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08/03/2023 | FRANCE | N°21/02049

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 08 mars 2023, 21/02049


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 08 MARS 2023



(n° 2023/ , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02049 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDH7J



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Janvier 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° 18/00234





APPELANTE



Madame [U] [G]

[Adresse 1]

[Localité 3]





Représentée par Me Carine KALFON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0918





INTIMÉE



S.A.S. ICTS FRANCE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par Me Fr...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 08 MARS 2023

(n° 2023/ , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02049 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDH7J

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Janvier 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° 18/00234

APPELANTE

Madame [U] [G]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Carine KALFON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0918

INTIMÉE

S.A.S. ICTS FRANCE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédéric AKNIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Stéphane THERME conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Mme [G] a été embauchée par la société ICTS France par contrat à durée indéterminée du 17 octobre 1990 en qualité d'agent de sûreté aéroportuaire.

Par avenant du 5 mars 2004, Mme [G] a été promue au poste de chef d'équipe.

Par avenant en date du 18 juin 2013, Mme [G] a été soumise à une convention de forfait annuel en heures d'une durée de 156 heures mensuelles, pour une rémunération de 2 356 euros.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 23 octobre 2017, Mme [G] a été convoquée à un entretien préalable qui s'est tenu le 7 novembre suivant, et a été mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 15 novembre 2017, la société ICTS France a notifié son licenciement pour faute grave à Mme [G].

Mme [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 29 janvier 2018.

Par jugement du 22 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Bobigny, statuant en formation de départage, a :

Dit que le licenciement pour faute grave de Mme [G] par la société ICTS France est justifié ;

Débouté Mme [G] de 1'intégralité de ses demandes ;

Laissé à la charge de chacune des parties les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Condamné Mme [G] aux dépens;

Dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire.

Mme [G] a formé appel par acte du 18 février 2021.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 18 mai 2021, auxquelles la cour fait expressément référence, Mme [G] demande à la cour de :

Infirmer le jugement rendu le 21 janvier 2021 par le conseil de prud'hommes de Bobigny en toutes ces dispositions en ce qu'il a débouté Mme [G] de l'ensemble de ses demandes,

En conséquence :

Requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

En conséquence,

Condamner la société ICTS France à verser à Mme [G] :

- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 69 386 euros

- Indemnité compensatrice de préavis : 7 303,84 euros

- Congés payés afférents :730,38 euros

- Indemnité légale de licenciement : 30 128,34 euros

- Rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire du 23 octobre au 15 novembre 2017 : 2 715 euros

- Congés payés afférents : 271,50 euros

Condamner la société ICTS France à verser à Mme [G] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ordonner la remise d'un certificat de travail, attestation Pôle Emploi et bulletins de paie conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de la décision.

Condamner la société ICTS France aux entiers dépens.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 13 août 2021, auxquelles la cour fait expressément référence, la société ICTS France demande à la cour de :

Dire et juger l'appel interjeté par Mme [G] non justifié,

' En conséquence,

' Le rejeter,

' Confirmer dans son intégralité, le jugement de départage rendu le 22 janvier 2021 par le conseil de prud'hommes,

' Y ajoutant,

' Condamner Mme [G] à verser à la société ICTS France la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

' Si par extraordinaire, le jugement était infirmé, réduire les prétentions de Mme [G] aux sommes suivantes :

- indemnité légale de licenciement : 29 477,01 euros

- indemnité compensatrice de préavis : 7 189,92 euros

- mise à pied conservatoire : 1 922,15 euros.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 novembre 2022.

MOTIFS

Sur le licenciement

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Elle implique une réaction de l'employeur dans un délai bref à compter de la connaissance des faits reprochés au salarié.

En application des articles L1232-1 et L 1235-1 du code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce, l'administration de la preuve du caractère réel et donc existant des faits reprochés et de leur importance suffisante pour nuire au bon fonctionnement de l'entreprise et justifier le licenciement du salarié, n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et, au besoin, après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute persiste, il profite au salarié.

En revanche la charge de la preuve de la qualification de faute grave des faits reprochés qui est celle correspondant à un fait ou un ensemble de faits s'analysant comme un manquement du salarié à ses obligations professionnelles rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et le privant de tout droit au titre d'un préavis ou d'une indemnité de licenciement, pèse sur l'employeur.

En application des articles L1232-1 et L1235-3 du code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce, la cour, à qui il appartient de qualifier les faits invoqués et qui constate l'absence de faute grave, doit vérifier s'ils ne sont pas tout au moins constitutifs d'une faute de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement.

Le lettre de licenciement indique que Mme [G] s'est présentée en retard à son poste de travail les 28 et 29 août, 9, 11, 12, 13, 19, 24, 27 et 28 septembre, 15, 21 et 23 octobre 2017, retards tous de plusieurs minutes, alors qu'elle avait fait l'objet de mises à pied disciplinaires pour ce motif les 23 février 2017, 29 août et 12 avril 2016.

Mme [G] fait valoir que :

- plusieurs sanctions invoquées sont prescrites,

- la charge de la preuve de la réalité des griefs pèse sur l'employeur, notamment celle de leur gravité et des conséquences sur le fonctionnement du service,

- elle disposait d'une certaine autonomie dans son travail, étant soumise à une convention de forfait en heures,

- l'employeur avait accepté les retards depuis le début des relations contractuelles,

- il n'y a eu aucune incidence sur l'exécution de ses missions,

- les retards étaient rattrapés par des horaires tardifs,

- plusieurs sanctions sont infondées,

- il n'y a aucune impossibilité de la maintenir dans l'entreprise,

- le licenciement est fondé par une volonté de la remplacer par une personne avec un salaire moins élevé.

