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08/03/2023 | FRANCE | N°21/00071

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 08 mars 2023, 21/00071


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 08 MARS 2023



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00071 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC3XO



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F20/00074



APPELANT



Monsieur [K] [G]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représe

nté par Me Christophe MEYNIEL, avocat au barreau de PARIS, toque : B440



INTIMEE



S.A.S. FM OVERSEAS CORPORATE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[A...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 08 MARS 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00071 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC3XO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F20/00074

APPELANT

Monsieur [K] [G]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Christophe MEYNIEL, avocat au barreau de PARIS, toque : B440

INTIMEE

S.A.S. FM OVERSEAS CORPORATE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Maryline BUHL, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Ga'l BLANC, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président de chambre

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par contrat de travail à durée indéterminée à effets au 15 avril 2015, M. [K] [G], né en 1956, a été engagé en qualité de directeur des opérations par la société FM Overseas France aux droits de laquelle vient désormais la SAS FM Overseas Corporate, qui a pour activité le transport et le fret par les voies aériennes, maritimes, ferroviaires ou routières, emploie habituellement plus de dix salariés et applique la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires.

Le contrat de travail de M. [G] prévoyait un salaire mensuel de base de 18.750 euros brut, outre une rémunération variable annuelle d'un montant maximal de 90.000 euros brut conditionnée à la réalisation des objectifs fixés par sa hiérarchie.

Nommé président de la société, le 20 mai 2015, M. [G] a vu son mandat révoqué par décision du 27 mai 2016.

Le 23 juin 2016, il a été licencié pour cause réelle et sérieuse en raison d'une insuffisance professionnelle qui serait caractérisée par des résultats financiers très largement en dessous des prévisions, engendrant de grandes pertes financières, de lacunes graves dans sa capacité de gestion d'une entreprise, de réelles difficultés dans son mode de management avec ses collaborateurs, d'un manque de transparence vis-à-vis du siège, ainsi que d'un manque d'éthique quant à son fonctionnement au sein de l'entreprise.

le 13 juillet 2016, contestant son licenciement et réclamant le paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire, M. [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny, qui, par jugement du 26 novembre 2020, a rejeté l'ensemble de ses demandes.

Le 14 décembre 2020, M. [G] a fait appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 novembre 2021, M. [G] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il rejette les demandes reconventionnelles de son contradicteur mais de l'infirmer pour le surplus et, statuant de nouveau et y ajoutant, de :

- condamner la société FM Overseas Corporate à lui payer 84.375 euros brut de rappels de salaire pour la période du 4 décembre 2014 au 14 avril 2015, outre 8.437,50 euros brut de congés payés afférents ;

- condamner la société FM Overseas Corporate à lui payer 10.000 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la législation sur le temps de travail et violation de ses droits au repos, à la santé et au respect de sa vie privée et familiale ;

- condamner la société FM Overseas Corporate à lui payer 112.500 euros d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

- condamner la société FM Overseas Corporate à lui payer 90.000 euros brut de rémunération variable annuelle pour la période du 15 avril 2015 au 31 mars 2016, outre 9.000 euros brut de congés payés afférents ;

- condamner la société FM Overseas Corporate à lui payer 90.000 euros brut de rémunération variable annuelle pour la période du 1er avril 2015 au 31 mars 2016 (sic), outre 9.000 euros brut de congés payés afférents ;

- condamner la société FM Overseas Corporate à lui payer 3.720,13 euros de rappel d'indemnité légale de licenciement ;

- condamner la société FM Overseas Corporate à lui payer 80.000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- ordonner à la société FM Overseas Corporate de remettre à M. [G] des documents sociaux (bulletin de paie, attestation Pôle Emploi et solde de tout compte) conformes à la décision à intervenir ;

- condamner la société FM Overseas Corporate à lui paye 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- assortir les condamnations des intérêts légaux avec capitalisation ;

- condamner la société FM Overseas Corporate aux dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 février 2022, la société FM Overseas Corporate demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il rejette les demandes de M. [G] mais de l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- condamner M. [G] à lui rembourser 7.137,35 euros à titre de "CB non justifiées CIC";

- condamner M. [G] à lui rembourser 12.413,76 euros à titre de "CB non justifiées Société Générale" "

- condamner M. [G] à lui rembourser 517,60 euros de retraits d'espèces et divers non justifiées ;

- condamner M. [G] à lui rembourser 996 euros correspondant à des "tickets pour justifier des retraits d'espèces caisse non valides" ;

- condamner M. [G] à lui payer respectivement 3.000 et 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel,

- condamner M. [G] aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel y compris ceux liés aux frais de signification et d'exécution.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 novembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 23 janvier 2023.

