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01/03/2023 | FRANCE | N°20/06966

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 01 mars 2023, 20/06966


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 01 MARS 2023



(n° 2023/ , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06966 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCQXL



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Septembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/05587





APPELANT



Monsieur [T] [I]

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représ

enté par Me Jean-Marie GUILLOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : G818





INTIMÉE



Société BMG RIGHTS MANAGEMENT GMBH

établissement en France situé [Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée p...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 01 MARS 2023

(n° 2023/ , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06966 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCQXL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Septembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/05587

APPELANT

Monsieur [T] [I]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Jean-Marie GUILLOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : G818

INTIMÉE

Société BMG RIGHTS MANAGEMENT GMBH

établissement en France situé [Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Angéline DUFFOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : E0092

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Nadège BOSSARD, Conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Nadège BOSSARD, Conseillère, pour la présidente empêchée et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [T] [I] a été engagé par la société BMG Rights Management France SARL le 1er mai 2009 en qualité de directeur opérationnel de l'activité d'édition musicale et gestion des droits musicaux, statut cadre, hors classification.

La société BMG Rights Management est une société spécialisée dans l'édition musicale.

Elle appartient au groupe BMG, spécialisé dans l'édition musicale et dans le label (enregistrement et production).

Le 1er février 2012, M. [T] [I] a été engagé par la société BMG RM Gmbh selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de directeur opérationnel France avec le titre de directeur général. Le contrat de travail précise que 'ses fonctions incluront la direction générale de la société BMG Rights Management SARL en tant que gérant ou co-gérant, ou le cas échéant à tout autre titre, mandat social qui lui sera confié par décision de l'associé unique de cette société conformément à ses statuts au plus tard dans les deux mois qui suivront la signature du présent contrat.'

Le contrat stipule que le contrat est régi par la loi française et la convention collective nationale française des cadres et agents de maîtrise de l'édition de musique.

Il prévoit une reprise d'ancienneté au 1er mai 2009.

Le même jour, M. [I] était nommé par l'associé unique gérant de BMG Rights Management SARL.

M. [I] s'est vu confier différents mandats sociaux au sein des filiales françaises de BMG Rights Management:

- gérant de la société BMG Rights Management Sarl à compter du1er février 2012 au13 mai 2019

- président de la société BMG Production Music SAS (anciennement AXS), du 3 juillet 2017 au 13 mai 2019.

- président de la société Francis Dreyfus Music à compter du 25 mai 2012, puis gérant de la société, à la suite de sa transformation en Sarl à compter du 17 juin 2013.

- président de la société Gazoline, du 15 décembre 2016 jusqu'à sa radiation, le 2 avril 2019.

La convention collective applicable est la convention collective nationale des cadres et agents de maîtrise de l'édition musicale (IDCC n°3181).

Le 3 décembre 2018, M. [T] [I] a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique, fixé le 12 décembre 2018.

Le 2 janvier 2019, la société BMG RM Gmbh a notifié à M. [T] [I] son licenciement pour motif économique.

Le contrat de travail a pris fin le 3 juillet 2019 compte tenu d'un préavis contractuel de six mois.

La société BMG RM Gmbh a parallèlement mis fin à ses mandats sociaux.

Par courrier du 14 juin 2019, le conseil de M. [T] [I] a contesté « la réalité des chiffres communiqués » par l'employeur et le bien fondé du licenciement pour motif économique du salarié.

Par courrier du 29 juillet 2019, la société BMG RM Gmbh contestait la position du salarié et indiquait ne pas « répondre favorablement à votre proposition de trouver une issue amiable dans ce dossier ».

M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 25 juin 2019, puis a complété sa saisine initiale par une nouvelle requête du 23 septembre 2019.

Les deux requêtes ont fait l'objet d'une jonction par le conseil de prud'hommes, sous le numéro RG F 19/05587.

Par jugement en date du 21 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- ordonné la jonction entre les dossiers RG 19/05587 et RG 19/08486 et dit que l'instance se poursuivra sous le n° RG 19/05587

- fixé le salaire moyen de M. [T] [I] à la somme de 16 822,67 €

- dit que le licenciement de M. [T] [I] est sans cause réelle et sérieuse

- condamné la société BMG Rights Management Gmbh à verser à M. [T] [I] les sommes suivantes :

- 50 468,01 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement

-10 000 € au titre du bonus de l'année 2019

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation du 11 février 2019,

- rappelé qu'en vertu de l'article R. 1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire,

- condamné la société BMG Rights Management Gmbh à verser à M. [T] [I] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté M. [T] [I] du surplus de ses demandes.

