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08/03/2023 | FRANCE | N°21/03144

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 08 mars 2023, 21/03144


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 08 MARS 2023



(n° 2023/ , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03144 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDON4



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Février 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° 17/02967





APPELANTE



E.P.I.C. ECONOMAT DES ARMÉES

[Adresse 1]

[Localité 4]




Représentée par Me Philippe LIOUBTCHANSKY, avocat au barreau de PARIS, toque : R292





INTIMÉ



Monsieur [Z] [X]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté par Me Frédéric CHHUM, avocat au ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 08 MARS 2023

(n° 2023/ , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03144 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDON4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Février 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° 17/02967

APPELANTE

E.P.I.C. ECONOMAT DES ARMÉES

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Philippe LIOUBTCHANSKY, avocat au barreau de PARIS, toque : R292

INTIMÉ

Monsieur [Z] [X]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Frédéric CHHUM, avocat au barreau de PARIS, toque : A0929

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Stéphane THERME, Conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [X] a été embauché par l'EPIC Economat des armées (l'EDA), dans le cadre de plusieurs contrats à durée déterminée entre le 28 février 2008 et le 12 novembre 2016, sur différents postes à l'étranger.

L'EDA est un EPIC, qui est doté de l'autonomie financière placée sous la tutelle du ministre de la défense. Il a pour activité principale d'être une centrale d'achat spécialisée du ministère de la défense, et assure également le soutien logistique et la fourniture de services, de denrées et de marchandises aux formations militaires en opération à 1'étranger.

M. [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 21 septembre 2017 aux fins de demander la requalification des contrats à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée, la requalification d'indemnités perçues en salaires et de contester la fin des relations contractuelles.

Par jugement du 26 février 2021, le conseil de prud'hommes statuant en formation de départage a :

Requalifié les contrats à durée déterminée de M. [X] avec l'EDA en contrat à durée indéterminée ;

Dit que la rupture des relations contractuelles à la date du 12 novembre 2016 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamné l'EDA à payer à M. [X] les sommes de :

- 4 035,65 euros à titre d'indemnité de requalification ;

- 6 989,74 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 35 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

avec intérêts à compter du jugement ;

- 12 106,95 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 1 210,69 euros au titre des congés payés afférents ;

avec intérêts à compter du 4 octobre 2017 ;

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Ordonné à l'EDA de remettre à M. [X] un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la décision ;

Condamné l'EDA à payer à M. [X] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné l'EDA aux dépens ;

Ordonné l'exécution provisoire.

L'EDA a formé appel par acte du 26 mars 2021.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 03 janvier 2023, auxquelles la cour fait expressément référence, l'EDA demande à la cour de :

Infirmer le jugement rendu le 26 février 2021 du conseil de prud'hommes de Bobigny en ce qu'il a :

- Requalifié les contrats à durée déterminée de M. [X] avec l'EDA en contrat à durée indéterminée ;

- Dit que la rupture des relations contractuelles à la date du 12 novembre 2016 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamné l'EDA à payer à M. [X] les sommes de :

o 4 035,65 euros à titre d'indemnité de requalification,

o 6 989,74 euros à titre d'indemnité de licenciement,

o 35 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts aux taux légal à compter du jugement,

o 12 106,95 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 1 210,69 euros au titre des congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2017,

o 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné l'EDA aux entiers dépens ;

Confirmer le jugement rendu le 26 février 2021 du conseil de prud'hommes de Bobigny pour le surplus ;

Et ainsi statuant à nouveau :

Déclarer que les contrats à durée déterminée de M. [X] avec l'EDA sont réguliers ;

Déclarer qu'il n'y a pas lieu à requalification des contrats à durée déterminée de M. [X] avec l'EDA en contrat à durée indéterminée ;

Débouter M. [X] de sa demande de requalification de la relation en contrat à durée indéterminée ;

