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02/03/2023 | FRANCE | N°20/08049

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 02 mars 2023, 20/08049


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 02 MARS 2023



(n°2023/ , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08049 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCXFH



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juillet 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/06335





APPELANT



Monsieur [U] [D]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Assisté de

Me Aurélien WULVERYCK, avocat au barreau de PARIS, toque : J091



INTIMEE



S.A. BNP PARIBAS

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Christophe FERREIRA SANTOS, avocat au barreau de PARIS, ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 02 MARS 2023

(n°2023/ , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08049 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCXFH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juillet 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/06335

APPELANT

Monsieur [U] [D]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Assisté de Me Aurélien WULVERYCK, avocat au barreau de PARIS, toque : J091

INTIMEE

S.A. BNP PARIBAS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Christophe FERREIRA SANTOS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0575

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-José BOU, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-José BOU, Présidente et par Madame Julie CORFMAT, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [U] [D] a été engagé par la société BNP Paribas, ci-après la banque, par contrat d'apprentissage à compter du 6 octobre 2008 en qualité de conseil en gestion de patrimoine particulier. Le 5 octobre 2009, son contrat a été transformé en contrat de travail à durée indéterminée à effet au 3 octobre 2009 sous la même qualification.

A partir de novembre 2011, il a occupé un poste de conseiller banque privée entrepreneur pour les clients habitant à l'étranger puis a été affecté à compter du 1er décembre 2014 à l'inspection générale de la banque en qualité d'inspecteur.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la banque du 10 janvier 2000.

La société occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Le 28 février 2019, la banque a reçu une lettre d'une personne se présentant comme la mandataire de la soeur d'une cliente de la banque, Mme [J], décédée le 5 juillet 2018, reprochant à M. [D], qui était son conseiller, d'avoir profité de sa position professionnelle et de la vulnérabilité de Mme [J] pour obtenir la donation d'un appartement et appauvrir son patrimoine de 600 000 euros. La plaignante a ensuite adressé à la banque l'acte notarié du 20 avril 2015 par lequel Mme [J], née le 6 mai 1924, a fait donation à M. [D] de la nue propriété d'un bien immobilier situé à [Localité 3], évaluée à 320 000 euros.

La banque a reçu M. [D] en entretien le 1er avril 2004 et l'a dispensé d'activité le jour même. Le service de la conformité a rendu un rapport sur cette situation le 4 avril suivant.

M. [D] a été convoqué par lettre du 5 avril 2019 à un entretien préalable fixé au 18 avril 2019, mais ayant eu lieu le 17 avril 2019 à la demande du salarié, une mise à pied à titre conservatoire lui ayant été notifiée.

Par lettre du 23 avril 2019, il s'est vu notifier son licenciement pour faute grave.

M. [D] a saisi la commission paritaire de la banque qui a émis le 14 mai 2019 l'avis distinct suivant : la délégation patronale a considéré la sanction adaptée et la délégation syndicale a pris acte de la sanction prononcée.

A la suite de cet avis, la banque a confirmé le licenciement pour faute grave par lettre du 16 mai 2019.

Contestant son licenciement, M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 15 juillet 2020 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties a :

- débouté M. [D] de ses demandes ;

- débouté la société de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [D] aux entiers dépens.

Par déclaration transmise le 27 novembre 2020, M. [D] a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 décembre 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du Code de procédure civile, M. [D] demande à la cour de :

- juger que le licenciement de M. [D] ne repose pas sur une faute grave ;

en conséquence,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ces dispositions ;

- condamner la société au paiement des sommes suivantes :

* 20 462,49 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 2 046,24 euros bruts au titre des congés payés,

* 30 011,65 euros nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 120 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

* 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner la remise d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard ;

- laisser les dépens à la charge de la société.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 décembre 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la banque demande à la cour de :

- juger M. [D] mal fondé en son appel ;

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

en conséquence,

- débouter M. [D] de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

- le condamner à payer à la société la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

'[']Dans ces conditions, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave en application de l'article 27-1 de la convention collective de la banque.

