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02/03/2023 | FRANCE | N°20/04789

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 02 mars 2023, 20/04789


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 02 MARS 2023



(n° 2023/ , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/04789 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCEUV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 17/00163





APPELANT



Monsieur [Z] [C]

[Adresse 1]

[Localité 3]

né le 01 Décembre 1

982 à [Localité 3]



Représenté par Me Nathalie BAUDIN-VERVAECKE, avocat au barreau de MEAUX



INTIMEE



S.A. LA POSTE

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par Me Sylvie ABORDJEL, avocat ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 02 MARS 2023

(n° 2023/ , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/04789 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCEUV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 17/00163

APPELANT

Monsieur [Z] [C]

[Adresse 1]

[Localité 3]

né le 01 Décembre 1982 à [Localité 3]

Représenté par Me Nathalie BAUDIN-VERVAECKE, avocat au barreau de MEAUX

INTIMEE

S.A. LA POSTE

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Sylvie ABORDJEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C1836

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 8 Décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HERVIER, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente et par Madame Julie CORFMAT, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [Z] [C] a été engagé par la société La Poste par contrat de travail à durée indéterminée du 2 novembre 2006, en qualité d'agent rouleur distribution. Par avenant du 30 avril 2008, il a été affecté au poste de facteur.

Le 6 octobre 2015, M. [C] a été placé en arrêts de travail successifs jusqu'au 9 novembre 2015 inclus, en raison d'un accident du travail. Le 30 octobre 2015, l'employeur a fait réaliser un contrôle médical à son domicile. Ce dernier étant absent lors de ce contrôle, la société La Poste lui a demandé par courrier du 4 novembre 2015 de justifier cette absence.

M. [C] a repris le travail le 1er décembre 2015 et a été convoqué par lettre du 29 décembre 2015 à un entretien préalable à sanction fixé au 11 janvier 2016. Conformément aux procédures internes de la société, une commission consultative paritaire s'est tenue le 10 février 2016. Par lettre du 12 février 2016, M. [C] s'est vue notifier une mise à pied disciplinaire d'une semaine du 14 au 20 mars 2016 inclus.

Le 16 septembre 2016, M. [C] a de nouveau été victime d'un accident du travail. Le 22 septembre 2016, il s'est rendu sur son lieu de travail afin de remettre sa déclaration des circonstances de l'accident à l'employeur. Le jour-même, la société La Poste a déposé plainte auprès du commissariat de [Localité 3] en raison des menaces qui auraient été proférées par M. [C] à l'encontre de son supérieur hiérarchique.

Par courrier du 26 septembre 2016, la société La Poste lui a notifié une mise à pied à titre conservatoire. Puis, M. [C] a été convoqué par lettre du 13 octobre 2016 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 24 octobre 2016. Il a ensuite été convoqué par lettre du 3 novembre 2016 à une commission consultative paritaire fixée au 17 novembre 2016 et s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par courrier recommandé du 13 décembre 2016.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale La Poste - France Telecom (IDCC 5516). La société La Poste occupe à titre habituel au moins onze salariés.

Contestant son licenciement, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Meaux qui, par jugement du 16 juin 2020 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties a :

- confirmé le licenciement pour faute grave de M. [C] ;

- débouté M. [C] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté la société La Poste de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- laissé les dépens à la charge de M. [C].

M. [C] a régulièrement relevé appel de ce jugement le 20 juillet 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 septembre 2020 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [C] prie la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné aux dépens,

Statuant à nouveau :

- annuler sa mise à pied disciplinaire d'une durée de sept jours ;

A titre principal :

- juger son licenciement nul ;

- ordonner sa réintégration ;

- condamner la société La Poste à lui verser les sommes suivantes :

* 63 308,88 euros au titre de rappels de salaire depuis le 13 décembre 2016,

* 6 330,88 euros au titre des congés payés y afférents,

* 4 982,63 euros au titre de rappels de salaire des mises à pied,

* 498,26 euros au titre des congés payés y afférents,

* 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la remise de tous les bulletins de salaire de son licenciement jusqu'à sa réintégration à intervenir sous astreinte de 20 euros par jour de retard et par document ;

