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08/03/2023 | FRANCE | N°20/05465

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 08 mars 2023, 20/05465


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 08 MARS 2023



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05465 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCIID



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juillet 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 19/01213



APPELANTE



Association DELEGATION UNEDIC AGS représentée par sa Directrice [W] [B

]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Vanina FELICI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1985



INTIMES



Madame [S] [R]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 08 MARS 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05465 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCIID

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juillet 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 19/01213

APPELANTE

Association DELEGATION UNEDIC AGS représentée par sa Directrice [W] [B]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Vanina FELICI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1985

INTIMES

Madame [S] [R]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Valérie HANOUN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0679

Maître [N] [M] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la société «INGENI »

[Adresse 1]

[Adresse 1]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président de chambre

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- Défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [S] [R] a été embauchée par la SA Ingéni selon contrat à durée indéterminée à temps complet du 1er juillet 1999, en qualité de chef de projet.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des bureaux d'étude technique, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseil, dite Syntec.

L'entreprise comptait habituellement moins de onze salariés à l'époque de la rupture.

Par lettre du 11 mars 2019, la salariée a pris acte de la rupture dans les termes suivants :

'(...) Je constate des retards dans le paiement de mon salaire depuis le mois de février 2018, ce qui s'est poursuivi pendant toute l'année 2018 jusqu'à ce jour, ce dont je vous avais averti dans mes deux mises en demeure précédentes, du 1er février 2019 et du 1er mars 2019.

A ce jour je n'ai toujours pas perçu l'intégralité de mes salaires des mois de janvier et février 2019, ni reçu mon bulletin de paie de février ainsi que le 13éme salaire (figurant sur le bulletin de salaire du mois de novembre 2018) qui m'appartient selon mon contrat de travail.(...)

Il en est de même pour mes différentes notes de frais pour un montant total de 417,30 euros qui ne m'ont pas été réglées.

Ce qui rend les sommes dues pour un montant total de 10 098,86 euros (montant à confirmer avec le bulletin de paie de février).

Ces retards de salaire ont causé de très graves problèmes financiers à moi-même et à ma famille, me rendent dans l'incapacité de continuer à engager les dépenses pour me déplacer et exécuter mon travail.(...)

Par conséquent, je vous informe que je prends acte de la rupture de mon contrat à vos torts exclusifs'.

La salariée a saisi le conseil des prud'hommes de Bobigny le 12 avril 2019 aux fins de voir dire que la prise d'acte de rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de diverses sommes.

Par ordonnance du 12 juillet 2019, le juge des référés du conseil des prud'hommes de Bobigny a ordonné à la SA Ingéni de verser à Mme [S] [R] les sommes suivantes à titre de provision :

- 3 103,94 euros net au titre du salaire du mois de janvier 2019 ;

- 3 103,94 euros net au titre du salaire du mois de février 2019 ;

- 417,30 euros de remboursement de frais ;

- 3 406,24 euros au titre du treizième mois de novembre 2018 ;

- 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 22 octobre 2019, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la société et a désigné Maître [M] en qualité de liquidateur.

Dans le dernier état de ses écritures devant le conseil, Mme [S] [R] sollicitait l'allocation des sommes suivantes :

- 11 994,39 euros d'arriéré de salaire ;

- 287,10 euros de rappel de salaire au titre de deux jours de RTT ;

- 66 750 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 27 894,06 euros d'indemnité de licenciement ;

- 13 350 euros d'indemnité de préavis ;

- 6 691,91 euros d'indemnité de congés payés ;

- 10 000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

- 3 000 euros d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la confirmation de la condamnation prononcée par le juge des référés par ordonnance du 12 juillet 2019 condamnant M. [X] [M], ès qualité, à payer au demandeur des salaires de janvier, février 2019 et du 13éme mois dû en novembre 2018 ;

- avec délivrance d'un bulletin de paie de février et mars 2019 et d'un certificat de travail, du solde de tout compte et de l'attestation Pôle Emploi conformes à la décision sollicitée.