Débouter M. [X] de ses demandes indemnitaires au titre de la requalification ;

Déclarer que la rupture ne s'analyse pas en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Débouter M. [X] de l'intégralité de ses demandes indemnitaires formées tant au principal qu'au subsidiaire, concernant l'indemnité de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents ainsi que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Fixer le salaire de référence à 3 334,48 euros ;

Débouter M. [X] de son appel incident ;

Déclarer que les indemnités de grand déplacement et les indemnités journalières perçues par M. [X] sont réputées utilisées conformément à leur objet ;

Débouter M. [X] de sa demande de requalification des indemnités de grands déplacements et des indemnités journalières perçues en salaire et de sa demande subséquente d'indemnité compensatrice de congés payés ;

Déclarer que M. [X] n'a pas fait l'objet d'une différence de traitement avec le personnel en contrat à durée indéterminée,

Débouter M. [X] de sa demande indemnitaire à titre d'indemnité de grand déplacement du fait de la requalification en CDI et du principe d'égalité de traitement,

Débouter M. [X] de sa demande indemnitaire au titre du travail dissimulé,

En tout état de cause

Débouter M. [X] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Débouter M. [X] de sa demande de remise des bulletins de salaire, du certificat de travail et de l'attestation Pôle Emploi rectifiés sous astreinte ;

Débouter M. [X] de l'intégralité de ses demandes formées, tant au principal qu'au subsidiaire ;

Y rajoutant

Condamner M. [X] à payer à l'EDA la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [X] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 26 décembre 2022, auxquelles la cour fait expressément référence, M. [X] demande à la cour de :

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 26 février 2021 en ce qu'il a :

- Requalifié les contrats à durée déterminée de M. [X] avec l'EDA en contrat à durée indéterminée ;

- Dit que la rupture des relations contractuelles à la date du 12 novembre 2016 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamné, sur le principe, l'EDA à payer à M. [X] une indemnité de requalification, une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité de licenciement et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Dit que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2017 et que les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du jugement ;

- Ordonné à l'EDA de remettre à M. [X] un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes ;

- Condamné l'EDA à payer à M. [X] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné l'EDA aux dépens.

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 26 février 2021 pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

- Requalifier les contrats de travail à durée déterminée successifs de M. [X] en contrat à durée indéterminée avec reprise d'ancienneté au 28 février 2008 ;

- Constater que M. [X] a été victime d'une inégalité de traitement au regard de ses collègues de travail employés en CDI ;

- Dire et juger que la rupture du contrat de travail de M. [X] du 12 novembre 2016 s'analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Constater que l'EDA applique le décret du 3 juillet 2006 concernant les IGD comme cela résulte des décisions EDA du 27 septembre 2011 et 19 février 2013 ;

- Constater que l'EDA ne justifie pas que les indemnités de grand déplacement et indemnités journalières versées à M. [X] sont justifiées par des dépenses supplémentaires de nourriture et de logement ;

- Requalifier les indemnités de grand déplacement et les indemnités journalières perçues par M. [X] en salaire ;

- Fixer le salaire de référence de M. [X] à 5 261,70 euros bruts (moyenne des trois derniers mois complets incluant le montant des indemnités journalières), subsidiairement 4 035,65 euros bruts (salaire des trois derniers mois complets) ;

En conséquence,

- Condamner l'EDA à payer à M. [X] les sommes suivantes :

. 10 000 euros au titre de l'indemnité de requalification ;

. 42 768,13 euros à titre de d'indemnité de grand déplacement perçues par les salariés en CDI du fait de la requalification en CDI ;

. 2 316,47 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents à la somme de 23 164,71 requalifiée en salaire, subsidiairement la somme de 109,11 euros (fraction dépassants les limites d'exonération) ;

. 31 570,20 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé (L. 8223-1 du code du travail) (sur la base d'un salaire de référence de 5 261,70 euros bruts mensuels), subsidiairement : 24 213,92 euros (sur la base d'un salaire de référence de 4 035,65 euros bruts mensuels) ;