Pour l'exposé des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 : Sur l'existence d'un contrat de travail avant le 15 avril 2015, les rappels de salaire subséquents du 4 décembre 2014 au 14 avril 2015 et d'indemnité de licenciement

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. C'est à la partie qui invoque l'existence d'une relation contractuelle d'apporter la preuve du contrat de travail. En présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en apporter la preuve.

Au cas présent, le salarié fait valoir qu'entre le 4 décembre 2014 et le 14 avril 2015, il a accompli une prestation de travail dans le cadre d'un lien de subordination avec la société FM Overseas Corporate, le contrat de travail qui n'était pas encore signé, étant alors en cours de finalisation.

Ce dernier établit effectivement que, dès le mois de décembre 2014, il s'est vu attribuer une adresse électronique au nom de la société "FM Overseas Direction", qu'il a accompli des déplacements liés au fonctionnement de la société, qu'il a été sollicité par son représentant légal afin d'accueillir un stagiaire, que, dans le courant du mois de janvier 2015, il a eu des contacts avec des clients et des partenaires commerciaux et qu'il a été associé à des décisions sur le fonctionnement de la société et notamment sur le recrutement, les budgets, les procédures, les locaux et le mobilier.

Cependant, ce faisant, s'il démontre l'existence d'actes préparatoires à sa prise en main de la direction de la société, il n'établit pas suffisamment, alors qu'il en a la charge, avoir réalisé pour le compte de cette dernière une véritable prestation de travail ayant vocation à être rémunérée dans le cadre d'un lien de subordination et notamment pas que la société FM Overseas Corporate lui donnait des ordres et des directives, en controlait l'exécution et avait le pouvoir de sanctionner ses éventuels manquements.

Dès lors, l'existence d'un contrat de travail antérieur au 15 avril 2015 n'est pas prouvée.

La preuve d'une relation de travail salariée n'étant pas apportée, il convient de rejeter la demande de rappel de salaire et de congés payés afférents pour la période allant du 4 décembre 2014 au 14 avril 2015 .

Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.

2 : Sur l'exécution du contrat de travail

2.1 : Sur les dommages et intérêts en raison de la violation de la législation sur le temps de travail et des droits au repos, à la santé et au respect de sa vie privée et familiale

Suivant l'article L.3111-2 du code du travail, les cadres dirigeants définis comme ceux auxquels sont confiés des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonomes et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ne sont pas soumis aux dispositions sur la durée du travail, des repos et des jours fériés.

Il est cependant de principe que la soumission à une convention de forfait en jours, quand bien même elle serait irrégulière et privée d'effets, conduit à écarter le statut de cadre dirigeant sans qu'il soit nécessaire de procéder à un examen des conditions réelles d'activité du salarié.

Par ailleurs, la mise en place du forfait annuel en jours est subordonnée notamment à une convention individuelle de forfait passée avec le salarié par écrit.

Enfin, les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le salarié ne sont applicables ni à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne ni à la preuve de ceux prévus par les articles L. 3121-34 et L. 3121-35 du code du travail, qui incombe exclusivement à l'employeur. En outre, le seul constat du non-respect de ces seuils et plafonds ouvre droit à réparation pour le salarié en ce qu'il le prive d'un repos et lui cause, de ce seul fait, un préjudice dès lors qu'il est ainsi porté atteinte à sa sécurité et à sa santé (Soc. 26 janvier 2022, n°20-21636).

Au cas présent, il ressort suffisamment des bulletins de paie que M. [G] était soumis à une convention de forfait annuel de 218 jours. L'existence de cette convention, même si elle devait être privée d'effet, doit conduire à écarter le statut de cadre dirigeant sans que la cour ait à procéder à un examen des conditions réelles de l'activité du salarié.

