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09/03/2023 | FRANCE | N°18/08528

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 09 mars 2023, 18/08528


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 09 MARS 2023



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08528 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5SRV



Décision déférée à la Cour : jugement du 26 mars 2018 - tribunal de grande instance de Paris - RG n° 17/03627



APPELANTE



Compagnie d'assurances MAIF

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Isabelle DUQUESNE

CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : A0895

Assistée par Me Clémentine SOULIE, avocat au barreau de PARIS



INTIMES



Monsieur [S]-[P] [U]

Décédé le [Date décès 1] 2019

[Adresse 5...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 09 MARS 2023

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08528 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5SRV

Décision déférée à la Cour : jugement du 26 mars 2018 - tribunal de grande instance de Paris - RG n° 17/03627

APPELANTE

Compagnie d'assurances MAIF

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Isabelle DUQUESNE CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : A0895

Assistée par Me Clémentine SOULIE, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Monsieur [S]-[P] [U]

Décédé le [Date décès 1] 2019

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représenté par Me Daniel BERNFELD de l'ASSOCIATION BERNFELD - OJALVO & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R161

assisté par Me Elvire PANET, avocat au barreau de PARIS

CPAM DE SEINE SAINT DENIS

[Adresse 3]

[Localité 8]

n'a pas constitué avocat

PARTIR INTERVENANTE

DIRECTION NATIONALE D'INTERVENTIONS DOMANIALES curateur en la succession vacante de M. [U]

[Adresse 16]

[Localité 10]

Représenté par Me Daniel BERNFELD de l'ASSOCIATION BERNFELD - OJALVO & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R161

assisté par Me Elvire PANET, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Dorothée DIBIE, conseillère dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Emeline DEVIN

ARRET :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Nina TOUATI, présidente de chambre pour la présidente empêchée et par Emeline DEVIN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Le vendredi 30 septembre 2013, [S]-[P] [U], né le [Date naissance 2] 1957, qui circulait au guidon de son scooter a été victime, à [Localité 17], d'un accident après un heurt avec le vélo que conduisait M. [Y] [Z] assuré auprès de la société MAIF (ci-après « la MAIF »).

Une expertise amiable a été réalisée par le Docteur [D] [G] qui a remis son rapport le 4 septembre 2014.

Par exploits des 14 et 22 février 2017, [S]-[P] [U] a fait assigner la société MAIF et la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (la CPAM) devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'indemnisation de ses préjudices.

Par jugement rendu le 26 mars 2018, cette juridiction a :

- Dit que le droit à indemnisation de [S] [P] [U] des suites de 'l'accident de la circulation' survenu le 30 septembre 2013 est entier,

- Condamné la MAIF à payer à [S]-[P] [U] la somme de 24 821,28 euros à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, en réparation des préjudices suivants :

- dépenses de santé actuelles : 68,50 euros

- perte de gains professionnels actuels : 366,84 euros

- assistance par tierce personne : 3 185,94 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 650 euros

- souffrances endurées : 8 000 euros

- déficit fonctionnel permanent 6 550 euros

- préjudice d'agrément : 6 000 euros

Cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour

- Condamné la MAIF aux dépens et à payer à [S]-[P] [U] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour.

- Dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auront fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement à concurrence des deux tiers de l'indemnité allouée et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens.

Par déclaration du 25 avril 2018, la MAIF a relevé appel de cette décision dont elle a critiqué en premier lieu, l'application de la loi du 5 juillet 1985 alors que le recours de [S]-[P] [U] (automobiliste) contre la MAIF (assureur d'un cycliste) ne peut être fondé sur les dispositions de cette loi, mais uniquement sur le fondement de l'article 1242, alinéa 1, du code civil (ancien article 1384, alinéa 1) ; en deuxième lieu, d'avoir dit et jugé que le droit à indemnisation de [S]-[P] [U] était entier ; enfin, de l'avoir condamnée à payer à [S]-[P] [U] la somme de 24 821,28 euros comprenant de surcroît la somme de 3 185,94 euros au titre de la tierce personne.

La CPAM, à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 2 juillet 2018, par acte d'huissier délivré à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

[S]-[P] [U] est décédé le [Date décès 7] 2019.