L'appelante ne conteste pas les retards, qui résultent de ses relevés horaires produits par l'employeur et de ses courriers dans lesquels elle les a expliqués par des 'pannes d'oreillers', accident sur la voie publique ou par un contrôle de police.

L'article L. 1332-5 du code du travail dispose : 'Aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l'engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l'appui d'une nouvelle sanction.'

La société ICTS France produit de nombreuses sanctions qui ont été prononcées à l'encontre de Mme [G]. La procédure disciplinaire ayant été engagée le 23 octobre 2017, l'employeur n'est pas fondé à invoquer les sanctions antérieures au 23 octobre 2014. Ainsi il n'y a pas lieu de prendre en compte les différentes sanctions prononcées avant cette date qui sont invoquées par l'intimée dans ses conclusions et produites aux débats. La lettre de licenciement ne mentionne en outre que les sanctions qui ont été prononcées les 12 avril et 29 août 2016 ainsi que le 23 février 2017.

Aucun des faits mentionnés dans la lettre de licenciement n'est atteint par la prescription prévue par L. 1332-4 du code du travail.

L'avenant signé avec Mme [G] concernant le forfait en heures ne prévoit pas son autonomie concernant ses horaires de travail, mais uniquement le paiement global d'un volume d'heures de travail, de sorte que les retards établis lui sont bien imputables.

Mme [G] explique qu'elle est fréquemment arrivée en retard, de sorte que son employeur avait accepté son comportement. Elle a pourtant fait l'objet de plusieurs sanctions pour ce même motif, outre des courriers de demandes d'explications, qui exprimaient clairement la consigne de son employeur qu'il soit mis fin aux retards répétés de la salariée, quand bien même elle accomplissait son temps de travail et dépassait les horaires en fin de journée.

Mme [G] fait valoir à juste titre que l'employeur ne démontre pas que ses retards ont eu des conséquences sur l'exécution de ses missions. Elle produit des attestations de ses anciens responsables qui indiquent qu'elle a toujours accompli ses tâches, même avec ses retards fréquents.

Mme [G] a contesté une précédente sanction prononcée, expliquant ne pas avoir été en charge des opérations qui y sont mentionnées. Elle n'en demande pas l'annulation et cette sanction n'a pas été invoquée par la société ICTS France pour justifier le licenciement, de sorte que l'absence de justifications apportées par l'employeur sur ces faits est sans conséquence.

Les manquements de Mme [G] à ses horaires de travail sont établis. Leur répétition, parfois plusieurs jours de suite, malgré les avertissements et sanctions croissantes de l'employeur qui avaient entraîné des pertes de rémunération, justifiaient la rupture du contrat de travail imputable à une faute de la salariée. Pour autant, la société ICTS France ne justifie d'aucune perturbation sur son activité qui rendait impossible le maintien de la salariée pendant le temps de la procédure.

Le licenciement pour faite grave doit ainsi être requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les conséquences financières

Mme [G] est fondée à demander le paiement du salaire au cours de la mise à pied à titre conservatoire et des congés payés afférents, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement.

Il résulte des bulletins de paie que le salaire au cours de la période de mise à pied à titre conservatoire aurait été de 2 696,22 euros. La société ICTS France doit être condamnée au paiement de cette somme outre 269,62 euros au titre des congés payés afférents.

La durée du préavis aurait été de deux mois et, compte tenu des heures supplémentaires et primes qui lui étaient régulièrement versées, Mme [G] aurait perçu une rémunération de 7 189,92 euros au cours de celui-ci. La société ICTS France doit être condamnée au paiement de cette somme et de celle de 718,99 euros au titre des congés payés afférents.

L'indemnité de licenciement prévue par l'article R. 1234-2 du code du travail est égale à un quart de mois de salaire pour les années jusqu'à dix ans et à un tiers de mois de salaire par année au delà.

En application de l'article R. 1234-4 le salaire de référence à prendre en compte est le montant le plus avantageux résultant de la moyenne des trois derniers mois ou de celle des douze derniers mois, soit respectivement 3 113,40 euros et 3 594,96 euros. Le salaire de référence sera ainsi retenu à hauteur de 3 594,96 euros.

Mme [G] avait une ancienneté de vingt sept ans et deux mois complets ; la société ICTS France doit être condamnée au paiement de la somme de 29 575,56 euros au titre de l'indemnité de licenciement.

Le jugement sera infirmé de ces chefs.

Sur la remise des documents

La remise d'un bulletin de paie récapitulatif conforme, d'une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée et d'un certificat de travail sera ordonnée dans le délai d'un mois suivant la signification de la décision. Il n'y a pas lieu à ordonner d'astreinte.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Mme [G] et la société ICTS France succombent partiellement en leurs demandes, justifiant que chaque partie supporte la charge des dépens qu'elle a exposés et qu'aucune somme ne soit allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes, sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

JUGE le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société ICTS France à payer à Mme [G] les sommes suivantes :

- 2 696,22 euros au titre du rappel de salaire au cours de la mise à pied à titre conservatoire et celle de 269,62 euros au titre des congés payés afférents,

- 7 189,92 au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 718,99 euros au titre des congés payés afférents,

- 29 575,56 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

CONDAMNE la société ICTS France à remettre à Mme [G] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt dans le délai d'un mois et dit n'y avoir lieu à astreinte,

LAISSE à chacune des parties la charge des dépens qu'elle a exposés,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes formées sur l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/02049
Date de la décision : 08/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-08;21.02049 ?
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