REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRET DU 01 MARS 2023
(n° 2023/ , 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01767 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDGRJ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Septembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/02766
APPELANTE
S.A.S. SOEURS exerçant sous l'enseigne LE FAUBOURG
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2440
INTIMÉ
Monsieur [X] [H] [W]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Bernardine TYL-GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0462
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre
Madame Nadège BOSSARD, Conseillère
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
La société Juval a employé M. [X] [H] [W], né en 1983, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 février 2012 en qualité de commis de salle.
Le contrat de travail de M. [H] [W] a été transféré le 1er juillet 2016 à la société SLM puis le 1er juillet 2018 à la société Soeurs.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants (HCR).
Sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait en dernier lieu à la somme de 2 755,74 €.
Des difficultés sont survenues dans les relations de travail.
Par courrier du 16 octobre 2018, la société a convoqué M. [H] [W] à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire.
Par courriers en date du 18 octobre 2018, du 30 octobre 2018 et du 3 novembre 2018, adressés à l'employeur, M. [H] [W] dénonce des faits de harcèlement moral.
Par courrier du 3 novembre 2018, la société Soeurs notifie à M. [H] [W] une mise à pied disciplinaire.
Par courrier du 13 novembre 2018, M. [H] [W] demande le paiement de son salaire du mois d'octobre 2018.
Par courrier du 17 novembre, M. [H] [W] conteste la mise à pied disciplinaire du 3 novembre 2018.
Par courrier du 29 novembre 2018, l'employeur conteste les dénonciations de harcèlement moral de M. [H] [W].
M. [H] [W] a saisi le 2 avril 2019 le conseil de prud'hommes de Paris pour former les demandes suivantes :
« - Résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur prenant effet au 14 novembre 2019
- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 33 068,88 €
- Indemnité compensatrice de préavis : 5 511,48 €
- Congé payés afférents : 551,14 €
- Indemnité de licenciement légale : 4 822 54 €
- Annulation de la mise à pied
- Rappel de salaires mise à pied : 2 073,04 €
- Congés payés afférent : 207,30 €
- Rappel de salaires (maintien de salaire pendant la maladie) : 2 070,32 €
- Congés payés afférents : 207,03 €
- Indemnité compensatrice de congés payés : 2 426,09 €
- Article 700 du Code de Procédure Civile : 2 500,00 €
- Exécution provisoire »
M. [H] [W], par courrier du 8 avril 2019, sollicite une visite auprès du médecin du travail.
Le médecin du travail a déclaré M. [H] [W] inapte à son poste de travail le 25 juin 2019 et a précisé « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. »
Par lettre notifiée le 11 septembre 2019, M. [H] [W] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 23 septembre 2019.
M. [H] [W] a ensuite été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 14 novembre 2019.
A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, M. [H] [W] avait une ancienneté de 7 ans et 8 mois.
Par jugement du 4 septembre 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :
« Prononce la résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de la SAS S'URS, avec effet au 14 novembre 2019 ;
Fixe le salaire mensuel de référence à 2.755,74 euros bruts ;
Condamne la SAS S'URS à verser à Monsieur [X] [H] [W] les sommes suivantes :
- 688,93 euros à titre de salaire afférent à la mise à pied conservatoire,
- 68,89 euros au titre des congés payés incidents,
- 2 070,32 euros au titre du maintien de salaire pendant la maladie,
- 207,03 euros au titre des congés payés incidents,
- 2 426,09 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
- 5 511,48 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 551,14 euros au titre des congés payés incidents,
- 642,42 euros à titre d'indemnité de licenciement,
Avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la défenderesse de la convocation en bureau de conciliation et d'orientation et exécution provisoire,
- 22 042,92 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2020 ;
Déboute Monsieur [X] [H] [W] du surplus de ses demandes ;
Condamne la SAS S'URS aux dépens. »
La société Soeurs a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 12 février 2021.
La constitution d'intimée de M. [H] [W] a été transmise par voie électronique le 13 mars 2021.
L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 15 novembre 2022.
L'affaire a été appelée à l'audience du 16 janvier 2023.
Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 16 septembre 2021, la société Soeurs demande à la cour de :
« DECLARER la SAS S'URS recevable et bien fondée en son appel,
Y faisant droit,
CONSTATER et DIRE que Monsieur [H] [W] ne démontre pas la réalité et la gravité des manquements allégués à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire,
CONSTATER et DIRE que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [H] [W] n'est dès lors pas justifiée,
CONSTATER et DIRE le bien fondé de la mise à pied notifiée au salarié le 3 novembre 2018,
En conséquence,
REFORMER le jugement, mais uniquement en ce qu'il a :
- PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat présentée par Monsieur [H] [W] et fait partiellement droit aux demandes présentées de ce chef,
- PRONONCE l'annulation de la mise à pied notifiée à Monsieur [H] [W], et fait droit aux demandes présentées de ce chef,
- CONDAMNE la SAS S'URS à verser à Monsieur [H] [W] un complément à son indemnité de licenciement, ainsi qu'un complément à son indemnité de congés payés,
Et statuant à nouveau,
DEBOUTER Monsieur [H] [W] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, ainsi que de toute autre demande en découlant,
DEBOUTER Monsieur [H] [W] de sa demande visant à prononcer l'annulation de la mise à pied qui lui a été notifiée, ainsi que des demandes de rappels de salaire présentées à ce titre,
DEBOUTER Monsieur [H] [W] de ses demandes tendant au paiement d'un complément à son indemnité de licenciement et à son indemnité compensatrice de congés payés,
CONFIRMER le jugement entrepris pour le surplus,
DECLARER irrecevables et mal fondées toutes autres demandes plus amples ou contraires
CONDAMNER Monsieur [H] [W] aux entiers dépens. »
Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 21 décembre 2021, M. [H] [W] demande à la cour de :
« DEBOUTER la Société S'URS de l'ensemble de ses demandes,
CONFIRMER le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et condamné la Société S'URS au paiement de :
- Rappel de salaire afférent à la mise à pied conservatoire
- Congés payés afférents
- Rappel de salaire maintien de salaire pendant la maladie
- Congés payés afférents
- Indemnité compensatrice de congés payés
- Indemnité compensatrice de préavis
- Congés payés afférents
- Indemnité de licenciement
CONFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné la Société S'URS à payer à Monsieur [H] [W] au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mais l'infirmer quant à son quantum
Statuant à nouveau :
CONDAMNER la Société SOEURS à payer à Monsieur [H] [W] la somme de 33.068,88 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
CONDAMNER la SAS S'URS à payer à Monsieur [H] [W] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER la SAS S'URS en tous les dépens que Maître Bernardine TYL-GAILLARD, membre de l'Association d'Avocats CHAIN, A.A.R.P.I, Avocat à la Cour, pourra recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile. »
Lors de l'audience, l'affaire a été examinée et mise en délibéré à la date du 1er mars 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)
MOTIFS
Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.
Sur la mise à pied disciplinaire
M. [H] [W] a été sanctionné d'une mise à pied disciplinaire de 7 jours le 3 novembre 2018 pour des faits survenus le 14 octobre 2018 ; la lettre est ainsi rédigée comme le rappelle M. [H] [W] dans ses conclusions :
« En effet, nous avons eu à déplorer de votre part le fait fautif suivant :
Le 14 octobre 2018 vers 11 heures, en effet, non seulement vous avez crié sur [A] [C] en le traitant de « sale con » parce qu'il vous disait qu'il était dans le rush et ne pouvait pas traiter votre demande dans l'instant et ce de manière à ce que les clients en salle entendent mais de plus quand je vous ai demandé de vous calmer en vous rappelant que les clients n'avaient pas être témoin d'un tel comportement vous m'avez rétorqué sur un ton agressif « ce que tu racontes m'intéresse pas, moi rien à foutre toi patronne, si tu veux parler écrire courrier, moi pas parler avec toi, vous êtes pas capable de travailler, ton travail c'est la merde, si toi pas contente virer moi ... » .
Ensuite, et jusqu'à la fin de votre journée, vous avez refusé de répondre aux demandes professionnelles qui vous étaient faites par vos collègues de cuisine et de salle les obligeant ainsi à pallier à vos carences.
Il ne s'agit pas là d'un fait isolé, cela fait plusieurs mois que non seulement vous refusez d'effectuer les tâches qui vous incombent préparer une commande, effectuer le nettoyage des ustensiles, du matériel et des abords et vous agressez vos collègues ainsi que votre direction : ma s'ur et moi-même en nous criant dessus en nous répétant que vous ne voulez nous écouter et que nous sommes incompétents. Ce renouvellement montre que vous ne tenez aucun compte de nos remarques.