Saisi par la MAIF, le président du tribunal judiciaire de Bobigny a, par ordonnance du 3 septembre 2021, désigné la Direction Nationale d'Interventions Domaniales (DNID), en qualité de curateur à la succession vacante de [S]-[P] [U], qui est intervenue volontairement à la présente instance.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de la MAIF, notifiées le 5 décembre 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour, au visa l'article 1384, alinéa 1 (ancien) du code civil de:

- Infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 26 mars 2018 en ce qu'il a évalué les préjudices d'assistance par tierce personne, de souffrances endurées, d'agrément et les déficits fonctionnels temporaire et permanent comme suit :

- assistance par tierce personne : 3.185,94 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 650 euros

- souffrances endurées : 8 000 euros

- déficit fonctionnel permanent 6 550 euros

- préjudice d'agrément : 6 000 euros

- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la MAIF à régler l'intégralité de la somme allouée à [S]-[P] [U] par le tribunal en réparation de son préjudice et non 50 % de celle-ci ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la MAIF à régler 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

En conséquence,

- Limiter l'évaluation des préjudices de [S]-[P] [U] au titre des postes d'assistance par tierce personne, de souffrances endurées, de préjudice d'agrément et de déficits fonctionnels temporaire et permanent, comme suit :

- assistance par tierce personne : 1 209 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 2.936,70 euros

- souffrances endurées : 6 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 972,25 euros

- préjudice d'agrément : 1 500 euros

Ainsi,

- Limiter l'évaluation du préjudice subi par [S]-[P] [U] à la somme de 13.053,29 euros ' avant partage de responsabilité ' et déduction faite de la créance de la CPAM selon détails suivant (postes infirmés et confirmés) :

- dépenses de santé actuelles : 68,50 euros

- perte de gains professionnels actuels : 366,84 euros

- assistance par tierce personne : 1 209 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 2.936,70 euros

- souffrances endurées : 6 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 972,25 euros

- préjudice d'agrément : 1 500 euros

- Vu que [S]-[P] [U] par son comportement a commis une faute de nature à réduire son droit à indemnisation de 50 %, limiter l'indemnisation de la DNID ès qualités et de la CPAM à hauteur de 50 % de la somme évaluée ci-dessus, compte tenu du partage de responsabilité,

- Débouter la DNID ès qualités de ses demandes, fins et conclusions contraires,

- Débouter la DNID ès qualités de toute demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure de première instance, comme pour la procédure d'appel,

- Condamner la DNID ès qualités aux dépens.

Vu les conclusions de la DNID ès qualités, notifiées le 5 décembre 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour, au visa des articles 1242, alinéa 1, du code civil (ancien article 1384, alinéa 1, du code civil), L. 124-3 du code des assurances, et 370 et 373 du code de procédure civile, de :

- la dire et juger recevable et bien fondée à reprendre l'instance à laquelle [S]-[P] [U], décédé le [Date décès 7] 2019, était partie,

- la dire et juger recevable et bien fondée en son appel incident du jugement rendu le 26 mars 2018 par le tribunal de grande instance de Paris,

En ce qui concerne le droit à indemnisation de [S]-[P] [U] :

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la loi du 5 juillet 1985 sur les accidents de la circulation était applicable au cas d'espèce,

Statuant à nouveau :

- Dire et juger que la responsabilité de M. [Z], gardien de son vélo, est engagée dans l'accident dont a été victime [S]-[P] [U] le 30 septembre 2013,

- Dire et juger que [S]-[P] [U] n'a commis aucune faute de nature à limiter la réparation de son préjudice,

- En conséquence, condamner la MAIF, assureur de M. [Z], à indemniser intégralement les conséquences dommageables de l'accident dont a été victime [S]-[P] [U] le 30 septembre 2013,

En ce qui concerne la liquidation du préjudice de [S]-[P] [U] :

- Confirmer le jugement entrepris s'agissant de l'évaluation des postes de préjudice suivants :

- dépenses de santé actuelles : 68,50 euros

- souffrances endurées : 8 000 euros

- Infirmer le jugement entrepris s'agissant de l'évaluation des autres postes de préjudice et, statuant à nouveau, les évaluer de la façon suivante :

- Tierce personne temporaire : 4 040 euros

- Perte de gains professionnels actuels : 1 043,84 euros

- Déficit fonctionnel temporaire : 4 066,20 euros

- Déficit fonctionnel permanent : 2 524,50 euros

- Préjudice d'agrément : 2 000 euros

- En conséquence, condamner la MAIF à verser à la DNID, ès-qualités, la somme globale de 21 743,04 euros, en réparation des préjudices subis par [S]-[P] [U], déduction faite de la créance de la CPAM et des heures effectuées par l'aide à domicile réglée par la MAIF,

