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07/03/2023 | FRANCE | N°19/00640

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 9, 07 mars 2023, 19/00640


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 9



ARRET DU 07 MARS 2023

(N° /2023, 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/00640 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBDMO



Décision déférée à la Cour : Décision du 13 Novembre 2019 -Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS - RG n° 211/321870





APPELANTE



Madame [D] [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]
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Représentée par Me Rachid ELMAM, avocat au barreau de PARIS





INTIME



Maître [P] [R]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Comparante en personne







COMPOSITION DE LA COUR :



L'...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 9

ARRET DU 07 MARS 2023

(N° /2023, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/00640 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBDMO

Décision déférée à la Cour : Décision du 13 Novembre 2019 -Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS - RG n° 211/321870

APPELANTE

Madame [D] [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Rachid ELMAM, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Maître [P] [R]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Comparante en personne

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Laurence CHAINTRON, Conseillère à la cour d'appel de Paris, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Michel RISPE, Président de chambre

Madame Laurence CHAINTRON, Conseillère

Madame Sylvie FETIZON, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Eléa DESPRETZ

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- rendu après réouverture des débats du 24 novembre 2022, en raison d'un changement de composition de la cour.

- signé par M Michel RISPE, Président de chambre, et par Eléa DESPRETZ, greffière présente lors du prononcé.

****

Vu le recours formé par Mme [D] [S] auprès du premier président de cette cour par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 décembre 2019 à l'encontre de la décision rendue le 13 novembre 2019 par le délégataire du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris qui a :

- fixé à la somme de 3 800 euros HT le montant total des honoraires dus par Mme [D] [S] à Mme [P] [R], avocate, pour la phase contentieuse du dossier, sous déduction de la provision de 2 000 euros HT versée, soit un solde de 1 800 euros HT ,

- dit en conséquence que Mme [D] [S] devra verser à Mme [P] [R] la somme de 1 800 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2019, date de la mise en demeure, outre la TVA au taux de 20 %, les débours à hauteur de 36,13 euros HT ainsi que les frais d'huissier de justice, en cas de signification de la présente décision,

- rejeté toute autre demande.

Vue la convocation des parties à l'audience du 19 septembre 2022.

Vue la réouverture des débats et le renvoi de l'affaire à l'audience du 2 février 2023.

Entendues à l'audience du 02 février 2023 :

- Mme [D] [S] qui, conformément à ses écritures, demande à la cour de :

* infirmer la décision déférée,

* débouter Mme [P] [R] de ses demandes,

* prononcer la nullité pour vice du consentement de la convention du 20 mai 2019,

* condamner Mme [P] [R] à lui rembourser les honoraires trop perçus portant sur la somme de 1 200 euros et à lui verser une indemnité de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Mme [P] [R] qui a déclaré s'en rapporter à ses écritures déposées en vue de l'audience du 19 septembre 2022 et demande ainsi à la cour de :

* infirmer partiellement la décision déférée ' en ce qu'elle fixe le montant total des honoraires dus par Mme [D] [S] à Maître [P] [R] à la somme de 1 800 euros HT au lieu de 2 562,50 euros HT' ,

* condamner Mme [D] [S] à lui payer la facture n° 2019-07 du 27 mai 2019 d'un montant de 2 562,50 euros HT majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 juin 2019, outre celle de 36,13 euros au titre des frais et de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR QUOI LA COUR

Mme [D] [S] a contacté Mme [P] [R] à l'occasion de la liquidation de l'indivision existant avec son ancien concubin .

Les parties ont signé le 11 avril 2018 une convention d'honoraires ainsi libellée :

' Mandat de me représenter et d'agir en mon nom pour la défense de mes intérêts, notamment en vue d'engager une négociation dans le cadre de la liquidation amiable de l'indivision existant avec mon ex concubin afin que je puisse conserver le bien immobilier communément acquis sis [Adresse 2] à [Localité 4] en contrepartie du versement d'une soulte dont le montant reste à déterminer.

Il est convenu ce qui suit :

Article 1 - Déclaration préalable

( ........)

Article 2 du présent mandat - Mission de l'avocat

Il s'agit d'une mission de conseil, d'assistance et de représentation.

L'Avocat s'engage à procéder à toutes diligences, à mettre en oeuvre tous les moyens de droit et de procédure pour garantir les intérêts de la Cliente et lui assurer les meilleures chances de succès.

L'avocat est mandaté pour entreprendre toutes les actions judiciaires et prendre toutes les mesures qu'il considère comme nécessaires pour l'accomplissement de sa mission en vue d'engager une négociation dans le cadre de la liquidation amiable de l'indivision existant avec l'ex-concubin de sa Cliente afin qu'elle conserve le bien immobilier communément acquis sis [Adresse 2] à [Localité 4] en contrepartie du versement d'une soulte dont le montant reste à déterminer'.

Par ailleurs cette convention prévoyait en son article 3 une rémunération forfaitaire d'un montant de 3 200 euros non assujettie à la TVA.

