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02/03/2023 | FRANCE | N°20/05376

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 02 mars 2023, 20/05376


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 02 MARS 2023



(n°2023/ , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05376 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCH2E



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/01685





APPELANTE



S.A. LIVE BY GL EVENTS

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représ

entée par Me Stéphane FERTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075



INTIMEE



Madame [J] [I]

[Adresse 2]

[Localité 3]

née le 12 Novembre 1963 à [Localité 4]



Représentée par Me Nathalie ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 02 MARS 2023

(n°2023/ , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05376 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCH2E

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/01685

APPELANTE

S.A. LIVE BY GL EVENTS

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Stéphane FERTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

INTIMEE

Madame [J] [I]

[Adresse 2]

[Localité 3]

née le 12 Novembre 1963 à [Localité 4]

Représentée par Me Nathalie PANOSSIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2033

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 8 Décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HERVIER, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente et par Madame Julie CORFMAT, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [J] [I] a été engagée par la société Market place par contrat de travail à durée indéterminée du 1er janvier 1987, en qualité de conseil en communication événementielle. A compter du 1er avril 2008, elle a exercé les fonctions de directrice du développement, statut cadre. Le groupe GL Events a acquis la société Market Place et a ensuite fusionné ses trois agences le 1er janvier 2014, afin de créer la société Live by GL events. En dernier lieu, Mme [I] y exerçait les fonctions de directrice conseil au sein du pôle corporate et percevait des appointements de 6 515,42 euros pour une durée de travail soumise à un forfait annuel de 218 jours auxquels s'ajoutaient divers avantages et primes.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises techniques au service de la création et de l'événement (IDCC 2717) et la société occupait à titre habituel au moins onze salariés.

Mme [I] a été convoquée par courrier recommandé du 19 novembre 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 28 novembre 2018 et dispensée d'activité à compter du 30 novembre 2018. Par lettre recommandée datée du 18 décembre 2018, adressée le 21 décembre 2018, elle s'est vu notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse, l'employeur lui reprochant en substance l'insuffisance fautive de ses résultats.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 27 février 2019, afin d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et la rupture du contrat de travail. Par jugement du 24 juin 2020 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, a :

- dit le licenciement de Mme [I] sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société Live by GL events à lui verser les sommes suivantes :

* 888,60 euros au titre de rappels de salaire,

* 88,86 euros au titre des congés payés y afférents,

Avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation,

- rappelé qu'en vertu de l'article R. 1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire, soit 6 600,63 euros ;

* 140 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

* 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [I] du surplus de ses demandes ;

- débouté la société Live by GL events de sa demande relative à l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné à la société Live by GL events le remboursement au Pôle Emploi à concurrence de 1 mois d'indemnité de chômage allouée à Mme [I] ;

- condamné la société Live by GL events aux entiers dépens.

La société Live by GL events a régulièrement relevé appel de ce jugement le 3 août 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 mars 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Live by GL events demande à la cour d'infirmer le jugement des chefs de condamnation prononcées à son encontre,

Statuant à nouveau :

A titre principal :

- dire et juger que le licenciement de Mme [I] est fondé sur une cause réelle et sérieuse

- débouter Mme [I] de sa demande de dommages et intérêts ;

A titre subsidiaire :

- limiter le montant des dommages et intérêts sollicités par Mme [I] à hauteur de 3 mois de salaire, soit 19 549,26 euros ;

En tout état de cause :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [I] des demandes qu'elle formule au titre de son solde de tout compte au titre du remboursement des ARE versées dans la limite de 6 mois de salaire ;

- débouter Mme [I] de la demande qu'elle formule au titre de la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil ;

- débouter Mme [I] de la demande qu'elle formule au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [I] aux éventuels dépens d'instance dont distraction au profit de Me Fertier aux termes de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 février 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [I] prie la cour de :

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire, de sa demande de rappel de primes 2016, 2017 et 2018 et de la capitalisation des intérêts ;

Statuant à nouveau :

- condamner la société Live by GL events à lui verser les sommes suivantes :

* 5 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,

* 19 302,46 euros au titre des rappels de prime 2016, 2017 et 2018,

* 1 930,24 euros brut au titre des congés payés y afférents,

- juger que ces condamnations porteront intérêts capitalisés au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation sur les sommes à caractère de salaire et à compter de l'arrêt à intervenir pour les sommes à caractère indemnitaire ;

- ordonner la capitalisation des intérêts fixés en première instance ;

- condamner la société Live by GL events à verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 novembre 2022.