En ce qui concerne les autres dispositions :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Condamné la MAIF à payer à [S]-[P] [U] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit et jugé que les sommes allouées à [S]-[P] [U] porteront intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2018,

- Condamné la MAIF aux entiers dépens,

Y ajoutant :

- Condamner la MAIF à payer à la DNID, ès qualités, en cause d'appel, la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dire et juger que les sommes qui seront allouées à la DNID, ès qualités, porteront intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir pour le surplus,

- Déclarer la décision à intervenir commune à la CPAM,

- Condamner la MAIF aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Daniel Bernfeld, avocat aux offres de droit.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour constate que la Direction Nationale d'Interventions Domaniales (DNID) est intervenue volontairement à l'instance en sa qualité de curateur à la succession vacante de [S]-[P] [U].

Sur le droit à indemnisation de [S]-[P] [U]

Le tribunal a retenu 'l'implication dans l'accident dont a été victime [S]-[P] [U], du vélo de M. [Z] sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985" et a jugé entier le droit à indemnisation de [S]-[P] [U] dans la mesure où aucune faute à l'encontre de ce conducteur victime n'est caractérisée.

Les parties contestent l'application de ce texte à un cycliste mais reconnaissent néanmoins la responsabilité de M. [Z] sur le fondement de la responsabilité du fait des choses dont on a la garde régie par l'article 1384, alinéa 1 du code civil, devenu l'article 1242, alinéa 1, du même code.

Sur ce, l'article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation précise que « les dispositions du présent chapitre s'appliquent, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres ».

Dès lors, ce texte qui régit les accidents de la circulation dans lesquels sont impliqués des véhicules terrestres à moteur est inapplicable aux victimes d'un accident occasionné par un vélo.

La responsabilité de l'assuré de la MAIF dans l'accident dont [S]-[P] [U] a été victime le 30 septembre 2013, doit donc être recherchée sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1, du code civil devenu l'article 1242, alinéa 1, du même code.

Ce texte précise que « on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde ».

En l'espèce, la MAIF ne conteste pas la responsabilité de son assuré, M. [Z], gardien du vélo, dans l'accident du 30 septembre 2013, mais invoque la faute de [S]-[P] [U] pour voir limiter à 50 % son droit à indemnisation.

Se fondant sur le témoignage de M. [Z] recueilli au moment des faits, elle fait valoir que [S]-[P] [U], arrêté au feu rouge, à la gauche de M. [Z], avait actionné son clignotant gauche, lui signifiant ainsi son intention de tourner avant de se raviser, sans mettre en arrêt son clignotant, commettant ainsi une faute d'inattention en démarrant droit devant lui, alors que son changement d'intention aurait dû, au contraire, accentuer sa vigilance et que M. [Z] avait déjà amorcé son virage à gauche, clairement signifié par un geste de son bras.

La DNID conteste la faute d'inattention de [S]-[P] [U] en soulignant qu'après avoir effectivement enclenché son clignotant gauche, au feu rouge, il a décidé d'aller tout droit - ce que lui permettait son positionnement sur la chaussée - et a arrêté son clignotant avant que le feu ne passe au vert et donc avant son démarrage.

Elle précise que la MAIF ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, d'une faute de [S]-[P] [U] dans la mesure où les versions des faits des deux protagonistes sont contraires, quant à l'arrêt du clignotant gauche du scooter, et qu'il n'y a pas de témoin des faits.

Elle ajoute que M. [Z] avait un positionnement inadapté sur la chaussée puisqu'il est passé, sans s'arrêter au feu rouge, à la droite de [S]-[P] [U] tout en ayant l'intention de tourner à gauche, lui coupant ainsi la route, comme le prouvent le point d'impact et le fait qu'il se soit trouvé devant le scooter alors qu'il est bien plus lent.

Sur ce, si en présence d'une faute de la victime présentant le caractère de la force majeure l'exonération du gardien de la chose instrument du dommage peut être totale, ce dernier est partiellement exonéré de sa responsabilité s'il prouve que la faute de la victime a contribué à la réalisation du dommage.

En l'espèce, il appartient à la MAIF, qui invoque une limitation du droit à indemnisation de [S]-[P] [U], de rapporter la preuve d'une faute de ce dernier.

