année 2019 au cabinet REHALTO, Expert agréé par le Ministère du travail afin de rechercher et d'analyser les causes des tensions exprimées par un salarié de la DSI. Dans le cadre de cette enquête, à l'instar de vos collègues, un entretien individuel avec une consultante vous a été proposé. A l'issue de cette enquête, vous et vos collègues de la DSI avez bénéficié d'une restitution par le cabinet REHALTO. Le rapport d'enquête conclut à l'absence de faits pouvant s'assimiler à du harcèlement moral au sein de la DSI et à l'absence de situations alarmantes parmi les collaborateurs du service. Les Experts nous ont confirmé que si des difficultés d'ordre organisationnel avaient été identifiées au sein de la DSI, elles n'avaient pour autant, au cours de l'enquête, pas recueilli d'éléments factuels de la part d'autres salariés de la DSI pouvant être qualifiés devant un juge de « harcèlement moral ». Les consultantes, lors de la restitution du 19 février 2019 auprès de la délégation d'enquête paritaire comprenant des élus du CSE et des représentants de la Direction, ont remis un rapport aux termes duquel votre responsable est décrit comme « un directeur gentil et sympathique, se rendant disponible pour ses équipes et plutôt à l'écoute. II est perçu comme valorisant ses collaborateurs et leur travail».

Cela ressort d'ailleurs de l'intégralité des emails qui vous ont été adressés par votre responsable et dont nous avons pris connaissance. En effet, une lecture objective de ces échanges nous amène à constater que Monsieur [K] s'est toujours montré poli et respectueux à votre égard et en aucun cas humiliant et agressif. Or vous persistez à dénoncer le comportement de votre hiérarchie et à la dénigrer alors même qu'une enquête a eu lieu et a mis hors de cause votre responsable. Par ailleurs, alors même que vous étiez en arrêt de travail, vous avez, le 17 juin 2019, persisté dans votre dénigrement et avez adressé un email à l'intégralité des salariés de Campus FRANCE accusant la Direction d'acharnement à votre encontre. En premier lieu, vos accusations s'avèrent encore une fois dénuées de tout fondement. En second lieu et s'agissant d'une situation personnelle, vous n'aviez pas à prendre à partie vos collègues de travail de la sorte, en dénigrant votre employeur. En troisième lieu, un tel fait constitue un manquement à notre règlement interne. En effet, la charte informatique annexée au règlement intérieur de Campus FRANCE prévoit : 'La liste de diffusion 'Liste Campus FRANCE' : son usage est réglementé et réservé aux membres de la Direction, aux Services Généraux, à la Direction des Systèmes d'Information, ainsi qu'à la Direction des Ressources Humaines, ou toute personne habilitée par cette dernière'. Vous n'aviez donc pas à utiliser la liste de diffusion interne de notre établissement pour tenter de nourrir un contentieux qui est étranger à l'immense majorité des personnes qui ont été rendues destinataires de votre courriel. Une telle démarche, sans intérêt ni fondement, ne poursuivait manifestement pour seul et unique but celui de porter atteinte à notre image, par voie de dénigrement. Au regard de ce qui précède, nous considérons que vous avez fait preuve de mauvaise foi en dénonçant, en toute connaissance de cause, des faits qui sont faux et qui portent atteinte à votre responsable hiérarchique Monsieur [K] et également à notre établissement. De tels comportements, en ce qu'ils sont récurrents et de nature à dégrader les conditions de travail de votre supérieur hiérarchique, portent atteinte à sa dignité et à son état de santé. En cela, ils sont susceptibles d'être qualifiés de harcèlement moral. Nous ne pouvons donc tolérer des faits d'une telle gravité. Si de tels faits justifient à eux seuls de votre licenciement pour faute grave, il s'avère en outre que vous avez manqué régulièrement à vos obligations dans le cadre de vos fonctions.'