MOTIVATION :

Sur le bien fondé du licenciement :

La lettre de licenciement fixant les limites du litige est rédigée dans les termes suivants :

" [...] Vous exercez la fonction de Directeur Conseil au sein de la société LIVE ! BY GL EVENTS depuis le 1er janvier 1987. A ce titre, vous êtes directement responsable du développement du chiffre d'affaire de l'Agence et vous vous devez d'atteindre les objectifs qui sont fixés dans le respect des consignes fixées par votre hiérarchie.

Depuis deux ans, nous constatons que vos résultats sont en forte inadéquation avec les objectifs qui vous sont demandés. Nous assistons ainsi à une baisse du chiffre d'affaires et de la rentabilité généré par votre activité.

Vos résultats sur l'année 2018 s'établissent à un Chiffre d'Affaires de 2 883 K €, une marge brute de 469 K € (soit 16%) et une marge nette négative de - 361 K €. Cela signifie que l'ensemble de votre activité au cours de l'année 2018 a conduit à une perte nette pour l'Agence de 361 000 €.

Pour rappel, les objectifs qui vous avaient été fixés étaient un Chiffre d'Affaire de 5 000 K €, une marge brute de 23% et une marge nette positive.

Ces résultats sont donc très éloignés des objectifs qui vous avaient été fixés et en complète inadéquation avec ce que nous sommes en droit d'attendre de votre part, eu égard à votre expérience et votre séniorité sur ce poste.

En effet, du fait de votre positionnement et de votre expertise au sein de notre société, nous attendons de vous que vous soyez un moteur de développement pour votre équipe et pour notre Agence, ne serait-ce que pour atteindre les objectifs qui vous étaient fixés.

A de nombreuses reprises durant ces deux dernières années, Monsieur [O] [R], Directeur Général de la société LIVE ! BY GL EVENTS, vous a demandé d'être plus proche de vos clients.

Il vous a ainsi régulièrement convoquée pour évoquer avec vous le suivi que vous deviez avoir vis-à-vis de vos clients afin d'être en mesure de réellement connaître leurs besoins. Or il n'en est rien. Pour preuve, nous pouvons prendre comme exemple le client Ruinart pour lequel nous apprenons par hasard qu'une autre personne est en charge de son nouvel événement sans même que nous en soyons avertis.

Ce manque de suivi chronique de vos clients, que nous constatons depuis plus d'une année, constitue pour une grande partie la raison de l'insuffisance de vos résultats.

Votre hiérarchie vous a alertée sur le sujet depuis maintenant plus d'une année par le biais de réunions qu'elle a mis en place avec vous et également par le biais d'e-mails récapitulatifs réguliers.

Malheureusement, cet accompagnement effectué afin de vous voir réaliser vos objectifs n'a clairement pas atteint sur son but puisque vos résultats, loin de se redresser, se sont au contraire dégradés sur l'année 2018. Les pertes générées par votre activité mettent en péril la santé financière de notre Agence.

Lors de l'entretien, vous avez réfuté ces éléments.

Nous ne pouvons, dès lors, plus tolérer ces résultats et vous notifions donc par la présente votre licenciement pour causes réelles et sérieuses. [...] ".

L'employeur soutient que compte tenu de l'ancienneté de Mme [I], de sa parfaite connaissance de ses missions et de l'accompagnement personnalisé dont elle a fait l'objet, ses résultats commerciaux catastrophiques ne pouvaient être la conséquence que d'une carence volontaire et fautive de son activité commerciale et plus particulièrement de l'absence de suivi de ses clients.

De son côté, Mme [I] fait valoir que l'insuffisance de résultats ne doit pas résulter de la seule conjoncture économique ou du contexte de concurrence accrue, ou du fait de l'employeur et que la non atteinte des objectifs fixés en 2018 ne relève pas d'une carence fautive de sa part puisque son activité a permis à l'Agence de concourir à des appels d'offres qui parfois ont été remportés et parfois non ou pour lesquels l'Agence a pu décider de ne pas concourir.

L'article L. 1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles et que si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi, l'administration de la preuve du caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis, objectifs, imputables au salarié et matériellement vérifiables.

