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01/03/2023 | FRANCE | N°21/09764

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 01 mars 2023, 21/09764


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 01 MARS 2023



(n° 2023/104 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09764 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXGP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Octobre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 13/11675



APPELANTE



Me [B] [F] (SCP SCP BTSG) - Mandataire liquidateur de Sociét

é POLYMONT IT SERVICES

[Adresse 3]

[Localité 10]

Représenté par Me Carole VILLATA DUPRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0063



Me [C] [W] (SELAFA SELAFA...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 01 MARS 2023

(n° 2023/104 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09764 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXGP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Octobre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 13/11675

APPELANTE

Me [B] [F] (SCP SCP BTSG) - Mandataire liquidateur de Société POLYMONT IT SERVICES

[Adresse 3]

[Localité 10]

Représenté par Me Carole VILLATA DUPRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0063

Me [C] [W] (SELAFA SELAFA MJA) - Mandataire liquidateur de Société POLYMONT IT SERVICES

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représenté par Me Carole VILLATA DUPRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0063

INTIMES

Monsieur [Y] [P]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représenté par Me Daniel SAADAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0392

SAS Enterprise Services France venant aux droits de HEWLETT-PACKARD FRANCE

[Adresse 14]

[Adresse 14]

[Localité 9]

Représentée par Me Benjamin LOUZIER, avocat au barreau de PARIS, toque : J044

Syndicat BETOR PUB CFDT

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Daniel SAADAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0392

PARTIE INTERVENANTE :

Association AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 2]

[Localité 11]

Représenté par Me Sabine SAINT SANS de la SCP DERRIENNIC & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0426

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président de chambre

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 9 août 1990 à effet du 3 septembre 1990, M. [Y] [P] a été engagé par la société GFI en qualité de gestionnaire réseau. Ce contrat de travail a été transféré au sein de la société EDS France.

La société EDS France a cédé à la société Effitic le fond de commerce d'une partie de ses activités le 7 mai 2009 portant sur 7 agences dont les deux de [Localité 12]. Le contrat de travail de M. [P] a été tranféré à cette occasion à cette société. La société Novia Systems est venue aux droits de la société Effitic et a changé de dénomination pour devenir la société Polymont It Services.

La société EDS France est devenue la société Hewlett-Packard Enterprise services laquelle a été absorbée par la société Hewlett-Packard France en mai 2011.

La SAS Enterprise Services France est venue au droits de la société Hewlett-Packard France.

La convention collective applicable est celle des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieur conseil et des sociétés de conseils, dite Syntec

M. [Y] [P] a fait l'objet de trois sanctions disciplinaires, les 17 juin 2010, 25 août 2010 et 10 avril 2012.

Le salarié était délégué du personnel et a été licencié le 21 février 2019.

Il a saisi le conseil des prud'hommes d'une demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Le 16 novembre 2010, M. [Y] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de voir annuler les avertissements des 17 juin 2010 et 25 août 2010. A cette occasion il a fait convoqué la société Effitic. Par décision en date du 28 mai 2013, le conseil des prud'hommes de Paris a constaté le désistement d'instance du salarié.

M. [Y] [P] et le syndicat BETOR PUB CFDT ont saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 25 juillet 2013. Il a été sollicité d'une part, à l'encontre de la société Polymont It Services, venant aux droits de la société Effitic, l'annulation des avertissements des 17 juin 2010, 25 août 2010 et 10 avril 2012 et la fixation au passif de la société d'une somme de 75000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

D'autre part, il a été demandé de juger nul et de nul effet le transfert du contrat de travail de M. [P] de la société Hewlett Packard France à la société Effitic et d' ordonner sa réintégration au sein de la dite société. Subsidiairement, il a été demandé de condamner la société HEWLETT Parkard France à lui payer les sommes suivantes :

-13 458,96 euros d'indemnité compensatrice de préavis et 1 345,00 euros de congés payés afférents,

-28 413,36 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

-53 835,00 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause, il a été demandé de :

ordonner l'exécution provisoire du jugement conformément à l'article 515 du code de procédure civile, de dire le jugement opposable aux AGS et de condamner les sociétés à lui payer les intérêts au taux légal avec capitalisation, la somme de 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens ainsi que le droit proportionnel prévu à l'article 10 du décret du 12 décembre 1996.