Par ailleurs, l'employeur ne produit pas la convention individuelle de forfait passée avec le salarié par écrit. Dès lors, la convention de forfait en jours est sans effet.

Ainsi, M. [G], dont il a été relevé que la qualité de cadre dirigeant ne peut lui être applicable, et dont la convention de forfait en jours est dépourvue d'effet, était soumis à la réglementation sur les durées maximales de travail, son temps de travail devait être décompté et ses heures supplémentaires au-delà de 35 heures rémunérées.

Le salarié ne formule néanmoins pas de demande de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires mais forme uniquement une demande de nature indemnitaire en raison de l'absence de respect de la durée du repos quotidien minimum et de la limitation hebdomadaire et de contrôle de sa charge de travail ainsi que de son adéquation avec sa vie personnelle et familiale.

Or, l'employeur, qui en a la charge exclusive, n'apporte pas la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne ni de ceux prévus par les articles L. 3121-34 et L. 3121-35 du code du travail.

En l'absence de contrôle de son temps de travail et compte tenu du non-respect des temps de repos et de l'atteinte à sa sécurité, à sa santé et à son droit à une vie familiale normale, le salarié a subi un préjudice qui justifie, compte tenu de la durée de la relation de travail salariée et de l'absence d'éléments sur la charge effective de travail de M. [G], de lui allouer la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef.

Le jugement qui a rejeté la demande à ce titre sera donc infirmé.

2.2 : Sur la rémunération variable annuelle

Il est de principe qu'une clause du contrat de travail peut prévoir une variation de la rémunération du salarié dès lors qu'elle est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur, ne fait pas porter le risque d'entreprise sur le salarié et n'a pas pour effet de réduire la rémunération en dessous des minima légaux et conventionnels.

Par ailleurs, l'employeur peut fixer unilatéralement et modifier les objectifs annuels dans le cadre de son pouvoir de direction sans qu'il soit nécessaire de recueillir l'accord préalable du salarié; en revanche, il lui appartient de le faire en début d'exercice et non en cours d'exécution. Il appartient à l'employeur de prouver qu'il a fixé les objectifs lorsque cela lui incombait.

Il est en outre constant que, lorsque les objectifs sont fixés unilatéralement par l'employeur, une communication tardive de ceux-ci les rend inopposables au salarié et qu'en cas d'inopposabilité la rémunération variable doit être versée intégralement à hauteur du bonus cible maximum.

Enfin, lorsqu'elle constitue la contrepartie d'un travail effectif, la rémunération variable ouvre droit au paiement des congés payés afférents.

Au cas présent, le contrat de travail de M. [G] stipule que sa rémunération comprend un bonus variable de" 0 à 40% du salaire de base annuel soit de 0 euro à 90.000 euros brut (...) conditionné à la réalisation des objectifs fixés par le responsable hiérarchique".

Or, l'employeur qui en a la charge exclusive et qui communique uniquement un mail du 31 août 2015 auquel est joint un tableau d'objectifs ne démontre pas ce faisant avoir fixé les objectifs de son salarié en début d'exercice. Compte tenu de cette communication tardive, ces derniers sont dès lors inopposables à M. [G] qui peut prétendre au versement intégral du bonus cible maximum de 90.000 euros pour une année entière

Malgré des mentions contraires dans le corps de ses écritures, dans le dispositif de ses conclusions, qui seul saisit la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile, l'appelant forme une demande à hauteur de 90.000 euros pour la période du 15 avril 2015 au 31 mars 2016 ainsi qu'une demande partiellement redondante à hauteur de 90.000 euros pour la période du 1er avril 2015 au 31 mars 2016

Dès lors, la cour qui a écarté l'existence d'un contrat de travail pour la période antérieure au 15 avril 2015, qui n'est pas saisie d'une demande pour la période postérieure au 31 mars 2016 et qui ne peut statuer ultra petita, ne peut condamner l'employeur que dans les limites de la période allant du 15 avril 2015 au 31 mars 2016.

Au regard de cette période, le rappel de rémunération variable doit être calculé au pro-rata temporis par rapport à une année entière.

La société FM Overseas Corporate sera ainsi condamnée au paiement de 86.250 euros (90.000 x 0,95833 années) au titre de la rémunération variable, outre 8.625 euros de congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il rejette la demande de ce chef.