A titre subsidiaire :

- juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société La Poste à lui verser les sommes suivantes :

* 21 102,96 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 4 982,63 euros au titre de rappels de salaire des mises à pied,

* 498,26 euros au titre des congés payés y afférents,

* 3 717,16 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 317,16 euros au titre des congés payés y afférents,

* 8 792,90 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la remise sous astreinte de 20 euros par jour et par document des documents suivants :

* certificat de travail,

* une attestation Pôle Emploi,

* les bulletins de salaires,

- ordonner que les condamnations prononcées porteront intérêt légal à compter du prononcé de l'arrêt pour les créances indemnitaires et à compter de la saisine pour les créances salariales et qu'ils seront majorés selon l'article L. 313-3 du code monétaire et financier ;

- ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil ;

- condamner la société La Poste aux dépens y compris les frais et honoraires de recouvrement forcé par voie d'huissier de justice.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 décembre 2020 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société La Poste prie la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

En conséquence :

- juger M. [C] mal fondé en l'ensemble de ses demandes et l'en débouter ;

Statuant à nouveau :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes fondées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

En conséquence :

- condamner M. [C] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile concernant les frais de première instance engagés ;

En toute hypothèse :

- condamner M. [C] à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile concernant les frais d'appel engagés ;

- condamner M. [C] aux entiers dépens d'appel au titre de l'article 696 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 novembre 2022.

MOTIVATION :

Sur l'exécution du contrat de travail :

Sur la demande d'annulation de la sanction disciplinaire :

Aux termes de l'article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige sur une sanction disciplinaire, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'article L. 1333-2 du code du travail précise que le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme, ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Le courrier de notification de la sanction disciplinaire critiquée est motivé dans les termes suivants :

[...] Suite à un accident de travail, subi le 6 octobre 2015, vous avez été en arrêt jusqu'au 9 novembre 2015 inclus. Pour information un contrôle médical SMP a été réalisé le 30 octobre 2015, qui a constaté votre absence à votre domicile. Un courrier vous a été adressé le 4 novembre 2015 par Mme [D], responsable ressources humaines de [Localité 5] PPDC, afin que vous puissiez apporter les éléments d'explication consécutivement à votre absence lors de ce contrôle. Aux termes de cet arrêt de travail, soit, dès le 10 novembre 2015, aucune information vous concernant n'est parvenue à l'établissement de [Localité 5]. En conséquence, Mme [D] vous a adressé, le 12 novembre 2015, une première mise en demeure de reprendre son travail à la PPDC de [Localité 5]. Sans réponse de votre part, une seconde mise en demeure de reprendre le travail vous a été adressée. S'il est avéré que vous avez effectivement accusé réception de ces deux courriers recommandés, il ressort que vous ne leur avez réservé aucune suite

Vous vous êtes présenté à [Localité 5] PPDC le 1er décembre à la prise de service, muni d'une photocopie de la prolongation de votre arrêt de travail, couvrant la période du 10 au 30 novembre 2015, et avez précisé que vous aviez déposé le support original dans la boîte aux lettres extérieures de la PPDC le 9 novembre 2015. Ce document n'est jamais parvenu à aucun des responsables de l'établissement.

Par ailleurs, votre présence à l'intérieur du local TGBT a été constatée par M. [S] [N], responsable production à [Localité 5] PPDC. Vous avez indiqué lors de l'entretien être entré dans ce local afin de prendre possession d'un carton vous appartenant. Or le rapport social rédigé par Mme [R] [H], assistante sociale, mentionne expressément, que ce carton, selon vos affirmations, appartenait à un collègue dont vous ne souhaitiez pas préciser l'identité.