. 15 785,10 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que 1 578,51 euros bruts au titre d'indemnité de congés payés afférente (sur la base d'un salaire de référence de 5 261,70 euros bruts mensuels), subsidiairement : 12 106,96 euros bruts, ainsi que 1 210,69 euros bruts au titre des congés payés afférent (sur la base d'un salaire de référence de 4 035,65 euros bruts mensuels)

. 28 044,86 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement (sur la base d'un salaire de référence de 5 261,70 euros bruts mensuels) ; subsidiairement 21 510,01 euros (sur la base d'un salaire de référence de 4 035,65 euros bruts mensuels) ;

. 60 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (L.1235-3 du code du travail) ;

Condamner l'EDA à 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens éventuels ;

Ordonner la remise des bulletins de salaire, du certificat de travail et de l'attestation Pôle Emploi rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

Condamner l'EDA au paiement des intérêts légaux y afférents.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 janvier 2023.

MOTIFS

Sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

M. [X] invoque en premier lieu le non-respect du délai de carence par l'EDA. Il explique que les contrats qu'il a souscrits se sont succédé avec ceux de M. [R], sur le même poste, qu'ils ont parfois été amenés à exercer ensemble quelques jours pour assurer la continuité. Il fait également valoir que l'activité de soutien aux armées est une activité pérenne, qui relève de l'activité normale et permanente de l'EDA et non d'un accroissement temporaire d'activité.

L'EDA explique que le recours à plusieurs contrats à durée déterminée est valide, qu'ils n'ont pas pour but de pourvoir un emploi permanent, que son activité n'est pas permanente et est placée sous la tutelle du ministère de la défense et que les dispositions spécifiques de cette activité dérogent aux dispositions de l'article L. 1244-3 code du travail relatives au délai de carence.

Il résulte des pièces produites que l'activité de l'EDA de soutien logistique à l'armée française liée à des opérations militaires déterminées à l'étranger, aléatoires dans leur durée et leurs conditions de sécurité et qui peuvent être interrompues ou prolongées est temporaire. L'emploi occupé dans ce cadre présente les mêmes caractères que les événements qu'il sert, par nature temporaires et sans durée prévisible, de sorte que les contrats conclus par l'intéressé n'ont pas eu pour effet ni pour objet de pourvoir durablement un activité lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, mais bien de faire face à un accroissement temporaire d'activité de l'EDA.

L'article L. 1244-3 du code du travail, en sa version applicable entre le 1er mai 2008 et le 19 août 2015, dispose que : ' A l'expiration d'un contrat de travail à durée déterminée, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de travail temporaire, avant l'expiration d'un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat, renouvellement inclus. Ce délai de carence est égal :

1° Au tiers de la durée du contrat venu à expiration si la durée du contrat, renouvellement inclus, est de quatorze jours ou plus ;

2° A la moitié de la durée du contrat venu à expiration si la durée du contrat, renouvellement inclus, est inférieure à quatorze jours.

Les jours pris en compte pour apprécier le délai devant séparer les deux contrats sont les jours d'ouverture de l'entreprise ou de l'établissement concerné.'

Les contrats de travail à durée déterminée conclus entre M. [X] et l'EDA l'ont été dans le cadre des dispositions du code du travail, ce qui n'est pas discuté par les parties. Les contrats de travail signés, notamment celui du 1er décembre 2009, comportent un article '15° : Réglementation a) Dispositions du droit privé du travail (droit commun), de la législation sur la sécurité sociale (régime général), du règlement du personnel civil de l' EdA et de l'accord du 11 mars 2008 relatif aux temps de travail sur les théâtres d'opérations extérieures.', ce qui indique expressément que le droit commun du travail s'applique.