Entre-temps, par jugement en date du 30 juillet 2015, le tribunal de commerce de Paris a placé la société Novia Systems devenue la société Polymont IT Services en redressement judiciaire.

Par jugement en date du 13 octobre 2016, le conseil de prud'hommes de Paris, statuant en formation de départage a :

-Annulé les avertissements des 25 août 2010 et 10 avril 2012 ;

- Fixé la créance de M. [Y] [P] au passif du redressement judiciaire de la société Polymont IT Services aux sommes suivantes :

* 30 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

* 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Rappelé que les condamnations de nature contractuelle et/ou conventionnelle produisent intérêts à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et celles de nature indemnitaire à compter de la présente décision ;

- Ordonné la capitalisation des intérêts selon les modalités de l'article 1154 du code civil;

- Rappelé que les intérêts au taux légal cessent de produire effet au jour de l'ouverture de la procédure collective ;

- Déclaré le présent jugement opposable à l'AGS CGEA IDF Ouest dont la garantie sera déterminée selon les modalités et limites résultant des dispositions des articles L.3253-6 et suivants du Code du travail ;

- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

- Dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire est fixée à la somme de 4 486,32 euros;

- Débouté M. [Y] [P] du surplus de ses demandes ;

- Débouté Me [D] [N], ès qualité d'administrateur judiciaire, et Me [F] [B] (SCP BTSG), ès qualité de mandataire judiciaire, de la société Polymont IT Services ainsi que la société Hewlett-Packard France de leurs demandes reconventionnelles;

- Dit que les dépens seront inscrits au passif du redressement judiciaire de la société Polymont IT Services.

Le jugement a été notifié par lettre du greffe adressée aux parties le 17 octobre 2016.

Par déclaration au greffe en date du 15 novembre 2016, Me [N], commissaire à l'exécution du plan et Me [B], mandataire judiciaire et la société Polymont IT Services ont régulièrement interjeté appel de la décision. M. [P] a également interjeté appel de la décision.

L'affaire a été inscrite au rôle sous le n° RG : 16/14698.

L'AGS-CGEA d'Ile de France a interjeté appel le 16 novembre 2016. L'affaire a été enrôlée sous le n° RG: 16/14743.

M. [Y] [P] et le syndicat Betor Pub CFDT ont interjeté appel partiel de la décision, cet appel portant sur le débouté de sa demande au titre de voir juger nul le transfert de son contrat de travail et de sa réintégration. L'affaire a été enregistrée sou le n° RG 16/14766.

Par ordonnances en date du 21 mai 2019, il a été ordonné la jonction des affaires enregistrées sous les numéros RG : 16/14743, 16/14698 et 16/766 étant précisé que la procédure s'est poursuivie sous le N° RG: 16/14698.

Le licenciement de M. [P] ayant été autorisé par décision de l'inspection du travail des Hautes-Seine le 19 février 2019, il a été licencié le 21 février 2019.

La société Polymont IT Services a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 9 janvier 2020. La SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [W] [C] et la SCP BTSG , prise en la personnes de Maître [F] [B] ont été désignés liquidateurs de la société.

L'affaire a été radiée le 4 mai 2021 et a fait l'objet d'une réinscription au rang des affaires sous le n° RG : 21/9764.

Par conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 2 novembre 2021, La SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [W] [C] et la SCP BTSG , prise en la personnes de Maître [F] [B] , es qualité de liquidateurs de la société Polymont It Services demandent à la cour:

-d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses condamnations prononcées à l'encontre de la société Polymont IT Services et,

statuant à nouveau,

- de confirmer que la lettre du 17 juin 2010 ne constitue pas un avertissement ou, subsidiairement, que cet avertissement était parfaitement justifié et de débouter M. [P] de sa demande d'annulation, de juger que les avertissements du 25 août 2010 et 10 avril 2012 étaient parfaitement justifiés, que M. [P] n'apporte la preuve d'aucun harcèlement moral ou préjudice et de le débouter de l'intégralité de ses demandes formulées à son encontre. Ils demandent enfin à la cour de condamner M. [P] à verser aux liquidateurs la somme de 3 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 16 août 2022, la société Enterprise Services France SAS, venant aux droits de la SAS Hewlett Packard France, demande à la cour de :

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a confirmé l'existence d'un transfert automatique du contrat de travail au sein de la société Effitic et, par voie de conséquence, de la mettre hors de cause.