Or nous ne pouvons laisser perdurer un tel comportement qui consiste non seulement à refuser de faire les tâches qui vous sont demandées et qui vous incombent, à ne pas prendre en compte les remarques qui vous sont faites mais de plus à injurier vos collègues à être agressif et à porter des accusations mensongères à l'encontre de la direction et à faire du scandale dans la salle et devant les clients,
Cette conduite met en cause la bonne marche du service, et les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 29 octobre 2018 n'ont pas permis de modifier notre appréciation des faits. »
M. [H] [W] demande par confirmation du jugement l'annulation de cette mise à pied disciplinaire ; il fait valoir qu'il a toujours contesté les faits (pièce salarié n° 12).
Par infirmation du jugement, la société Soeurs s'oppose à cette demande et soutient que les faits sont établis par les attestations de MM. [J], [R] et [T] (pièces employeur n° 18 à 20).
Le juge apprécie si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur doit fournir au juge les éléments qu'il a retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié, le juge forme sa propre conviction. Le juge peut ordonner, si besoin est, toutes les mesures d'instruction utiles.
Si un doute subsiste, il profite au salarié (article L. 1333-1 du Code du travail).
Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats et notamment des attestations de MM. [J], [R] et [T] (pièces employeur n° 18 à 20) et de la lettre de contestation de M. [H] [W] (pièce salarié n° 12) et des moyens débattus que la société Soeurs apporte suffisamment d'éléments de preuve pour établir que, le 14 octobre M. [H] [W] a injurié un autre salarié en le traitant de « sale con » et qu'il a rétorqué sur un ton agressif à son employeur, Mme [V] « ce que tu racontes m'intéresse pas, moi rien à foutre toi patronne, si tu veux parler écrire courrier, moi pas parler avec toi, vous êtes pas capable de travailler, ton travail c'est la merde, si toi pas contente virer moi »
La cour retient que cette faute est telle qu'elle justifie la mise à pied disciplinaire de 7 jours prononcée le 3 novembre 2018.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a jugé que la mise à pied disciplinaire du 3 novembre 2018 n'est pas justifiée, et statuant à nouveau de ce chef, la cour dit que la mise à pied disciplinaire du 3 novembre 2018 est justifiée.
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, M. [H] [W] invoque les faits suivants :
- l'employeur lui dit qu'il doit démissionner et quitter l'entreprise, que sa rémunération est trop élevée pour ses compétences ;
- il subit des pressions de la part du nouveau chef de cuisine qui lui donne une charge de travail excessive, lui délègue les siennes et lui demande constamment de se dépêcher ;
- son nouveau chef le menace en lui disant « je te ferai dégager » ;
- son employeur fait pression pour qu'il accepte de signer un avenant avec une baisse de rémunération ;
- il a dénoncé les faits à 3 reprises (pièces salarié n° 6 à 8) et en rétorsion, il a écopé d'une mise à pied disciplinaire de 7 jours (pièce salarié n° 9) ;
- l'employeur exige de lui des tâches qui sont étrangères à ses fonctions (nettoyage des poubelles municipales) ;
- il subit une surcharge de travail avec délais intenables et il doit supprimer sa pause et se priver de repas ;
- il subit des critiques incessantes sur son travail et il est tout le temps surveillé même quand il va aux toilettes ;
- son planning de travail est modifié au dernier moment et verbalement ;
- il subit des insultes « ferme ta bouche » « PD » de la part de M. [C] et « imbécile » de la part de Mme [K] [V] ;
- sa santé en a été affectée et il a dû être plac en arrêt de travail pour maladie à compter du 9 novembre 2018 ;
- il a dénoncé ces faits auprès de la médecine du travail et demandé à son employeur, à plusieurs reprises, l'organisation d'une visite (pièces salarié n° 17,18 et 20) ;
- ce harcèlement a entraîné un arrêt maladie de longue durée et une inaptitude reconnue par le médecin du travail
- son inaptitude est liée à son travail puisque son médecin traitant précise « M. [H] est en arrêt maladie depuis le 09/11/2018 en rapport avec son travail » (pièce salarié n° 22).