Il est ainsi reproché à M. [TZ] :

- de mentionner dans ses écrits des propos qui n'ont pas été tenus pendant les entretiens avec M. [K], son supérieur hiérarchique, et M. [Z], chargé de ressources humaines ;

- de porter des accusations infondées et de mauvaise foi à l'encontre de M. [K], son comportement étant susceptible d'être qualifié de harcèlement moral ;

- d'avoir adressé un courriel par l'intermédiaire de la liste de diffusion 'Campus France' en violation du règlement intérieur, ses propos portant atteinte à M. [K] et à l'établissement.

. Sur le fait de mentionner des propos non tenus

La cour constate que l'EPIC Campus France ne développe aucun moyen à ce titre. Elle relève qu'aucune preuve n'est apportée par l'employeur des propos réellement tenus pendant ces entretiens de sorte qu'il n'est pas démontré que le salarié les a déformés.

. Sur le fait de porter des accusations infondées à l'encontre de M. [K]

L'EPIC Campus France soutient que M. [TZ] a proféré à l'encontre de M. [K] des accusations erronées dans un contexte de mauvaise foi et que le salarié aurait pu dans le cadre de son contentieux prouver sa bonne foi.

M. [TZ] fait valoir qu'il dispose d'une liberté d'expression et que les propos qu'il a tenus ne caractérisent pas un abus de cette liberté. Il rappelle que le salarié qui a relaté des faits de harcèlement moral ne peut pas être licencié pour ce motif sauf mauvaise foi.

A titre liminaire, la cour constate que M. [TZ] n'a pas employé le terme de 'harcèlement moral' dans les courriers et autres écrits qu'il a formalisés et qui sont produits aux débats.

En second lieu, le litige concernant le licenciement est circonscrit à la lettre de licenciement de sorte qu'il convient d'examiner les propos reprochés à M. [TZ] dans le cadre de la rupture du contrat de travail.

Aux termes de l'article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. Par application des dispositions de l'article L. 2281-1 du même code, les salariés bénéficient d'un droit à l'expression directe et collective sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail. Enfin, il résulte des dispositions de l'article L. 2281-3 de ce code que les opinions que les salariés, quelle que soit leur place dans la hiérarchie professionnelle, émettent dans l'exercice du droit d'expression ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement.

Cependant, l'exercice de cette liberté ne peut pas dégénérer en abus.

En l'espèce, il résulte du formulaire d'entretien d'évaluation 2019 afférent à l'année 2018 évoqué dans la lettre de licenciement produit aux débats, que le supérieur hiérarchique formalise une appréciation globale sur l'année et que le salarié peut formuler des observations. Dans le cadre de ses observations, M. [TZ] a indiqué en réponse : 'L'année 2018 a été pour moi, tout comme l'année précédente. Une année difficile, Mon manager [H] [LM] est en arrêt maladie depuis plus de 18 mois. J'ai dû saisir le conseil des prud'hommes de Paris afin de faire annuler cette sanction qui m'a été notifié le 17 mars 2016. Sanction qui était totalement injuste et disproportionné. Elle a été annulé le 27 août 2018 par le conseil des prud'hommes de Paris. J'ai subi durant cette année une pression énorme, je travaillais dans des conditions de travail délétère. Cela a eu un impact négatif sur mes conditions de travail. J'ai en permanence une sensation de travailler avec une épée Damoclès sur la tête. Néanmoins je n'ai pas choisi la solution de facilité en me mettant en arrêt maladie. Parce que je suis une personne contentieuse et qui aime s'investir dans son métier. (...) Ce qui est regrettable c'est que tu n'hésites pas une seule seconde à me faire des reproches et remarques négatives quand dans l'une de mes actions et taches, il y a eu malencontreusement un oubli ou une erreur, même minime sans aucun impact pour l'entreprise. Par contre jamais et pas une seule fois tu es venu me remercier ou me féliciter, lorsque le travail a été bien fait ou lors d'une implication et ou d'investissement sur des taches ou des missions. (...)'.