3 : Sur la rupture du contrat de travail

3.1 : Sur l'insuffisance professionnelle

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Par ailleurs, l'insuffisance de résultats ne peut être reprochée au salarié que si elle lui est personnellement imputable, et si les objectifs qui lui ont été fixés sont réalistes et peuvent raisonnablement être atteints compte tenu du contexte. L'insuffisance de résultats ne constitue pas, en soi, un motif de licenciement et, pour justifier la rupture du contrat de travail d'un salarié, elle doit reposer sur une carence fautive ou une insuffisance professionnelle, objectivement imputable au salarié.

Enfin, l'insuffisance professionnelle, se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié d'exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. Si l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir patronal, l'insuffisance alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation subjective de l'employeur.

En l'espèce, aux termes de la lettre de rupture du 23 juin 2016, M. [G] a été licencié pour cause réelle et sérieuse en raison d'une "insuffisance professionnelle", de résultats financiers "très largement en-dessous des prévisions", engendrant de grandes pertes financières, de "lacunes graves" dans sa "capacité de gestion d'une entreprise", de "réelles difficultés" dans son "mode de management" avec ses collaborateurs, d'un "manque de transparence vis-à-vis du siège Corporate de FM Group", ainsi que d''un manque d'éthique "quant à" son "fonctionnement au sein de l'entreprise.

Il ressort de ce qui précède que ses objectifs ayant été fixés tardivement au salarié, ceux-ci ne lui étaient pas opposables. Au surplus, rien ne permet d'établir que ces objectifs aient été réalistes et pouvaient raisonnablement être atteints compte tenu du contexte, non démenti, de baisse des taux de fret maritime entre l'Asie et l'Europe et de concurrence accrue en sorte que le grief tenant à la non-réalisation des résultats doit être écarté.

Concernant les "lacunes graves" dans sa "capacité de gestion d'une entreprise et les "réelles difficultés" dans son "mode de management" avec ses collaborateurs, ces griefs ne ressortent que de trois attestations peu circonstanciées, établies postérieurement à la rupture par des salariés qui se trouvent pris dans un lien de subordination avec l'employeur intimé et ce, alors qu'antérieurement au licenciement il n'est produit aucune pièce de nature à établir que des collaborateurs ou collègues se sont plaints de M. [G] ou que sa hiérarchie l'a alerté sur des difficultés affectant sa gestion ou son management. Ce grief doit donc également être écarté.

Sur le "manque d'éthique "quant à" son "fonctionnement au sein de l'entreprise, et plus précisément sur les prétendues difficultés liées à l'imputation de ses déjeuners sur les comptes de l'entreprise, à la facturation à la société de sa box privée alors qu'il disposait de tous les moyens techniques et informatiques mis à disposition par l'entreprise, au coût anormalement élevé d'un aller-retour [Localité 3]-[Localité 2] en mai 2016 pour un montant facturé de 4.000 euros sans synthèse à son retour et de la présence de plusieurs milliers d'euros de dépenses non justifiées sur sa carte bancaire professionnelle, le seul message du comptable très imprécis et ne permettant aucune imputation des faits à M. [G], l'attestation d'une salariée, la liste des sommes qui ne seraient pas justifiées et le relevé de compte bancaire communiqués ne permettent pas, en l'absence de tout élément d'explication complémentaire, d'établir les manquements invoqués qui sont contestés par le salarié, étant rappelé que le doute doit lui profiter.

Dès lors, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et le jugement doit être infirmé de ce chef.

3.2 : Sur les conséquences financières de la rupture

3.2.1 : Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application de l'article L1235-5 du code du travail dans sa version applicable au litige, le salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise il peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Au regard des conditions de la rupture, de l'âge du salarié, de son ancienneté et de l'absence de tout élément sur les conditions de son éventuel retour à l'emploi, la somme de 10.000 euros lui sera évalué à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

3.2.2 : Sur l'indemnité de licenciement

Aux termes de l'article L1234-9 du code du travail dans sa version applicable au présent litige dispose que le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement. Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.

Au titre de l'article R 1234-2 du même code dans sa version applicable au litige, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté.