- débouté la société BMG Rights Management Gmbh de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

M. [T] [I] a interjeté appel par déclaration du 16 octobre 2020.

Selon ses dernières conclusions, remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 3 novembre 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [I] demande de :

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 21 septembre 2020, en ce qu'il a fixé le salaire moyen de M. [T] [I] à la somme de 16 822,67 €

Statuant à nouveau :

Fixer le salaire de M. [T] [I] à la somme de 25.919 €

' Sur le licenciement pour motif économique :

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 21 septembre 2020, en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de M. [T] [I] est sans cause réelle et sérieuse

- condamné la société BMG Rights Management Gmbh à verser à M. [T] [I] la somme de 50 468,01 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement.

L'infirmer pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamner la société BMG Rights Management Gmbh à verser à M. [T] [I] la somme de 208.721,99 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 21 septembre 2020, en ce qu'il a débouté M. [T] [I] du surplus de ses demandes ;

Statuant à nouveau :

Condamner la société BMG Rights Management Gmbh à verser à M. [T] [I] la somme de 90.913 € à titre de rappel sur l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

Condamner la société BMG Rights Management Gmbh à verser à M. [T] [I] la somme de 54.577 € à titre de rappel sur l'indemnité contractuelle de licenciement ;

' Sur le rappel de salaires au titre de l'augmentation annuelle générale des salaires

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 21 septembre 2020, en ce qu'il a débouté M. [T] [I] du surplus de ses demandes

Statuant à nouveau :

Condamner la société BMG Rights Management Gmbh à verser à M. [T] [I] la somme de 49.481,5 € au titre du rappel de salaires portant sur l'augmentation de salaires annuelle générale dont il a été indûment privé, complété des indemnités de congés payés pour un montant de 4.948,15 € ;

' Sur le rappel de bonus (années 2018 et 2019)

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 21 septembre 2020, en ce qu'il a :

- condamné la société BMG Rights Management Gmbh à verser à M. [T] [I] 10 000 € au titre du bonus de l'année 2019

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation du 11 février 2019

- rappelé qu'en vertu de l'article R. 1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire

L'infirmer pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamner la société BMG Rights Management Gmbh à verser à M. [T] [I] :

o la somme de 54.192 € au titre du rappel de salaires portant sur le bonus 2018, complétée de la somme de 5.419,20 € au titre de l'indemnité de congés payés afférente ;

o la somme de 27.536 €, sauf à parfaire, au titre du rappel de salaires portant sur le bonus 2019, complétée de la somme de 2.753,6 € au titre de l'indemnité de congés payés afférente

o la somme complémentaire de 1.000 €, au titre de congés payés afférents au rappel de bonus sur la somme de 10.000 € accordée par le conseil de prud'hommes dans son jugement du 21 septembre 2020.

' Sur le rappel de prime de treizième mois

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 21 septembre 2020, en ce qu'il a débouté M. [T] [I] du surplus de ses demandes ;

Statuant à nouveau :

Condamner la société BMG Rights Management Gmbh à verser à M. [T] [I] la somme de 54.118 € au titre du rappel de salaires portant sur les primes de treizième mois au titre des années 2016, 2017, 2018 et 2019 dont il a été indûment privé complété de la somme de 5.411,80 € au titre de l'indemnité de congés payés y afférente ;

' Sur les congés payés dont il a été indûment privé,

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 21 septembre 2020, en ce qu'il a débouté M. [T] [I] du surplus de ses demandes ;

Statuant à nouveau :

Condamner la société BMG Rights Management Gmbh à verser à M. [T] [I] la somme de 13.274,32 € au titre du rappel de congés payés ;

Sur les autres demandes :

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 21 septembre 2020, en ce qu'il a débouté la société BMG Rights Management Gmbh de ses demandes ;

Ordonner à la société BMG Rights Management Gmbh de remettre à M. [T] [I], sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, l'attestation Pôle Emploi, les bulletins de paie et un certificat de travail conformes à l'arrêt à intervenir ;

Dire que les sommes porteront intérêts aux taux légaux à compter de la date de réception par la société BMG RM Gmbh de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Paris le 11 février 2019 ;