La cour rappelle que l'insuffisance de résultats ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement, elle doit résulter soit de l'insuffisance professionnelle de la salariée soit de sa faute. En l'espèce, l'employeur s'est placé sur le terrain disciplinaire en reprochant à Mme [I] sa carence volontaire et fautive de son activité commerciale et de suivi de ses clients.

Aux termes du descriptif de poste annexé au contrat de travail signé le 4 avril 2014, Mme [I] était notamment chargée de développer le portefeuille client de l'agence et pouvait participer à la prospection. Elle était responsable de la relation commerciale et supervisait les projets en manageant les différentes équipes. Elle représentait l'agence auprès du client et le conseillait.

Pour justifier l'insuffisance fautive des résultats reprochée à Mme [I], l'employeur s'appuie essentiellement sur trois pièces.

En premier lieu, il s'appuie sur le 'tableau récapitulatif de ses résultats économiques selon les résultats de Mme [I]' dont la cour relève qu'il n'est justifié par aucun élément comptable et qu'il est critiqué à juste titre par Mme [I] qui fait valoir tout d'abord qu'il est exhaustif et ne prend pas en compte les dossiers qu'elle a apportés et qui ont été exploités en 2018, grâce à ses présentations ou à sa participation aux projets citant en exemple, une quinzaine de dossiers et produisant les mails, tableaux de " staffing ", présentations, approches budgétaires, compte rendus, réponses appel d'offres, relatifs à ces dossiers démontrant que son activité ne s'est pas réduite aux pertes déplorées par l'employeur. Elle fait valoir ensuite que l'employeur lui impute la perte de dossiers dont elle n'avait pas la charge : il en a été ainsi pour le dossier L'OREAL CAI, géré par Mme [M] [X], une des 3 autres directrices conseil et non par elle ainsi que cela ressort du mail du 21 janvier 2018 qu'elle a adressé à l'acheteuse dans lequel elle l'informe que le dossier n'est pas piloté par elle mais par [M] [X] et [T] [Y] et des mails du 19 janvier 2018 par lequel Mme [X] sollicitait des informations pour répondre à cet appel d'offres et débriefait la présentation du projet aux clients le 12 février 2018. Elle soutient qu'il en a été de même pour le dossier [B] géré par Mme [P] [A], autre directrice conseil, ainsi que cela ressort du mail du 7 mars 2018, par lequel elle confirmait à la cliente : que c'était " [P] et son équipe qui ont monté ce dossier'. De plus Mme [I] fait valoir que si le dossier NINA RICCI- BELLA EVENT a effectivement été perdu, son travail n'est pas en cause puisqu'il a été approuvé par le Directeur Général, ainsi que cela ressort du mail du 25 avril 2018 que lui a adressé M. [R]. Enfin, Mme [I] fait valoir que le fait que ces appels d'offres n'aient pas été remportés relève de l'aléa inhérent à cette matière, les dossiers des concurrents pouvant être meilleurs mais aussi des choix stratégiques de la direction. Ainsi, elle démontre que certains dossiers ont été écartés notamment en raison du budget jugé trop faible par la direction, tels les dossiers [K] France -convention, le Huawei - IMT Summit, Huawei - OMEA Night, Essilor, en produisant différents mails et compte rendus de réunions commerciales faisant apparaître la mention " no go " par la direction.

En second lieu, l'employeur communique un tableau récapitulatif des mails d'alerte qui auraient été adressés à Mme [I], dressé par ses soins dont la cour relève qu'il n'est pas justifié par la communication desdits mails mais que ceux-ci ont été produits par la salariée et dont il ne ressort pas qu'elle a fait preuve de carences fautives dans le suivi des dossiers et font au contraire apparaître la réalité du travail d'équipe autour de chaque projet.

Enfin l'employeur produit la feuille d'objectifs de Mme [I] pour l'exercice 2018 dont il fait valoir qu'elle établit qu'elle n'a accompli aucun de ses objectifs. A cet égard la cour relève avec Mme [I] que les objectifs lui ont été communiqués tardivement comme l'établit le mail du 18 juin 2018 par lequel l'employeur en la personne de M. [W], directeur du Pôle projet lui communique ses objectifs pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2018, de sorte qu'il lui sont inopposables. Par ailleurs, Mme [I] soutient que les objectifs étaient irréalisables dès lors que l'employeur a maintenu en 2018 les mêmes objectifs qu'en 2017, alors que pour cet exercice, ces objectifs n'avaient pas été atteints, ni par elle ni par les autres salariés également soumis à des objectifs, étant observé qu'elle explique sans être contredite par l'employeur qu'elle a été la seule à être licenciée.

