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02/03/2023 | FRANCE | N°22/14821

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 02 mars 2023, 22/14821


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 02 MARS 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/14821 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGJHY



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 Juillet 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2022028632





APPELANTE



SAS SETEC ISM, venant aux droits de la société ISM INGENIERIE, R

CS d'Angers sous le n°384 267 613, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par M...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 02 MARS 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/14821 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGJHY

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 Juillet 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2022028632

APPELANTE

SAS SETEC ISM, venant aux droits de la société ISM INGENIERIE, RCS d'Angers sous le n°384 267 613, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sarra JOUGLA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0200

Assistée à l'audience par Me Nathalie CREISSELS, avocat au barreau de PARIS, toque : C255

INTIMEES

S.A.S. ABE, RCS de Rennes sous le n°805 155 884, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Société d'assurances mutuelles CGPA, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentées par Me Arnaud GUYONNET de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assistées à l'audience par Me Jean-Michel BONZOM,avocat au barreau de PARIS, toque : L276

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Janvier 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Dans le cadre d'un chantier de remplacement de 29 barrages confié par Voies Navigables de France à un groupement d'entreprises, et à la suite de réserves émises après réception des ouvrages, une expertise a été ordonnée au visa de l'article 145 du code de procédure civile, par ordonnance du 8 octobre 2020, confiée à M. [S] [B].

La société Setec ISM faisait partie d'un groupement d'ingénierie qui est intervenu, groupement composé de plusieurs sociétés.

La société ABE est un courtier d'assurance, auquel Setec ISM a fait appel, pour assurer sa responsabilité civile.

Un contrat d'assurance a été signé avec QBE Europe à effet au 1er janvier 2021.

QBE Europe a refusé sa garantie alors que la société Setec ISM était mise en cause à la suite des divers incidents concernant la rupture d'ancrages, QBE Europe précisant que le marché de travaux s'élevait à la somme de 256 millions d'euros, alors que ses garanties du contrat d'assurance ne s'appliquent que pour des ouvrages dont le coût est inférieur à 6millions d'euros.

Setec ISM entend mettre en cause son courtier d'assurance, CGPA étant l'assureur de la société ABE.

Par assignation des 17, 20 et 23 juin 2022, la société Setec ISM a fait assigner la société QBE Europe, les sociétés ABE Courtage et CGPA ainsi que les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et la MMA Iard SA devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, aux fins de, notamment, voir déclarer communes à ces sociétés les opérations d'expertise.

A l'audience, les sociétés ABE Courtage et CGPA ont demandé leur mise hors de cause.

Par ordonnance réputée contradictoire du 20 juillet 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :

- mis hors de cause la société ABE et la société CGPA ;

- condamné la société SETEC ISM à verser la somme de 2.000 euros aux sociétés ABE et CGPA ensemble ;

- renvoyé la cause à l'audience du 16 septembre 2022 à 10 heures 30 ;

- commis d'office l'un des huissiers audienciers de ce tribunal pour signifier la décision ;

- réservé les dépens.

Par déclaration du 4 août 2022, la société Setec ISM a interjeté appel de cette décision.

Dans ses conclusions remises le 6 janvier 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Setec ISM demande à la cour, au visa des articles 143, 144 et 145 et suivants du code de procédure civile, de :

- infirmer l'ordonnance de référé rendue le 20 juillet 2022 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'elle a prononcé la mise hors de cause de la société ABE et de la société CGPA et a condamné la société Setec ISM à leur verser la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

statuant à nouveau,

- dire et juger la société Setec ISM, anciennement ISM ingénierie, recevable et bien fondée en ses demandes ;

- débouter la société ABE et la société CGPA de leurs demandes ;

- déclarer communes à la société ABE et à la société CGPA :

les ordonnances de référé rendues par le tribunal de commerce de Paris en date des :

- 8 octobre 2020 RG 2020000289,

- 11 février 2021 RG 2021007311,

- 2 septembre 2021 RG 2021023817,

- et 7 avril 2022 RG 2021058181 ;

- et leur rendre opposables les opérations d'expertise judiciaire de M. [B] désigné en qualité d'expert judiciaire ;

- condamner la société ABE et la société CGPA à lui verser la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Sarra Jougla, avocat au barreau de Paris.

La société Setec ISM expose en substance :

- que la société ABE, courtier d'assurance, ne prouve pas en l'espèce avoir accompli la moindre diligence dans le cadre de ses obligations de conseil et d'information ;

- qu'il existe bien un motif légitime de mettre en cause la société ABE dans le cadre des opérations d'expertise, à la suite du refus de garantie de l'assureur QBE Europe dont elle a recommandé la souscription du contrat d'assurance litigieux, en sa qualité d'intermédiaire d'assurance ;

- que M. [B], expert, a donné un avis favorable sur leur mise en cause le 15 juin 2022, confirmé le 11 juillet 2022.