Nous vous reprochons les faits ci-après, que nous avons découvert à la suite d'une réclamation adressée à la Direction Générale de la Banque en février 2019.

D'octobre 2009 à décembre 2011, vous exercez les fonctions de Conseiller Banque Privée Particuliers au sein du Groupe de [Localité 4]. C'est à cette occasion que vous rencontrez la cliente qui a été victime de vos agissements.

Cette cliente est âgée de 91 ans au moment des faits et dispose d'un patrimoine financier important.

Elle est décédée en juillet 2018.

En février 2019, le mandataire de la s'ur de cette cliente adresse au nom de son mandant une réclamation à la Direction Générale de la Banque dans laquelle elle indique « qu'il est inacceptable que M. [U] [D], son conseiller à la BNP, puisse obtenir quoi que ce soit de sa s'ur dû à son statut, dont un appartement d'une valeur de 600.000 Euros environ».

Elle ajoute que le patrimoine de la cliente « au lieu de fructifier par la confiance en la BNP et ses conseillers aurait ainsi disparu de son patrimoine ».

Vous reconnaissez avoir rencontré cette cliente et avoir été son conseiller pour le compte de BNP Paribas, en qualité de Conseiller Banque Privée jusqu'à fin 2011, date à laquelle vous changez d'affectation.

Vous déclarez qu'à partir de 2013, cette même cliente vous sollicite pour continuer à gérer ses avoirs et ses affaires administratives en contrepartie d'une rémunération. Pour cela, vous prenez le statut d'autoentrepreneur d'aide à domicile en janvier 2013.

Vous reconnaissez également que pour réaliser ces prestations vous disposez de la procuration sur les comptes de la cliente tenus par un autre établissement bancaire.

Ainsi, alors que vous avez qualifié abusivement votre relation avec la cliente « d'affective » lors de l'entretien préalable du 17 avril 2019, il est avéré que vous étiez rémunéré par elle, avez déclaré des revenus imposables à ce titre, et que la relation s'est créée du fait de votre statut de salarié de BNP Paribas.

Les investigations mettent en évidence :

- que vous avez été bénéficiaire en avril 2015 d'une donation de la nue-propriété d'un appartement pour un montant de 320.000 Euros, l'appartement étant estimé à 400.000 Euros,

- que la cliente a payé la totalité des droits de mutation à titre gratuit pour un montant de 193.966 Euros,

- que le montant des rachats des assurances-vie de la cliente sur ses comptes BNP Paribas entre 2015 et 2018 s'élèvent à 468 386 Euros,

- que dans la même période 678.773 Euros ont été transférés des comptes de cette cliente de BNP PARIBAS vers ses comptes sur lesquels vous avez procuration,

- que vous avez également bénéficié d'une donation en numéraire de plus de 100.000 Euros de la part de cette même cliente, ce que vous avez reconnu.

A aucun moment vous n'avez informé votre direction sur la relation commerciale que vous entreteniez avec cette cliente BNP Paribas, ni fait part à votre hiérarchie ou à la Conformité des donations dont vous avez bénéficié à titre personnel.

Ces graves manquements déontologiques contreviennent aux règles élémentaires en vigueur en matière de respect de la primauté des intérêts des clients ainsi que de prévention et gestion des conflits d'intérêts.

Votre absence totale de transparence et de loyauté pose également un problème majeur à l'égard des responsabilités importantes que vous occupez en qualité d'inspecteur à l'Inspection Générale de la Banque.

Les faits que nous vous reprochons portent également gravement atteinte à l'image et à la réputation de la banque à l'égard de ses clients et des tiers. [']'.