Ordonner la capitalisation des intérêts,

Dire que la Cour de céans se réserve la liquidation de l'astreinte,

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 21 septembre 2020 en ce qu'il a condamné la société BMG Rights Management Gmbh à verser à M. [T] [I] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la société BMG Rights Management Gmbh à payer à M. [T] [I] la somme de 26.400 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la présente instance d'appel

Ainsi qu'aux entiers dépens.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe, notifiées par réseau privé virtuel des avocats le 14 novembre 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, la société BMG Rights Management Gmbh demande de :

Sur le salaire de référence

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 21 septembre 2020 en ce qu'il a fixé le salaire de référence de M. [I] à 16. 822,67 euros bruts par mois

Sur le licenciement pour motif économique

A titre principal

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 21 septembre 2020, en ce qu'il a:

- dit que le licenciement de M. [T] [I] est sans cause réelle et sérieuse.

- condamné la société BMG Rights Management Gmbh à verser à M. [T] [I] la somme de 50 468,01 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement.

Débouter M. [I] de sa demande au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement

A titre subsidiaire (si la Cour devait confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a considéré que le licenciement de M. [I] était sans cause réelle et sérieuse)

- Confirmer le jugement en ce qu'il a limité le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à trois mois de salaire soit 50.468,01 euros ;

Sur le rappel de bonus 2018

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 21 septembre 2020 en ce qu'il a débouté M. [I] de sa demande à ce titre,

Sur le rappel de bonus 2019

A titre principal

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 21 septembre 2020, en ce qu'il a :

- condamné la société BMG Rights Management Gmbh à verser à M. [T] [I] la somme de 10. 000 euros au titre du bonus de l'année 2019

Débouter M. [I] de sa demande à ce titre

A titre subsidiaire

Confirmer le jugement en ce qu'il a fixé à 10. 000 euros le montant du rappel de salaire au titre du bonus 2019

Débouter M. [I] du surplus de sa demande à ce titre

Sur les autres demandes de M. [I]

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 21 septembre 2020 en ce qu'il a débouté M. [I] de l'ensemble de ses autres demandes à savoir ses demandes de :

rappel de salaires au titre d'une augmentation annuelle générale des salaires,

rappel de prime de treizieme mois,

rappel de congés payés,

rappel sur l'indemnité conventionnelle de licenciement,

rappel sur l'indemnité contractuelle de licenciement,

remise sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de l'attestation Pôle Emploi, des bulletins de paie et d'un certificat de travail conformes à l'arrêt à intervenir ;

et sa demande relative à l'application du taux légal sur les sommes précitées

Débouter M. [I] de sa demande de capitalisation des intérêts

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 21 septembre 2020, en ce qu'il a :

- condamné la société BMG Rights Management Gmbh à verser à M. [T] [I] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Débouter M. [I] de ses demandes à ce titre ,

Condamner M. [I] à verser à BMG Rights Management Gmbh 6. 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur les dépens

Condamner M. [I] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 novembre 2022.

MOTIFS :

Sur le motif économique du licenciement :

Selon l'article L1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants.

En l'espèce, M. [I] est salarié de la société de droit allemand, BMG Rights Management GMBH, société mère de la société BMG RM France, société de droit français établie sur le territoire national.

Les deux sociétés ont une activité d'édition qui relève du même secteur d'activité.

Au regard des dispositions de l'article L1233-3 du code du travail, les difficultés économiques de l'employeur de M. [I] doivent s'apprécier au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national.

Or, la société BMG Rights Management Gmbh invoque uniquement des difficultés économiques du secteur d'activité de l'édition musicale des sociétés établies en France c'est-à-dire de la filiale française BMG RM France, et des propres filiales de celle-ci, Francis Dreyfus Music et Gazoline sans prendre en compte celles de la société BMG Rights Management Gmbh employeur de M. [I].

En se référant uniquement à des difficultés économiques de ses filiales du secteur d'activité de l'édition musicale établies en France, sans prendre en compte ses propres résultats dans ce secteur, la société BMG Rights Management Gmbh, employeur de M. [I], n'a pas caractérisé de difficultés économiques de nature à justifier un licenciement pour motif économique.

Au surplus, l'employeur ne démontre pas que le poste salarié de directeur opérationnel France ait été supprimé de son organigramme.