Le procès-verbal établi par les services de police le jour des faits, précise simplement, concernant les circonstances de l'accident, que « un cyclomoteur (...) et un cycliste (...) circulent tous les deux sur le [Adresse 18] en direction de [Adresse 11] arrivés au niveau de l'angle avec le [Adresse 12], le cycliste tourne à gauche mais le cyclomoteur continue tout droit. Le cyclomoteur tape la roue arrière du vélo perd le contrôle de son scooter et tombe au sol (...) ». Il précise également, quant aux conséquences matérielles de l'accident : «  concernant le scooter, garde boue avant rayé et le pare brise cassé et concernant le vélo, roue arrière cassée ».

Ces éléments sont insuffisants à établir une faute de la victime.

M. [Z] a déclaré « J 'étais au feu rouge du [Adresse 18] pour tourner à gauche afin de prendre le [Adresse 12]. Le scooter à ma gauche avait son clignotant pour prendre le [Adresse 12]. J'ai amorcé mon virage en tendant le bras pour prendre la piste cyclable. Le scooter au lieu de tourner est allé tout droit et a percuté ma roue arrière. Le conducteur est tombé ».

Néanmoins, cette version des faits est contredite par celle figurant dans la déclaration sur l'honneur de [S]-[P] [U], en date du 23 octobre 2013, dans laquelle il précise : « (...) je me suis arrêté au feu rouge (...) Avant de m'arrêter au feu, j'avais également mis mon clignotant à gauche pour m'orienter vers [Adresse 13]. Mais pendant cette attente, j'ai choisis de changer mon itinéraire et d'aller tout droit vers [Adresse 14] pour rejoindre [Adresse 15] (...). J'arrête alors mon clignotant. A ce moment-là, le feu passe au vert : la voie est libre, il n'y a aucun vélo ni à droite, ni à gauche de moi, et je démarre naturellement. Je parcours quelques mètres quant tout à coup je vois surgir devant moi un vélo venant de ma droite qui me coupe carrément la route pour aller à gauche (...) ».

Il en résulte qu'en l'absence d'éléments objectifs venant l'étayer, la version des faits de M. [Z], contredite par celle de [S]-[P] [U], est insuffisante à démontrer une faute de la victime susceptible de réduire son droit à indemnisation.

Le jugement sera donc infirmé sur le fondement juridique retenu et confirmé en ce qu'il a reconnu que le droit à indemnisation de [S]-[P] [U] est entier.

Sur l'indemnisation

L'expert, le Docteur [G], a indiqué dans son rapport en date du 4 septembre 2014 que, [S]-[P] [U] a présenté à la suite de l'accident du 30 septembre 2013, une fracture multi-fragmentaire du cotyle droit et une petite fracture de la branche ischio-pubienne et qu'il demeurait des gênes douloureuses de la hanche droite.

Le Docteur [G] a conclu ainsi qu'il suit :

- [S]-[P] [U] a dû faire appel à des aides extérieures pour les courses, le ménage et la préparation des repas jusqu'à la reprise de son travail le 17 janvier 2014

- consolidation au 30 août 2014

- souffrances endurées de 3/7

- absence de dommage esthétique

- AIPP 5 %

- il existe un retentissement sur les activités d'agrément, tennis et ski contre-indiqués.

Son rapport constitue, sous les précisions qui suivent, une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le [Date naissance 2] 1957 et décédée le [Date décès 7] 2019 d'une cause sans lien avec l'accident, qui exerçait la profession de secrétaire trilingue à la date des faits, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale.

Par ailleurs, l'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue.

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Dépenses de santé actuelles

Ce poste de préjudice vise à indemniser l'ensemble des dépenses de santé, incluant les frais d'hospitalisation, médicaux et pharmaceutiques, exposés avant la date de la consolidation.

Les deux parties sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a fixé les dépenses de santé actuelles restées à charge à la somme de 68,50 euros étant précisé que, suivant débours définitifs de la CPAM du 5 août 2015, sa créance pour frais hospitaliers et médicaux s'élève à 1 579,99 euros.

Le jugement est confirmé.

- Assistance temporaire de tierce personne

Ce poste vise à indemniser, pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation, le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière temporaire, d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

Le tribunal a alloué la somme de 3 195,94 euros en retenant une aide de 2 heures par jour du 2 octobre 2013 au 17 janvier 2014 sur la base d'un taux horaire de 16 euros dont il a déduit l'aide ménagère financée directement par la MAIF à hauteur de 270,06 euros.