M. [D] soutient à titre principal que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Il fait valoir que la plaignante n'était pas désintéressée car elle était l'héritière de la soeur de la cliente mais relève qu'elle n'a engagé aucune action contre la banque. Il soutient que légalement, il avait le droit de recevoir une donation de la part d'une cliente de la banque et souligne que par jugement du 16 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Créteil a débouté la mandataire de la soeur de la cliente de son action pour dol, relevant ses véritables liens affectifs avec Mme [J]. Il conteste tout manquement à ses obligations professionnelles au motif qu'il n'avait pas l'obligation de déclarer une donation d'une personne qui n'était plus dans son portefeuille depuis plus de 3 ans. Il invoque que la donation est intervenue en raison de ses liens personnels entretenus avec Mme [J] qui ont débuté en décembre 2012, que les normes de la banque visent à éviter que le salarié perde son impartialité et ne concernent pas une donation. Il prétend aussi qu'il ne gérait pas ses biens, se bornant à faire du secrétariat et des commissions pour elle sous le statut d'auto-entrepreneur. Il ajoute que le défaut de déclaration de cette activité ne figure pas dans la lettre de licenciement et qu'il n'avait pas à la déclarer, son activité ne pouvant susciter un conflit d'intérêts et ne correspondant pas à un mandat social.

Il soutient à titre subsidiaire que la banque aurait dû en application du règlement intérieur opter pour une sanction moins grave et que la faute grave n'est pas constituée, la banque ayant attendu plusieurs semaines pour initier la procédure de licenciement et à défaut d'impossibilité d'effectuer le préavis puisqu'il avait quitté ses fonctions de conseiller particuliers depuis 2011.

La banque rétorque que les agissements d'un collaborateur se soustrayant aux règles déontologiques constituent une faute grave et que lesdites règles en vigueur en son sein qu'elle rappelle sont opposables à tous ses collaborateurs, dont M. [D] qui les connaissait. Elle estime que ses agissements constituent des manquements déontologiques justifiant son licenciement pour faute grave en ce qu'il aurait dû informer son employeur :

- de ses relations extra-professionnelles avec Mme [J] dont elle soutient qu'elles ont existé entre octobre 2009 et décembre 2011 ;

- de son activité secondaire rémunérée en faveur de cette dernière, motif visé dans la lettre de licenciement selon elle, en ce qu'il gérait les avoirs et affaires de Mme [J] qui lui avait consenti une procuration et en ce que cette activité le plaçait dans une situation de conflit d'intérêts avec la banque ainsi que de concurrence avec ses métiers et a nui à ses intérêts ;

- à tout le moins des donations de Mme [J] en sa faveur. Elle affirme qu'il ne pouvait pas accepter de sommes d'argent ni la donation de la nue-propriété de l'appartement d'une cliente de la banque sans en aviser au préalable sa hiérarchie, l'intimée faisant valoir que cette obligation d'information s'impose dès lors que l'entrée en relation s'est faite dans le cadre professionnel et concerne aussi une donation.

Elle ajoute que les fonctions d'inspecteur de l'intéressé constituent une circonstance aggravante et qu'outre la violation de ses obligations déontologiques, il a manqué à son obligation de loyauté et de transparence à son égard.

***

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et nécessite son départ immédiat sans indemnité. Sa preuve incombe à l'employeur.

La lettre de licenciement reproche à M. [D] d'avoir commis de graves manquements déontologiques faute d'une part de l'avoir informée de l'activité développée en contrepartie d'une rémunération pour une cliente de la banque qui lui avait consenti une procuration sur ses comptes ouverts auprès d'une autre banque. L'appelant ne saurait prétendre que ce grief ne figure pas dans la lettre de licenciement au motif que Mme [J] n'était plus sa cliente dès lors que la lettre vise 'cette cliente BNP Paribas'. La lettre de licenciement lui reproche d'autre part de ne pas avoir déclaré à la banque les deux donations qu'elle lui avait consenties (l'une portant sur la nue propriété d'un bien immobilier d'une valeur de 320 000 euros et l'autre sur plus de 100 000 euros en numéraire). Elle lui fait grief d'avoir ce faisant manqué aussi de transparence et de loyauté envers son employeur.

