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02/03/2023 | FRANCE | N°22/14621

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 02 mars 2023, 22/14621


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 02 MARS 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/14621 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGIZG



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Juin 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 22/52501





APPELANTE



S.A.R.L. ART BATIMENT, RCS de Bobigny sous

le n° 519 422 182, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 1]

[Localité 5]



Représentée par Me Olivier BERNABE, avoca...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 02 MARS 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/14621 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGIZG

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Juin 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 22/52501

APPELANTE

S.A.R.L. ART BATIMENT, RCS de Bobigny sous le n° 519 422 182, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

Assistée à l'audience par Me Yves DELAUNAY, avocat au barreau de PARIS, toque : P23

INTIMEE

S.C.C.V. L'ELYME DES SABLES, RCS de PARIS sous le n°850 900 010, prise en la personne de son gérant la société AEGIDE PROMOTION INVESTISSEMENT,

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée à l'audience par Me Anne GOLVAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C010

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 janvier 2023, en audience publique, Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, ayant été entendue en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

La société civile de construction vente l'Elyme des sables a, en qualité de maître d'ouvrage, fait réaliser une résidence de services pour senior de 119 logements, sise [Adresse 2].

La société Abciss architectes est intervenue au titre de la maîtrise d'oeuvre de conception et de réalisation, la société Hexa ingénierie au titre de la mission de bureau d'étude structure et la société Qualiconsult en qualité de bureau de contrôle. La société Art bâtiment est intervenue au titre du lot « gros oeuvre » et « fondations spéciales » et a sous-traité les études de structure au bureau d'étude Batistructure, remplacée par la bureau d'étude Mosaique ingénierie.

Le 02 septembre 2021, la société Abciss architectes a suspendu les travaux du lot gros oeuvre confié à la société Art bâtiment. Par courrier recommandé du 07 février 2022, la société L'Elyme des sables a prononcé la résiliation du marché conclu avec la société Art bâtiment à ses torts exclusifs, lui reprochant des manquements dans l'exécution des fondations réalisées et l'insuffisance des moyens proposés pour y remédier.

Estimant qu'elle était en mesure d'exécuter, même avec un retard de quatre mois, le marché que lui avait confié la société L'Elyme des sables, la société Art bâtiment a, par exploit délivré les 3, 4, 7, 8, 16 et 28 mars 2022, fait assigner aux fins de désignation d'un expert les sociétés SMA (assureur de Art bâtiment), L'Elyme des sables, Abciss architectes, Qualiconsult, Hexa ingénierie, Botte fondations, Capsol, Mosaïque ingénierie, Batistructure.

Par ordonnance réputée contradictoire du 15 juin 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

- donné acte des protestations et réserves formulées en défense ;

- déclaré irrecevable la demande de la société L'Elyme des sables en complément d'expertise ;

- rejeté la demande de mise hors de cause ;

- condamné à titre provisionnel la société Art bâtiment à verser à la société L'Elyme des Sables :

' la somme de 50.000 euros au titre des frais d'enlèvement de son matériel,

' la somme de 3.500 euros par mois au titre du coût du stockage de son matériel ;

- ordonné une mesure d'expertise aux frais avancés de la demanderesse et désigné en qualité d'expert M. [N] [V], avec pour mission d'examiner les désordres, malfaçons ou inachèvements allégués dans l'assignation et, le cas échéant, sans nécessité d'extension de mission, tous désordres connexes ayant d'évidence la même cause mais révélés postérieurement à l'assignation, sans préjudice des dispositions de l'article 238 alinéa 2 du code de procédure civile ; les décrire, en indiquer la nature, l'importance, la date d'apparition ; en rechercher la ou les causes ; fournir tout renseignement de fait permettant au tribunal de statuer sur les éventuelles responsabilités encourues et sur les comptes entre les parties ; après avoir exposé ses observations sur la nature des travaux propres à remédier aux désordres, et leurs délais d'exécution, chiffrer, à partir des devis fournis par les parties, éventuellement assistées d'un maître d'oeuvre, le coût de ces travaux ; fournir tous éléments de nature à permettre ultérieurement à la juridiction saisie d'évaluer les préjudices de toute nature, directs ou indirects, matériels ou immatériels résultant des désordres, notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux de remise en état ; dire si des travaux urgents sont nécessaires soit pour empêcher l'aggravation des désordres et du préjudice qui en résulte, soit pour prévenir les dommages aux personnes ou aux biens ; dans l'affirmative, à la demande d'une partie ou en cas de litige sur les travaux de sauvegarde nécessaires, décrire ces travaux et en faire une estimation sommaire dans un rapport intermédiaire qui devra être déposé aussitôt que possible ; faire toutes observations utiles au règlement du litige ;

