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01/03/2023 | FRANCE | N°20/06075

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 01 mars 2023, 20/06075


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 01 MARS 2023



(n° 2023/96 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06075 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCME6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/02704



APPELANTE



S.A.S. MAINTENANCE INDUSTRIE Prise en la personne de son président,

domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-françois LOUIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0452



INTIMEE ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 01 MARS 2023

(n° 2023/96 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06075 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCME6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/02704

APPELANTE

S.A.S. MAINTENANCE INDUSTRIE Prise en la personne de son président, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-françois LOUIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0452

INTIMEE

Madame [B] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Olivier BICHET, avocat au barreau de PARIS, toque : B403

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Ga'l BLANC, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Courant 2013, par contrat à durée indéterminée, Mme [B] [U] a été embauchée avec reprise d'ancienneté au 25 janvier 2005 par la SAS Maintenance industrie en qualité d'agent de service. En 2014, la société a perdu le marché auquel la salariée était affectée puis l'a repris à compter du 1er juin 2018.

Le salaire mensuel moyen de Mme [U] était de 1.096,40 euros brut.

La société Maintenance industrie est une société de nettoyage industriel qui emploie environ 1.300 salariés. Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés (IDCC 3043).

Le 2 juillet 2018, Mme [U] a fait l'objet d'un avertissement pour avoir refusé de sortir les poubelles alors que cela aurait fait partie de ses tâches quotidiennes. Le 4 suivant, elle a fait l'objet d'un second avertissement pour absences injustifiées les 28 et 29 juin précédents.

Par lettre du 9 juillet 2018, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Le 9 août, elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse, le courrier de rupture visant "le refus persistant de Mme [U] de sortir les poubelles, refus qui a entraîné l'apparition de rats et l'obligation pour le client de faire intervenir une entreprise de dératisation", et "l'incident du 2 juillet 2018 (refus de nettoyer l'emplacement situé devant le casier d'une inspectrice puis insultes envers cette inspectrice)".

Le 1er avril 2019, contestant les avertissements reçus ainsi que son licenciement et réclamant diverses sommes indemnitaires et salariales, Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 9 juin 2020, a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société Maintenance industrie aux sommes subséquentes tout en rejetant le surplus des demandes.

Le 25 septembre 2020, la société Maintenance industrie a fait appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 26 août précédent.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 23 juin 2021, la société Maintenance industrie demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamne au paiement de dommages et intérêts à ce titre, d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis, de rappels de salaires et des congés payés afférents, et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [U] à lui payer 2.400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 24 mars 2021, Mme [U] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il condamne la société Maintenance industrie à lui payer diverses sommes et à lui remettre divers documents mais l'infirmer en ce qu'il rejette ses demandes et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- condamner la société Maintenance industrie à lui payer 2.192 euros de dommages et intérêts pour l'avertissement injustifié du 2 juillet 2018 ;

- condamner la société Maintenance industrie à lui payer 2.192 euros de dommages et intérêts pour l'avertissement injustifié du 4 juillet 2018 ;

- condamner la société Maintenance industrie à lui payer 12.600 euros (au lieu et place des 8.000 euros accordé) au titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société Maintenance industrie à lui payer 6.578,40 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

- condamner la société Maintenance industrie à lui payer 2.400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

- condamner la société Maintenance industrie aux entiers dépens de la présente instance ;

- assortir les condamnations de l'intérêt au taux légal et de l'exécution provisoire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 9 janvier 2023.

Pour l'exposé des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 : Sur les sanctions disciplinaires

Selon les dispositions des articles L.1331-1 et suivants du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Il est néanmoins de principe que n'est pas une sanction disciplinaire une lettre qui invite le salarié à respecter la procédure interne ou lui rappelle ses obligations et les sanctions encourues.

Aucune sanction ne peut être prise à l'encontre du salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps et par écrit, des griefs retenus contre lui. En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

1.1 : Sur l'avertissement du 2 juillet 2018

Le 2 juillet 2018, la salariée a été sanctionnée pour avoir refusé de sortir les poubelles sur le trottoir.

Cependant, alors que Mme [U] conteste cette sanction au motif que cette tâche ne figurait pas dans son contrat de travail et était impossible puisqu'elle ne commençait à travailler sur le site concerné qu'après le passage des éboueurs, l'employeur ne démontre pas le contraire.

Dans la mesure où il ne saurait être fait grief à la salariée de n'avoir pas contesté cet avertissement qui ne lui avait pas été notifié à son adresse réelle, il convient de considérer que cette sanction est injustifiée.

Au regard du préjudice moral engendré, la somme de 300 euros sera allouée à la salariée de ce chef.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

1.2 : Sur l'avertissement du 4 juillet 2018

Le 4 juillet 2018, la salariée a été sanctionnée par un avertissement pour absence injustifiée.