La légalité des donations reçues par M. [D] au regard de l'article 909 du code civil et la validité de celle portant sur la nue-propriété du bien immobilier admise judiciairement sont sans effet sur l'appréciation du licenciement qui nécessite de déterminer si les agissements imputés au salarié sont réels et s'ils contreviennent aux règles déontologiques applicables.

Il est constant que M. [D] a eu Mme [J] dans son portefeuille de clientèle de 2009 à 2011 et que c'est à cette occasion qu'il a fait sa connaissance.

La donation portant sur la nue-propriété du bien immobilier est avérée par l'acte notarié du 20 avril 2015 produit. Celle relative à une somme de plus de 100 000 euros est établie par le compte rendu d'entretien versé aux débats par la banque, non contesté par l'appelant, dans lequel M. [D] admet avoir reçu une donation 'en cash', à '6 chiffres', reconnaissant que la remise d'un chèque à 6 chiffres intervenue à la même période correspondait sans doute à cette donation.

Ce même compte rendu indique que M. [D] a reconnu 'accompagner' Mme [J], c'est-à-dire s'occuper de 'la gestion administrative' de ses affaires moyennant rémunération, sous le statut d'auto-entrepreneur, et la procuration qu'elle lui avait consentie sur son compte ouvert au LCL. La banque produit un extrait du site société.com faisant état de son activité d' 'aide à domicile' créée le 1er janvier 2013. Selon le jugement du tribunal judiciaire de Créteil dont la banque se prévaut, Mme [J] et M. [D] avaient conclu un accord le 30 janvier 2013 en vertu duquel celui-ci s'obligeait à 'passer chez la cliente deux à quatre fois par mois pour gérer les dossiers et démarches administratives quotidiens de la cliente, une prise de contact hebdomadaire par téléphone et à défaut d'un passage en personne pour faire un point sur toute évolution de la situation de la cliente, assister la cliente avec des démarches administratives plus lourdes liées aux événements de la vie (gestion de la succession éventuelle de sa soeur, assistance pour sélectionner un accompagnement ménager et/ou médical à domicile pour assurer le confort de la cliente, recherche d'une maison de retraite...), aider la cliente à faire ses commissions' pour 2 000 euros HT par mois, l'accord prévoyant que 'd'autres factures peuvent venir en supplément pour des services ponctuels non prévus dans le cadre de cet accord'. Le rapport du service de la conformité mentionne aussi que Mme [J] a procédé à des rachats d'assurance vie entre 2015 et 2018 pour plus de 400 000 euros et que dans le même temps, elle a transféré plus de 650 000 euros vers le compte sur lequel M. [D] disposait d'une procuration, sans que toutefois la preuve que ce dernier soit à l'origine de ces opérations ne soit rapportée.

L'article 24 de la convention collective de la banque énonce que 'les activités bancaires et financières exigent de porter une attention toute particulière à la définition et au respect d'une stricte déontologie', qu' 'en particulier, l'entreprise prend les dispositions nécessaires pour définir les conditions dans lesquelles ses salariés sont susceptibles de recevoir ou d'offrir des cadeaux et avantages dans l'exercice de leur activité professionnelle' et que 'l'application des principes figurant dans le présent article ne fait pas obstacle à celles des dispositions déontologiques mises en place dans les banques (...)'.

Le règlement intérieur de la banque prévoit :

'(...) 2.1 - Discipline générale

Dans l'exécution de son travail, le personnel est tenu de respecter les instructions de ses supérieurs hiérarchiques, ainsi que l'ensemble des instructions prescrites par l'entreprise et diffusées par voie de notes de service et d'affichage. Tout acte contraire à la discipline est passible de sanctions. (...).

Ses rapports, dans le cadre de son activité professionnelle avec la clientèle, les fournisseurs, la hiérarchie, ses collègues ne doivent pas être de nature à nuire à l'image de l'entreprise ou aux relations de travail au sein de l'entreprise.

En exécution de son contrat de travail, le salarié est tenu d'une obligation de loyauté vis-à-vis de l'entreprise qui lui interdit de se livrer directement ou par personne interposée, pour son compte ou pour le compte de tiers, à des activités concurrentes. (...)