A titre reconventionnel, elle sollicite la condamnation de M. [P] à la somme de 2000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 5 novembre 2019, l'association AGS CGEA IDF Ouest s'associe aux explications de la société Polymont IT Services concernant la demande d'annulation des avertissements, l'exécution et la rupture du contrat de travail et demande à la cour de débouter M. [P] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et de le condamner aux dépens. Elle demande également à la cour de préciser les limites de sa garantie conformément à la loi et de statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à sa charge.

Par conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 11 août 2022, le syndicat BETOR PUB CFDT et M. [Y] [P] demandent à la cour :

-Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de PARIS en date du 13 octobre 2016 en ce qu'il a fixé la créance de Monsieur [Y] [P] au passif du redressement judiciaire de la société POLYMONT IT SERVICES aux sommes suivantes :

' 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

' 2 000 € au titre de I'article 700 du Code de procédure civile ;

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il l'a débouté de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Enterprise Services France SAS ;

Statuer de nouveau et :

- Dire et juger nul et de nul effet le transfert du contrat de travail de Monsieur [P] de la société Hewlett Packard France à la société EFFITIC ;

- Ordonner la réintégration de Monsieur [P] au sein de la société Enterprise Services France SAS ;

A titre subsidiaire :

- Condamner la société Enterprise Services France SAS à lui verser les sommes suivantes:

o 13.458,96€ au titre du préavis de licenciement,

o 1.345€ au titre des indemnités congés payés y afférents,

o 28.413,36€ au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement (art 19 de la CCN)

o 53.835€ au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

o 3.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner au paiement des intérêts légaux au jour de la saisine avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE

- Dire l'arrêt opposable à l'AGS

- Condamner la société Enterprise Services France SAS aux entiers dépens et frais d'exécution ;

- Dire et Juger qu'en cas d'exécution forcée de la décision à intervenir les sommes relevant du droit proportionnel prévu à l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 seront remis à la charge du défendeur et s'ajouteront aux dépens

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1-Sur le transfert du contrat de travail de M. [Y] [P] à la société Effitic devenue Polymont It Services

Aux termes de l'article L 1224-1 du code du travail " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. »

Le salarié indique que si à la suite de la vente du fonds de commerce par la société EDS France, il a fait parti des 565 salariés transférés, ce transfert n'est pas valable car d'une part, il n'a jamais été le salarié de la société EDS Answare Services à qui appartenait le fond de commerce cédé

et d'autre part, il n'exerçait pas l'activité APPS transférée et était en inter-contrat.

La société EDS Answare, a fait l'objet d'une transmission universelle de son patrimoine au profit de son actionnaire unique, la société EDS France, le 29 septembre 2007. M. [Y] [P] admet qu'il était bien le salarié de la société EDS France. Dès lors, il ne peut objecter qu'il n'appartenait pas à la société EDS Answare ( ce qu'il ne démontre d'ailleurs pas) dès lors que le fonds cédé a été transmis précédemment au transfert à la société EDS France à laquelle il revendique d'avoir appartenu.

Le salarié, alors chef de projets, en poste au sein de l'une des deux agences de [Localité 12] , appartenant à l'entité économique transférée a vu son contrat de travail transféré de manière automatique lors de la vente du fonds de commerce par la société EDS France à la société Effitic.

Enfin, il importe peu que le salarié ait été en intercontrat au moment du transfert de son contrat de travail, celui-ci étant toujours en cours.