En définitive, au vu des pièces produites par les deux parties, la cour considère que l'insuffisance fautive des résultats au regard d'objectifs au surplus notifiés tardivement n'est pas établie, qu'aucun élément du dossier ne démontre que la perte des offres résulte de la seule carence fautive de Mme [I] dans le suivi de ses dossiers alors que l'employeur ne justifie en rien du manque de suivi allégué ni des alertes qui auraient été adressées à la salariée ni de l'accompagnement qui lui aurait été assuré.

La cour considère en conséquence que la cause réelle et sérieuse du licenciement n'est pas établi.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Bénéficiant d'une ancienneté de 31 années complètes et employée dans une entreprise comprenant au moins onze salariés, Mme [I] est fondée à percevoir au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement en application de l'article L. 1235-3 du code du travail une indemnité comprise entre 3 et 20 mois de salaire brut. Mme [I] sollicite une somme de 140 000 euros à ce titre correspondant à 20 mois de salaire brut sur la base d'un salaire mensuel brut de 7 000 euros non critiqué par l'employeur qui sollicite seulement que l'indemnisation soit fixée au montant minimum légal de trois mois.

Eu égard à son âge (née en 1963), au montant de son salaire brut (prenant en compte les sommes allouées au titre de la prime d'objectif pour la période concernée comme il sera vu ci-après), aux circonstances du licenciement, à ce qu'elle justifie de sa situation postérieure à la rupture, (charges de loyer, perception de l'ARE à compter du 11 novembre 2019, versée à hauteur de la somme de 3 234 euros en décembre 2020, avis d'imposition 2021 pour les revenus de 2020, déclaration de revenus pour l'année 2019), la cour condamne la société Live by GL events à verser à Mme [I] la somme réclamée de 140 000 euros à ce titre. Le jugement est confirmé de ce chef.

Eu égard à la solution du litige, le jugement est confirmé en ce qu'il a fait application de l'article L. 1235-4 du code du travail.

Sur la demande de rappel de salaire au titre du solde de tout compte :

Mme [I] justifie en produisant l'original de l'enveloppe que la lettre de licenciement lui a été adressée le 21 décembre 2018 et qu'elle a été présentée le 24 décembre de sorte qu'il est ainsi établi que le préavis de quatre mois a commencé à courir à cette dernière date alors que le solde de tout compte a été arrêté par l'employeur au 21 avril 2019 et sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Live by GL events à lui verser la somme de 888,60 euros au titre de sa contestation du solde de tout compte outre 88,86 euros au titre des congés payés afférents.

L'employeur conclut au débouté et à l'infirmation du jugement en faisant valoir qu'il a rempli l'ensemble de ses obligations. Il verse aux débats le solde de tout compte, le certificat de travail, l'attestation pour Pôle emploi et le bulletin de salaire du mois d'avril 2019 dont il ressort que le préavis a été payé jusqu'au 21 avril 2019 et non jusqu'au 24, de sorte qu'il ne démontre pas ainsi que Mme [I] a été remplie de ses droits.

La cour fait donc droit à la demande présentée par Mme [I] et le jugement est confirmé de ces chefs de demande.

Sur les dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire :

Mme [I] fait valoir qu'elle a été dispensée d'activité à compter de l'entretien préalable et a dû quitter son emploi sans pourvoir saluer les autres salariés ou ses clients et fournisseurs depuis plus de 30 ans et subir juste avant les fêtes de Noël un licenciement disciplinaire malgré son implication lui causant ainsi un préjudice moral et d'image dont elle demande réparation à hauteur de la somme de 5 000 euros.

La société Live by GL events conclut au débouté.

Eu égard à la solution du litige, la cour ayant jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse considère que la dispense d'activité qu'aucun impératif d'enquête ne justifiait caractérise l'éviction brutale et vexatoire d'une salariée bénéficiant d'une ancienneté de plus de trente ans au sein de la communauté de travail de sorte que la société Live by GL events est condamnée à lui verser la somme de 3 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son entier préjudice. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef.