2.8 ' Relations avec la clientèle

Dans leurs contacts avec la clientèle, les collaborateurs s'engagent : (...)

- à n'accepter de la part d'un client de la Banque aucun versement en espèces ou moyens de paiement à leur ordre, sauf circonstances exceptionnelles le justifiant et à condition que la hiérarchie en soit informée,

- à n'accepter de la part d'un client de la banque, sauf en cas de lien familial, aucun mandat personnel ou procuration de quelque nature que ce soit, sauf dans des conditions autorisées expressément par la Direction,

- à informer leur hiérarchie, dès qu'ils en ont connaissance, qu'ils sont désignés par un client comme bénéficiaires d'un contrat d'assurance ou comme légataires. (...)

4.1. ' Dispositions générales

Ce règlement intérieur est établi conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur ainsi qu'à la convention collective de la Banque.

Lorsqu'un membre du personnel, dans le cadre de son activité professionnelle, et compte tenu de sa compétence et de son niveau de connaissance et pour un motif sérieux a des interrogations sur le point de savoir si une opération qu'il réalise respecte les principes suivants :

- ne pas nuire à la réputation de la Banque et ne pas lui porter préjudice,

- respecter les obligations légales, réglementaires, professionnelles et déontologiques, et les procédures,

- respecter l'intégrité des marchés,

- respecter l'intérêt des clients,

il doit en référer à sa hiérarchie directe ou au responsable de la Conformité de l'entité ou du Pôle d'activité auquel il appartient, notamment s'il n'obtient pas de réponse satisfaisante. (...)

article 4.1.3 : Primauté des intérêts des clients

Le personnel se doit de refuser tout cadeau ou avantage de quelque sorte que ce soit, dont la valeur ou la fréquence est disproportionnée par rapport aux relations d'affaires habituelles (...)'.

La circulaire DEO-IV-002-001 du 17 mars 2009 sur la déontologie des collaborateurs rappelle les principes du règlement intérieur. Elle procède aux définitions suivantes :

'- Collaborateur : toute personne physique exerçant ses fonctions ou ayant une activité chez BDDF, quelles que puissent être la forme et la durée de sa relation contractuelle (salarié, stagiaire, intérimaire, etc...)',

-' Client : tout client effectif ou prospect, personne physique ou morale, ainsi que les représentants des clients personnes morales',

'- Conflit d'intérêts : situation dans laquelle, dans l'exercice des activités de la Banque, ses intérêts et/ou ceux de ses clients sont en concurrence, directement ou indirectement, (...)

'- Relation ou lien professionnel : est établi lorsque l'entrée en relation avec le client a été réalisée à l'origine dans un cadre professionnel et que le client fait ou a fait partie du fonds de commerce du collaborateur, quelle que soit la durée de la relation'.

Elle prévoit :

'III-B Cadeaux reçus des clients ou des fournisseurs

Tout cadeau reçu, quel qu'en soit le montant, doit être notifié à la hiérarchie, qui en tiendra la liste avec le nom du collaborateur bénéficiaire.

III-B-1 Cadeaux des clients

Un collaborateur ne peut accepter, à titre personnel, tout versement en espèces ou autre moyen de paiement.

Il ne peut accepter de cadeau ou avantage que dans les strictes limites fixées par le Règlement intérieur (cf partie II-A).

Ces restrictions visent à lui éviter tout risque de compromettre son impartialité ou son indépendance de décision en le rendant redevable d'une contrepartie à l'égard du donner de cadeau ou avantage. (...)

Ces situations et le refus qui s'ensuit donnent lieu à une information immédiate de la part du collaborateur concerné à sa hiérarchie, qui consignera les faits et en informera BDDF-Conformité'. (...)

'III-B-4 Cas particuliers des legs et contrats d'assurance-vie

Il s'agit du cas des legs constitués par la clientèle en faveur de collaborateurs ou de leurs proches, ou des contrats d'assurance-vie souscrits par des clients et dont le collaborateur BNP Paribas ou l'un de ses proches serait désigné comme bénéficiaire en raison des relations professionnelles du collaborateur.