Non-respect des délais de prévenance, non information à votre hiérarchie, affirmations très contradictoires quant à votre présence au local TGBT caractérisent une attitude non acceptable. Cette attitude qui confirme, de votre part une absence totale d'un respect des procédures en vigueur, ainsi qu'un refus délibéré d'obéissance, n'est pas acceptable. Cette conduite met en cause la bonne marche du service, et les explications que vous avez apportées lors de l'entretien préalable du 14 janvier 2016 n'ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.

Conformément aux dispositions de la Convention commune, l'avis de la commission consultative paritaire a été recueilli le 10 février 2016. En conséquence, au regard des éléments évoqués, nous vous notifions par la présente une mise à pied privative de salaire d'une durée de sept jours. Cette mesure prend effet à compter du 14 mars vous reprendrait donc votre travail le 21 mars 2016 les sept jours calendaires de mise à pied seront retenus sur vos bulletins de paie de mars. ['] »

M. [C] sollicite l'annulation de la sanction disciplinaire en faisant valoir qu'elle est abusive dès lors que :

- un employeur ne peut sanctionner un salarié qui n'aurait pas été présent lors d'un contrôle médical,

- il a remis l'original de la prolongation d'arrêt de travail dans la boîte aux lettres de la poste PPDC le 9 novembre 2015 et La Poste prétend malicieusement ne jamais avoir reçu l'original,

- l'employeur ne pouvait le contraindre à reprendre le travail alors qu'il était toujours en période de suspension du contrat de travail depuis plus de 30 jours sans organiser une visite médicale de reprise,

- le règlement intérieur applicable au moment des faits n'est pas communiqué.

La société La Poste conclut au débouté en faisant valoir que contrairement à ce qu'il prétend, M. [C] n'a pas été sanctionné en raison de son absence à un contrôle médical, mais simplement parce que pendant 21 jours il n'a pas daigné, en dépit des mises en demeure qui lui ont été adressées, informer son employeur de la prolongation de son arrêt de travail et parce que, cinq jours après son retour, il s'est absenté de son poste sans prévenir sa hiérarchie et a été retrouvé au sein du local TGBT (tableau général basse tension) dont l'accès est limité aux personnes habilitées ce qui n'était pas son cas.Elle fait valoir en outre que la commission de consultation paritaire a émis un avis favorable à la sanction.

La cour observe que contrairement à ce que soutient M. [C], la sanction disciplinaire n'a pas été prononcée en raison de son absence au contrôle médical organisé par la sécurité sociale, le courrier de notification n'en faisant mention que pour information. Par ailleurs, l'employeur verse aux débats le règlement intérieur de la poste instructions du 2 décembre 2011 en vigueur du 2 janvier 2012 au 2 janvier 2017 ainsi que cela ressort de la note faisant état du nouveau règlement intérieur annulant et remplaçant le précédent, de sorte qu'il justifie ainsi qu'un règlement intérieur prévoyait bien la sanction disciplinaire de la mise à pied avec privation de tout ou partie du salaire pour une durée d'une semaine au moins et de trois mois au plus. De plus, la cour relève que M. [C] ne justifie aucunement qu'il avait déposé l'original de son avis d'arrêt de travail dans la boîte aux lettres de l'établissement comme il le prétend et enfin, contrairement à ce que soutient le salarié, celui-ci reste soumis au pouvoir disciplinaire de l'employeur même pendant la suspension de son contrat de travail. Enfin, le rapport d'incident du 11 décembre 2016 établit que M. [C] a quitté son poste à plusieurs reprises et a été retrouvé en train de prier dans un local dont l'accès sécurisé ne lui était pas autorisé.

La cour considère en conséquence que la sanction disciplinaire prononcée à son encontre est justifiée et proportionnée, d'autant qu'il ressort des pièces communiquées par l'employeur qu'il a déjà été sanctionné pour non-respect du délai de prévenance et qu'il a enfreint les règles de sécurité de l'établissement en accédant à un local qui lui était interdit. La demande d'annulation de la sanction disciplinaire est rejetée et le jugement confirmé en ce qu'il a débouté M. [C] de ce chef de demande.