Sur les demandes de rappel de primes sur objectifs et congés payés afférents :

Mme [I] sollicite un rappel de primes sur objectifs pour les années 2016 à 2018 en faisant valoir que les objectifs n'étaient pas réalisables et lui ont été notifiés tardivement :

- Pour l'année 2016, les objectifs ont été notifiés tardivement aux salariés ainsi que cela ressort du procès-verbal de réunion du comité d'entreprise du 22 novembre 2016 qui s'en émeut,

- Pour l'année 2017, les objectifs lui ont été notifiés tardivement,

- Il en a été de même pour les objectifs 2018, notifiés en juin 2018 identiques à ceux de l'année précédente.

Elle fait également valoir que les critères d'attribution de la prime ont été modifiés unilatéralement par l'employeur et ne lui ont jamais été expliqués.

La société Live by GL events conclut au débouté en faisant valoir que Mme [I] n'a pas atteint ses objectifs, qu'elle a elle-même rempli ses obligations à l'égard de la salariée, et que comme l'a retenu le conseil de prud'hommes cette dernière a eu connaissance desdits objectifs.

L'avenant du contrat de travail de Mme [I] prévoyait que la rémunération était forfaitairement fixée à 76 008 euros par an pour 218 jours de travail. Il ne fait aucune mention de la prime sur objectif qui a cependant été versée chaque année à la salariée selon des modalités fixées par l'employeur et en fonction d'objectifs notifiés chaque année ainsi que cela ressort des procès-verbaux de réunion de comités d'entreprise communiqués par la salariée en date des 22 novembre 2016 et 28 février 2016.

Les objectifs définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, doivent être réalisables et portés à la connaissance du salarié en début d'exercice. Il est établi en l'espèce que les objectifs portant sur l'année 2016 n'avaient toujours pas été communiqués aux salariés en novembre 2016 ainsi que cela ressort du procès-verbal de réunion du comité d'entreprise du 22 novembre 2016 au cours de laquelle la direction a indiqué que les documents seraient distribués dans les prochains jours. Le caractère tardif de la notification des objectifs pour l'année 2017 est établi par le procès-verbal de réunion du comité d'entreprise du 22 février 2017 au cours duquel l'employeur annonce une action correctrice sans cependant justifier de la date à laquelle les objectifs ont été finalement communiqués à la salariée. Enfin, pour l'année 2018, comme il a été vu ci-dessus, les objectifs ont été notifiés en juin 2018. Les objectifs ayant été notifiés tardivement à la salariée, ils lui sont inopposables et elle est fondée à réclamer le paiement du bonus en dépendant à hauteur du maximum prévu pour le montant de la prime.

Dès lors, la cour relevant au vu de la feuille de fixation des objectifs 2016, et 2017 et 2018 que le montant maximum de la prime que pouvait percevoir Mme [I] était de 9 276 euros, et considérant qu'elle n'a pas été remplie de ses droits par les versements partiels auxquels a procédé l'employeur au titre des exercice 2016 et 2017, condamne la société Live by GL events à verser à celle-ci la somme totale de 19 302,46 euros outre 1 930,24 euros au titre des congés payés afférents et le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ce chef de demande.

Sur les autres demandes :

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation soit le 12 mars 2019 selon les mentions non critiquées du jugement et les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.

La capitalisation des intérêts est ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

La société Live by GL events, partie perdante, est condamnée aux dépens et doit indemniser Mme [I] des frais exposés par elle devant la cour et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 3 000 euros, le jugement étant confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à lui verser sur ce même fondement une somme de 1 200 euros. Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Live by GL events.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [J] [I] de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire, de rappel de primes au titre des années 1016 à 2018 et congés payés afférents,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

CONDAMNE la société Live by GL events à verser à Mme [J] [I] les sommes de :

- 3 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice pour licenciement brutal et vexatoire,

- 19 302,46 euros à titre de rappel de primes pour les années 2016 à 2018 outre 1 930,24 euros à titre d'indemnité de congés payés,

DIT que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter du 12 mars 2019 et que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce,

ORDONNE la capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière,

DÉBOUTE Mme [J] [I] du surplus de ses demandes,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Live by GL events,

CONDAMNE la société Live by GL events aux dépens et à verser à Mme [J] [I] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en sus de la somme allouée sur ce même fondement en première instance.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/05376
Date de la décision : 02/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-02;20.05376 ?
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