Lorsque le collaborateur apprend - que l'information soit connue du vivant du client, au moment de son décès ou après- que lui-même ou l'un de ses proches a été désigné comme légataire ou comme bénéficiaire d'un tel contrat, il est tenu :

- d'en informer sa hiérarchie (qui préviendra BDDF-Conformité-Ethique professionnelle),

- d'en préciser la teneur, notamment quant à sa valeur exacte. (...)'.

La procédure des cadeaux et invitations émise par la Conformité Groupe, entrée en vigueur le 9 décembre 2013, précise quant à elle en son article 3.1.3 intitulé 'Cas particulier : legs, donations et assurance-vie' :

'Ce chapitre traite des cas des donations, legs constitués par la clientèle en faveur des personnes ou de leur proche ou des contrats d'assurance-vie souscrits par des clients et dont la personne ou un proche serait désigné comme bénéficiaire en raison des liens professionnels de la personne.

Lorsque la personne apprend (que l'information soit connue du vivant du client, au moment ou après son décès) qu'elle-même, ou un proche, a été désigné comme donataire, légataire ou comme bénéficiaire d'un tel contrat, elle est tenue :

- d'en informer la hiérarchie, qui en informera le Responsable Conformité de l'entité, ce dernier informera la responsable Conformité du Pôle,

- d'en préciser l'évaluation ou la valeur exacte.',

La procédure de déclaration de certains mandats exercés, en dehors de leur activité professionnelle, à titre privé par les collaborateurs du Groupe BNP Paribas, entrée en vigueur le 23 mars 2010, prévoit enfin :

' 2-1- Mandats sociaux exercés à titre privé

Dans le cadre de cette procédure, certains mandats sociaux exercés à titre privé, en France ou à l'étranger, dans des sociétés commerciales ou des GIE, par les collaborateurs du Groupe, doivent faire l'objet d'une déclaration systématique pour autorisation'. (...).

2-2- Autres mandats et activités externes exercés à titre privé

Par ailleurs, tout collaborateur doit déclarer, sous sa propre responsabilité certains mandats ou activités externes exercés à titre privé. Par ces termes, il faut entendre tout type de mandat ou d'activité qui ne serait pas visé par le paragraphe 2-1 ci-dessus. Le collaborateur concerné détermine lui-même si cette déclaration est ou non nécessaire. En cas de doute sur la nécessité d'une telle déclaration, le collaborateur doit obligatoirement demander l'avis du Responsable de la Conformité concerné.

Cette déclaration n'est requise que dans la mesure où ce mandat ou cette activité risque :

a)- d'engendrer un conflit d'intérêt entre le collaborateur et la Banque

Il s'agit d'un conflit entre les intérêts personnels du collaborateur et les intérêts professionnels de la Banque. De tels conflits peuvent surgir dans le cadre de l'exercice d'activités extraprofessionnelles, de transactions, de contrats ou d'arrangements et se produisent généralement lorsque les intérêts personnels des collaborateurs sont contraires à ses obligations professionnelles et vont à l'encontre des intérêts de la Banque.' (...).

Sera réputé être susceptible de générer des conflits d'intérêts (donc devra être déclaré) tout mandat ou activité : (...)

- toute fonction de conseiller et/ou toute fonction commerciale exercée en nom propre, en collaboration avec des tiers ou pour le compte d'une personne, entreprise ou institution autre que la Banque dans des domaines qui rentreraient en concurrence avec les métiers exercés par la Banque.

b)- de nuire aux intérêts de la Banque, en ce compris sa réputation

Il est rappelé que lorsqu'un collaborateur s'interroge pour déterminer si les activités ou les opérations qu'il projette respectent les principes fondamentaux de la Banque suivants :

- ne pas nuire à la réputation de la Banque

- respecter les obligations légales, réglementaires, professionnelles et déontologiques et procédures,

- respecter l'intégrité des marchés,

- respecter l'intérêt du client

il doit en référer à sa hiérarchie et/ou au responsable de la Conformité de l'Entité ou du Pôle d'activité dont il dépend'.