Par jugement du 15 juillet 2020, le conseil a dit requalifier 'la prise d'acte' en licenciement sans cause réelle et sérieuse et a fixé au passif de la société les créances suivantes en faveur du demandeur :

- 11 994,39 euros d'arriérés de salaires,

- 287,10 euros au titre des RTT ;

- 13 350 euros d'indemnité de préavis ;

- 6 691,91 euros d'indemnité de congés payés ;

- 27 894,06 euros d'indemnité de licenciement ;

- 10 000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

- 57 750 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La décision condamnait en outre M. [X] [M], ès qualité, à payer à Mme [S] [R] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ordonnait à M. [X] [M], ès qualité, la remise d'un certificat de travail, d'un solde de tout compte et d'une attestation Pôle Emploi conformes au jugement.

Le jugement se déclarait 'opposable à l'AGS CGEA [Localité 4] dans les limites de ses garanties', rejetait le surplus des demandes de la salariée et condamnait M. [X] [M], ès qualité, aux dépens.

Appel a régulièrement été interjeté par l'AGS CGEA [Localité 4] le 7 août 2020.

Le 22 octobre 2020, la déclaration d'appel a été signifiée au domicile de M. [X] [M], ès qualité, et non à personne, de sorte que le présent arrêt sera rendu par défaut.

Par conclusions remises au greffe via le réseau privé virtuel des avocats le 30 mars 2021, l'AGS CGEA [Localité 4] prie la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de la partie adverse et l'infirmer pour le surplus. Ainsi, elle demande qu'il soit décidé que la prise d'acte produise les effets d'une démission, de limiter le rappel de salaire restant dû à la somme de 4 773,23 euros net et à 3 067,98 euros brut, rejeter les demandes d'indemnité de rupture et de dommages-intérêts pour prédudice moral, subsidiairement réduire l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et les dommages-intérêts pour préjudice moral à de plus justes proportions, fixer l'indemnité de licenciement à la somme de 24 575 euros, rejeter la demande en application de l'article 700 du code de procédure civile et lui donner acte des limites de sa garantie.

Par conclusions remises via le réseau privé virtuel des avocats le 2 novembre 2022, Mme [S] [R] sollicite la confirmation du jugement et y ajoutant de fixer l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 66 750 euros et dire que les intérêts au taux légal sont de droit à compter de l'échéance des sommes dues et à défaut du 1er février 2019, date de la mise en demeure, et à titre subsidiaire, du 15 mars 2019, date de la prise d'acte de la rupture et de condamner l'appelante à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé sur le litige, la cour se réfère aux conclusions des parties en application de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Le rejet par le premier juge de la demande de confirmation de l'ordonnance de référé sur la condamnation de M. [X] [M], ès qualité, au paiement de diverses sommes n'étant pas remis en cause dans les conclusions de l'intimée, la cour n'en est pas saisie de ce chef.

1 : Sur les rappels de salaire

Mme [S] [R] sollicite le paiement des sommes suivantes :

- 4 450 euros brut au titre du 13éme mois selon bulletin de paie de novembre 2018, soit 3 473,68 euros net ;

- 4 450 euros brut au titre de la paie du mois de janvier 2019, soit 3 473,68 euros net ;

- 4 450 euros brut au titre de la paie du mois de février 2019, soit 3 473,68 euros net ;

- 2 153 euros brut au titre de la paie de la période du 1er au 15 mars 2019 ;

- 914,72 euros brut au titre du 13éme mois 2019 ;

- dont à déduire la somme de 4423,59 euros égale à 4 840,89 euros versés par l'employeur en mai 2019, sous déduction de ce montant de la somme de 417,30 euros qui correspond à des remboursements de frais ;

- ce qui donne un résultat de 11 994,39 euros.

L'AGS CGEA [Localité 4] répond que selon l'ordonnance de référé le rappel de salaire dû est de 9 614,12 euros, que la société a payé la somme de 4 840,89 euros net le 3 mai 2019, et que le solde restant est donc seulement de 4 773,23 euros, à quoi il convient d'ajouter le rappel de salaire au titre de la première quinzaine de mars soit 2 153,26 euros brut et la prime de treizième mois de 2019 de 914,72 euros.

Sur ce

Il est constant que le salaire mensuel brut est de 4 450 euros brut.

L'AGS CGEA [Localité 4] reconnaît que cette somme est due au titre chacun des mois de janvier, février, que l'employeur est débiteur de la somme de 2 153,26 euros brut au titre de la première quinzaine de mars et de la somme de 914,72 euros au titre de la prime de treizième mois calculée au prorata du temps de présence du salarié dans l'entreprise.