La MAIF soutient que le besoin en aide humaine durant cette période est limité à une heure par jour et retient un taux horaire de 13 euros, offrant ainsi la somme de 1 209 euros, après déduction de la somme de 270 euros au titre des heures d'aide ménagère effectuées auprès de [S]-[P] [U] par son prestataire.

La DNID sollicite la confirmation du jugement en ce qui concerne le nombre d'heures mais son infirmation concernant le taux horaire qu'elle sollicite de fixer à hauteur de 20 euros et la déduction de l'aide ménagère de la MAIF, qu'elle sollicite en nombre d'heures et non pas en coût, soit une somme totale de 4 040 euros.

Sur ce, les parties ne contestent pas la nécessité de la présence auprès de [S]-[P] [U] d'une tierce personne pour l'aider, comme le précise l'expert, pour le ménage et la préparation des repas jusqu'à la reprise de son travail le 17 janvier 2014.

Compte tenu des blessures subies à la suite de l'accident - une fracture multi-fragmentaire du cotyle droit et une petite fracture de la branche ischio-pubienne ayant conduit à utiliser des cannes anglaises -, il sera retenu la nécessité d'une aide humaine de 2 heures par jour du 2 octobre 2013 au 17 janvier 2014 (108 jours) soit 216 heures.

Il sera déduit de ces 216 heures, les 14 heures de prestations de la société DmusVi domicile effectuées du 4 au 19 octobre 2013 et financés par la MAIF - assureur du propriétaire du scooter prêté à [S]-[P] [U] - soit un total de 202 heures.

En retenant un taux horaire de 20 euros par jour, justifié par la nature du handicap, l'indemnité de tierce personne s'établit à : 202 heures x 20 euros = 4 040 euros.

Le jugement est infirmé.

- Perte de gains professionnels actuels

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

Le tribunal a liquidé ce poste de préjudice sur la base d'un revenu mensuel net moyen antérieur à l'accident de [S]-[P] [U] de 2 963,57 euros établi à partir du revenu net figurant sur ses bulletins de paie de juin à septembre 2013. Il a ensuite fixé la perte de gains professionnels à la somme totale de 10 471,28 euros, et a déduit les indemnités journalières versées par la CPAM pour un montant total de 10 104, 44 euros, allouant ainsi à [S]-[P] [U] la somme de 366,84 euros.

La MAIF conclut à la confirmation du jugement.

La DNID qui ne s'oppose pas aux calculs du tribunal concernant les revenus perçus par [S]-[P] [U] et ceux qu'il aurait dû percevoir, demande à la cour de

prendre en compte le montant net et non pas brut des indemnités journalières versées par la CPAM soit 9 427,44 euros portant ainsi la somme allouée à la victime à 1 043,84 euros.

Sur ce, il résulte de l'attestation de paiement des indemnités journalières établie par la CPAM le 28 février 2016, que les sommes versées à ce titre par la CPAM à [S]-[P] [U] du 1er octobre 2013 au 16 janvier 2014 sont les suivantes :

- du 1er octobre 2013 au 28 octobre 2013 : 2 154,04 euros dont 133,56 euros de CSG et 10,64 euros de RDS soit un montant net de 2 009,84 euros

- du 29 octobre 2013 au 16 janvier 2014 : 7 950,40 euros dont 492,80 euros de CSG et 40 euros de RDS soit un montant net de 7 417,60 euros

Soit un total net de 9 427,44 euros.

Les revenus ayant été établis en net, il convient également de prendre en compte le montant net des indemnités journalières, de sorte que la perte de gains professionnels actuels de [S]-[P] [U] est de 10 471,28 - 9 427,44 = 1 043,84 euros.

Le jugement est infirmé.

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation. Cette incapacité fonctionnelle totale ou partielle correspond aux périodes d'hospitalisation de la victime et inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Le tribunal a évalué ce poste de préjudice à la somme de 650 euros proposée par la MAIF en l'absence d'éléments probants.

La DNID sollicite la somme de 4 066,20 euros et la MAIF offre 2 936,70 euros.

Les parties s'accordent sur les périodes et taux de déficits fonctionnels temporaires ainsi que ci-dessous mentionnées mais s'opposent sur le montant du taux journalier d'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire, la DNID le fixant à 30 euros par jour et la MAIF à 650 euros par mois.