La lettre d'engagement signée par M. [D] le 15 octobre 2009 mentionne qu'il s'engage à respecter le règlement intérieur ainsi que les règles déontologiques en vigueur dans la société. L'appelant ne conteste d'ailleurs pas l'opposabilité de l'ensemble des textes précités.

S'agissant de la donation portant sur plus de 100 000 euros, M. [D] devait incontestablement en informer sa hiérarchie en vertu des dispositions du paragraphe 2.8 du règlement intérieur rappelées expressément dans la circulaire DEO IV 002-001 selon lesquelles 'Les collaborateurs s'engagent : (...) à n'accepter de la part d'un client de la Banque aucun versement en espèces ou moyens de paiement à leur ordre, sauf circonstances exceptionnelles le justifiant et à condition que la hiérarchie en soit informée'. L'argument tiré du fait que Mme [J] n'était plus sa cliente lors de l'opération et que la donation est intervenue du fait de la relation personnelle nouée avec elle après la fin de ses fonctions de conseiller dans le groupe de [Localité 4] est inopérant puisque le texte précité vise 'un client de la Banque' et que la circulaire prévoit que la relation ou le lien professionnel 'est établi lorsque l'entrée en relation avec le client a été réalisée à l'origine dans son cadre professionnel et que le client fait ou a fait partie du fonds de commerce du collaborateur, quelle que puisse être la durée de la relation', ce qui était le cas de M. [D]. La précision de la circulaire selon laquelle 'ces restrictions visent à lui éviter tout risque de compromettre son impartialité ou son indépendance de décision en le rendant redevable d'une contrepartie à l'égard du donneur de cadeau ou avantage', outre qu'elle concerne l'interdiction d'accepter un cadeau et non l'information de la hiérarchie en elle-même, n'implique pas non plus que le donateur soit un client actuel du collaborateur, lequel peut voir son impartialité compromise même s'il n'a plus de relation d'affaires directe avec celui qui le gratifie.

S'agissant de la donation portant sur la nue-propriété du bien immobilier, s'il est exact que la circulaire du 17 mars 2009 DEO-IV-002-001 ne vise en son paragraphe III-B-4 que les legs et contrats d'assurance-vie, la procédure des cadeaux et invitations entrée en vigueur le 9 décembre 2013, avant la libéralité litigieuse, traite aussi en son article 3.1.3 du cas des donations faites par un client au bénéfice d'une personne exerçant une activité au sein du groupe BNP Paribas en les soumettant à la même obligation déclarative à l'égard de la hiérarchie. Là encore, la circonstance que Mme [J] n'était plus la cliente de M. [D] lors de la donation est indifférente puisque le lien professionnel est défini de manière similaire par ce texte, en ce que ce lien entre un client et un collaborateur est établi 'dès lors que cette personne fait la connaissance du client dans son cadre professionnel et que celui-ci fait ou a fait partie de son fonds de commerce, quelle que puisse être la durée de la relation'. Il s'ensuit que M. [D] aurait dû informer la banque de cette donation.

S'agissant de l'activité rémunérée développée pour Mme [J], c'est à tort que ce dernier conteste avoir eu une obligation de déclaration à ce titre au motif qu'il ne s'agissait pas d'un mandat social puisque la procédure de déclaration et d'autorisation de certains mandats vise aussi en son article 2.2. les 'autres mandats et activités externes à titre privé'. Le fait que M. [D] avait notamment pour mission de 'gérer les dossiers et démarches administratives quotidiens de la cliente' et de l''assister avec des démarches administratives plus lourdes liées aux événements de la vie', soit une définition très large pouvant l'amener à assister et conseiller Mme [J] dans la gestion de ses avoirs et de son patrimoine (la liste des démarches administratives plus lourdes énoncée dans l'accord du 30 janvier 2013 n'étant pas exhaustive), alors qu'il disposait en outre d'une procuration sur un compte bancaire de Mme [J] ouvert auprès d'un autre établissement bancaire, risquait incontestablement d'une part d'engendrer un conflit d'intérêts entre M. [D] et la banque, c'est-à-dire un conflit entre ses intérêts personnels et ceux professionnels de la banque, d'autre part de nuire aux intérêts de celle-ci, en ce compris sa réputation. Or, ce seul risque suffisait à justifier, selon la procédure déontologique applicable, la déclaration de l'activité. A tout le moins, M. [D] devait avoir un doute sur la nécessité d'une telle déclaration et s'interroger pour déterminer si son activité respectait les principes fondamentaux de la banque, dont ne pas nuire à sa réputation et respecter les obligations déontologiques, ce qui l'obligeait à en référer à sa direction en vertu de la même procédure.

