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02/03/2023 | FRANCE | N°20/08401

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 02 mars 2023, 20/08401


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 02 MARS 2023



(n°2023/ , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08401 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCZRX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 19/02240





APPELANT



Monsieur [I] [D]

[Adresse 2]

[Localité 4]

né le 04 Févrie

r 1979 à Sri Lanka



Représenté par Me Nicolas BORDACAHAR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1833



INTIMEE



S.A. ICTS FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Antoine SAPPI...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 02 MARS 2023

(n°2023/ , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08401 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCZRX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 19/02240

APPELANT

Monsieur [I] [D]

[Adresse 2]

[Localité 4]

né le 04 Février 1979 à Sri Lanka

Représenté par Me Nicolas BORDACAHAR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1833

INTIMEE

S.A. ICTS FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Antoine SAPPIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 8 Décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HERVIER, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente et par Julie CORFMAT, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [I] [D] a été engagé par la société ICTS France par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 21 août 2000 en qualité d'agent de sûreté pour une durée de travail mensuelle de 151,67 heures. Il a été promu chef de groupe à compter du 24 avril 2001, puis chef d'équipe adjoint à partir du 1er avril 2004 et enfin chef d'équipe à compter du 1er juillet 2005. Par avenant du 20 avril 2011, la durée de travail a été portée à 156 heures mensuelles pour une rémunération de 2 332,68 euros brut. Les relations contractuelles entre les parties sont soumises à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 févier 1985.

Le 28 décembre 2018, M. [D] s'est vu notifier un avertissement pour ne pas avoir soumis un passager "selectee", identifié comme passager à risque, à un contrôle complémentaire, le 2 novembre 2018.

Par courrier recommandé du 8 mars 2019, M. [D] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 19 mars 2019 puis s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par courrier adressé sous la même forme le 3 avril 2019, l'employeur lui reprochant en substance de ne pas respecter la procédure adaptée aux passagers identifiés comme "selectee" et d'avoir falsifié des documents.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny afin d'obtenir sa réintégration dans l'entreprise et des indemnités de rupture. Par jugement du 1er octobre 2020 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Bobigny, section activités diverses, a :

- débouté M. [D] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société ICTS de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [D] aux dépens,

M. [D] a régulièrement relevé appel du jugement le 8 décembre 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 juillet 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [D] prie la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes,

- annuler l'avertissement notifié le 28 décembre 2018,

- dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société ICTS France à lui verser les sommes suivantes :

- 47 405,86 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 15 218,69 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 6 538,74 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 653,87 euros au titre des congé payés afférents,

- 2 847,51 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire outre 284,75 euros au titre des congés payés afférents,

- 10 000 euros de dommages-intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif conforme à l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision,

- ordonner la prise en charge des éventuels dépens de l'instance par la société intimée.

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 10 mai 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société ICTS France prie la cour de confirmer le jugement dans son intégralité et condamner M. [D] à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 novembre 2022.

MOTIVATION :

Sur l'annulation de l'avertissement notifié le 28 décembre 2018 :

Aux termes de l'article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige sur une sanction disciplinaire, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. L'article L. 1333-2 du code du travail précise que le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme, ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Le courrier de notification de l'avertissement est rédigé dans les termes suivants :

" ['] Nous avons été alertés par une salariée placée sous votre responsabilité, d'un incident survenu le 2 novembre 2018. En effet, un passager selectee (passager à risque) n'aurait pas été inspecté/ETD avant son embarquement à bord de l'avion sur le vol UA 914. Malgré l'information remontée par cette salariée, vous n'avez pris aucune mesure.

Lors de l'entretien vous avez nié n'avoir pris aucune mesure et avez précisé qu'à la suite de la connaissance de cet incident, vous êtes monté à bord de l'avion pour vérifier la carte d'embarquement du selectee puis avez informé le responsable de vol de la compagnie United de cet incident. Celui-ci aurait pris la décision de faire partir le vol sans que le passager concerné ne soit inspecté/ETD.

Nous ne comprenons pas pourquoi aucune trace de cet incident n'apparaît sur les documents de vol.

En tant que société spécialisée dans le domaine de la sûreté, nous nous devons d'être très exigeants quant à la qualité des prestations que nous fournissons et à l'application des procédures car, il en va de la sécurité des personnes et des biens. Vous auriez dû soumettre ce passager aux contrôles réglementaires et tout du moins aviser votre superviseur de la situation.