Il est produit la preuve du paiement de la somme de 4 840,89 euros par un chèque que le salarié verse aux débats du 6 mai 2019.

Sur la base de ces éléments, la cour reprend le calcul exact de Mme [S] [R] et fait droit à la demande de fixation de créance.

Aux termes de l'article 1344-1 du Code civil, la mise en demeure de payer une obligation de somme d'argent fait courir l'intérêt moratoire, au taux légal, sans que le créancier soit tenu de justifier d'un préjudice.

La créance en question correspond à des salaires échus en novembre 2018, en janvier et février 2019, sous réserve de ce que la somme précitée payée par la société doit s'imputer sur les créances les plus anciennes. En l'absence de précision du salarié répartissant le point de départ des intérêts entre les différentes créances, la cour retient la première mise en demeure couvrant la totalité des créances en cause, soit la réception par la salariée de sa convocation devant le bureau du conseil des prud'hommes.

En tout état de cause le cours des intérêts se trouve arrêté en application de l'article L. 622-28 du Code de commerce au jour du jugement décidant la liquidation judiciaire de la société, soit le 22 octobre 2019.

2 : Sur la prise d'acte

2.1 : Sur les effets de la prise d'acte

Mme [S] [R] soutient que la prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse compte tenu des retards de paiement des salaires chaque mois, de février à novembre 2018, du non-paiement du 13éme mois qui devait normalement intervenir en novembre 2018 et du non-paiement des salaires de janvier à mars 2019.

L'AGS CGEA [Localité 4] soutient au contraire que la prise d'acte doit produire les effets d'une démission, dès lors que ne sont en cause que des retards de paiement liés à des difficultés économiques que la salariée connaissait.

Sur ce

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul si les faits invoqués le justifient, soit dans le cas contraire d'une démission. Il incombe au salarié, qui les invoque, de caractériser des manquements suffisamment graves de l'employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail et donc pour justifier la rupture du contrat de travail. Le juge n'est pas tenu par les motifs invoqués dans le courrier valant prise d'acte mais doit apprécier l'intégralité des manquements invoqués par le salarié. Elle souligne que seuls peuvent être pris en compte des manquements de la SA Ingéni antérieurs à la prise d'acte du 11 mars 2019.

Les relevés de compte de la salariée révèlent qu'entre janvier et novembre 2018, celle-ci, au lieu de percevoir sa rémunération en fin de mois, comme en décembre 2017, l'a reçu entre le 2 et le 10 du mois suivant et que le salaire du mois de décembre 2018 n'a été versé que le 31 janvier et le 8 février de l'année suivante.

Les développements qui précèdent relatifs à la demande de rappel de salaire formée par Mme [S] [R] démontrent que le treizième mois de 2018 et les salaires de janvier et février 2019, échus avant la prise d'acte de rupture, ont été payés à hauteur de la somme de 4 840,89 euros bien plus tard, en mai 2019, ce qui laissait environ deux mois impayés.

Le salaire étant indispensable pour subvenir aux besoins de l'existence, l'ensemble des retards précités pris dans leur ensemble et quelle que soit la cause économique qui explique cette situation, empêche la poursuite du contrat de travail.

La prise d'acte produira donc les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2.2 : Sur les conséquences financières de la rupture

2.2.1 :Sur l'indemnité de préavis

Le préavis est de 3 mois.

Il sera alloué, conformément au calcul de la salariée qui retient comme indemnité compensatoire, sur la base d'un salaire mensuel brut de 4 450 euros qu'elle aurait dû percevoir si elle avait travaillé pendant le préavis, la somme de 13 350 euros.

2.2.2 : Sur l'indemnité légale de licenciement

Aux termes des articles L. 1234-9 du Code du travail, R. 1234-2 et R. 1234-4 du Code du travail l'indemnité légale de licenciement ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l'entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines. En cas d'année incomplète, l'indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois.

L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;

2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans;

Le salaire de référence retenu par le salarié est la moyenne des douze derniers mois soit la somme de 4 874,69 euros.

L'ancienneté à retenir pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, préavis compris, de 19 ans et 11 mois. Le salarié limitant son ancienneté à cet égard à 19 ans et 8 mois, c'est celle-ci qui sera retenue.