- rejeté le surplus des demandes ;

- condamné la partie demanderesse aux dépens et dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 02 août 2022, la société Art bâtiment a interjeté appel de la décision à l'encontre de la société L'Elyme des sables, en ce qu'elle a condamné à titre provisionnel la société Art bâtiment à verser à la société L'Elyme des sables la somme de 50.000 euros au titre des frais d'enlèvement de son matériel et celle de 3.500 euros par mois au titre du coût du stockage de son matériel.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 03 janvier 2023, la société Art bâtiment demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a condamnée, à titre provisionnel, à verser à la société L'Elyme des sables la somme de 50.000 euros au titre des frais d'enlèvement de son matériel et de ses matériaux ainsi qu'à la somme de 3.500 euros par mois au titre du coût de leur stockage ;

- rejeter toutes les demandes reconventionnelles pouvant être formulées par la société L'Elyme des sables ;

- condamner la société L'Elyme des sables à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société L'Elyme des sables aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 10 janvier 2023, la société L'Elyme des sables demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance du 15 juin 2022 en ce qu'elle a condamné la société Art bâtiment au paiement d'une provision à celle-ci d'un montant de :

' 50.000 euros au titre des frais d'enlèvement de son matériel,

' 3.500 euros par mois au titre du coût du stockage de son matériel,

- condamner la société Art bâtiment au paiement d'une somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la présente instance.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

En application de l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile du procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite découle de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

En application du second alinéa de ce même texte, le juge des référés peut accorder une provision au créancier dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

Le montant de la provision en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

En l'espèce, la cour est saisie de la seule demande de provision formée à titre reconventionnel par la société L'Elyme des sables, maître d'ouvrage, à l'encontre de la société Art Bâtiment, entreprise chargée du lot « gros oeuvre » et « fondations spéciales », à la suite de la résiliation du marché de travaux notifiée par la première à la seconde le 7 février 2022, aux torts exclusifs de l'entreprise pour manquements contractuels et notamment des malfaçons dans la réalisation des travaux.

La provision sollicitée correspond, d'une part au coût de l'évacuation du chantier de la société Art bâtiment après résiliation, évacuation à laquelle le maître d'ouvrage a dû procéder faute par l'entreprise de l'avoir elle-même effectuée, afin de pouvoir assurer la poursuite du marché de travaux par une autre entreprise, d'autre part au coût du stockage du matériel de la société Art bâtiment sur un terrain loué par le maître d'ouvrage.

La société L'Elyme des sables fonde sa demande de provision sur les dispositions de l'article 30.2 du cahier des clauses générales du marché de travaux qu'elle a signé le 16 juillet 2021 avec la société Art bâtiment, se prévalant en outre d'un trouble manifestement illicite résultant du fait par la société Art bâtiment d'avoir laissé ses matériaux et matériels sur un terrain ne lui appartenant pas.