De plus, après l'entretien vous avez indiqué que vous ne parliez pas du même passager et que les faits évoqués ci-dessous concernaient un autre événement. En effet, vous précisez que les propos rapportés par la salariée placée sous votre responsabilité étaient faux et que le passager selectee en question avait bien été inspecté/ETD. Pourtant le nom de ce passager ne se trouve pas sur le bon compte-rendu de vol que vous avez pourtant signé. Nous vous posons donc la question de la bonne vérification des missions qui vous sont confiées. En tant que chef d'équipe, vous devez superviser l'ensemble des opérations liées à la sécurisation des vols placés sous votre responsabilité. Vous avez agi avec laxisme sans mesurer les conséquences particulièrement préjudiciables de vos agissements fautifs sur le bon déroulement de nos opérations et plus particulièrement sur notre mission première qui est de sécuriser toutes les zones aéroportuaires réservées en vue de préserver les individus et les biens dont nous avons la charge. Or, vous avez failli à ses règles sans prendre en considération les intérêts de notre entreprise ni ceux de l'ensemble des passagers et personnel présents sur la plate-forme aéroportuaire lors de la survenance de cet événement. Votre attitude soulève a posteriori les potentielles conséquences dommageables d'un tel incident pour notre entreprise ainsi que pour notre client. En effet, que serait-il advenu si le passager embarqué sans avoir était contrôlé avait transporté un objet susceptible d'engendrer une catastrophe tant dans l'enceinte de l'aéroport que dans l'aéronef. Sachez que votre comportement, que nous qualifions de manquements graves aux procédures de sûreté, est inacceptable dans la mesure où il témoigne d'un manque total d'implication, de motivation et de conscience professionnelle. Compte tenu de ces éléments, nous vous notifions un avertissement. ['] "

M. [D] conteste les faits qui lui sont reprochés en faisant valoir que chaque passager sélecté a bien été contrôlé, qu'aucune information n'a été remontée par un agent présent à ce titre ce jour-là et que la salariée qui a alerté l'employeur a attesté contre lui dans le cadre de la présente instance et avait fait l'objet de plusieurs rapports de sa part en sa qualité de supérieur hiérarchique.

La société ICTS France fait valoir qu'en sa qualité de chef d'équipe M. [D] est garant de la correcte application des procédures de sûreté en porte d'embarquement de la compagnie United Airlines, qu'il a manqué à ses obligations pour le vol UA 914 le 2 novembre 2018 dès lors qu'un passager à risque, dit 'selectee' n'a pas été contrôlé ETD (détection explosif), que les faits ont été constatés par Mme [W], agent de sécurité qui a immédiatement alerté M. [D] puis, face à l'inertie de celui-ci, la hiérarchie, qu'il a reconnu les faits lors de l'entretien préalable admettant qu'un passager 'selectee' avait été embarqué sans contrôle ETD mais que le responsable de vol de la compagnie avait malgré son intervention pris la décision du départ de l'avion. Elle fait valoir qu'il appartenait dans ces conditions à M. [D] de faire respecter les procédures en vigueur et en cas de difficulté d'aviser immédiatement son superviseur. Par la suite M. [D] a fait valoir qu'il avait confondu ce passager avec un autre et qu'en réalité le passager sélective en cause avait été contrôlé selon la procédure spécifique.

La cour observe que l'employeur ne verse aucun élément de nature à justifier les faits reprochés et que la communication du dossier disciplinaire de l'intéressé ne peut y suppléer.

L'avertissement est donc annulé.

Sur la rupture du contrat travail :

Aux termes de la lettre de licenciement fixant les limites du litige, M. [D] a été licencié pour les motifs suivants :

" ['] Le 25 février 2019, notre interlocuteur client, M. [Y] (superviseur Airport opérations) de la compagnie United nous a demandé des explications concernant un événement survenu le 23 février 2019. En effet, il nous a indiqué que ce jour-là un passager du nom de [T], en partance pour Chicago (vol UA 986) n'aurait pas été traité en tant que passagers " selectee " (passager dit à risque et nécessitant la mise en place une procédure particulière à savoir fouilles et prélèvements ET des (détection d'explosifs)) alors même que son nom figurait bien sur le liste des passagers à traiter selon la procédure spécifique aux " selectee ".