Par suite l'indemnité se calcule ainsi :

[(4 874,69/4) x 10] + [(4874,69/3) x (9 + 8/12)] = 27 8894,06

2.2.3 : Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [S] [R] explique n'avoir retrouvé un travail qu'au mois de juin 2019 et avoir dû supporter de travailler avec dévouement sans recevoir sa rémunération ponctuellement.

Aux termes de l'article L. 1235-3 du Code du travail la salariée a droit à une indemnité comprise eu égard à son ancienneté et du nombre de salariés dans l'entreprise entre 3 mois et 15 mois.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [S] [R], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi, eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il ya lieu de lui allouer, en application de l'article L 1235-3 du Code du travail une somme de 57 750 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2.2.4 : Sur les indemnités de RTT et d'indemnité de congés payés

Mme [S] [R] sollicite l'allocation d'une part de la somme de 6 691,91 euros au titre de l'indemnité de congés payés correspondant au 31,96 jours de congés payés accumulés au 15 mars 2019 augmenté des 6,24 jours résultant du préavis de trois mois, et d'autre part de la somme de 287,10 euros en rémunération des 2,5 jours de RTT dont elle bénéficiait au 15 mars 2019.

L'AGS CGEA [Localité 4] ne répond pas sur ce point.

Adoptant les motifs pertinents des premiers juges, la cour confirmera la décision déférée sur ce point.

2.2.5 : Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral

Mme [S] [R] sollicite l'allocation de la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral né de ce qu'elle n'a pu payer les obsèques de son fils décédé, ni bénéficier de la disponibilité psychique qui était nécessaire alors que son enfant n'allait pas bien. Elle souligne qu'elle a été contrainte de recourir à un prêt à la consommation.

La SA Ingéni s'oppose à cette demande en relevant qu'il n'est pas justifié d'un préjudice et que les retards de paiement s'expliquent par les difficultés financières de la société.

Sur ce

Aux termes de l'article 1231-6 du code du travail, les dommages-intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de sommes d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages-intérêts distincts de l'intérêt dilatoire.

Il n'est pas démontré que le non-paiement des salaires résulte de la mauvaise foi de l'employeur. Par suite cette demande sera rejetée.

2.2.7 : Sur les intérêts

Les indemnités de rupture de nature contractuelle, porteront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes.

Toutefois le cours des intérêts se trouve arrêté en application de l'article L. 622-28 du Code de commerce au jour du jugement décidant la liquidation judiciaire de la société, soit le 22 octobre 2019, de sorte que les créances de nature indemnitaire fixées par le jugement du 15 juillet 2020 et confirmées par la cour ne porteront pas intérêts.

2.2.8 : Sur la remise des documents de fin de contrat

Au vu des motifs qui précèdent, le jugement sera confirmé comme il l'est demandé en ce qu'il a ordonné la délivrance des documents de fin de contrat sollicités.

3 : Sur l'intervention de l'AGS

Il sera donné acte à l'AGS CGEA [Localité 4] des limites de sa garantie.

4 : l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Si comme le souligne l'AGS CGEA [Localité 4] les condamnations au titre des frais irrépétibles ne peuvent être garanties par elle, il n'en est pas moins possible, contrairement à ce que soutient de condamner cet organisme lui-même en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est équitable au regard de ce texte de condamner la société qui succombe à payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance. Les demandes de ce chef formées en cause d'appel contre l'AGS CGEA [Localité 4] seront rejetées, puisqu'elle obtient gain de cause sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral.

M. [X] [M], ès qualité, supportera les dépens de première instance, puisqu'il a succombé devant le conseil des prud'hommes. L'AGS CGEA [Localité 4] et Mme [S] [R] qui succombent touts deux partiellement supporteront la charge de leurs propres dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par défaut, par mise à disposition au greffe ;

Confirme le jugement déféré sauf sur les demandes en paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

Statuant à nouveau ;

Dit que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la SA Ingéni de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes sous réserve de l'arrêt du cours desdits intérêts le 22 octobre 2019 ;

Rejette la demande de dommages-intérêts formée par Mme [S] [R] au titre de son préjudice moral ;

Y ajoutant ;

Dit que Mme [S] [R] et la M. [X] [M], pris en qualité de mandataire liquidateur de la SA Ingéni conserveront la charge de leurs propres dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/05465
Date de la décision : 08/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-08;20.05465 ?
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