Sur la rupture du contrat de travail :

La lettre de licenciement fixant les limites du litige est rédigée dans les termes suivants :

" [...] Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements fautifs.

A la suite de votre accident de travail survenu le 16 septembre 2016, Madame [D], Responsable Ressources humaines de l'établissement de [Localité 5], vous a contacté par téléphone, le 19 septembre 2016 pour prendre des nouvelles de votre santé, puis, vous demander de fournir une déclaration écrite précisant les circonstances de l'accident.

Vous lui avez, alors, répondu que vous la déposeriez à la PPDC de [Localité 5] dès le lendemain, soit le 20 septembre 2016. Sans retour de votre part, et afin de compléter le dossier destiné à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie, Madame [D] est, le 21 septembre 2016, entrée, à nouveau, en relation avec vous. Vous lui avez finalement remis ce document, en main propre, le 22 septembre 2016. A la lecture de celui-ci, Madame [D] s'est étonnée que vous prétendiez, désormais, que votre chute serait consécutive à une défaillance du système de freinage, ce que vous n'aviez, jusqu'alors, pas mentionné.

Surtout, vous avez ensuite tenu des propos d'une très grande violence, notamment, à l'encontre de Monsieur [N], Responsable Production : " je ne vous fais pas confiance, il n'y a qu'en certaines personnes en qui j'ai confiance " (...) " j'ai eu une semaine d'exclusion l'année dernière, vous avez touché ma famille, mon épouse et mes enfants. Vous auriez dû me sanctionner moi, mais pas ma famille, je ne le pardonne pas " (...) " ce ne sont pas des hommes, ce sont tous des lâches et [S] [N] payera, un jour ou l'autre [S] paiera " (...) " la France ne réagit que lorsqu'il y a des accidents ".

Avant de quitter le bureau de Madame [D], vous avez affirmé " j'irai jusqu'au bout " (...) " peut-être que l'on va se revoir plus tôt, on ne sait pas ".

Vos propos démontrent une volonté de nuire à l'encontre de Monsieur [N]. Ils sont inacceptables et remettent en cause la confiance et la loyauté nécessaires dans les relations professionnelles.

Votre attitude et vos propos menaçants ont particulièrement choqué votre interlocutrice, Madame [D] et Madame [K], présente durant cet entretien.

Compte tenu de la gravité de ces faits, une mise à pied à titre conservatoire vous a été remise, en mains propres, le 26 septembre 2016 que vous avez refusé de signer.

Un courrier recommandé vous a été adressé le jour même ; vous l'avez retiré le 5 octobre 2016.

Par lettre recommandée avec accusé de réception, vous avez été convoqué à un entretien préalable le 24 octobre 2016, auquel vous vous êtes présenté, accompagné de Monsieur [B]. Conformément aux dispositions de la Convention Commune, nous avons recueilli l'avis de la Commission Consultative Paritaire le 17 novembre 2016. Les explications que vous nous avez fournies lors de la procédure disciplinaire, ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation au regard des faits que vous avez commis et qui sont caractéristiques d'un comportement intolérable.

En conséquence, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.[...]".

Sur la nullité du licenciement':

M. [C] soutient que son licenciement est nul dans la mesure où n'étant pas motivé par une faute grave, il ne pouvait valablement être prononcé pendant la suspension de son contrat de travail suite à un accident du travail.

La société La Poste conclut au débouté en faisant valoir que le licenciement est bien fondé sur une faute grave.

L'article L. 1226-9 du code du travail dispose que': 'Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.'.

Il convient donc afin de statuer sur la demande de nullité du licenciement présentée par M. [C] examiner si son licenciement est bien fondé sur une faute grave.

Sur l'existence de la faute grave :

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve repose sur l'employeur qui l'invoque.