La cour relève en premier lieu que l'évaluation du salarié est contradictoire ce qui implique qu'il puisse formuler des remarques en réponse aux critiques formulées par son supérieur hiérarchique ce qui est le cas en l'espèce. Les observations de M. [TZ] ne comportent pas de termes insultants, injurieux, diffamatoires, agressifs ou excessifs étant observé qu'il a le droit d'exprimer un ressenti qui est la souffrance au travail, que la cour en outre a précédemment retenue.

M. [Z] lui a adressé un compte rendu d'entretien qu'il a amendé en ces termes dans un courriel en réponse du 3 juin 2019 : ' (...) outre mon entretien annuel 2019 portant sur l'année 2018, je continue de constater que mon responsable hiérarchique direct continue de critiquer de manière humiliante et régulière le travail que je fournis, une des raisons l'ayant conduit à m'infliger à tors une sanction. Cette attitude ne me paraît pas constructive la preuve que le conseil des prud'hommes a statué et débouter l'EPIC Campus France à ce sujet. Ce précédent qui vient d'être décrit que j'observe persister voire s'intensifier me contraint à venir au travail la peur au ventre comme une épée de Damoclès pointée en permanence au-dessus de ma tête.(...) J'ai fait ce choix malgré la souffrance au travail que je vis au quotidien (...) Je souhaite que les pressions, remarques, critiques non justifiées à mon encontre cessent malgré que je permets d'émettre des réserves sur l'année 2019 (...). ' . Il en ressort que le précédent évoqué dans les propos repris par l'employeur dans la lettre de licenciement est l'avertissement évoqué ci-dessus et dont la cour a retenu qu'il participait du harcèlement moral subi par le salarié. L'évocation d'une souffrance au travail a déjà été analysée. Enfin, si M. [TZ] indique effectivement souhaiter que les pressions, remarques, critiques non justifiées à son encontre cessent, il indique quelques lignes auparavant ne pas remettre en cause les compétences de son supérieur hiérarchique. En outre, la cour constate que les propos tenus ne sont pas de nature à caractériser un abus dans la liberté d'expression.

Enfin, il sera rappelé qu'il appartient à celui qui invoque une mauvaise foi de la rapporter ce que l'EPIC Campus France ne fait pas dans la mesure où le salarié a exprimé un ressenti alors que son état de santé était dégradé comme le démontrent les éléments médicaux précédemment analysés. En outre, il a déjà été relevé par la cour que le rapport du cabinet REHALTO ne portait pas sur la relation individuelle de travail de M. [TZ] mais sur des 'tensions exprimées par un salarié de la DSI' comme l'indique l'employeur dans la lettre de licenciement.

. Sur le fait d'avoir adressé un courriel par l'intermédiaire de la liste de diffusion 'Campus France' en violation du règlement intérieur, ses propos portant atteinte à M. [K] et à l'établissement

L'EPIC Campus France soutient que M. [TZ] a par ce courriel, pris à parti l'ensemble des salariés et a porté atteinte à l'image de l'employeur et des conditions de travail. Il ajoute que le collectif auquel appartenait M. [TZ] a terni également son image en adressant une lettre aux ministères de tutelle.

M. [TZ] fait valoir qu'après son malaise reconnu comme un accident du travail, il a utilisé cette liste de diffusion pour remercier ses collègues qui lui avaient manifesté un soutien. Il ajoute que cette liste est fréquemment utilisée par tous.

La cour relève que le règlement intérieur auquel est annexé une charte informatique invoqué dans la lettre de licenciement, interdisant selon la lettre de licenciement le recours à cette liste de diffusion, n'est pas évoqué dans les conclusions de l'intimé et n'est pas produit. En conséquence, il n'est pas démontré que M. [TZ] a contrevenu à l'interdiction de l'utiliser.