Le licenciement de M. [I] avait donc uniquement pour objet de procéder à une économie de charges.

Son licenciement est en conséquence dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur le rappel d'augmentation générale annuelle :

M. [I] fait grief à son employeur de ne pas avoir donné instruction au service comptable de la société BRM RG France de procéder à l'augmentation annuelle de son salaire alors que le principe en était selon lui acquis.

Il produit des courriels relatifs à l'augmentation annuelle comprenant une liste de salariés sur laquelle il figure, bien que n'étant pas salarié de la société.

Il n'est pas contesté que le salaire de M. [I] était payé par son employeur mais remboursé à la société BMG RM Gmbh par la filiale française.

L'employeur démontre qu'il soumettait à M. [I], chaque année, ses nouveaux objectifs et sa nouvelle rémunération annuelle fixe pour l'année à venir.

En outre, le tableau communiqué par M. [I] et dont il entend se prévaloir pour caractériser son droit à augmentation, n'est pas un document contractuel et ne peut donc s'appliquer à un personnel qui n'est pas salarié de la filiale française.

Etant salarié de la société maison mère allemande et non de la société française dont il était le dirigeant, il ne peut prétendre à bénéficier de l'augmentation générale annuelle appliquée au sein de la société française.

M. [I] n'établit pas plus l'existence d'un usage, constant, général et fixe, au sein de l'entreprise qui aurait fait bénéficier le dirigeant de chaque filiale de l'augmentation générale annuelle des salaires appliquée au sein de la société qu'il dirige.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur le rappel de bonus pour les années 2018 et 2019 :

Le contrat de travail de M. [I] stipule en son article 6-2 que :

« En complément de sa rémunération fixe, Monsieur [T] [I] percevra une rémunération variable, composée d'un bonus de rentabilité, calculée et versée selon les conditions définies ci-après.

6-2-1 bonus de rentabilité

Le bonus de rentabilité sera calculé et versé en fonction de la rentabilité de la société française BMG Rights Management Sarl et le cas échéant des filiales françaises de la Société, la rentabilité consolidée étant dans cette hypothèse prise en compte, appréciée en fonction de l'EBITDA dégagé au cours de l'exercice social de BMG Rights Management Sarl et le cas échéant des filiales françaises de la Société par rapport à l'objectif d'EBITDA fixé lors de la détermination du budget prévisionnel de l'exercice.

Les parties s'accorderont chaque année, au plus tard le 31 décembre de l'année précédente (ou le dernier jour de l'exercice précédent au cas où la fin de l'exercice social de la société ne soit pas le 31 décembre), sur la valeur de l'objectif d'EBITDA ainsi que sur le montant du bonus de rentabilité et signeront un avenant au contrat de travail.

La Société garantit toutefois à Monsieur [T] [I] que le montant du bonus versé sera au moins égal à 10% (dix pour cent) de son salaire annuel de base pour l'exercice en question dès lors que l'objectif d'EBITDA aura été atteint à 100% (cent pour cent) de valeur. (...)'

M. [I] a perçu un bonus de :

- 65 000 euros en 2012

- 75 000 euros en 2013

- 100 000 euros en 2014,

- 85 000 euros en 2015,

- 20 00 euros en 2018.

Seul un avenant signé en 2014 par le salarié et l'employeur est produit pour fixer les objectifs et le montant du bonus.

Il convient dès lors de fixer cette rémunération en fonction des critères visés au contrat de travail et tels que modifiés par cet avenant.

S'agissant de l'année 2018, M. [I] revendique 74 192 euros de bonus calculé sur des critères identiques à ceux retenus en 2015. Il justifie de l'accord qu'il allègue quant à une modification des critères. Il sera fait droit à la demande de rappel de bonus formulée à ce titre et justifiée par les pièces comptables produites. La société BMG RM Gmbh est en conséquence condamnée à payer à M. [I] la somme de 74 192 euros de rappel de bonus 2018. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

S'agissant de l'année 2019, la société n'a pas payé de bonus à M. [I] considérant qu'étant en congé de reclassement, il ne pouvait en bénéficier.

L'article 6-2-2 du contrat de travail du salarié stipule que : « En cas de démission de Monsieur [T] [I] ou s'il est mis fin au présent contrat par la Société, sauf pour faute lourde, la société garantit à Monsieur [T] [I] le versement de la rémunération variable due au titre de la performance atteinte au cours de l'exercice en cours, au prorata temporis du temps de présence de Monsieur [T] [I], en ce compris le préavis, s'il est exécuté ou si la Société a dispensé Monsieur [T] [I] de l'exécuter ».