L'article L. 3421-1 du code de la défense dispose que ' L'économat des armées constitue un établissement public de l'Etat, de caractère commercial, doté de l'autonomie financière et placé sous la tutelle du ministre de la défense.

Il a pour objet le soutien logistique et la fourniture de services, de denrées et de marchandises diverses aux formations militaires en France et à l'étranger ainsi qu'aux parties prenantes collectives et individuelles autorisées par le ministre de la défense.

Le ministre de la défense oriente l'action de l'économat des armées et exerce une surveillance générale sur son activité.'

L'article R3222-4 du code de la défense prévoit quant à lui que : 'Les forces ont vocation à intervenir en tout temps et en tout lieu.

Elles comprennent les commandements suivants, dont la liste est précisée par arrêté du ministre de la défense :

1° Des commandements organiques :

a) Le commandement de force ;

b) Les divisions et les commandements spécialisés ;

c) Les brigades ;

2° Un commandement opérationnel : l'état-major de force.

Ces commandements participent à l'élaboration de la doctrine d'emploi les concernant.'

Ces textes ne prévoient aucune dérogation au droit du travail concernant l'EDA. Contrairement à ce que soutient l'appelant, ils n'édictent pas une règle spéciale qui dérogerait au droit commun des contrats de travail à durée déterminée et qui lui permettrait de ne pas respecter le délai de carence prévu par L. 1244-3 code du travail, alors que le contrat de travail indique au contraire que le droit commun s'applique.

Au cours des années 2009 et 2010 M. [X] et M. [R] ont exercé dans le cadre d'opérations distinctes, ou alors dans le cadre d'une même opération mais leur lieu de travail principal qui était indiqué sur leurs contrats respectifs était différent. Ils ne se sont pas succédé sur un même poste au cours de cette période.

Le 17 mars 2011 M. [R] a signé un contrat de travail à durée déterminée au motif d'un accroissement temporaire d'activité pour la période du 8 avril au 12 août 2011 au poste de responsable transport, catégorie cadre, sur le théâtre du Kosovo avec comme lieu de travail principal le camp Maréchal de Lattre de Tassigny à Novo Selo.

Le 5 août 2011 M. [X] a signé un contrat de travail à durée déterminée au motif d'un accroissement temporaire d'activité pour la période du 5 août au 3 décembre 2011 au poste de responsable transport, catégorie cadre, sur le théâtre du Kosovo avec comme lieu de travail principal le camp Maréchal de Lattre de Tassigny à Novo Selo.

L'EDA ne produit aucun élément démontrant qu'il s'agirait de postes différents, alors qu'il s'agit de la même fonction de responsable transport, sur le même site, la période d'activité de l'intimée venant immédiatement à la suite de M. [R]. M. [X] a ainsi occupé le même poste que celui de M. [R], à l'issue du contrat de travail à durée déterminée de celui-ci, alors qu'aucun délai de carence n'a été respecté.

Par la suite, M. [X] et M. [R] se sont de nouveau succédé lors de contrats à durée déterminée, notamment au Tchad au mois de septembre 2013.

M. [X] démontre par ailleurs que le chef de division logistique avait indiqué dans un mail du11 avril 2014 que M. [X] allait 'partir relever [E] [R] en qualité de responsable transport à NDJ (NDjamena) début mai 2014.'

Le cadre de conclusion de ces contrats à durée déterminée ne correspondait pas aux hypothèses prévues par l'article L. 1244-4 et le délai de carence était applicable.

Le contrat à durée déterminée de M. [X] a ainsi été conclu sans respecter les dispositions de l'article L.1244-3 du code du travail et par application de l'article L. 1245-1 du code du travail, en sa version alors applicable, il doit être requalifié en contrat à durée indéterminée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la requalification des indemnités de grand déplacement

M. [X] demande la requalification en salaires d'indemnités de grand déplacement qui ont été perçues au cours de l'exécution des missions, expliquant que l'EDA ne justifie pas que les conditions étaient remplies pour que ces sommes constituent des frais professionnels.