D'autre part,ce courriel est ainsi rédigé : ' (...) Sans rentrer dans les détails, plusieurs faits étant connus ici à Campus France. Informations tombées dans le domaine public, ainsi que le jugement du conseil de prud'hommes m'ayant donné raison, à cela j'avais cru comprendre et espérer que l'acharnement que je subis sur mon lieu de travail depuis plus de deux ans allait cesser. Visiblement le cas n'apparaît pas aller dans ce sens et j'ai été surpris que mes nerfs aient violemment lâché tout d'un coup sur mon lieu de travail. Je m'interroge si cette convocation par courrier AR et surtout la manière d'en rajouter en me sonnant par mail quelques jours plus tard (ce vendredi) pour une perspective de sanction ou de perte d'emploi pointée sur ma tête depuis plusieurs années étaient si nécessaire. Par ailleurs cette attitude et cette façon de faire ne correspondent pas du tout à l'intérêt que la direction a montré ces dernières semaines au sujet de la gestion des risques pyschosociaux dans l'entreprise, ce qui démontre une fois de plus que ce sujet n'est pas pris au sérieux par nos dirigeants.(...)' . Il en ressort qu'il ne comporte pas de propos incriminants à l'encontre de M. [K], de termes insultants, injurieux, diffamatoires, agressifs ou excessifs dépassant le cadre de la liberté d'expression et caractérisant son abus.

Enfin, la cour relève qu'il n'est pas reproché au salarié dans la lettre de licenciement un courrier du collectif auquel il participait et que la pièce produite à ce titre par l'EPIC Campus France est postérieure au licenciement comme étant datée du 20 novembre 2019.

Dès lors, la cour retient que ces griefs ne sont pas établis.

Sur les manquements et négligences professionnelles

Ces griefs sont ainsi formulés :

'Conformément à votre fiche de poste, vous êtes tenu d'assurer l'installation et la garantie de fonctionnement des équipements informatiques et/ou téléphoniques (matériels et logiciels) liés au poste de travail des salariés de Campus FRANCE. Dans ce cadre, vous devez gérer le parc informatique. De plus, conformément aux dispositions de notre règlement intérieur, nous vous rappelons que 'dans l'exécution de son travail, chaque salarié doit être attentif aux instructions qui lui sont données'. A ce titre, nous attendions de vous rigueur et professionnalisme. Or, nous avons eu à déplorer un non-respect de notre réglementation interne et constatons que vous avez fait preuve de négligence fautive dans la réalisation de vos missions.

' Non-respect des procédures de prêt et de restitution du matériel

Il apparaît que vous ne respectez pas les procédures obligatoires de prêt et de réception de matériel mises en place par votre responsable par emails du 27 septembre 2018 lesquelles prévoient de compléter une fiche de prêt avec notamment la signature du demandeur lors de l'emprunt et lors de la restitution. Par email du 14 mai 2019, votre responsable après avoir constaté que vous n'aviez pas respecté ces procédures lors du prêt d'ordinateurs pour 3 salariées, vous a alerté sur le sujet : 'En ajoutant ce matin le formulaire réception de matériel pour le nouveau Samsung, je m'aperçois que les formulaires de prêt de matériel ne sont pas remplis correctement. La restitution de [VN] n'a pas été faite. [Y] est partie avec un portable sans aucune fiche de prêt. Merci de respecter les procédures mises en place'. Vous n'avez pas pris la peine de répondre à ce message. De plus, ces procédures préconisent une mise en sécurité des matériels dans un local fermé à clés. Cette procédure n'a pas été respectée entre le vendredi 7 juin 2019 et le mardi 11 juin matin. En effet, le mardi 11 juin 2019 matin, votre responsable, à son arrivée, a constaté qu'un ordinateur portable était non attaché sur votre bureau. Il a aussi constaté la présence d'un ensemble de matériel (dont 2 ordinateurs portables) dans le caisson ouvert (non fermé à clés) de votre bureau. Monsieur [K], vous a alors adressé un email à ce sujet le 11 juin 2019 : ' Bonjour, Peux-tu être vigilant à ne laisser aucun ordinateur portable sur ton bureau non attaché ' Je te rappelle que nous avons le local sous clés prévu à cet effet. Bien à toi ». Vous n'avez pas jugé utile de répondre à cet email. Or, il vous appartient d'être garant de la sécurité du matériel en vous assurant que les procédures sont bien respectées.