Pour appuyer ses propos, il nous a indiqué que la carte d'embarquement du passager [T] en date du 23 février 2019 ne portait pas la mention " OK ", mention qui certifie que le passager a bien été traité en tant que " selectee " par nos agents de sûreté et garantit qu'il peut prendre son vol, après avoir été spécifiquement contrôlé.

Nous avons mené nos investigations et avons constaté que le nom du passager [T] figurait en dernière position sur le document CDG1 -7. 5/02/05.A conformément à la procédure " sûreté en porte d'embarquement United Airlines ". Ce document atteste que le passager en question avait bien été traité en tant que "selectee". Ce document CDG1 -7. 5/02/05. A permettant d'avoir la traçabilité de l'agent de sûreté ayant procédé au traitement des passagers " selectee ", nous avons donc questionné l'argent chargé du traitement du passager [T], à savoir Mme [X].

Interrogée, cette dernière nous a certifié ne pas avoir traité le passager [T]. Elle a rajouté que c'était matériellement impossible qu'elle ait traité le dernier passager " selectee " puisqu'elle a été affectée sur un autre vol avant que le traitement des " selectee " du vol UA 986 ne soit terminé.

Nous avons donc poursuivi nos recherches. Nous avons alors constaté que sur le listing des passagers "selectee " communiqué par la compagnie et qui sert de document de travail aux agents de sûreté en charge de la procédure spéciale, le nom du passager [T] n'était pas entouré alors que tous les autres noms des passagers " selectee " l'étaient. Nous avons également interrogé l'autre agent de sûreté affectée sur le vol UA 986, Mme [O]. Cette dernière nous a certifié que Mme [X] n'avait pas traité le dernier " selectee " du vol puisqu'elle avait quitté les opérations avant la fin du traitement des " selectee " de ce vol. Elle nous a également indiqué que ce n'était pas elle qui avait traité le dernier passager inscrit sur le document CDG1 -7. 5/02/05A. Nous avons donc souhaité entendre vos explications sur ces faits car vous étiez le chef d'équipe sur ce vol et vous avez de ce fait, signé et donc attesté de la véracité des informations qui figuraient sur le document CDG1 -7. 5/02/05A. Nous vous avons demandé si selon vous, le passager [T] avait été traité en tant que " selectee " vous avez répondu par l'affirmatif et avez précisé qu'il avait été le dernier passager " selectee " à avoir été traité. Nous vous avons demandé, qui, selon vous avez traité le passager [T]. Vous avez répondu Mme [X]. Nous vous avons demandé si lorsque le passager " selectee " était traité avant l'embarquement la mention " OK " devait être apposée par l'agent de sûreté sur la carte d'embarquement du passager. Vous avez répondu par l'affirmatif. Nous vous avons donc mis face à vos contradictions. Il est impossible que Mme [X] ait inspecté le passager [T], dernier " selectee " traité, puisqu'elle était alors positionnée sur un autre vol. Il est de plus certain que le passager [T] n'a pas été traité comme " selectee " puisque la mention " OK " ne figure pas sur sa carte d'embarquement. Le document CDG1 -7. 5/02/05A a donc été falsifié. Vous avez signé un document falsifié en toute connaissance de cause puisque vous saviez que le nom de ce passager n'avait pas été entouré sur le listing servant de document de travail aux agents. À aucun moment vous n'avez questionné vos agents sur une quelconque anomalie, ni n'avez prévenu votre superviseur ou la compagnie. Cet événement est extrêmement grave puisque le respect des procédures propres au traitement des passagers à risque permet de prévenir d'éventuelles conséquences dommageables qui pourraient intervenir sur les biens ou les personnes présentes sur les vols.