Par la suite les parties ont signé le 20 mai 2019 une nouvelle convention d'honoraires prévoyant en son article 2 au titre de la mission confiée à l'avocate :

' L'AVOCAT est chargé de conseiller et/ou assurer la défense des intérêts de la CLIENTE dans le cadre du contentieux initié par son ex-compagnon aux fins du partage judiciaire de leur bien indivis près le Tribunal de Grande Instance de Bobigny.

L'AVOCAT s'engage à effectuer la mission qui lui est confiée.

En cas d'urgence ou de nécessité, L'AVOCAT pourra se faire substituer par un confrère de son choix.'

Ce document fixait un taux horaire de 250 euros HT outre les frais et débours .

Mme [D] [S] soutient que la convention d'honoraires du 11 avril 2018 concernait non seulement la phase de négociation à mener avec son ex concubin mais également les actes relatifs à la procédure contentieuse de liquidation de l'indivision engagée par celui-ci devant le tribunal judiciaire de Bobigny, estimant en conséquence que la convention d'honoraires du 20 mai 2019 était inutile et lui avait été imposée par l'avocate qui lui avait menti en soutenant qu'elle n'avait pas pouvoir de la représenter tant que la seconde convention ne serait pas signée alors que Mme [P] [R] estime que l'objet de la première convention se limitait à la seule mise en oeuvre de tous les moyens nécessaires afin de parvenir à la résolution amiable du litige .

Mais contrairement à ce que prétend l'avocate la convention du 11 avril 2018 définit clairement son objet comme étant d'une part 'd'entreprendre toutes les actions judiciaires' et d'autre part d'engager une négociation avec l'ex concubin de sa cliente et à cette fin de mettre en oeuvre 'toutes les mesures qu'il considère comme nécessaires pour l'accomplissement de sa mission'.

D'autre part en son article 6 relatif à la résiliation il est expressément mentionné :

'Par exception aux dispositions développées ci-dessus et dans le cas où la Cliente résilierait le mandat donné à l'Avocat avant la fin de la procédure transactionnelle ou judiciaire, la Cliente s'engage (......)'.

La mission dont était investie l'avocate ne se limitait donc pas ainsi que celle-ci l'écrira dans ses mails des 15 et 17 mai 2019 au seul volet 'négociations' mais prévoyait également, expressément et clairement, le traitement contentieux du conflit opposant les ex concubins .

Cela résulte en effet sans ambiguïté aucune de la définition de la mission conférée à Mme [P] [R] mais aussi des prévisions de la clause de dessaisissement susmentionnée .

Au demeurant Mme [P] [R], sur l'assignation délivrée le 4 juin 2018 par l'ancien compagnon de sa cliente , s'est constituée le 19 juin 2018 au nom de celle-ci devant le tribunal judiciaire de Bobigny et a fait le choix d'un postulant devant cette juridiction ( décompte des diligences au 27 mai 2019 - pièce n°9 ) alors même qu'elle n'aurait pu réaliser ces actes si elle avait été dépourvue d'un mandat à cette fin ainsi qu'elle le prétend.

Dés lors il doit être considéré que l'avocate a trompé sa cliente lorsqu'elle lui a écrit dans ses mails des 15 et 17 mai 2019 que celle-ci ne l'avait pas saisie pour être son avocat, qu'elle ne pouvait donc pas la représenter devant le tribunal judiciaire de Bobigny sans qu'une nouvelle convention la mandatant expressément ne soit signée par Mme [D] [S],

Et, tel que cela résulte du mail du 17 mai 2019 : 17 h 08, alors même qu'elle essayait en vain depuis un mois d'obtenir l'accord de sa cliente sur la signature de cette seconde convention d'honoraires, l'avocate n'a pas hésité à exercer une pression en menaçant directement Mme [D] [S] de suspendre son travail au cas où celle-ci ne s'exécuterait pas.

C'est dans ces circonstances que trois jours plus tard la cliente a signé la convention d'honoraires du 20 mai 2019.

Les manoeuvres mises en oeuvre par Mme [P] [R] ont donc été déterminantes du nouvel engagement souscrit par Mme [D] [S].

Elles lui permettaient ainsi de cantonner l'honoraire forfaitaire de 3 200 euros prévu par la convention d'honoraires du 11 avril 2018 à la seule phase des négociations poursuivies avec l'ancien concubin de sa cliente et d'obtenir désormais dans le cadre de la procédure contentieuse engagée par celui-ci le paiement d'un honoraire de diligence calculé au temps passé sur la base d'un taux horaire de 250 euros HT particulièrement rémunérateur.

Il convient en conséquence de prononcer la nullité de la convention du 20 mai 2019 ainsi que le sollicite Mme [D] [S].

En conséquence seule subsiste la convention d'honoraires initiale du 11 avril 2018 qui fixe les honoraires de diligences à percevoir par Mme [P] [R] à la somme de 3 200 euros.

Mais l'avocate indique qu'elle n'est pas allée au bout de sa mission en ayant pris l'initiative de se dessaisir du dossier avant que celui-ci ne soit terminé en raison du harcèlement qu'elle aurait subi de la part de sa cliente .