' Gestion défaillante de l'équipement informatique

- Par email du 3 avril 2019, Monsieur M. [JY] Responsable du service numérique vous a demandé de passer commande d'un éclairage Led sur pied et d'un micro extérieur. Il vous a adressé en complément les préconiserions de matériel d'un expert par email du 10 avril 2019.

Sans nouvelle de votre part concernant cette demande, votre responsable vous a demandé par email du 17 mai 2019 'La commande est lancée ' ». A ce jour, un seul élément a été commandé et a été réceptionné. Les autres demandes d'achat ont été déposées sur le bureau de Madame [X] [B], Assistante de Direction, le 12/06/2019. Le 21 décembre 2019, une commande d'ordinateurs portables LENOVO a été passée par Monsieur [P], Responsable des marchés publics. Le matériel a été livré le 18 février 2010. Conformément à votre fiche de poste, vous êtes tenu de procéder à l'installation des équipements informatiques. Le 21 mai 2010, par emails adressés à votre responsable, plusieurs salariés se sont étonnés de ne toujours pas avoir reçus les ordinateurs commandés en décembre 2018 et livrés en février 2019. Monsieur [R] a écrit 'Je me rappelle à vos bons souvenirs... voilà plus de trois mois que j'ai fait cette demande... Peux-tu voir ce qu'il en est... il me semble qu'ils ont été commandés, préparés, que les licences sont arrivées, bref que les astres sont alignés ». Monsieur [CH], faisant suite à l'email de Monsieur [R], a écrit : 'Je profite du mail d'[L] car je devais justement t'écrire ce matin pour le même sujet concernant [RC] qui a aussi demandé un portable depuis très longtemps et c'est vraiment important qu'elle puisse en avoir un. Il y a certainement une explication mais une durée aussi longue pour des portables ça me parait énorme, à moins que d'autres ont été servis avant ''. Madame [GX] enfin a ajouté : 'Pour mémoire également : il y a aussi Aida (en plus de moi) qui attend depuis bien longtemps'. Votre responsable vous a alors demandé par email du 21 mai 2019 : 'Peux-tu me donner, lorsque que tu seras au bureau, une date de livraison aux utilisateurs pour les portables de [N], [L] et [RC]. Je suis constamment relancé et je ne te cache pas, compte tenu des délais, que je peux comprendre leur insatisfaction, quant à leur remplacement de machine'. Encore une fois, vous n'avez pas pris la peine de répondre à l'email de votre responsable hiérarchique. A la date du 12 juin 2019, Monsieur [R] était toujours dans l'attente de la remise de son ordinateur. Par email du 15 mars 2019 (objet : 'renouvellement par informatique web et applications-relance'), Madame [LK] [C] responsable de service, vous a relancé au sujet de sa demande de nouveaux PC pour les collaborateurs de son service. A la date du 13 juin 2019, aucun ordinateur n'avait été commandé. Par ailleurs, conformément à votre fiche de poste, vous participez à la mise en 'uvre de projets et installez les mises à jour des logiciels. Au cours d'une réunion relative au déploiement de la nouvelle version de l'application de gestion le 17 mai 2019, il a été convenu de mettre à jour le logiciel Chrome et d'effectuer les paramétrages correspondants sur l'ensemble des ordinateurs des salariés de Campus FRANCE.