Alors qu'elle ne conteste pas qu'elle n'avait pas transmis à son employeur la prolongation de son arrêt de travail pour la période visée, cette sanction apparaît justifiée et proportionnée.

Il convient dès lors de rejeter la demande indemnitaire à ce titre et de confirmer le jugement sur ce point.

2 : Sur le licenciement

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Par ailleurs, l'employeur qui, bien qu'informé d'un ensemble de faits qu'il reproche au salarié, choisit de lui notifier un avertissement seulement pour un ou certains d'entre eux, épuise son pouvoir disciplinaire relativement aux faits dont il avait connaissance, et ne peut prononcer un licenciement pour des faits antérieurs à la sanction prononcée et faisant partie de ceux dont il avait connaissance.

En l'espèce, aux termes de la lettre de rupture du 9 août 2018, qui fixe les limites du litige, Mme [U] a été licenciée pour cause réelle et sérieuse en raison d'un "refus persistant de Mme [U] de sortir les poubelles, refus qui a entraîné l'apparition de rats et l'obligation pour le client de faire intervenir une entreprise de dératisation", et de "l'incident du 2 juillet 2018 (refus de nettoyer l'emplacement situé devant le casier d'une inspectrice puis insultes envers cette inspectrice)".

Au cas présent, le prétendu refus de la salariée de sortir les poubelles a déjà été sanctionné et ne pouvait dès lors constituer une cause de licenciement.

Par ailleurs, l'incident du 2 juillet 2018 a été porté à la connaissance de l'employeur par courriel du 3 à 19h59. Ce dernier, qui en a la charge, ne démontre pas qu'il n'avait pas à ce stade une connaissance certaine et entière de ces faits. Or, la salariée a fait l'objet d'un avertissement disciplinaire le 4 juillet. Dès lors, l'employeur qui, bien qu'informé des faits du 2, a choisi à cette date de lui notifier un avertissement seulement pour des absences, a épuisé son pouvoir disciplinaire relativement aux faits du 2 dont il avait alors déjà connaissance. Il ne pouvait donc prononcer un licenciement pour ces faits. Ce grief ne peut donc davantage constituer une cause de licenciement.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application de l'article L.1235-3 du code du travail, au regard de l'ancienneté de la salariée et de son préjudice, il convient de lui allouer la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef. Le jugement sera également confirmé sur ce point.

En revanche, s'il est de principe que les documents sociaux dont le solde de tout compte sont quérables et non portables et que l'employeur a seulement l'obligation d'informer le salarié qu'il les tient à sa disposition mais n'a pas l'obligation de les lui faire parvenir directement, il n'en est pas de même des sommes qui y sont visées qui doivent être réglées spontanément.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il condamne l'employeur au paiement de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis, des rappels de salaires et des congés payés afférents à ces sommes.

3 : Sur le travail dissimulé

L'article L.8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article 8223-1 du code du travail dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

La salariée fait valoir que l'employeur ne lui a pas payé les mois de juin (partiellement), juillet et août 2018. Cependant, l'employeur tenait ses sommes à sa disposition et aucune intention de dissimulation n'est établie.

Dès lors, la demande de condamnation au titre du travail dissimulé sera rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

4 : Sur les intérêts

En application des dispositions de l'article 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal courent sur les créances indemnitaires confirmées à compter du jugement et du présent arrêt pour le surplus.

5 : Sur les demandes accessoires

La présente décision n'étant pas suceptible de voies de recours suspensives, il n'y a donc pas lieu de l'assortir de l'exécution provisoire.

Le jugement sera confirmé sur dépens et les frais irrépétibles.

L'employeur, partie essentiellement perdante en appel, supportera également les éventuels dépens engagés dans ce cadre.

La société Maintenance industrie sera également condamnée à payer à Mme [U] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour :

- Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 9 juin 2020 sauf en ce qu'il rejette la demande de dommages et intérêts en raison du caractère injustifié de l'avertissement du 2 juillet 2018 et l'infirme de ce chef ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Condamne la SAS Maintenance industrie à payer à Mme [B] [U] la somme de 300 euros de dommages et intérêts en raison du caractère injustifié de en raison du caractère injustifié de l'avertissement du 2 juillet 2018 ;

- Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les condamnations de nature indemnitaire confirmées à compter du 9 juin 2020 et du présent arrêt pour le surplus ;

- Dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire ;

- Condamne la SAS Maintenance industrie à payer à Mme [B] [U] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la SAS Maintenance industrie aux dépens.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/06075
Date de la décision : 01/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-01;20.06075 ?
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