Dans leurs conclusions remises le 30 décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, la société ABE et la société CGPA demande à la cour, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, de :

- confirmer l'ordonnance du 20 juillet 2022 ;

- débouter la société Setec ISM de ses demandes dirigées contre les sociétés ABE et CGPA, visant à voir déclarer communes et opposables les opérations d'expertise judiciaire en cours ;

- ordonner la mise hors de cause pure et simple des sociétés ABE et CGPA ;

y ajoutant,

- condamner la société Setec ISM au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société ABE et la société CGPA exposent en substance :

- qu'il n'existe aucun motif légitime de nature à justifier de l'extension des opérations d'expertise judiciaire aux sociétés ABE et CGPA, la société appelante ne justifiant manifestement d'aucune responsabilité éventuelle du courtier en lien avec les désordres allégués et/ou la couverture assurantielle dont elle bénéficie ;

- que Setec ISM n'est donc aucunement fondée à prétendre qu'elle n'aurait pas été informée de ces conditions alors qu'elle a signé successivement tant la proposition d'assurance que les conditions particulières du contrat conclu auprès de QBE Europe qui indiquent très clairement, en caractère gras, le coût total de la construction des ouvrages pour lesquels la garantie s'applique.

SUR CE LA COUR

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L'article 145 suppose l'existence d'un motif légitime, c'est-à-dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l'objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui. Elle doit être pertinente et utile.

Ainsi, si le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n'est pas manifestement voué à l'échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.

De plus, si la partie demanderesse dispose d'ores et déjà de moyens de preuve suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d'instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.

Enfin, ni l'urgence ni l'absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d'application de ce texte.

En l'espèce, il y a lieu de relever :

- qu'il n'appartient pas à la cour, saisie sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, de vérifier le bien-fondé de l'action envisagée par la SAS Setec ISM ; que la société appelante doit justifier d'éléments de fait suffisamment crédibles et d'un litige potentiel avec son ancien courtier et son assureur ;

- que, sur ces points, la SAS Setec ISM reproche un manquement du courtier à ses obligations de conseil et d'information, étant rappelé que le courtier, professionnel de l'assurance, a une obligation légale d'information, de renseignement et de conseil, ce qui n'est pas contesté ;

- qu'il est établi que la société appelante a eu recours en 2020 aux services de la société ABE, afin de rechercher des garanties pour assurer ses activités, à la suite de la résiliation du contrat d'assurance précédemment souscrit ;

- que c'est par cet intermédiaire que la société QBE Europe a finalement été retenue comme assureur, aux termes d'une proposition d'assurance acceptée par l'appelante ;

- que la société appelante expose à tout le moins qu'il n'est pas justifié par les intimées des échanges circonstanciés, s'agissant des conseils fournis par l'intermédiaire dans le cadre de la recherche d'un nouvel assureur, la fiche du 16 novembre 2020 versée aux débats ne mentionnant pas l'absence de couverture pour les chantiers au coût supérieur à 6 millions d'euros ;

- qu'il est en outre constant que l'assureur finalement retenu, QBE Europe, dénie désormais sa garantie, eu égard à la police souscrite ;

- que, dans ces circonstances, la société appelante justifie des éléments de fait et de droit de nature à justifier que le courtier et son assureur soient associés aux opérations d'expertise, ce même s'il est par ailleurs établi que la société appelante a signé la proposition d'assurance et les conditions particulières, la cour, statuant sur le fondement de l'article 145 précité, n'ayant pas à évoquer le bien fondé de l'action à venir, mais seulement à établir l'existence d'un futur litige dont le sort n'apparaît pas manifestement voué à l'échec ;

- que l'appelante observe aussi à juste titre que l'existence de sous-traitants ou encore le fait que l'assureur précédent serait tenu à garantie sont des questions de fond, qui ne sont pas de nature à empêcher que les intimées soient associées aux opérations d'expertise en cours ;

- qu'enfin, M. [B] a également donné son avis favorable sur la mise en cause des intimées le 15 juin 2022 (pièce 12).

Aussi, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise et de rendre opposables les opérations d'expertise en cours aux sociétés intimées, le motif légitime, au sens de l'article 145 du code de procédure civile, étant établi.

Les intimées devront en outre indemniser l'appelante pour ses frais non répétibles et seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclarer communes et opposables à la société ABE et à la société CGPA les ordonnances de référé rendues par le tribunal de commerce de Paris en date des 8 octobre 2020, 11 février 2021, 2 septembre 2021 et 7 avril 2022 et les opérations d'expertise en cours confiées à M. [B] ;

Condamne in solidum les sociétés ABE et CGPA à verser à la SAS Setec ISM la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais non répétibles de première instance et d'appel ;

Condamne in solidum les sociétés ABE et CGPA aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Sarra Jougla, avocat au barreau de Paris.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/14821
Date de la décision : 02/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-02;22.14821 ?
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