M. [H] [W] établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.
En défense, la société Soeurs fait valoir :
- dès le départ M. [H] [W] a créé des problèmes et n'a pas accepté de travailler avec la nouvelle direction ;
- M. [H] [W] n'a travaillé avec la nouvelle gérante qu'entre le 11 août et le 16 octobre 2018, soit 2 mois ;
- ses arrêts de travail sont des arrêts de travail pour maladie qui ne relèvent pas une origine professionnelle pas plus que l'avis d'inaptitude (pièces salarié n° 16, 20 à 22)
- les seuls éléments de preuve produits par M. [H] [W] sont ses propres courriers (pièces salarié n° 6,7 et 8)
- ses accusations sont contredites par les attestations de M. [U], de Mme [D], de Mme [O] et de M. [B] que l'employeur produit et dont il ressort que Mme [V] est une manager appréciée et respectueuse (pièces employeur n° 10 à 13) ;
- au contraire les attestations des M. [C], de Mme [G] [M], de Mme [Z] du 8 novembre 2018 et du 2 mai 2019, de M. [J], de M. [R] et M. [T] (pièces employeur n° 14 à 20), tous collègues de travail de M. [H] [W], démontrent que M. [H] [W] avait un comportement agressif, injurieux, irrespectueux au travail tant avec ses collègues qu'avec l'employeur, Mme [V], et qu'il a du mal à supporter l'autorité et encore moins celle des femmes.
La cour rappelle qu'il a été jugé plus haut que la mise à pied disciplinaire du 3 novembre 2018 est justifiée.
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société Soeurs démontre que les faits présentés par M. [H] [W] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement en ce qui concerne la mise à pied disciplinaire et sont utilement contredits pour les autres en sorte qu'ils ne sont pas constitutifs de harcèlement moral.
Les demandes relatives au harcèlement doivent par conséquent être rejetées.
Par suite, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a débouté M. [H] [W] de ses demandes relatives au harcèlement.
Sur le maintien du salaire
M. [H] [W] demande par confirmation du jugement les sommes de 2 070,32 € au titre du maintien du salaire et de 207,32 € au titre des congés payés afférents ; la société Soeurs n'a pas formé appel du chef de cette condamnation qui sera donc confirmée.
Par suite, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a condamné la société Soeurs à payer à M. [H] [W] les sommes de 2 070,32 € au titre du maintien du salaire et de 207,32 € au titre des congés payés afférents.
Sur la résiliation judiciaire
M. [H] [W] demande par confirmation du jugement la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Soeurs ; la société Soeurs s'oppose à cette demande.
A l'appui de ses demandes M. [H] [W] soutient que la société Soeurs a commis deux manquements suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts d'une part du fait du harcèlement moral qu'il a subi et du fait du non maintien de son salaire.
La société Soeurs s'oppose à cette demande en soutenant que devant le conseil de prud'hommes M. [H] [W] avait fondé sa demande de résiliation judiciaire sur le seul fondement du harcèlement moral (pièce employeur n° 23).
La cour rappelle que le salarié peut saisir le conseil des prud'hommes afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur lorsque celui-ci n'exécute pas une ou plusieurs obligations essentielles du contrat qui lui incombent ; que les juges du fond disposent alors d'un pouvoir souverain pour apprécier si les manquements de l'employeur sont d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts.
Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats que M. [H] [W] apporte suffisamment d'éléments de preuve pour établir le manquement invoqué à l'encontre de la société Soeurs relativement au maintien du salaire étant précisé que la société Soeurs ne conteste pas ce manquement comme cela ressort du fait qu'elle n'a pas fait appel du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [H] [W] les sommes de 2 070,32 € au titre du maintien du salaire et de 207,32 € au titre des congés payés afférents.
La cour retient que ce manquement est d'une gravité telle qu'il fait obstacle à la poursuite du contrat de travail au motif que l'exécution de ses obligations financières à l'égard des salariés est une obligation essentielle de l'employeur et cela d'autant plus quand il s'agit des salaires dus aux ouvriers ou aux employés, comme M. [H] [W], qui sont intégralement nécessaires pour se loger et se nourrir, soi et les siens ; en conséquence, la cour dit que la demande de résiliation est fondée, et que la rupture est imputable à l'employeur ; le licenciement prononcé par l'employeur postérieurement à la demande de résiliation doit, par suite, être considéré comme sans cause réelle et sérieuse.
Et c'est en vain que la société Soeurs soutient que le conseil de prud'hommes n'aurait pas dû prononcer la résiliation judiciaire au motif que M. [H] [W] avait fondé sa demande de résiliation judiciaire sur le seul fondement du harcèlement moral (pièce employeur n° 23) ; en effet, la cour retient que ce moyen est mal fondé au motif que les conclusions de M. [H] [W] déposées devant le conseil de prud'hommes montrent au contraire que M. [H] [W] avait bien invoqué tant le harcèlement moral que le manquement à l'obligation de maintenir son salaire pendant son arrêt de travail pour maladie à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire.