La société Art bâtiment oppose plusieurs contestations à la demande de provision, arguées de sérieuses, tenant à :

- l'inopposabilité du cahier des charges générales du marché de travaux qu'elle n'a pas signé;

- l'incertitude afférente aux modalités d'évacuation et/ou de rachat des matériaux et matériels de l'entreprise, le maître d'ouvrage ayant proposé le rachat pour ensuite réclamer le coût de l'enlèvement ;

- le caractère non certain, liquide et exigible de la créance revendiquée, les prétendues factures présentées étant en réalité des devis et la réalité de la créance n'étant pas démontrée ;

- le caractère disproportionné de la prétendue créance ;

- le caractère non exigible de la créance compte tenu de la résiliation du marché dont l'imputabilité est contestée par la société Art bâtiment.

La société L'Elyme des sables produit le cahier des clauses particulières et le cahier des clauses générales du marché de travaux, signés par la société Art bâtiment, laquelle ne conteste pas sérieusement être liée par ces cahiers des charges par le simple fait de n'avoir pas signé son propre exemplaire.

L'article 30.2 du cahier des charges générales, relatif à la résiliation du marché à l'initiative du maître d'ouvrage, prévoit que dans tous les cas de résiliation, l'entreprise est tenue d'évacuer le chantier et ses annexes dans le délai fixé par le maître d'ouvrage, sous peine d'astreinte journalière non comminatoire.

L'exécution par l'entreprise de cette obligation d'évacuer le chantier en cas de résiliation du marché n'est pas subordonnée à l'absence de contestation de la résiliation. Elle s'impose dans tous les cas de résiliation. Il est en effet évident que le maître d'ouvrage qui résilie le marché doit pouvoir le faire aussitôt poursuivre par une autre entreprise, ce qui suppose son évacuation préalable par la précédente entreprise après rachat éventuel par le maître d'ouvrage d'une partie de ses matériaux et matériels, ce que prévoit aussi l'article 30.1.

La société L'Elyme des sables soutient à raison que le défaut de libération du chantier par la société Art bâtiment conformément à cette clause du contrat, en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée par courrier du 28 février 2022 signifié par huissier de justice, l'obligeant ainsi à procéder elle-même à cette évacuation à ses frais avancés, constitue un trouble manifestement illicite qu'elle est fondée à voir cesser en obtenant le remboursement de ces frais.

Le maître d'ouvrage justifie par la production de deux factures de la société MDN en date des 31 mars et 30 avril 2022, qui ne s'analysent pas en de simples devis, avoir fait procéder par cette société à l'évacuation des matériaux et matériels de la société Art bâtiment, les différentes prestations de la société MDN y étant décrites, desquelles ont été retranchés les prix de rachat de certains matériaux et matériels ainsi que le coût d'un constat d'huissier de justice de 1.800 euros qui, comme le souligne l'entreprise, ne correspond pas à une prestation prévue à la clause 30.1.

La totalité des prestations facturées par la société MDN au maître d'ouvrage se chiffre à près de 55.000 euros HT, la demande de provision formée à hauteur de 50.000 euros apparaissant ainsi justifiée, la réalité de l'exécution de ces prestations résultant en outre du propre constat d'huissier de justice dressé le 8 juillet 2022 par la société Art bâtiment pour faire constater la présence de ses matériels et matériaux dans le lieu de stockage choisi par le maître d'ouvrage.

La société L'Elyme des sables produit en outre une facture et une attestation de la société MDN établissant la réalité et le prix du stockage des matériaux et matériels de la société Art bâtiment sur un terrain loué au prix mensuel de 3500 euros depuis le 28 mars 2022.

C'est donc à bon droit que le premier juge a alloué à la société L'Elyme des sables les sommes provisionnelles de 50.000 euros au titre du coût de l'évacuation et de 3.500 euros par mois au titre des frais de stockage, les contestations soulevées par la société Art bâtiment n'étant pas sérieuses.

L'ordonnance entreprise sera confirmée, y compris en ses dispositions relatives aux frais et dépens dont elle a fait une juste appréciation.

Perdante en appel, la société Art bâtiment sera condamnée payer à la société L'Elyme des sables la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

Condamne la société Art bâtiment à payer à la société L'Elyme des sables la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/14621
Date de la décision : 02/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-02;22.14621 ?
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