Aux termes du compte-rendu adressé par email le 18 mai 2019, il avait été convenu : 'Tout doit être finalisé pour le 27 mai. La version Chrome retenue est la 73.0.3683 86. Merci de me faire remonter un tableau (mardi soir et vendredi matin) avec le nom des personnes et si les mises à jours et paramétrages sont réalisés. L'idée est d'avoir la liste des personnes qui étaient absentes cette semaine et de les traiter la semaine prochaine'. Etait également joint à cet email la liste du matériel devant être mis à jour au plus tard le 27 mai 2019. Vous avez été absent du 20 mai au 22 mai matin. Votre responsable vous a demandé un état d'avancement par emails des 22 et 23 mai et une réunion sur le sujet a été planifiée le 27 mai 2019 à 14h30 dans la mesure où il n'avait aucune visibilité sur les actions entreprises suite à l'envoi du compte-rendu du 18 mai 2019. Il est regrettable que votre responsable soit obligé de vous relancer pour connaître votre état d'avancement des dossiers/missions en cours. En toute hypothèse, à la date du 13 juin 2019, après vérification, plusieurs ordinateurs n'étaient toujours pas à jour. Dans le cadre de vos missions de gestion du parc informatique, il vous est demandé de procéder à l'inventaire du matériel informatique. L'inventaire est réalisé au moyen d'ITOP, logiciel de gestion du parc informatique, qui permet d'avoir un suivi précis. Or, aux termes de l'email que vous a adressé Monsieur [A] le mercredi 29 mai 2019 il apparaît que 57 PC étaient mal répertoriés (les références systèmes de ces PC n'étaient pas à jour dans ITOP). Vous n'avez pas pris la peine de répondre à cet email et de procéder à la correction des références pour ces 57 PC. A titre d'exemple, le PC utilisé par Monsieur [YR] [J] est affecté dans ITOP à Madame [O] [D]. Or, en votre qualité de technicien d'exploitation helpdesk et poste de travail il vous appartient de procéder à un inventaire complet et régulier du matériel informatique. Nous ne pouvons tolérer un tel manque de rigueur dans la réalisation de vos missions. Votre manque de rigueur nuit à la qualité des services attendus de nos salariés et plus largement au bon fonctionnement de notre établissement.(...)'.

Sur le non-respect des procédures de prêt et de restitution du matériel

L'EPIC Campus France auquel incombe la charge de la preuve de la faute grave, produit à ce titre deux courriels du 27 septembre 2018 de M. [K] transmettant à trois salariés deux documents intitulés 'procédure réception matériel informatique' et 'procédure de prêt de matériel', le courriel du 14 mai 2019 de ce supérieur hiérarchique cité dans la lettre de licenciement et le courriel du 11 juin 2019 cité dans la lettre de licenciement auquel sont jointes deux photos.

La cour constate que ne sont pas produits les formulaires de prêt critiqués par l'employeur dans la lettre de licenciement et qu'aucune pièce n'est produite au soutien de l'allégation d'une 'absence de restitution de [VN]' et d'une absence de fiche de prêt pour la remise d'un ordinateur à '[Y]'. Au surplus et bien que la charge de la preuve ne lui incombe pas, M. [TZ] indique sans être contredit que l'ordinateur n'a pas été restitué par la première salariée de sorte qu'aucune fiche de restitution ne devait être établie et que le service informatique n'a pas remis à la seconde salariée un ordinateur de sorte qu'il n'y avait pas de fiche de prêt à renseigner. En outre, la cour relève que les deux courriels indiquant la procédure à suivre ont été adressés à deux autres salariés.

A l'appui d'une non-mise en sécurité des matériels informatiques, l'EPIC Campus France vise uniquement dans ses écritures le courriel de M. [K]. Les photos jointes ne permettent pas d'identifier que cet ordinateur a été laissé sur le bureau de M. [TZ] comme allégué par son supérieur hiérarchique. M. [TZ] indique qu'il ne disposait pas des clés du local et produit à ce titre un courriel qu'il a adressé à M. [K] le 28 septembre 2018 dans lequel il indiquait ne pas avoir la clé du local et en sollicitait la remise. En réponse, l'employeur ne produit aucun élément de nature à démontrer que cette clé a été effectivement remise à M. [TZ].