Le délai de préavis de M. [I] était de trois mois et il a été dispensé de l'exécuter. Même si M. [I] a accepté le congé de reclassement de six mois lequel comprenait le délai de préavis, il a droit au bonus de l'année 2019 prorata temporis en ce compris le délai de préavis soit du 1er janvier 2019 au 2 avril 2019.

La société BMG RM est en conséquence condamnée à lui payer la somme de 27 536 euros au titre du bonus 2019 prorata temporis. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur le rappel de prime de 13 ème mois :

M. [I] sollicite le paiement d'une prime de 13ème mois qu'il soutient ne jamais avoir perçu. Il invoque au soutien de sa demande les dispositions de l'article 8 de la convention collective et les dispositions de son contrat de travail avec BMG RM France.

L'article 8 de la convention collective applicable prévoit que : « La classification et la définition des emplois et le barème des appointements minima s'y rapportant sont déterminés en annexe I à la présente convention.

Après un an de présence dans l'entreprise, les cadres ont droit à un treizième mois payable en une ou deux fois et basé sur le dernier salaire mensuel perçu, majoré d'un douzième ou d'un sixième, selon la périodicité du paiement, des compléments de rémunération perçus par le cadre pendant la période de référence, à l'exclusion de toute gratification exceptionnelle et du treizième mois.

L'employeur est libre de verser des primes ou autres gratifications en dehors de celles prévues par la loi ou par une convention collective et un tel versement, même répété, n'est pas constitutif d'un droit ».

L'employeur répond que M. [I] percevait dans le cadre de son premier contrat de travail avec BMG RM France un treizième mois qui était intégré à la rémunération mensuelle et non versé en une ou deux fois et que c'est sur cette base annuelle que son contrat de travail avec BMG RM Gmbh a été conclu.

Le contrat de travail initial avec BMG RM France stipulait que M. [I] percevrait 'un salaire de base annuel brut d'un montant de 130 000 euros en ce compris le 13ème mois'.

Le contrat de travail conclu le 21 décembre 2011 avec la société BMG RM Gmbh stipule expressément que 'en contre partie de ses fonctions, M. [T] [I] bénéficiera d'un salaire de base annuel brut qui sera payé en douze mensualités égales versées à la fin de chaque mois calendaire. Cette rémunération tient compte des éventuels dépassements horaires inhérents à son state de cadre dirigeant; a compter du 1er janvier 2012, ce salaire est fixé à 160 000 euros bruts sur une base annuelle'.

Outre que la référence contractuelle au statut de cadre dirigeant, citée par M. [I] dans ses conclusions, justifie la stipulation d'une rémunération spécifique distincte de celle des cadres non dirigeants définie par la convention collective, le contrat de travail s'inscrit dans une volonté des parties de définir le montant du salaire de manière annuelle.

La demande de paiement d'un treizième mois est en conséquence rejetée. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur le retrait de congés payés :

M. [I] fait valoir que la société BMG RM France lui a retiré des congés-payés alors que, salarié de la société BMG RM Gmbh, ayant le statut de cadre dirigeant, il ne bénéficiait pas de jours de RTT.

L'employeur répond que ce dernier étant cadre dirigeant, il ne bénéficiait pas de jours de RTT, puisqu'il était exclu de la réglementation sur la durée du travail. Aussi, la Société a-t-elle pu légitimement retirer des jours de congés payés à Monsieur [I] pour les périodes de fermeture considérées (soit la 5ème semaine).

Il résulte de l'article L 3111-2, 1er alinéa, du code du travail que les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux règles relatives à la durée du travail, au repos et jours fériés.

Dès lors, le salaire contractuellement prévu par le contrat de travail devait être payé sans qu'il y ait lieu à soustraire des journées de travail au motif qu'elles n'auraient pas été travaillées.

Il sera donc fait droit à la demande de M. [I] et la société BMG RM Gmbh sera condamnée à payer à M. [I] la somme de 13.274,32 euros au titre de la retenue à tort de congés. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement :

Le contrat de travail stipule que l'indemnité conventionnelle qui sera allouée à M. [T] [I] est celle définie par la convention collective nationale de l'édition de musique.