La date de rupture est fixée à la date d'envoi de la lettre de licenciement.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Soeurs, avec effet au 14 novembre 2019.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
M. [H] [W] demande la somme de 33 068,88 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; la société Soeurs s'oppose à cette demande.
Selon l'article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés pour une ancienneté de 7 ans entre 3 et 7 mois de salaire.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [H] [W], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de M. [H] [W] doit être évaluée à la somme de 8 400 €.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a condamné la société Soeurs à payer à M. [H] [W] la somme de 22 045,92 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Soeurs à payer à M. [H] [W] la somme de 8 400 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis
M. [H] [W] demande par confirmation du jugement la somme de 5 511,48 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ; la société Soeurs s'oppose à cette demande au motif que l'inaptitude d'origine non professionnelle empêche le salarié d'exécuter son préavis et ne donne pas lieu à une indemnité compensatrice mais sans faire valoir de moyens supplémentaires sur le quantum.
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [H] [W] est bien fondé dans sa demande au motif que l'indemnité de préavis est due lorsque qu'un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail, comme c'est le cas en l'espèce pour M. [H] [W], peu important qu'il était dans l'impossibilité de l'exécuter.
A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, le salarié avait une ancienneté de 7 ans et 8 mois ; l'indemnité légale de préavis doit donc être fixée à la somme non utilement contestée de 5 511,48 €.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Soeurs à payer à M. [H] [W] la somme de 5 511,48 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.
Sur l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis
M. [H] [W] demande par confirmation du jugement la somme de 551,14 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis ; la société Soeurs s'oppose à cette demande sans faire valoir de moyens sur le quantum.
Par application de l'article L. 3141-22 du Code du travail, l'indemnité de congés payés est égale au dixième de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence ayant déterminé le droit et la durée des congés ; la présente juridiction a fixé à la somme de 5 511,48 €, l'indemnité compensatrice de préavis due à M. [H] [W] ; en conséquence, l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis due à M. [H] [W] est fixée à la somme non utilement contestée de 551,14 €.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Soeurs à payer à M. [H] [W] la somme de 551,14 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis.
Sur l'indemnité de licenciement
M. [H] [W] demande par confirmation du jugement la somme de 634,42 € au titre du solde de l'indemnité de licenciement ; la société Soeurs s'oppose à cette demande.
Il est constant que le salaire de référence s'élève à 2 755,74 € par mois et qu'une indemnité de licenciement de 4 890 € a déjà été versée (pièce employeur n° 7).
A la date de la rupture du contrat de travail, M. [H] [W] avait une ancienneté de 7 ans et 8 mois et donc au moins 8 mois d'ancienneté ; la cour retient que l'indemnité légale de licenciement doit donc lui être attribuée ; cette indemnité ne peut être inférieure à une somme calculée sur la base d'un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans (art. R. 1234-1 et suivants du code du travail) ; les années incomplètes doivent être retenues, la fraction de l'indemnité de licenciement afférente à une année incomplète étant proportionnelle au nombre de mois de présence ; pour le calcul du montant de l'indemnité, l'ancienneté prise en considération s'apprécie à la date de fin du préavis ; l'indemnité légale de licenciement doit donc être fixée à la somme de 5 396,56 € calculée selon la formule suivante : [7 + 10/12] x 1/4 x 2 755,74 €.
La cour retient que M. [H] [W] est donc bien fondé dans sa demande formée au titre du solde de l'indemnité de licenciement à hauteur de 506,56 €.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a condamné la société Soeurs à payer à M. [H] [W] la somme de 634,42 € au titre du solde de l'indemnité de licenciement
et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Soeurs à payer à M. [H] [W] la somme de 506,56 € au titre du solde de l'indemnité de licenciement.
Sur le rappel de salaire pour la mise à pied du 3 novembre 2018
M. [H] [W] demande par confirmation du jugement les sommes de 688,93 € à titre de rappel de salaire pour la mise à pied du 3 novembre 2018 et de 68,89 € au titre des congés payés afférents ; la société Soeurs s'oppose à cette demande.
M. [H] [W] est cependant mal fondé dans sa demande qui est accessoire à sa demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire que la cour a rejetée.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a condamné la société Soeurs à payer à M. [H] [W] les sommes de 688,93 € à titre de rappel de salaire pour la mise à pied du 3 novembre 2018 et de 68,89 € au titre des congés payés afférents, et statuant à nouveau de ce chef, la cour déboute M. [H] [W] de ses demandes de rappel de salaire pour la mise à pied du 3 novembre 2018 et les congés payés afférents.