En conséquence, la cour retient que le grief de non-respect des procédures de prêt et de restitution du matériel n'est pas établi.

Sur la gestion défaillante de l'équipement informatique

A l'appui de ce grief, l'EPIC Campus France produit aux débats des courriels concernant des réclamations de salariés demandant où en sont les commandes passées et un courriel de M. [K] concernant les installations Chrome.

S'agissant de la commande pour M. [FI], la cour relève que la demande a été formalisée pour la dernière fois le 10 avril 2019, que M. [K] a demandé le 17 mai 2019 où en était la commande et qu'aucun élément produit au dossier ne permet de déterminer à quelle date la commande a été effectivement passée par M. [TZ] et donc de caractériser un retard conséquent étant observé que le salarié indique qu'il n'est pas spécialiste de matériel audio-visuel et qu'il n'aurait pas dû être chargé de cette commande. Le fait que la lampe LED a été réceptionnée le 6 juin ne suffit pas établir le délai excessif apporté à cette commande.

Concernant les commandes d'ordinateurs, l'EPIC Campus France verse aux débats un courriel de Mme [C] adressé à M. [TZ] le 15 mars 2019 pour une commande d'ordinateurs ainsi que la transmission de cette demande par M. [K] à M. [F], juriste RH, le 13 juin 2019 indiquant que la commande n'a pas été effectuée. Ce seul élément ne permet pas de démontrer que cette commande n'a pas été effectuée, cette indication par un simple courriel émanant du supérieur hiérarchique du salarié au surplus dans le cadre d'un contentieux les opposant.

S'agissant des installations d'ordinateurs, l'EPIC Campus France produit des courriels concernant la non-installation d'ordinateurs livrés selon l'employeur en février 2019. Cependant, aucun élément n'est produit par l'employeur pour justifier d'une livraison à cette date et donc d'un retard conséquent d'installation.

Concernant la mise à jour du logiciel Chrome, l'EPIC Campus France produit aux débats un courriel du 18 mai 2019 de M. [K] indiquant les éléments à effectuer et fixant comme date de fin des opérations le 27 mai et un courriel du 23 mai demandant à M. [TZ] un état des lieux. Il lui est reproché dans la lettre de licenciement de ne pas avoir donné de visibilité à son supérieur hiérarchique ce qui l'aurait contraint à organiser une réunion le 27 mai 2019. La cour constate que M. [TZ] a répondu à la demande de M. [K] le 23 mai à 10 heures 28 alors que le premier courriel lui a été adressé le samedi 18 mai, qu'il a été absent du 20 au 22 mai au matin, et qu'il résulte de ce courriel que les travaux étaient avancés. L'EPIC Campus France ne produit ps d'élément quant à l'organisation d'une réunion le 27 mai pour pallier l'insuffisance de renseignements apportés par M. [TZ] ni sur la non-mise à jour d'ordinateurs.

Enfin, le dernier manquement invoqué dans la lettre de licenciement afférent à l'inventaire du parc informatique n'est pas soutenu pas l'EPIC Campus France dans le cadre de ses conclusions et il ne vise pas de pièce à ce titre, étant observé au surplus qu'aucune pièce démontrant l'existence d'erreurs à ce titre n'est produite.

Il résulte de cette analyse que ces griefs ne sont pas établis.

En conséquence, le licenciement de M. [TZ] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et il appartient dès lors à l'EPIC Campus France d'établir que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice par M. [TZ] de son droit d'agir en justice.