M. [C] soutient que les faits ne sont pas avérés, qu'il n'a pas proféré d'insultes ou de menaces ni exercé une quelconque violence physique ou morale et que s'il s'étaient produits, ils ne se seraient pas inscrits dans l'exécution du contrat travail puisqu'il était en suspension du contrat travail. Il soutient que l'employeur a extrapolé sur les propos rapportés par Mme [D], qu'il estimait que sa famille avait été sanctionnée par le défaut de paiement des salaires durant une semaine et que les propos rapportés par Mme [D] envers M. [N] ont été totalement sortis de leur contexte qu'il n'a pas menacé ce dernier alors qu'il n'était pas présent et qu'il n'a eu ni menaces ni comportements agressifs, le terme « Il paiera » n'étant qu'une expression pour dire qu'il allait agir à l'encontre de M. [N] qui colportait de fausses informations à son encontre. S'agissant des circonstances de l'accident du travail, il n'a pas voulu modifier sa lettre indiquant que le scooter était défaillant. Il a demandé à ce que le parc de scooter soit revu et c'est là qu'il a dit : « vous êtes à l'image de la France qui ne refait les routes que quand il y a des accidents graves ».

L'employeur soutient que la faute grave est caractérisée et verse aux débats les rapports de Mme [D] et Mme [K] les deux salariées présentes au moment des faits.

Il ressort de ces documents que le salarié a tenu les propos suivants : « j'ai eu une semaine d'exclusion l'année dernière, vous avez touché ma famille mon époux et mes enfants vous auriez dû me sanctionner moi mais pas ma famille, je ne le pardonne pas » « ce sont pas des hommes c'est tous des lâches l'autre et [S] [N], un jour ou l'autre [S] paiera » « la France ne réagit que lorsqu'il y a des accidents » elle précise qu'elle lui a demandé s'il était sûr de rester sur cette déclaration et qu'il a répondu « j'irai jusqu'au bout » ces propos sont confirmés par Mme [K] qui dans un compte-rendu du 22 septembre 2016 a indiqué avoir été témoin d'un échange véhément lors duquel M. [C] a menacé M. [S] [N] dans les termes suivants : « Il n'est pas un homme, c'est un lâche et il le paiera » et que la conversation s'est terminée par « la France réagit que lorsqu'il y a des accidents ».

L'employeur verse également aux débats aux débats le procès-verbal d'audition de M. [N] en date du 22 septembre 2016 dans lequel il indique être « très inquiet pour [sa] famille, [ses] collègues et [lui-même]. Il a un comportement irrationnel, et est imprévisible envers nous. Il ne dit plus bonjour, il ne serre pas la main aux collègues féminines, il ne participe pas à la vie de l'établissement. »

La cour considère l'ensemble de ces éléments suffisant pour établir la matérialité des faits et que ceux-ci, de par la menace d'atteinte à la sécurité des personne qu'ils expriment, sont de nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise de sorte que la faute grave est caractérisée.

Dès lors, la demande de nullité du licenciement est rejetée et le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [C] de ce chef de demande, de sa demande de réintégration et de rappel de salaire depuis le 13 décembre 2016 outre les congés payés afférents.

Sur les conséquences du licenciement :

La cour ayant considéré que la faute grave était caractérisée, la demande d'indemnité présentée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse est rejetée. M. [C] est débouté de l'ensemble des demandes qu'il présentait au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement (indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, rappel de salaire sur mise à pied, et congés payés, indemnité compensatrice de préavis et congés payés, indemnité conventionnelle de licenciement).

Sur les autres demandes :

Eu égard à la solution du litige, la demande de remise de document sous astreinte est sans objet

M. [C], partie perdante est condamné aux dépens. La cour ne fait pas application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par mise à disposition au greffe et contradictoirement,

CONFIRME le jugement dans toutes ses dispositions,

DÉBOUTE M. [Z] [C] de l'ensemble de ses demandes,

Y ajoutant :

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties,

CONDAMNE M. [Z] [C] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/04789
Date de la décision : 02/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-02;20.04789 ?
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