Nous vous avons également interrogé sur les faits survenus le 24 février 2019. Nous avons été alertés par un agent de sûreté sur des manquements aux procédures de sûreté pratiqués par vos soins. En effet, concernant le document CDG1 -7. 5/02/05A, la procédure précise en son 7. 1. 9 que " la traçabilité de l'inspection filtrage d'un passager classifié " selectee " est assurée par l'agent de sûreté sur le formulaire CDG1 -7. 5/02/05A ". Nous avons constaté que sur le document CDG1 -7. 5/02/05A du vol UA 914 à destination de Washington, votre nom apparaissait en face de 4 passagers traités en tant que " selectee ". Nous vous avons alors demandé si vous aviez traité ces passagers. Vous avez répondu par la négative. Nous avons demandé pourquoi votre nom apparaissait sur le document CDG1 -7. 5/02/05A dans la colonne " nom de l'agent ". Vous avez répondu que ne sachant pas qui avait traité ces passagers vous aviez indiqué votre nom pour ne pas laisser des blancs. Nous vous avons alors demandé si vous étiez certains que ces passagers aient bien été traités comme " selectee ". Vous nous avez répondu par la négative. Une nouvelle fois, vous avez falsifié un document et avez certifié de sa véracité en apposant votre signature.

L'article " 9-responsabilité " de la procédure " sûreté en porte d'embarquement United Airlines " indique en son 9.1 " le responsable est garant de la correcte application des procédures pendant toute la durée de l'opération ainsi que de l'archivage et de la transmission des rapports et documents opérationnels. "

Les faits survenus les 23 et 24 février 2019 font état de graves manquements aux procédures de sûreté. Vous avez agi avec laxisme sans mesurer les conséquences particulièrement préjudiciables de vos agissements fautifs sur le bon déroulement de nos opérations et plus particulièrement sur notre mission première qui est de sécuriser toutes les zones aéroportuaires réservées en vue de préserver les individus et les biens dont nous avons la charge. En tant que société spécialisée dans la sûreté aéroportuaire, nous nous devons d'être très exigeants quant à la qualité des prestations que nous fournissons et à l'application des procédures car, il en va de la sécurité des personnes et des biens. Or, vous avez failli à ces règles. Votre attitude soulève a posteriori les potentielles conséquences dommageables de telles fautes. En effet, que serait-il advenu si ses passagers avaient transporté un objet susceptible d'engendrer une catastrophe tant dans l'enceinte de l'aéroport que dans l'aéronef. Sachez que votre comportement, que nous qualifions de manquements graves aux procédures de sûreté, est inacceptable de la mesure où il témoigne d'un manque total d'implication, de motivation et de conscience professionnelle. Nous vous rappelons que vous avez fait l'objet de précédentes sanctions pour des faits similaires notamment le 28 décembre 2018. Votre comportement nécessairement préjudiciable rend impossible votre maintien dans l'entreprise. Aussi, avons-nous décidé aux termes de la présente de vous notifier votre licenciement pour faute grave ['] ".

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve repose sur l'employeur qui l'invoque.

La société ICTS France soutient que les faits sont caractérisés et verse aux débats les pièces suivantes :

- le mail de M. [Y] faisant part de ses interrogations dans la mesure où le passager MC Elhanney figurant sur la liste des 4S a été noté comme traité en fouille additionnelle par l'agent de ICTS Colin, ainsi que cela ressort du suivi de l'inspection filtrage en porte communiqué , alors que ce passager a déclaré n'avoir eu aucun contrôle additionnel après le PIF et que sa carte d'embarquement dont copie est également jointe au mail ne porte pas la mention OK,

- la liste des passagers " selectee " sur laquelle figure bien le nom de M. [T],

- l'attestation de Mme [X] qui confirme qu'elle n'a ni contrôlé les derniers passagers 'selectee' sur ce vol ni mis son nom sur la feuille de fouille, relevant d'ailleurs à cet égard, la faute d'orthographe affectant son nom et soulignant qu'elle a quitté la fouille des passagers peu avant midi sur instruction de l'agent [J],

- l'attestation de Mme [Z] [R] qui confirme que le 23 février 2019 Mme [X] a été affectée sur un autre vol avant que la totalité des " selectee " n'ait été traitée et qu'aucune d'elles deux n'a traité les derniers passagers figurant sur la liste.

L'ensemble de ces éléments conduit la cour à retenir que comme le soutient l'employeur le passager [T] qui était identifié comme passager " selectee " n'a pas fait l'objet d'une fouille supplémentaire et que le nom de Mme [X] a été mentionné de façon inexacte comme ayant procédé au contrôle supplémentaire.