Sur l'indemnité compensatrice de congés payés
M. [H] [W] demande par confirmation du jugement la somme de 2 426,09 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ; la société Soeurs s'oppose à cette demande.
M. [H] [W] soutient que :
- il a pris 23 jours de congés payés au mois de juillet 2018 mais l'employeur a décompté 34 jours comme cela ressort du bulletin de salaire de juillet 2018 ;
- en date du 30 juin 2018, il disposait de 32,5 jours en cours (année N) et 31 jours acquis (année N-1) ;
- la société Soeurs n'explique pas pourquoi elle a décompté 34 jours en juillet ni ne démontre lui avoir demandé de solder ses congés payés au 31 mai 2018 ;
- le décompte qu'il produit tient bien compte de sa maladie à partir du 9 novembre 2018, date de début du congé maladie.
La société Soeurs soutient que :
- le contrat de M. [H] [W] n'a été transféré que le 1er juillet 2018 ;
- il a pris des congés du 5 juillet 2018 au 8 août 2018 soit 30 jours ouvrables ;
- elle a versé l'indemnité compensatrice de congés payés due à M. [H] [W] d'un montant de 2.377,31 euros (pièce employeur n° 7)
- les congés mentionnés sur le bulletin de mai 2018 au titre de l'année N-1 (acquis du 1er juin 2016 au 31 mai 2017, soit 31 jours) ont été perdus par le salarié, faute d'avoir été posé ;
- au mois de juin 2018 M. [H] [W] avait acquis 30 jours de congés acquis sur la période allant de juin 2017 à mai 2018 et 2,5 jours sur la période allant de juin 2018 à mai 2019 ;
- en posant ses congés du 5 juillet 2018 au 8 août 2018, M. [H] [W] a soldé le compteur de ses congés acquis de juin 2017 à mai 2018 ;
- après ces congés, il ne lui restait donc que les 2,5 jours de congés acquis en juin 2018 ;
- sur la période 2018- 2019, M. [H] [W] a refusé de reprendre son poste le 29 octobre 2018, et son contrat de travail a été suspendu du fait de son absence maladie du 9 novembre 2018 au 22 juin 2019, date de sa visite de reprise ;
- M. [H] [W] disposait donc à la date de son licenciement de 10 jours de congés acquis, et 10 en cours d'acquisition, soit 20 jours qui lui ont été réglés lors de son solde de tout compte à hauteur de 2 377,31 €.
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [H] [W] est mal fondé dans sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés aux motifs que la société Soeurs justifie qu'il a été rempli de ses droits à congés payés en prenant ses congés payés du 5 juillet 2018 au 8 août 2018 soit 30 jours ouvrables et en étant indemnisé pour 20 jours qui lui ont été réglés lors de son solde de tout compte à hauteur de 2 377,31 €.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a condamné la société Soeurs à payer à M. [H] [W] la somme de 2 426,09 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés et statuant à nouveau de ce chef, la cour déboute M. [H] [W] de sa demande formée au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.
Sur les autres demandes
La cour condamne la société Soeurs aux dépens de la procédure d'appel en application de l'article 696 du Code de procédure civile.
Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il n'apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de M. [H] [W] les frais irrépétibles de la procédure d'appel.
L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement mais seulement en ce qu'il a jugé que la mise à pied disciplinaire du 3 novembre 2018 n'est pas justifiée, et en ce qu'il a condamné la société Soeurs à payer à M. [H] [W] les sommes de :
- 22 045,92 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 634,42 € au titre du solde de l'indemnité de licenciement ;
- 688,93 € à titre de rappel de salaire pour la mise à pied du 3 novembre 2018 et de 68,89 € au titre des congés payés afférents ;
- 2 426,09 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
DIT que la mise à pied disciplinaire du 3 novembre 2018 est justifiée.
CONDAMNE la société Soeurs à payer à M. [H] [W] les sommes de :
- 8 400 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- 506,56 € au titre du solde de l'indemnité de licenciement.
DÉBOUTE M. [H] [W] de ses demandes de rappel de salaire pour la mise à pied du 3 novembre 2018 et les congés payés afférents ;
DÉBOUTE M. [H] [W] de sa demande formée au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE M. [H] [W] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;
CONDAMNE la société Soeurs aux dépens de la procédure d'appel.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT