La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/03/2023 | FRANCE | N°20/06219

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 01 mars 2023, 20/06219


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 01 MARS 2023



(n° 2023/102 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06219 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCNEW



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juillet 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 14/05110



APPELANTE



Madame [V] [J]

[Adresse 3]

[Localité 1]

R

eprésentée par Me Yann GALLANT, avocat au barreau de MARSEILLE



INTIMEE



Syndicat CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS Union de Syndicats, représenté par son pr...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 01 MARS 2023

(n° 2023/102 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06219 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCNEW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juillet 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 14/05110

APPELANTE

Madame [V] [J]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Yann GALLANT, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Syndicat CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS Union de Syndicats, représenté par son président

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Carole VERCHEYRE GRARD, avocat au barreau de PARIS, toque : G0091

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

Mme [V] [J] a été engagée par le syndicat Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 10 janvier 2011 en qualité de conseiller technique au sein de la direction développement du siège confédéral, niveau III, coefficient 130, catégorie cadre.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective de travail du personnel de la CFTC.

Par lettre datée du 3 décembre 2012, Mme [J] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 10 décembre 2012 et se voyait notifier par le même courrier sa mise à pied conservatoire, en vue d'un éventuel licenciement.

Celui-ci lui a été notifié pour faute lourde par lettre du 17 décembre 2012, ainsi libellée : « Il s'avère que dans le cadre de la relation de travail qui vous lie à notre confédération et par ailleurs au président confédéral, vous avez initié des faits répréhensibles :

- de harcèlement moral,

- de chantage,

- d'atteinte au secret de la vie privée, et plus particulièrement de la correspondance.

Ces éléments ont amené le président de la confédération à déposer plainte à la Gendarmerie nationale de [Localité 5] le 2 décembre 2012.

En effet vous avez initié à compter de la nomination de Monsieur [O] [X] à la présidence de la CFTC, des échanges électroniques, notamment via mail et SMS, au titre desquels vous vous rapprochiez de Monsieur [X] sur le terrain de l'amitié, lui faisant des propositions de cadeaux et recherchant prétexte pour vous rapprocher de lui notamment lors de moments conviviaux organisés au sein de nos locaux.

Ces messages se sont répétés tout d'abord et au fil des mois sur le registre d'une relation selon vous amicale.

Pourtant ils sont passés il y a peu du registre précité de l'admiration et de l'amitié à une connotation plus agressive, menaçante voire suggestive '

A la fin du mois de novembre, vos messages envoyés par textos et mails sont devenus plus menaçants, tout comme les messages laissés par vos soins sur la messagerie vocale du téléphone portable du président.

Vous ne manquiez pas de le menacer de divulguer des éléments qui auraient été ceux de sa vie privée, liés à des rumeurs et autres éléments destructeurs pour sa famille, mais aussi pour ses fonctions nationales et sa fonction de président.

Votre harcèlement, chantage et menaces ont pris une proportion à compter du 27 novembre dernier.

En effet vous aviez insisté par différents messages laissés au président, pour que ce dernier se rende à l'invitation qui lui avait été faite par un ancien collaborateur CFTC qui inaugurait son cabinet d'avocats. Vous étiez vous-même invitée à ce cocktail dinatoire.

Or le président ne s'est pas déplacé à cette invitation compte tenu de ses obligations professionnelles du jour.

Vous avez alors mis en oeuvre dans la nuit du 27 au 28 novembre un harcèlement téléphonique répété via la messagerie de son portable et ou par des SMS à la teneur inqualifiable. Vous avez non seulement outrepassé là votre droit d'expression mais mis en oeuvre, à l'encontre de notre président, un véritable travail de sape visant à nuire à sa personne.

Ce harcèlement s'est confirmé tout au long des jours qui ont suivi.

Il a été à son apogée le 2 décembre dernier et ce alors même que Monsieur [X] était entendu par les officiers de police judiciaire des services de gendarmerie.

Durant cette audition, vous avez adressé une nouvelle fois plusieurs SMS comminatoires et mettant en cause le président.

Vous avez par ailleurs laissé ce même jour à 13 heures un message vocal par lequel vous avez fait valoir un véritable chantage envers Monsieur [X].

Plus particulièrement, vous faisiez valoir que si les choses continuaient à évoluer négativement pour vous, vous ne manqueriez pas de porter sur la place publique un certain nombre d'informations qui auraient été celles tirées de sa vie privée et que pour le moins, il se devait de démissionner de sa fonction de président si ces divulgations étaient faites.

Cet appel vocal a fait l'objet d'un constat de flagrant délit par les officiers de police judiciaire présents au moment de la réception de cet appel aux cotés de Monsieur [X].

Par conséquent, votre intention de nuire à l'encontre du président mais également de la CFTC est aujourd'hui caractérisée.

D'aucune manière ces faits ne peuvent être excusés ou ne peuvent être en rapport avec votre état de grossesse dont nous n'avons eu connaissance pour la première fois, que lors de l'entretien préalable précité, la portée de vos actes étant telle que l'intention de nuire précitée nous apparaît caractérisée.

La mise en cause de la personne même de notre président par votre harcèlement téléphonique via messagerie, mails ainsi que le chantage opéré, voire la menace de divulgation d'éléments dont vous ne pouviez avoir eu connaissance qu'après intrusion ou prise d'information dans la vie privée de Monsieur [X], nous amène à notifier la présente mesure de licenciement pour faute lourde'»

A la date du licenciement, Mme [J] avait une ancienneté d'un an et onze mois et le syndicat Confédération française des travailleurs chrétiens occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Le 4 décembre 2014, Mme [J] saisissait le Conseil de Prud'hommes de Bobigny et

sollicitent la condamnation de la CFTC au paiement des sommes suivantes :

- 41 400 euros de dommages et intérêts pour nullité du licenciement ;

- 82 800 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier découlant du licenciement et des conditions vexatoires dans lesquelles il est intervenu ;

- 10 350 euros d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 1 035 euros d'indemnité de congés payés y afférent ;

- 747,50 euros d'indemnité de licenciement ;

- 2 001,66 euros d'indemnité compensatrice de congés payés ;

- 1 201,02 euros de rappel de salaire sur période de mise à pied conservatoire ;

- 120,01 euros d'indemnité de congés payés sur période de mise à pied conservatoire ;

- 637,81euros de rappel de 13ème mois sur période de préavis ;

- 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 15 juin 2016, le conseil de prud'hommes de Bobigny a ordonné un sursis à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction pénale suite au dépôt de plainte du président de la CFTC à l'encontre de Mme [J].

Par jugement du 7 juillet 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil a débouté Mme [J] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer la somme de 500 euros à la CFTC sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Par déclaration du 28 septembre 2020, Mme [J] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions, remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 26 septembre 2022, Mme [J] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de déclarer nul son licenciement. Elle réitère toutes ses demandes de première instance, à l'exception des dommages et intérêt pour licenciement nul qui sont portés à la somme de 62 100,00 euros et d'une demande supplémentaire au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, en plus de la somme de 1 500 euros demandée au même titre pour la première instance. Sont également sollicités les intérêts au taux légal avec capitalisation depuis la date de saisine du conseil de prud'hommes, soit le 4 décembre 2014, d'ordonner la remise de documents sociaux conformes à la décision à intervenir et de condamner la CFTC aux entiers dépens

Dans ses dernières conclusions, remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 octobre 2022, la Confédération française des travailleurs chrétiens demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter Mme [J] de l'ensemble de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 10 janvier 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

1 : Sur la cause du licenciement

Mme [V] [J] soutient que les prétendues fautes sont 'prescrites' dés lors que la CFTC lui a infligé un rappel à l'ordre le 29 octobre 2012, sans prouver d'agissements répréhensibles à son encontre postérieurement, qu'en tout état de cause le licenciement est nul, dès lors qu'elle était enceinte à la date de l'engagement de la procédure de licenciement, qu'en tout état de cause, la lettre de licenciement n'évoque aucun fait précis, qu'elle lui impute des dires et des atteintes à la vie privée du président de la CFTC de manière invraisemblable, puisqu'elle ne travaillait pas directement avec lui et ne faisait pas partie de son entourage proche, qu'elle était une salariée compétente qui avait noué avec ce dirigeant des relations professionnelles cordiales et amicales au-delà même de la date de la rupture du contrat de travail.

La CFTC répond que Mme [V] [J] a harcelé à compter de décembre 2011 le président de la CFTC par des textos, des courriels et des messages téléphoniques insistants, d'une intimité déplacée, frisant la connotation sexuelle, qu'elle a fait l'objet d'un recadrage le 29 octobre 2012, que ce harcèlement a eu des effets délétères sur la santé de la victime, que la salariée a poursuivi l'envoi de messages après le 29 octobre 2012 de manière injurieuse et menaçant notamment de dévoiler des éléments supposés de sa vie privée, manifestant ainsi son intention de nuire, que la rupture est sans lien avec l'état de grossesse de l'intéressée, dès lors qu'elle n'a annoncé son état qu'au cours de l'entretien préalable.

Sur ce

La faute lourde est celle qui, comme la faute grave, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis ; elle suppose l'intention de nuire du salarié ;

L'employeur qui invoque la faute lourde pour licencier doit en rapporter la preuve.

Les motifs de la lettre de licenciement sont précis et matériellement vérifiables, dés lors qu'ils évoquent des agissements clairement décrits qui se sont déroulés sur une longue période, en donnant les moyens de communication utilisés, le type de contenu, leur fréquence, les éléments de la vie de la victime auxquels la salariée s'en prenait, donnent des dates et identifient certains éléments des très nombreux messages pour caractériser la faute invoquée.

L'avertissement implique l'énoncé d'un ou de plusieurs manquements bien identifiés ainsi qu'une mise en demeure d'en cesser la pratique ou de rectifier la situation pouvant, l'idée étant qu'en cas de récidive, cela pouvait conduire au licenciement du salarié, à sa rétrogradation ou sa mutation.

L'employeur qui, bien qu'informé de l'ensemble des faits reprochés à un salarié, choisit de lui notifier un avertissement seulement pour certains d'entre eux, ne peut pas prononcer ultérieurement un licenciement pour les autres faits connus avant la date de notification de la première sanction.

La poursuite par un salarié d'un fait fautif et de nouveaux faits fautifs survenus après l'envoi de la lettre notifiant une sanction disciplinaire autorise l'employeur à se prévaloir de faits similaires, y compris ceux ayant été sanctionnés et peuvent justifier une nouvelle sanction reposant sur une appréciation globale.

Par lettre du 31 octobre 2012 remise à la salariée en main propre, l'employeur a invité celle-ci a réfléchir sur différentes 'observations' qui lui étaient faites et a indiqué 'compter' sur elle pour remplir à l'avenir ses missions 'en pleine responsabilité', ces demandes faisant suite à l'énoncé d'une série de griefs, sur ses obligations en matière d'information de sa hiérarchie, de respect des procédures financières, d'apporter du soin aux questions logistiques, et la nécessité de solliciter ses responsables avant d'inviter les membres de leur service, tout en lui reprochant sa tentative de se soustraire à une commande qui lui était faite sur la loi du 20 août 2008 et plus généralement le non-respect par elle des délais ainsi que son manque d'organisation et de discernement.

La solennité du ton employé, le recours à un entretien préalable à l'envoi de cette lettre, la précision et la multiplicité des griefs évoqués, manifestent la volonté non pas seulement de rappeler des règles à appliquer, mais de caractériser des fautes clairement identifiées pour éviter leur réitération.

Cette lettre s'analyse donc comme un avertissement et non un simple rappel à l'ordre.

Il est vrai que ce document ne fait pas état de faits de harcèlement alors qu'un grand nombre de courriels adressée à raison de plusieurs par mois et parfois par jour, parfois tard le soir, de la part de la salariée au président de la CFTC, M. [X], visées dans la lettre de licenciement, et par lesquels elle s'épenchait auprés de ce dirigeant sur la vie privée de la scriptrice et celle du destinataire, imposant à celui-ci des confidences et un caractère à la fois très intime, en recourant même au tutoiement et personnel, sur un mode dithyrambique pour flatter le destinataire et réclamer voire exiger son amitié y compris par un cadeau malgré le refus et la réserve de la personne ainsi harcelée.

Les témoignages produits par la salariée démontrent les qualités professionnelles de l'intéressée, qui ne sont pas en cause, et une relation d'une certaine proximité de M. [X] avec celle-ci.

Ces faits seraient couverts, non pas par la prescription comme le dit la salariée, mais par l'épuisement du pouvoir disciplinaire de la CFTC. A ce stade, en tout état de cause, ils n'auraient pas été proportionné de les sanctionner par un licenciement.

Toutefois, ils se poursuivis par textos et messages vocaux d'une autre tonalité, sur un mode alternant la flatterie, l'évocation d'une liaison de son destinataire, avec menace à peine voilée de la divulguer, intrusion moralisatrice dans sa vie privée, et propos dégradants pour lui. Des termes d'une certaine violence sont alors utilisés, à savoir le 30 novembre 2012 à 1 h 06 du matin, 'En plus d'être un très mauvais président, vous êtes un homme sans scrupule, sans morale, sans principe et sans déontologie, qui veut juste profiter du système, vous êtes juste pitoyable et vous allez défendre des grands principes de la morale chrétienne, à gerber quand je vous vois', et un peu plus tard la même nuit à 1 h 30, 'quand je vous ai vu assis dans votre bureau, assis ratatiné sur vous-même, défraîchi, avec un énorme coup de vieux, vous m'avez donné l'impression d'un papy sénile', puis un peu plus tard et au cours de la journée suivante, l'évocation d'un scandale dont la CFTC ne se remettra pas, car elle sait 'ce qu'il fait' et 'avec qui'. Ces sous-entendus se renouvellent et se mêlent le 2 décembre à l'exigence qu'aucune différence de traitement ni de discrimination ne lui soit infligée 'dans le cadre de tout ça'. L'un des messages laisse penser que Mme [V] [J] savait à qui il envoyait des SMS le dimanche à une tierce personne de chez lui. Après la remise de la convocation à l'entretien préalable, les courriels se sont poursuivis avec une fréquence parfois pluri quotidienne comme auparavant, pour le supplier de ne pas lui en vouloir.

Le maintien du salarié dans l'entreprise était impossible, dans la mesure où ses messages incessants étaient de nature à nuire à la santé de M. [X] ainsi qu'à son travail, tandis que les menaces qu'ils pouvaient conduire à le déstabiliser illégitimement ainsi que le syndicat et enfin toute collaboration avec le dirigeant en cause était exclue.

A travers les menaces voilées liées à la vie personnelle de M. [X], la salariée a manifesté son intention de nuire à l'employeur à travers sont président.

Ainsi le harcèlement est caractérisé en même temps que l'intention de nuire, sans que le pouvoir disciplinaire de l'employeur ait été épuisé. La cour reteint donc le bien fondé du licenciement pour faute lourde.

2 : Sur la nullité du licenciement

La salariée soutient que son licenciement est nul à raison de son état de grossesse au moment de sa notification.

Aux termes de L. 1225-4 du Code du travail, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté, pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l'expiration de ces périodes.

Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa.

Le licenciement intervient pour faute lourde.

Le licenciement repose sur un motif étranger à l'état de grossesse, puisque, la seule trace de l'annonce de sa grossesse par l'intéressée se trouve dans le compte-rendu de l'entretien préalable, fût-il non signé, ce qui signifie que la procédure disciplinaire a été engagée sans que la CFTC ne connût l'état de la salariée.

Dés lors le licenciement n'est pas nul.

3 : Sur les conséquences financières du licenciement

Il suit des développements qui précèdent que la salariée sera déboutée de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement nul, d'indemnité de préavis, de l'indemnité de congés payés y afférents, d'indemnité de licenciement, de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et de treizième mois sur la période de préavis.

S'agissant de la demande d'indemnité compensatrice de congés payés, par arrêt du 2 mars 2016, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la constitution les mots «dès lors que la rupture du contrat de travail n'a pas été provoquée par la faute lourde du salarié» figurant au deuxième alinéa de l'article L. 3141-26 du code du travail et a décidé que sa décision prenait effet à compter de la date de sa publication et pouvait être invoquée dans toutes les instances introduites à cette date et non jugées définitivement.

Il s'ensuit que c'est à tort que le conseil a rejeté la demande en paiement d'une indemnité de congés payés de 2001,66 euros. Cette somme portera intérêts à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes.

Il sera ordonné la capitalisation des intérêts courus pour une année entière, ainsi qu'il l'est demandé, dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Compte tenu de la décision retenue par la cour relative à l'indemnité de congés payés, il sera ordonné la remise par la CFTC à Mme [V] [J] dans le mois du présent arrêt, d'une attestation Pôle Emploi et d'un bulletin de paie conformes à celui-ci.

S'agissant de la demande de dommages-intérêts pour licenciement intervenu dans des conditions vexatoires, la salariée sollicite l'allocation de la somme de 82 800 euros de dommages-intérêts en réparation, en alléguant qu'elle a fait à la suite de la rupture une dépression, une fausse couche, qu'elle a dû récupérer ses affaires dans un carton qui l'attendait à l'accueil aux yeux et à la vue de tous, de manière dégradante pour une personne qui a été l'interlocutrice privilégiée du président pendant des mois, ainsi qu'un préjudice de respectabilité par rapport à ses collègues.

L'octroi de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des circonstances brutales et vexatoires de la rupture nécessite, d'une part, la caractérisation d'une faute dans les circonstances de la rupture du contrat de travail qui doit être différente de celle tenant à son seul caractère abusif, ainsi que, d'autre part, la démonstration d'un préjudice distinct de celui d'ores et déjà réparé par les sommes allouées à ce titre.

Sous couvert de demande de réparation des circonstances vexatoires, la salariée sollicite des dommages-intérêts en réparation des conséquences d'un licenciement infondé, de sorte qu'à cet égard elle ne peut qu'être déboutée.

Elle ne démontre pas l'existence d'une faute liée aux circonstances du licenciement, ni d'un préjudice distinct.

Sa demande sera dès lors rejetée.

4 : Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la situation économique respective des parties et de ce que la salariée succombe sur l'essentiel, Mme [V] [J] sera condamnée à verser à la CFTC la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 200 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, tandis que l'employeur sera débouté de ces chefs.

Chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Confirme le jugement déféré sauf sur l'indemnité de congés payés, sur la délivrance des documents de fin de contrat et sur les dépens ;

Statuant à nouveau ;

Condamne le syndicat Confédération française des travailleurs chrétiens à payer à Mme [V] [J] la somme de 2001,66 euros d'indemnité de congés payés avec intérêts au taux légal à compter de la réception par ledit syndicat de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du Code du travail ;

Ordonne la remise par le syndicat Confédération française des travailleurs chrétiens d'une attestation Pôle Emploi et d'un bulletin de paie conformes au présent arrêt dans le mois de la signification de celui-ci ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Y ajoutant ;

Condamne Mme [V] [J] à payer au syndicat Confédération française des travailleurs chrétiens la somme de 200 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Rejette la demande du syndicat Confédération française des travailleurs chrétiens au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/06219
Date de la décision : 01/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-01;20.06219 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award