Sur ce, ce préjudice doit être réparé sur la base de 30 euros par jour pour un déficit total, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie et proportionnellement pendant la période d'incapacité partielle, soit :

- au titre du déficit fonctionnel temporaire total du 30 septembre 2013 au 2 octobre 2013 (3 jours) : 3 jours x 30 euros = 90 euros

- euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 75 % du 3 octobre 2013 au 17 janvier 2014 (107 jours) : 107 jours x 30 euros x 0,75= 90 euros

- euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 33 % du 18 janvier 2014 au 30 avril 2014 (103 jours) : 103 jours x 30 euros x 0,33 = 90 euros

- euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 15 % du 1er mai 2014 au 30 août 2014 (122 jours) : 122 jours x 30 euros x 0,15= 90 euros

- total : 4 066,20 euros.

Le jugement est infirmé.

- Souffrances endurées

Ce poste comprend l'indemnisation de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à dire du jour de l'accident jusqu'à celui de la consolidation.

La DNID conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a alloué la somme de 8 000 euros.

La MAIF sollicite sa réduction à la somme de 6 000 euros.

En l'espèce, il convient de prendre en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme initial, des divers examens et soins ; évalué à 3/7 par l'expert, justifie l'octroi d'une indemnité de 6 000 euros.

Le jugement est infirmé.

Préjudices extra-patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales).

Les parties s'accordent sur le principe d'une indemnisation prorata temporis en raison du décès de la victime le [Date décès 7] 2019 mais s'opposent sur son montant, le DNID sollicitant la somme de 2 524,50 euros et la MAIF offrant celle de 972, 25 euros.

Sur ce, le préjudice extra-patrimonial permanent doit être indemnisé prorata temporis sur la période du 30 août 2014, date de la consolidation de l'état de [S]-[P] [U], au [Date décès 7] 2019, date de son décès, soit 4 ans,7 mois et 9 jours.

Pour ce faire il y a lieu de déterminer une valeur annuelle du DFP en divisant l'indemnité qui serait allouée si [S]-[P] [U] était vivant par l'euro de rente viagère prévu par le barème de capitalisation de la Gazette du palais 2020 (taux de 0 %) pour un homme âgé de 56 ans à la date de consolidation, soit 25,761, puis de la multiplier par le nombre d'année de survie.

Le déficit fonctionnel permanent est caractérisé par une aggravation des douleurs préexistantes à l'accident, conduisant à un taux de 5 % justifiant compte tenu des souffrances morales et des troubles induits dans les conditions d'existence de [S]-[P] [U], la somme de 7 000 euros, de sorte que le calcul prorata temporis est le suivant : [7000/25,761)] x [4+(7/12)+(9/365)] = 1 245,98 euros.

Le jugement est infirmé.

- Préjudice d'agrément

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

Le tribunal avait alloué la somme de 6 000 euros.

La DNID sollicite la somme de 2 000 euros en tenant compte de la date de décès de [S]-[P] [U].

La MAIF l'évalue à 1 500 euros.

La DNID démontre que [S]-[P] [U] pratiquait régulièrement différents sports et notamment le tennis en tant que licencié d'un club depuis l'année 2012 et le ski de sorte que les suites de l'accident qui comme le relève l'expert contre-indiquent ces activités caractérisent un préjudice d'agrément qui, au regard de la date du décès de la victime, sera évalué à 1 500 euros.

Le jugement est infirmé.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

La MAIF qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

La MAIF sera condamnée à payer au DNID, ès qualités, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'y a pas lieu de déclarer l'arrêt opposable à la CPAM qui est dans la cause.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Et dans les limites de l'appel,

Constate l'intervention volontaire de la Direction Nationale d'Interventions Domaniales, en qualité de curateur à la succession vacante de [S]-[P] [U],

- Confirme le jugement

hormis sur les condamnations prononcées à l'encontre de la société MAIF au titre de la tierce personne temporaire, de la perte de gains professionnels actuels, du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice d'agrément,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Condamne la société MAIF à payer à la Direction Nationale d'Interventions Domaniales, en sa qualité de curateur à la succession vacante de [S]-[P] [U], les indemnités suivantes, provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement non déduites avec les intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus :

- 4 040 euros au titre la tierce personne temporaire

- 1 043,84 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels

- 4 066,20 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

- 6 000 euros au titre des souffrances endurées

- 1 245,98 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

- 1 500 euros au titre du préjudice d'agrément,

- Condamne la société MAIF à payer à la Direction Nationale d'Interventions Domaniales, en sa qualité de curateur à la succession vacante de [S]-[P] [U], la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société MAIF aux dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 18/08528
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;18.08528 ?
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