L'EPIC Campus France souligne en premier lieu le délai entre l'avertissement, la décision du conseil de prud'hommes et le licenciement. Il fait valoir ensuite qu'il a accepté la décision dès lors qu'il n'en a pas fait appel. Cependant, la cour relève que l'avertissement, la procédure judiciaire et l'annulation de ce dernier survenue seulement neuf mois avant le licenciement ont donné lieu à de nombreux échanges et évocations entre les parties tout au long de la relation contractuelle et que le fait qu'une partie ne fasse pas appel d'une décision est inopérant pour démontrer qu'elle n'a pas mis en oeuvre une mesure de rétorsion, ce d'autant que dans le cadre de ses écritures et malgré la décision du conseil de prud'hommes, l'EPIC Campus France persiste à indiquer que M. [TZ] s'était 'affranchi de la moindre des obligations consistant à prévenir de son départ un supérieur hiérarchique'.

En outre, la cour constate que la lettre de la directrice générale de l'EPIC Campus France à M. [TZ] précédemment analysée dans le cadre du harcèlement moral est datée du 15 juin 2018, soit deux jours après l'audience du conseil des prud'hommes de Paris au cours de laquelle cette sanction a été examinée.

La cour retient en conséquence que l'EPIC Campus France échoue à démontrer que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice par M. [TZ] de son droit d'agir en justice.

La cour constate en outre que le licenciement de M. [TZ] dépourvu de cause réelle et sérieuse est intervenu pendant une période de suspension de son contrat de travail dans le cadre d'un accident du travail de sorte que par application des dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail, son licenciement est nul sans qu'il soit besoin d'examiner d'autres moyens.

Dès lors, la nullité du licenciement de M. [TZ] sera prononcée.

Sauf impossibilité matérielle, la réintégration sollicitée par le salarié doit être ordonnée.

L'EPIC Campus France n'invoque pas une impossibilité matérielle.

Dès lors, la réintégration de M. [TZ] sera ordonnée.

Le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration, a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé. Cependant, lorsque la nullité du licenciement résulte d'une atteinte à une liberté fondamentale, aucune déduction de salaire ne peut être opérée.

Il convient en conséquence de condamner l'EPIC Campus France à payer à M. [TZ] une indemnité représentative des salaires dont il a été privé à compter du licenciement jusqu'au jour de sa réintégration effective, cette créance s'élevant d'ores et déjà à la somme de 120 511,04 euros pour la période du 1er juillet 2019 au 28 février 2022.

La décision des premiers juges sera infirmée sur ces chefs de demande.

Sur la demande de publication

M. [TZ] ne développe aucun moyen sur ce chef de demande dans ses conclusions de sorte que par application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'en est pas saisie.

Sur le cours des intérêts

En application de l'article 1231-7 du code civil, les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter de la décision qui les prononce, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du même code.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie perdante, l'EPIC Campus France sera condamné au paiement des dépens. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a mis les dépens à la charge de M. [TZ].

L'EPIC Campus France sera condamné à payer à M. [TZ] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la décision des premiers juges étant infirmée à ce titre. L'EPIC Campus France sera débouté de sa demande à ce titre, la décision étant confirmée en ce qu'elle l'a débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE l'établissement public industriel et commercial Campus France à payer à M. [SM] [TZ] la somme de :

- 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et violation de l'obligation de sécurité,

PRONONCE la nullité du licenciement de M. [SM] [TZ],

ORDONNE la réintégration de M. [SM] [TZ] au sein de l'établissement public industriel et commercial Campus France,

CONDAMNE l'établissement public industriel et commercial Campus France à payer à M. [SM] [TZ] une indemnité représentative des salaires dont il a été privé à compter du licenciement jusqu'au jour de sa réintégration effective, cette créance s'élevant d'ores et déjà à la somme de 120 511,04 euros pour la période du 1er juillet 2019 au 28 février 2022,

CONDAMNE l'établissement public industriel et commercial Campus France à payer à M. [SM] [TZ] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que ces sommes portent intérêts au taux légal à compter de la présente décision, ceux-ci étant capitalisés dès lors qu'ils seront dus pour une année entière,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE l'établissement public industriel et commercial Campus France aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/04946
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;21.04946 ?
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