L'EDA expose que les conditions pour que les sommes versées soient qualifiées de frais professionnels étaient remplies, celle que le salarié conserve son domicile en France pendant la mission qui se déroulait à l'étranger et que les indemnités soient inférieures au montant fixé par décret.

Les indemnités de grand déplacement sont prévues par l'arrêté du 20 décembre 2002, qui prévoit que lorsque le salarié est en déplacement professionnel à l'étranger les indemnités destinées à compenser les dépenses supplémentaires de repas et de logement sont réputées utilisées conformément à leur objet pour la fraction qui n'excède pas le montant des indemnités de mission, fixées par ailleurs.

M. [X] était en déplacement à l'étranger ; il est constant qu'il avait conservé son domicile en France, à [Localité 5] ([Localité 5]), et qu'il ne pouvait pas le regagner pendant les missions.

L'EDA démontre par plusieurs éléments, notamment les accords passés avec les hôtels à l'étranger concernant les tarifs à appliquer au personnel en déplacement ainsi que l'attestation de l'un des responsables, que lors des missions M. [X] a été amené à exposer des dépenses supplémentaires de repas et de logement. Dans ses écritures, M. [X] indique qu'il a été amené à exposer des dépenses de cette nature sur une courte période.

Contrairement à ce qui est soutenu, les montants versés au titre des indemnités au regard du montant des salaires ne démontrent pas l'existence d'une fraude de l'employeur.

Ainsi la présomption d'utilisation conforme de ces sommes a pleinement joué et c'est par des motifs appropriés que le premier juge, compte tenu des sommes versées au regard des seuils des indemnités de mission, a justement considéré que ces sommes ne devaient pas être requalifiées en salaire, à titre principal ni à titre subsidiaire pour les montants excédant les limites de l'exonération.

Le jugement qui a débouté M. [X] de la demande de requalification et de ses demandes consécutives, de rappel de congés payés et l'indemnité pour travail dissimulé, sera confirmé de ces chefs.

Sur le rappel de salaire relatif aux indemnités de grand déplacement

M. [X] demande un rappel de salaire , comme conséquence de la requalification des contrats en contrat à durée indéterminée.

Le salarié n'explique pas pour quel motif la requalification des contrats en contrat à durée indéterminée devrait entraîner un rappel de salaire.

Les indemnités de grand déplacement ne constituent pas des salaires et lui ont été versées au fur et à mesure du déroulement des missions.

M. [X] fait également valoir une inégalité de traitement entre les salariés embauchés dans le cadre de contrats à durée déterminée et ceux qui l'étaient en contrat à durée indéterminée.

Il incombe en premier lieu au salarié de présenter des éléments laissant présumer un traitement différent. Comme l'a motivé le premier juge, M. [X] produit des éléments

relatifs aux indemnités qu'il a perçues, mais aucun concernant celles qui auraient été versées aux salariés qui exerçaient dans le cadre de contrats à durée indéterminée.

De surcroît, l'EDA justifie que lors d'une mission qui se déroulait au Tchad, un salarié du siège, c'est à dire en contrat à durée indéterminée, a perçu le même montant d'indemnité de grand déplacement que celui versé à M. [R].

M. [R] doit être débouté de sa demande.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'indemnité de requalification

L'article L. 1245-2 du code du travail dispose en son deuxième alinéa que : 'Lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s'applique sans préjudice de l'application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.'

L'EDA fait justement valoir que les indemnités de grand déplacement, ne constituant pas des salaires, ils ne doivent pas être prises en compte dans l'évaluation du salaire de M. [X]. Il admet que la prime d'éloignement doit être incluse.

Compte tenu du salaire de base, des heures supplémentaires régulièrement payées et de la prime d'éloignement M. [X] percevait un salaire mensuel de 3 465,24 euros.