M. [D] fait valoir qu'il était seul ce jour-là pour assurer quatre vols qu'il avait d'ailleurs dénoncé un an auparavant à l'employeur le manque d'effectif, que la procédure de sûreté prévoit qu'un responsable supervise les opérations de sûreté à l'embarquement et qu'il avait légitimement déduit que Mme [X] dont le nom figurait à côté du nom du passager avait bien réalisé le contrôle de celui-ci et qu'il ne s'était en réalité pas présenté en porte d'embarquement.

La cour observe que dans un mail du 18 mars 2019 une salariée de la société ICTS France, Mme [J] [G], explique que le 23 février 2019 elle a géré la porte et que pour gérer le flux, elle a elle-même écrit quelques noms de passagers sur la feuille de 4S et elle précise que le dernier nom noté par elle était la passagère Veiltch Amélia mais qu'elle n'a noté aucun nom d'agent AS.

Ainsi, même si les attestations produites par M. [D] font état d'un manque d'effectif, il n'en demeure pas moins que le jour des faits, il était assisté par Mme [G] et aucun élément qu'il allègue ou produit ne justifie que sous sa responsabilité de chef d'équipe un passager signalé comme " selectee " donc à risque ait été mentionné comme soumis au contrôle complémentaire alors que cela n'a pas été le cas et qu'une mention inexacte quant au nom de l'agent contrôleur a été inscrite par lui.

S'agissant de la journée du 24 février 2019 il résulte de l'article 7. 1.9 des procédures sûreté en porte d'embarquement que la traçabilité de l'inspection filtrage d'un passager qualifié " selectee " est assurée par l'agent de sûreté sur un formulaire spécifique. En l'espèce, le nom de M. [D] est apparu en face de celui de quatre passagers ainsi que cela ressort de la feuille de suivi de l'inspection filtrage communiquée par l'employeur alors que Mme [W] indique que ce jour-là il n'a effectué aucun contrôle, sans que le lien hiérarchique entre elle et M. [D] soit suffisant pour ôter sa valeur probante à son attestation, d'autant que cette tâche ne ressort pas de sa responsabilité de chef d'équipe et qu'il ne peut valablement prétendre qu'il est venu prêter main-forte à son équipe puisqu'il ressort du rapport d'opération pour la journée du 24 février 2019 communiquée par l'employeur et l'attestation de prise de connaissance que l'équipe était au complet.

La cour considère en conséquence que les faits sont matériellement établis, et qu'ils caractérisent une faute dont les possibles conséquences sur la sécurité des biens et des personnes en vol et dans les zones aéroportuaires, sont suffisamment grave pour rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise d'autant que même si la cour a annulé l'avertissement notifié au mois de novembre 2018 le dossier disciplinaire de l'intéressé démontre qu'il a déjà été sanctionné par le passé pour des faits de même nature.

M. [D] est débouté des demandes qu'il présente au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement et de faute grave. Le jugement est confirmé de ces chefs.

Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

M. [D] reproche à l'employeur de n'avoir pas fait preuve de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail en lui reprochant de l'avoir injustement accusé de falsification de documents, ce qui l'a profondément affecté après plus de 18 ans d'ancienneté et de lui avoir notifié un avertissement injustifié.

La cour a retenu que le licenciement était fondé sur une faute grave mais que l'avertissement n'était pas justifié de sorte que le manquement de l'employeur est établi et qu'il en est résulté un préjudice pour le salarié. La cour condamne la société ICTS France à lui verser une somme de 500 euros suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

Sur les autres demandes :

Eu égard à la solution du litige, aucune condamnation consacrant une créance de nature salariale n'ayant été prononcée, la demande de remise d'un bulletin de salaire récapitulatif sous astreinte est rejetée.

La société ICTS France, partie perdante, est condamnée aux dépens et doit indemniser M. [D] des frais exposés par lui et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [I] [D] de sa demande d'annulation de l'avertissement notifié le 28 décembre 2018 et de dommages-intérêts pour préjudice moral,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

ANNULE l'avertissement notifié le 28 décembre 2018,

CONDAMNE la société ICTS France à verser à M. [I] [D] la somme de 500 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice pour inexécution de bonne foi du contrat de travail,

DÉBOUTE M. [I] [D] du surplus de ses demandes,

CONDAMNE la société ICTS France à verser à M. [I] [D] la somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande sur ce même fondement,

CONDAMNE la société ICTS aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/08401
Date de la décision : 02/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-02;20.08401 ?
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