L'article 16 de la convention collective applicable prévoit que : « En plus du délai-congé et du paiement des congés annuels, il est alloué aux cadres licenciés une indemnité de licenciement fixée comme suit :

- de la première à la dixième année d'ancienneté dans l'entreprise : un mois de salaire par année complète d'ancienneté (')

Les commissions, primes, avantages en nature ainsi que les gratifications à forme contractuelle, ramenés à leur quote-part, entreront dans l'établissement de la moyenne ci-dessus ».

Au regard de l'ancienneté de M. [I] de 10 années et de son salaire mensuel moyen s'élevant à 24 368 euros, l'indemnité conventionnelle de licenciement s'élève à 243 680 euros.

M. [I] ayant perçu la somme de 168.277,02 euros, il lui reste due la somme de 75 402,98 euros. La société Gmbh est condamnée à lui payer cette somme. Le jugement entrepris sera infirmé en son quantum.

Sur l'indemnité contractuelle de licenciement :

L'article 13-2 contrat de travail stipule que : « S'il est mis fin au présent contrat par la Société, quel qu'en soit le motif ' sauf en cas de faute lourde -, ou intervienne à l'initiative de Monsieur [T] [I] pour non-respect par la Société de ses obligations contractuelles, la société garantit à Monsieur [T] [I] le versement d'une indemnité complémentaire à l'indemnité légale ou conventionnelle, équivalente à six mois de salaire brut ».

Au regard du salaire mensuel moyen perçu par M. [I] au cours des douze derniers mois de travail, l'indemnité contractuelle qui lui est due s'élève à 146 208 euros.

M. [I] ayant perçu une somme de 100 937 euros de sorte que lui reste due la somme de 45 271 euros que la société BMG RM Gmbh est condamnée à lui payer. Le jugement entrepris sera infirmé en son quantum.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Selon l'article L1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux compris pour une ancienneté de dix années entre 3 et 10 mois de salaire.

L'employeur demande à la cour de prendre en compte les indemnités conventionnelles et contractuelles perçues pour allouer une indemnité de trois mois de salaire au plus.

Au regard de la qualification professionnelle de M. [I], de ses activités dans le cadre de son propre label, du délai qui lui a été nécessaire pour retrouver un emploi équivalent, de son salaire mensuel moyen des douze derniers mois de 24 368 euros et des indemnités conventionnelle et contractuelle perçues, il y a lieu de lui allouer une indemnité de 75 000 euros. Le jugement entrepris sera infirmé en son quantum.

Sur la remise des documents de rupture :

La société BMG RM Gmbh est condamnée à remettre à M. [I] une attestation destinée à Pôle emploi et un bulletin de paie rectificatif conformes au présent arrêt.

Les circonstances de la cause ne justifient pas de prononcer d'astreinte. La demande est donc rejetée.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil, les créances salariales sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

En vertu de l'article 1231-7 du code civil, les dommages et intérêts alloués sont assorties d'intérêts au taux légal à compter du jugement de première à proportion de la somme allouée et à compter de la présente décision pour le surplus.

Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts échus sur une année entière à compter du 3 novembre 2022, la date à laquelle la demande en a été formulée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a condamné la société BMG RM Gmbh aux dépens de première instance et au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société BMG RM Gnmbh est condamnée aux dépens d'appel et au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris sauf sur le rappel de bonus 2018 et 2019, le retrait de congés et sur les montants des indemnités conventionnelle et contractuelle de licenciement et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

L'INFIRME de ces chefs,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société BMG RM Gmbh à payer à M. [I] les sommes de :

- 74 192 euros à titre de rappel de bonus 2018,

- 27 536 euros au titre du bonus 2019 prorata temporis,

- 13 274,32 euros au titre de la retenue à tort de congés,

- 75 402,98 euros au titre du solde d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 45 271 euros au titre du solde d'indemnité contractuelle de licenciement,

- 75 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIT que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande à l'employeur et les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du jugement de première à proportion de la somme allouée et à compter de la présente décision pour le surplus,

ORDONNE la capitalisation des intérêts échus sur une année entière à compter du 3 novembre 2022, date de formulation de la demande,

CONDAMNE la société BMG RM Gmbh à payer à M. [I] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société BMG RM Gmbh aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA CONSEILLÈRE POUR LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 20/06966
Date de la décision : 01/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-01;20.06966 ?
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