En considération des circonstances de la relation contractuelle, le montant de l'indemnité de requalification a été justement évalué à 4 035,65 euros. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat

La requalification du contrat de travail liant les parties conduit à analyser la rupture de la relation de travail entre M. [X] et l'EDA en un licenciement, qui, faute de respecter les conditions légales de fond et de forme relatives au licenciement doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse.

La durée du préavis pour un licenciement, prévu par l'article 20 du règlement du personnel civil, était de deux mois et le salarié aurait perçu un salaire de 6 930,48 euros pendant celui-ci. L'EDA doit être condamné au paiement de cette somme outre celle de 693,04 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Par l'effet de la requalification des contrats à durée déterminée, le salarié était réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier et il était en droit de se prévaloir à ce titre d'une ancienneté remontant à cette date.

Le premier contrat irrégulier est du 5 août 2011 et le dernier contrat a pris fin le 12 novembre 2016. M. [X] avait ainsi une ancienneté de cinq années, trois mois et sept jours.

L'article 23, b), prévoit que pour les services accomplis à compter du 1er août 1959, l'indemnité de licenciement est fixée aux deux-tiers du dernier salaire mensuel perçu avant le licenciement pour chacune des six premières années de service ; le paragraphe d) prévoit que le salaire mensuel à prendre en considération comprend le salaire proprement dit à l'exclusion des indemnités, primes, majorations, allocations et gratifications de toute nature.

Le dernier salaire mensuel perçu par M. [X] était de 2 804,37 euros. Compte tenu de l'ancienneté à la date de fin des relations contractuelles, l'EDA doit être condamné à lui payer la somme de 9 851,14 euros au titre de l'indemnité de licenciement.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

L'indemnité de licenciement prévue par l'article L.1235-3 du code du travail applicable à l'instance ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

M. [X] était âgé de 58 ans au moment de la fin des relations contractuelles. Il a ensuite perçu des indemnités versées par Pôle Emploi, en plus de sa retraite mensuelle d'ancien militaire de 1 515,23 euros.

Compte tenu de ces éléments et des salaires perçus par M. [X] au cours des six derniers mois, l'EDA sera condamné à lui payer la somme de 25 000 euros.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

En application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail l'EDA doit être condamné à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage payées entre le jour du licenciement et le jugement, dans la limite de six mois.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la remise des documents

La remise d'un bulletin de paie récapitulatif conforme, d'une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée et d'un certificat de travail sera ordonnée dans le délai d'un mois suivant la signification de la décision. Il n'y a pas lieu à ordonner d'astreinte.

Sur les intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le conseil de prud'hommes et les dommages et intérêts alloués à compter de la présente décision.

Sur les dépens et frais irrépétibles

L'EDA qui succombe supportera les dépens et sera condamné à verser à M. [X] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en plus de l'indemnité allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a :

- requalifié les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

- condamné l'EDA au paiement de la somme de 4 035,65 euros au titre de l'indemnité de requalification et de celle de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles,

- débouté M. [X] de sa demande de requalification des indemnités de grand déplacement en salaire et de ses demandes de rappel d'indemnité de grand déplacement, d'indemnités compensatrice de congés payés au titre de cette requalification, et d'indemnité pour travail dissimulé,

INFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

CONDAMNE l'EDA à payer à M. [X] les sommes suivantes :

- 6 930,48 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 693,04 euros au titre des congés payés afférents,

- 9 851,14 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 25 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIT que les créances salariales sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes les dommages et intérêts alloués à compter de la présente décision,

CONDAMNE l'EDA à remettre à M. [X] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt dans le délai d'un mois et dit n'y avoir lieu à astreinte,

ORDONNE à l'EDA de rembourser au Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. [X], du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de six mois des indemnités versées,

CONDAMNE l'EDA aux dépens,

CONDAMNE l'EDA à payer à M. [X] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/03144
Date de la décision : 08/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-08;21.03144 ?
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