Il convient en conséquence de débouter M. [P] de sa demande tendant à voir juger nul le transfert de son contrat de travail à la société Effitic , de voir ordonner sa réintégration au sein de la société Enterprise Services France ( venue aux droits de la société Hewlett Packard France elle-même venue aux droits de la société EDS) et de sa demande subsidiaire de condamnation de la société Enterprise Services France à lui payer des sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, de l'indemnité conventionnelle de licenciement , de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement est confirmé de ce chef.

2-Sur les demandes d'annulation des sanctions disciplinaires.

Aux termes de l'article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération, l'article L. 1332-4 du code du travail limitant à deux mois la prescription des faits fautifs.

En outre, l'article L. 1333-1 du code du travail édicte qu'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié, l'article L. 1333-2 du même code prévoyant qu'il peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

2-1-Sur la lettre du 17 juin 2010

La cour rappelle qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Au cas d'espèce, dans le dispositif de ses conclusions, le salarié ne demande pas l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de requalification de la lettre du 17 juin 2010 en un avertissement et de son annulation.

De son côté, l'employeur sollicite la confirmation du jugement de ce chef.

La cour n'est pas saisie de ce chef.

2-2 Sur l'annulation de l'avertissement en date du 25 août 2010

Il est reproché au salarié de n'avoir pas manifesté d'intérêt particulier pour la mission envisagée, lors d'un entretien du 30 juin 2010 réalisé avec le directeur des opérations informatiques de la MMA, client potentiel, si bien que le client a opté pour un autre prestataire.

Cet avertissement se fonde uniquement sur le "ressenti" de l'interlocuteur de M. [P].

Dès lors, le reproche ne peut être valablement retenu.

L'avertissement, non fondé, est annulé.

Le jugement est confirmé.

2-3 Sur l'annulation de l'avertissement en date du 10 avril 2012

Il est reproché au salarié d'avoir répondu de manière déplacée et humiliante

à un mail d'un salarié de la société qui avait informé les autres salariés de perturbations téléphoniques sur l'agence de [Localité 13], et ce en envoyant le mail au 156 salariés parisiens et en mettant en copie les délégués du personnel. L'employeur soutient que ce faisant, le salarié a voulu colporter des propos visant à dénigrer la société en laissant supposer qu'elle privait les salariés d'outils de travail.

Le salarié soutient qu'il a répondu rapidement sans savoir qui il y avait derriére l'adresse fonctionnelle et qu'il s'agissait pour lui de souligner que les représentants du personnel n'ont pas de téléphone depuis longtemps, si bien qu'ils n'étaient pas impactés, sans souhait de dénigrer la société.

Aux termes de l'article L 1121-1 du code du travail, « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

Il ne peut qu'être constaté que pour sarcastique qu'il soit, le mail de M. [Y] [P] en date du 27 mars 2012 à 15h29 ne contient aucun propos injurieux, excessif ou diffamatoire. Ils ne dépassent ainsi pas les limites de la liberté d'expression du salarié, le seul fait de l' avoir adressé en copie au 156 salariés parisiens et aux représentants du personnels n'étant pas de nature à modifier cette appréciation.

L'avertissement en date du 10 avril 2012 est injustifié et doit être dés lors annulé.

Le jugement est confirmé de ce chef.

3-Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit, dans sa version applicable à la cause, qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il convient donc d'examiner la matérialité des faits invoqués, de déterminer si pris isolément ou dans leur ensemble ils font présumer un harcèlement moral et si l'employeur justifie les agissements invoqués par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, le salarié soutient avoir été victime de harcèlement moral de son employeur caractérisés par :

1-l'utilisation abusive de son pouvoir disciplinaire caratérisé par la lettre du 27 juin 2010 que le salarié assimile à un avertissement, les avertissements infondés d'août 2010 et du 10 avril 2012, la procédure de licenciement d'octobre 2011, la procédure de licenciement initiée en mars 2012 ayant abouti finalement à l'avertissement du 10 avril 2012. Il est également évoqué un avertissement du 22 août 2018 et le licenciement du 21 février 2019..

2-l'absence de fourniture de travail, son employeur l'ayant maintenu en inter-contrat depuis octobre 2011, sauf pour lui confier une mission de refonte de son CV en 2013 et lui proposer deux formations, du 1er au 2 juillet 2010 pour l'une et du 17 au 19 avril 2012 pour l'autre.

Si la lettre du 17 juin 2010, faute d'avoir saisie la cour d'une demande d'infirmation relativement à son caractére de simple lettre de recadrage, ne peut être considérée comme un avertissement, il a été confirmé plus haut l'annulation des deux avertissements des 25 août 2010 et 10 avril 2012. La procédure de licenciement initiée en octobre 2011 n'a pas aboutie, faute d'autorisation de l'autorité administrative. Le tout caractérise donc bien un usage abusif du pouvoir disciplinaire. Le grief n° 1 est établi.

Il résulte des compte rendus des entretiens professionnels des 17 janvier 2013 et 9 octobre 2013 que le salarié est en inter-contrat depuis octobre 2011, qu'il a effectué la "refonte" de son CV sur cette période et envisage une formation. Le grief n° 2 est ainsi parfaitement établi.

Le salarié justifie de la dégradation de son état de santé par ses arrêts maladie (pour anxiété/ stress lié à l'emploi) .

Ces éléments, pris ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.

En réponse, l'employeur fait valoir que les sanctions disciplinaires sont justifiées alors qu'il a été dit plus haut qu'il n'en était rien.

Par ailleurs, l'employeur ne justifie d'aucune façon rationnelle d'avoir laissé son salarié en intercontrat de 2011 jusqu'à son licenciement en février 2019, les deux propositions de janvier 2012 et celle de février 2015 étant insusceptibles de rapporter la preuve contraire, compte tenu de la période visée ( octobre 2011/ février 2019).

Il résulte de ce qui précède que le harcèlement moral subi par le salarié est caractérisé.

En allouant une somme de 30000 euros au salarié à titre de dommages et intérêts, le conseil de prud'hommes a fait une appréciation exessive du préjudice subi lequel sera plus justement fixé à 15000 euros.

Le jugement est infirmé en ce qui concerne le quantum des dommages et intérêts, la somme devant être fixée au passif de la liquidation de la société Polymont It Services.

4- Sur les intérêts et leur capitalisation

La société a fait l'objet d'un jugement de redressement judiciaire le 30 juillet 2015.

Le cours des intérêts légaux ont été arrêtés en application de l'article L621-48 du code du commerce à cette date.

5- Sur la garantie de l' AGS

L'AGS doit sa garantie dans les conditions et limites prévues aux articles L.3253-6 et suivants du code du travail, notamment dans la limite des plafonds visés à l'article L.3253-17

6- Sur les demandes accessoires

Le jugement est confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d'appel, suivant le principal, seront supportés par La SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [W] [C] et la SCP BTSG , prise en la personnes de Maître [F] [B] , es qualité de liquidateurs judiciaires de la société Polymont It Services.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande du salarié tendant à voir mettre, en cas de recouvrement forcé, le droit proportionnel dû à l'huissier de justice à la charge de la société, ce coût étant à la charge du créancier.

Le salarié ne sollicite aucune somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de la société liquidée, en cause d'appel. Il est débouté de sa demande de ce chef formulée à l'encontre de la SAS Enterprise Services France.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de la société liquidée représentée par ses liquidateurs judiciaires..

La société Entreprise Service France est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne le quantum alloué à M. [Y] [P] à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Fixe au passif de la société liquidée la créance de M. [Y] [P] comme suit :

-15000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

Dit que la garantie de l'UNEDIC Délégation AGS CGEA IDF OUEST ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,

Dit que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D. 3253-5 du Code du travail,

Dit que le cours des intérêts légaux s'est arrêté au 30 juillet 2015,

Déboute les parties de leur demande respective au titre de l'article

700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Déboute le salarié de sa demande tendant à voir mettre, en cas de recouvrement forcé, le droit proportionnel dû à l'huissier de justice à la charge de la société liquidée, prise en la personnes de ses liquidateurs judiciaires,

Condamne la SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [W] [C] et la SCP BTSG , prise en la personnes de Maître [F] [B] , es qualité de liquidateurs judiciaires de la société Polymont It Services aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/09764
Date de la décision : 01/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-01;21.09764 ?
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