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02/03/2023 | FRANCE | N°20/08221

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 02 mars 2023, 20/08221


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 02 MARS 2023



(n°2023/ , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08221 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCYFI



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 18/02338





APPELANTE



S.A.S. SNOP

[Adresse 6]

[Localité 3]



Représenté

e par Me Julien BOUTIRON, avocat au barreau de PARIS, toque : C1499



INTIME



Monsieur [L] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 2]

né le 01 Août 1971 à [Localité 4]



Représenté par Me Béatrice DE PUYBAUDE...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 02 MARS 2023

(n°2023/ , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08221 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCYFI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 18/02338

APPELANTE

S.A.S. SNOP

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Julien BOUTIRON, avocat au barreau de PARIS, toque : C1499

INTIME

Monsieur [L] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 2]

né le 01 Août 1971 à [Localité 4]

Représenté par Me Béatrice DE PUYBAUDET, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-José BOU, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-José BOU, Présidente et par Madame Julie CORFMAT, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [L] [Y] a été engagé par la société Snop par contrat de travail à durée déterminée du 27 mars 2018, en qualité de directeur d'usine de transition, position IIIA coefficient 135, jusqu'au 31 mars 2019 'pour un surcroît d'activité dû à la mise en place d'une nouvelle organisation sur le site de [Localité 5]'.

Selon un avenant de détachement conclu le même jour, M. [Y] a été détaché pour exercer les fonction de directeur d'usine de transition sur le site de [Localité 5] en république tchèque, pour le compte de la société Snop CZ, à compter du 28 mars 2018 et jusqu'au 31 mars 2019.

Suivant un nouvel avenant du 6 juin 2018, le terme du contrat de travail a été avancé au 6 septembre 2018 avec dispense d'activité jusqu'à cette date, les parties ayant par ailleurs convenu qu'à compter du 6 septembre 2018, le détachement de M. [Y] sur le site de [Localité 5] prendrait fin.

M. [Y] percevait une rémunération mensuelle brute de 11 666,66 euros.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Sollicitant la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée avec toutes les conséquences associées, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny qui, par jugement du 12 novembre 2020 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties a :

- requalifié le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ;

- condamné la société Snop, ci-après la société, à verser à M. [Y] les sommes suivantes :

* 11 666,66 euros à titre d'indemnité spécifique de requalification,

* 11 666,66 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

* 35 000 euros à titre d'indemnité de préavis,

* 3 500 euros au titre des congés payés y afférents,

* 11 666,66 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus ;

- condamné la société aux dépens.

Par déclaration transmise le 3 décembre 2020, la société a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 février 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau :

à titre principal :

- juger M. [Y] mal fondé en ses demandes, fins et prétentions ;

- en conséquence, l'en débouter ;

à titre subsidiaire :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [Y] une indemnité au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement ;

en toutes hypothèses :

- condamner M. [Y] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 mai 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [Y] demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé dans l'ensemble de ses demandes ;

- débouter la société de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- confirmer le jugement en ce qu'il requalifié son contrat de travail en contrat à durée indéterminée et a condamné la société à lui verser les sommes suivantes :

* 11 666,66 euros à titre d'indemnité spécifique de requalification,

* 11 666,66 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

* 35 000 euros à titre d'indemnité de préavis,

* 3 500 euros au titre des congés payés y afférents,

* 11 666,66 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire et d'appel incident, si la cour considère que son contrat de travail doit recevoir la qualification de contrat à durée déterminée :

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

* 14 000 euros à titre d'indemnité de fin de contrat,

* 14 000 euros au titre des congés payés,

* 81 666,62 euros au titre des salaires dus jusqu'au terme du contrat,

- condamner la société à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

La société fait valoir que l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise peut consister en une tâche occasionnelle précisément définie et non durable et que tel est le cas en l'espèce, cette tâche étant la réorganisation de l'usine de [Localité 5] et la restructuration de la chaîne managériale. Elle affirme que M. [Y] n'a pas été engagé pour remplacer le précédent directeur d'usine mais pour exercer une fonction de directeur d'usine de transition, différente de celle d'un simple directeur en ce qu'elle exige un niveau supérieur. Elle en veut pour preuves ses échanges avec le cabinet de recrutement chargé de la recherche du directeur d'usine de transition, ceux avec M. [Y] préalables à son recrutement et ses conditions d'embauche et de rémunération, dans la mesure où ce dernier était prêt à effectuer cette mission sans être salarié et percevait une rémunération bien plus élevée que celle de l'ancien directeur d'usine.

M. [Y] réplique qu'il a été engagé pour remplacer le précédent directeur d'usine qui était resté à son poste pendant 10 ans et que cette fonction correspond à l'activité normale et permanente de la société. Il conteste que la fonction de directeur d'usine de transition caractérise un surcroît d'activité, affirmant qu'elle relevait d'une gestion d'usine sur du long terme avec la restructuration de la chaîne managériale.

***

Aus termes de l'article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

En application de l'article L. 1242-2 du même code, sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans des cas limitativement énumérés dont l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.

C'est à l'employeur d'établir la réalité de l'accroissement temporaire d'activité qu'il invoque.

Au cas d'espèce, M. [Y] a été engagé pour une durée déterminée d'environ une année en qualité de directeur d'usine de transition 'pour un surcroît d'activité dû à la mise en place d'une nouvelle organisation sur le site de [Localité 5]' selon les termes de son contrat de travail.

Au soutien de son appel, la société verse aux débats un courriel du 9 mars 2018 du cabinet de recrutement Talents & projets qu'elle a délégué afin de procéder à cette embauche et qui récapitule comme suit les missions incombant au candidat recherché :

'Suivant différents échanges, nous avons retenu que vous recherchiez un directeur pour votre usine de [Localité 5] Tchéquie, pour une mission de transition de huit à neuf mois.