L'article R.1234-4 prévoit que le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;

2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.

Au cas présent, le salaire de référence, après intégration de la part variable, est de 26.250 euros brut.

En l'absence de preuve de l'existence d'un contrat de travail avant le 15 mars 2015, il n'y a pas lieu de recalculer l'indemnité de licenciement de M. [G] au regard d'une ancienneté modifiée sur la base d'un contrat de travail existant dès le 4 décembre 2014.

Il convient en revanche de recalculer l'indemnité au regard du salaire de référence après prise en compte de la part variable. Celle-ci s'établit ainsi à 7.000 euros (1,333 x 2.6250 x1/5). Or, le salarié n'a perçu que 5.639,22 euros. Il convient dès lors de condamner l'employeur au paiement du solde, soit 1.360,78 euros.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il rejette la demande de ce chef.

3.2.3 : Sur le travail dissimulé

L'article L.8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L.8223-1 du code du travail dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l'espèce, alors que l'existence d'un contrat de travail antérieur au 15 avril 2015 n'est pas établie et que la convention de forfait en jours est nulle, il n'est pas démontré que l'employeur se serait intentionnellement soustrait à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ou qu'il aurait intentionnellement mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

La demande d'indemnité de ce chef sera donc rejetée et le jugement confirmé.

4 : Sur les demandes reconventionnelles

En application de l'article 1302 du code civil, tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution. La restitution n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées.

Le demandeur à l'action en répétition de l'indu supporte la charge de la preuve de l'existence du paiement et de son caractère indu.

Or, au cas présent, cette preuve n'est pas rapportée par l'employeur qui se contente de produire une liste de frais payés qui ne seraient pas justifiés et des relevés de comptes bancaires sans même présenter les éventuelles conditions dans lesquelles le salarié disposait d'une carte professionnelle de paiement ou se voyait rembourser de ses frais professionnels.

Les demandes reconventionnelles de remboursement seront donc rejetées et le jugement confirmé de ce chef.

5 : Sur les intérêts

Conformément aux dispositions de l'article 1231-7 et 1231-6 du code civil, les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de la signature par l'employeur de l'accusé de réception de sa convocation devant le bureau de conciliation et du présent arrêt pour le surplus.

La capitalisation qui est de droit sera ordonnée.

6 : Sur la remise des documents de fin de contrat

Il convient d'ordonner la remise des documents sociaux (bulletin de paie, attestation Pôle Emploi et solde de tout compte) rectifiés conformément au présent arrêt sous quinzaine à compter de sa signification.

7 : Sur les demandes accessoires

Compte tenu du sens de la décision, le jugement sera infirmé sur les dépens.

L'employeur, partie essentiellement perdante, sera condamné au paiement des dépens ainsi que d'une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour :

- Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 26 novembre 2020 sauf en ce qu'il rejette les demandes de rappels de salaire antérieurs au 15 avril 2015, d'indemnité pour travail dissimulé et les demandes reconventionnelles ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Condamne la SAS FM Overseas Corporate à payer à M. [K] [G] 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la législation sur le temps de travail et violation de ses droits au repos, à la santé et au respect de sa vie privée et familiale ;

- Condamne la SAS FM Overseas Corporate à payer à M. [K] [G] la somme de 86.250 euros au titre de la rémunération variable, outre 8.625 euros de congés payés afférents ;

- Juge le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Condamne la SAS FM Overseas Corporate à payer à M. [K] [G] la somme de 10.000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamne la SAS FM Overseas Corporate à payer à M. [K] [G] la somme de 1.360,78 euros de rappel d'indemnité de licenciement après intégration de la part variable au salaire de référence ;

- Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de la signature par l'employeur de l'accusé de réception de sa convocation devant le bureau de conciliation et du présent arrêt pour le surplus ;

- Ordonne la capitalisation des intérêts ;

- Ordonne la remise des documents sociaux (bulletin de paie, attestation Pôle Emploi et solde de tout compte) rectifiés conformément au présent arrêt sous quinzaine de sa signification ;

- Condamne la SAS FM Overseas corporate à payer à M. [K] [G] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la SAS FM Overseas corporate aux dépens.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/00071
Date de la décision : 08/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-08;21.00071 ?
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