M. [D] a commis plusieurs manquements déontologiques : le défaut d'information concernant chacune des donations et concernant l'activité rémunérée développée pour le compte de Mme [J]. Contrairement à ce que soutient l'appelant, il n'existe aucun doute sur la réalité de ses fautes, le seul doute évoqué portant sur celui qu'il aurait dû à l'évidence avoir quant à son activité exercée sous le statut d'auto-entrepreneur et qui devait incontestablement le conduire à en référer à la banque. La violation à plusieurs reprises des règles déontologiques porte sur des donations importantes et une activité accomplie de manière régulière pendant de nombreux mois. Elle ne saurait être justifiée par les relations personnelles qu'il a effectivement entretenues avec Mme [J] et l'exposait en vertu du règlement intérieur à un licenciement disciplinaire, dont fait partie le licenciement pour faute grave. Les faits ont été commis alors que M. [D] exerçait des fonctions d'inspecteur au sein de l'inspection générale de la banque et devait comme tel réaliser des missions d'audit ayant notamment pour objectif de garantir la qualité du dispositif de contrôle des risques, ce qui comprend les risques en matière de déontologie, l'intimée justifiant en outre qu'il avait suivi plusieurs sessions de formation en matière de conformité.

La banque été alertée par la lettre de la mandataire de la soeur de Mme [J] du 22 février 2019, qu'elle a reçue le 28 février suivant. Elle justifie avoir rapidement écrit à cette personne pour lui réclamer tous éléments utiles, dont une copie de l'acte de donation qu'elle a obtenue le 22 mars suivant. Il résulte aussi du rapport de la conformité que ce service a accompli des investigations, tant auprès de l'autre établissement bancaire où la défunte disposait d'un compte bancaire qu'au sein de la banque (étude du compte de M. [D], du compte de la défunte, de ses assurances-vie). La banque a reçu ce dernier en entretien le 1er avril 2019 et l'a dispensé d'activité dès le jour même. Le service de la conformité a rendu son rapport le 4 avril suivant et dès le lendemain, M. [D] a été convoqué à un entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire. La procédure de licenciement a ainsi été mise en oeuvre dans un délai restreint après que la banque a eu connaissance de manière précise des agissements de son salarié, lequel n'a été maintenu dans l'entreprise que le temps nécessaire aux investigations.

Au regard de ces circonstances, du caractère répété des infractions commises aux règles de déontologie, de l'expérience professionnelle et des fonctions exercées par M. [D], les faits imputables à ce dernier constituent une faute d'une importance telle qu'elle rendait impossible son maintien dans l'entreprise et justifiait la rupture immédiate du contrat de travail, sans préavis ni indemnité.

Le licenciement pour faute grave étant justifié, M. [D] doit être débouté de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et d'indemnité de licenciement, le jugement étant confirmé en ce sens.

M. [D], partie perdante, est condamné aux dépens d'appel et à payer à la banque sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés devant la cour, sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée et le jugement étant confirmé sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Ajoutant :

CONDAMNE M. [D] à payer à la société BNP Paribas la somme de 1 000 euros

au titre l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande ;

CONDAMNE M. [D] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/08049
Date de la décision : 02/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-02;20.08049 ?
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