Rattaché à Monsieur [R], le candidat aura pour mission de reprendre en main la direction de l'usine au 'pied levé' et sera principalement en charge de :

- Reprendre en main l'usine dans son ensemble (650 personnes, bientôt 700)

- Prendre les décisions nécessaires pour restructurer la chaîne managériale

- Réorganiser les moyens du site afin de garantir la fabrication des produits dans le respect des standards du groupe

- Gérer l'ensemble des fonctions rattachées à la production : fabrication, maintenance, méthodes, logistique, qualité...

- Relayer les objectifs de la direction générale tout en vaillant veiller à maintenir/rétablir un climat social favorable

- Mener l'ensemble de ces actions dans une logique de long terme afin de faire aux surcroits d'activité en cours et futurs

(...)'.

Elle produit aussi un courriel du 4 mars 2018 adressé par M. [R], directeur général de Snop, à M. [Y] :

'(...) Aujourd'hui, une forte évolution dans notre filiale Tchèque est en train de se faire mais on a une usine spécialement où on aurait besoin de réaliser un changement très important dans son organisation et ses commandements. Mon collègue [J] [E] responsable de nos usines en France et des filiales en Russie et Chine en plus de la DOI groupe, m'a fait arriver votre CV. Aujourd'hui, avec mon DG en Tchéquie on analyse différentes options donc une d'elles la possibilité de prendre un directeur d'usine de transition pour au moins une période de 1 année.

Pouvez-vous me dire déjà si vous seriez intéressé sur ce type d'opération ' Je suis ouvert sur d'autres options aussi.

J'aimerais savoir si vous travaillez en directe quand c'est un travail de transition ou à travers d'une agence ''.

Ces mails et les précisions de la société concernant 'M. [C] [S], directeur de l'usine pendant 10 ans' confirment que l'embauche de M. [Y] fait suite au départ du précédent directeur d'usine de [Localité 5] et était destinée à le remplacer en ce qu'il s'agissait de 'reprendre en main la direction de l'usine au 'pied levé'. Or la fonction de directeur d'usine constitue un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, consistant précisément à gérer l'ensemble des fonctions rattachées à la production, à relayer les objectifs de la direction générale, à veiller au climat social et à mener l'ensemble de ces actions dans une logique de long terme. La restructuration de la chaîne managériale d'une usine, sans autre justification sur son contenu, ses raisons et ses objectifs, ne relève pas d'une tâche occasionnelle. Il en est de même de la réorganisation des moyens du site dans le but d'assurer la fabrication des produits dans le respect des standards du groupe. De telles tâches ressortent de l'activité normale et permanente de l'entreprise dans la perspective d'une gestion d'une usine sur le long terme. Elles sont insuffisantes à caractériser des circonstances passagères nécessitant un renfort temporaire de personnel.

La réalité de l'accroissement temporaire d'activité invoquée n'est donc pas prouvée par la société de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a requalifié le contrat de M. [Y] en contrat à durée indéterminée.

Sur les conséquences de la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée

A titre subsidiaire, la société critique le jugement entrepris au motif de l'impossibilité de cumuler une indemnisation au titre de l'illégitimité de la rupture et celle due au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement. Elle soutient qu'il ne peut être accordé à M. [Y] que des dommages et intérêts pour rupture abusive dans la limite d'un mois de salaire.

Ce dernier conclut à la confirmation du jugement.

***

Conformément à l'article L. 1245-2 du code du travail, le conseil de prud'hommes a justement alloué à M. [Y] une indemnité de requalification ne pouvant être inférieure à un mois de salaire, le jugement étant confirmé en ce qu'il a condamné la société Snop au paiement de la somme de 11 666,66 euros à ce titre.

Dès lors que le contrat de travail de M. [Y] a été requalifié en contrat à durée indéterminée, sa rupture survenue le 6 septembre 2018 sans l'envoi d'une lettre de licenciement caractérise un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à M. [Y], né en 1971, dont l'ancienneté n'atteignait pas une année et en application de l'article L. 1235-3 du contrat de travail, une indemnité à ce titre de 11 666,66 euros correspondant au montant maximal prévu égal à un mois de salaire brut.

Il résulte de l'article L. 1235-2 du code du travail que l'indemnité maximale égale à un mois de salaire destinée à réparer l'irrégularité de la procédure de licenciement n'est due que si le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse. Tel n'étant pas le cas en l'espèce, le jugement sera infirmé en ce qu'il a alloué à M. [Y] une indemnité à ce titre et ce dernier sera débouté de sa demande.

En application de l'article 27 de la convention collective applicable, M. [Y] est fondé à obtenir une indemnité compensatrice du préavis de trois mois dont il a été privé. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à M. [Y] la somme de 35 000 euros à ce titre, outre celle de 3 500 euros au titre des congés payés afférents, à défaut de critique en ce que le conseil de prud'hommes a arrondi la somme due.

Sur les intérêts au taux légal

Il convient de rappeler que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de jugement et que les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter du jugement.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à M. [Y] la somme de 1 500 euros au titre des frais frais irrépétibles d'appel, le jugement étant confirmé sur les dépens et frais irrépétibles de première instance. Elle sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la société Snop à payer à M. [Y] une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;

Statuant à nouveau dans la limite du chef infirmé :

DÉBOUTE M. [Y] de sa demande d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;

Ajoutant :

RAPPELLE que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de jugement et que les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter du jugement ;

CONDAMNE la société Snop à payer à M. [Y] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

La déboute de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Snop aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/08221
Date de la décision : 02/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-02;20.08221 ?
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