La convention d'honoraires dont s'agit est dès lors inapplicable.

En son article 6 intitulé 'RÉSILIATION' il est prévu :

'Par exception aux dispositions développées ci-dessus et dans le cas où la Cliente résilierait le mandat donné à l'Avocat avant la fin de la procédure transactionnelle ou judiciaire, la Cliente s'engage à assumer le paiement des frais généraux visés aux articles 3 et 4 ci-dessus, ainsi que la rémunération de base visée à l'article 3 qui deviendra intégralement exigible, correspondant aux heures de travail effectuées du début du mandat à la date d'effet de la résiliation outre les frais de toute nature déboursés ou exposés par l'Avocat au profit de la Cliente.'

Ces dispositions ne peuvent recevoir application puisqu'elles ne prévoient que le seul cas du dessaisissement de l'avocate à l'initiative de la cliente et non pas le cas inverse qui est celui affirmé par Mme [P] [R] et qui, au demeurant, résulte d'un mail daté du 28 mai 2019, 17 h 33, adressé par celle-ci à Mme [D] [S].

Dès lors les honoraires susceptibles de revenir à l'avocate pour le travail qu'elle a effectivement fourni seront fixés au regard des critères définis par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée.

Les factures établies par Mme [P] [R] les 11 avril 2018 et 2 avril 2019 ne mentionnent nullement les prestations qui auraient été réalisées de sorte qu'en tout état de cause les paiements faits par Mme [D] [S] ne pourraient être considérés comme ayant été effectués de façon libre et éclairée après service rendu.

Quant à la troisième facture du 27 mai 2019 d'un montant de 4 562, 50 euros HT, il s'avère que seule une provision de 2 000 euros HT a été réglée, étant également observé que le décompte détaillé n'est constitué que par un document extérieur, à savoir un mail de la même date ( pièce n° 8 de Mme [P] [R]).

Sur ces trois factures la cliente a réglé la somme de 5 200 euros HT (1 600 euros + 1 600 euros + 2 000 euros).

Elle conteste devoir la somme complémentaire de 2 562,50 euros HT et sollicite un remboursement d'honoraires à hauteur d'un montant de 1 200 euros au motif que le travail fourni par l'avocate ne justifie pas les sommes qu'elle revendique, étant rappelé que les manquements de nature déontologique reprochés à Mme [P] [R] ne relèvent pas de l'appréciation du bâtonnier et sur recours du délégué du premier président ou de la cour statuant en matière de fixation d'honoraires d'avocat, mais de celle du juge de droit commun.

Les diligences accomplies par Mme [P] [R] ont consisté en l'étude du dossier de sa cliente, sa constitution devant le tribunal judiciaire de Bobigny, la rédaction et l'envoi d'un courriel pour la postulation du confrère inscrit au barreau de Seine - Saint - Denis, des entretiens avec le greffe de la juridiction et l'avocat postulant, l'envoi de plusieurs courriels, la rédaction d'un bulletin de procédure, l'étude de l'assignation délivrée par l'ancien concubin de Mme [D] [S], la rédaction de conclusions approfondies de 11 pages , l'analyse de conclusions d'incident prises en vue de l'audience du 27 mai 2019.

Par ailleurs l'avocate a conduit des négociations lors de la phase de règlement amiable du conflit puis est intervenue dans le cadre d'une médiation souhaitée par le juge de la mise en état.

Ces diligences nombreuses dont l'utilité n'est au demeurant pas remise en cause par Mme [D] [S] justifient que l'honoraire revenant à Mme [P] [R] soit fixé à la somme de 5 200 euros HT, augmentée de la TVA au taux applicable au jour de la réalisation des prestations, cette somme produisant intérêt au taux légal à compter du prononcé de cet arrêt.

En tenant compte de l'équité, il n'y a pas lieu d'accueillir les demandes formées par les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Chaque partie conservera la charge de ses dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement en dernier ressort, par arrêt contradictoire, et par mise à disposition de la décision au greffe,

Infirme la décision déférée ;

Statuant à nouveau,

Annule la convention d'honoraires signée le 20 mai 2019 par Mme [D] [S] et Mme [P] [R] ;

Déclare inapplicable la convention d'honoraires signée le 11 avril 2018 par Mme [D] [S] et Mme [P] [R] ;

Dit que les honoraires revenant à Mme [P] [R] sont fixés en application des critères de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, modifiée ;

Fixe les honoraires revenant à Mme [P] [R] à la somme de 5 200 euros HT, augmentée de la TVA au taux applicable au jour de la réalisation des prestations, cette somme produisant intérêt au taux légal à compter du prononcé de cet arrêt ;

Constate le paiement de la dite somme de 5 200 euros HT ;

Rejette toute autre demande ;

Dit que chaque partie supportera les dépens par elle engagés ;

Dit qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 19/00640
Date de la décision : 07/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-07;19.00640 ?
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