REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 27 FEVRIER 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/15402 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEIN3
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Juin 2021 -TJ de [Localité 4] RG n° 19/12683
APPELANT
DIRECTION RÉGIONALE DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS de Roissy-Fret, prise en la personne de son Directeur
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représenté par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1844
INTIMEE
S.A.R.L. MAST DIAGNOSTIC
Ayant son siége social
[Adresse 1]
[Localité 2]
N° SIRET : 393 642 517
Représentée par Me Jean-marie SALVA de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 28 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente
Monsieur Jacques LE VAILLANT, Conseiller
Madame Sylvie CASTERMANS, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL Présidente dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signée par Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Mast Diagnostic importe des dispositifs de prélèvement des selles dans le cadre d'un marché public de fourniture de kits de dépistage immunologique destinés à être distribués à la population éligible au programme de dépistage du cancer colorectal et de gestion de la solution d'analyse des tests réalisés.
Dans le cadre de ses missions, dans le courant des années 2015 et 2016, le bureau de contrôle de Roissy « Douane de Roissy » a procédé à des contrôles sur 1'espèce tarifaire utilisée par l'importateur dans ses déclarations de douanes.
Il en est résulté, selon les douanes, que la position tarifaire choisie par la société Mast, soit dans la majorité des cas, était la 3822 00 00 00 qui n'était pas celle qui aurait dû être retenue laquelle était la position tarifaire 3824 99 92 99.
Des procès verbaux de notification d'infraction ont été notifiés les 19 janvier et 13 février 2018 à la société Mast. Ils ont été suivis de deux avis de mise en recouvrement des 30 janvier et 27 février 2018. Ces derniers ont été contestés par la société Mast sans que cette contestation ne soit suivie de succès.
Par acte d'huissier de justice en date du 30 octobre 2019, la société Mast Diagnostic a fait assigner la direction générale des douanes et droits indirects de Roissy fretaux devant le tribunal judiciaire de Bobigny.
Par jugement rendu le 24 juin 2021, le tribunal judiciaire de Bobigny a statué comme suit :
- dit que les dispositifs de prélèvement importés par la société Mast Diagnostic et dénommés « Oc Sensor Sampling Bottles » ou « Sampling Btl Bc » relèvent de la position tarifaire 9018 39 00 00,
en conséquence,
- dit que la direction régionale des douanes de Roissy-Fret procédera à l'annulation des avis de mise en recouvrement des 30 janvier 2018 - 783/185 12 et 27 février 2018 - 783/18521,
- condamne la direction régionale des douanes de Roissy Fret à payer à la société Mast Diagnostic la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamne la direction régionale des douanes de Roissy Fret aux dépens.
Par déclaration du 9 août 2021, la direction régionale des douanes et droits indirects interjeté appel du jugement.
Par dernières conclusions signifiées le 18 janvier 2022, la direction régionale des douanes et droits indirects de Roissy-Fret demande à la cour de, au visa de l'article 57 et suivant du code des douanes de l'Union, les articles 1, 2, 27, 28 et suivants du code des douanes, de la juger recevable et bien fondé en son appel et de :
- infirmer le jugement rendu le 24 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Bobigny (RG n°19/12683), en ce que le tribunal a :
dit que les dispositifs de prélèvement importés par la société Mast Diagnostic et dénommés « Oc Sensor Sampling Bottles » ou « S-Sampling BTL BC » relèvent de la position tarifaire 9018 39 00 00 ;
dit, en conséquence, que la direction régionale des douanes et droits indirects de Roissy-Fret procédera à l'annulation des avis de mise en recouvrement des 30 janvier 2018 ' 783/18S12 ' et 27 février 2018 ' 783/18S21 ;
condamné la direction régionale des douanes et droits Indirects de Roissy-Fret à payer à la société Mast Diagnostic une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ;
condamné la direction régionale des douanes et droits indirects de Roissy-Fret aux dépens.
et statuant de nouveau,
- juger réguliers et fondés les avis de mise en recouvrement n°783/18S12 du 30 janvier 2018 et n°783/18S21 du 27 février 2018 établis respectivement pour des montants de 77 506 euros et 176 408 euros et les confirmer,
- débouter la société Mast Diagnostic de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la société Mast Diagnostic à payer à la direction régionale des douanes et droits Indirects de Roissy-Fret une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Mast Diagnostic aux entiers dépens de l'instance.
Par dernières conclusions signifiées le 19 novembre 2021, la société Mast Diagnostic demande à la cour de dire et juger qu'elle est recevable et bien fondée en ses demandes et de confirmer le jugement entrepris.
sur le fond,
- dire et juger que la société Mast Diagnostic est bien fondée à considérer que les dispositifs de prélèvement de selles dénommés Ocsensor Sampling Batties ou Sampling Btl Bc relèvent de la position tarifaire 9018 39 00 00, exemptée de droits de douane - Autres instruments et appareils pour la médecine, la chirurgie, l'art dentaire ou l'art vétérinaire, y compris les appareils de scintigraphie et outres appareils électromédicaux ainsi que les appareils pour tests visuels - seringues, aiguilles, cathéters, canules et instruments similaires.
- rejeter l'application de la position 3824 90 92 99 aux dispositifs de prélèvement de selles dénommés Ocsensor Sampling Botties ou Sampling Btl Bc.
en conséquence,
- enjoindre à la direction régionale des douanes de Roissy-Fret d'annuler les avis de mise en recouvrement (Amr) n°783/18S12 du 30 Janvier 2018 et n°783/18521 du 27 février 2018.
- condamner la direction régionale des douanes de Roissy-Fret au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
SUR CE,
Il résulte des écritures et des pièces produites par les parties que l'objectif du kit dénommé OC Sensor Sampling Bottles 3 ou S-Sampling BTL BC est le prélèvement de selles pour mesurer l'hémoglobine fécale en utilisant des analyseurs automatisés pour la détection du sang dans les selles. Le tube d'auto-prélèvement contient une solution tampon composée principalement d'hepes et contient également du chlorure de sodium, de l'albumine de sérum bovin, de l'azoture de sodium et de l'hydroxyde de sodium.
L'objectif du kit de prélèvement est de préserver l'échantillon avant l'analyse sur la machine OC Sensor pour l'analyse quantitative. Sans le passage par la machine, le kit de prélèvement ne permet pas de diagnostic.
Pour ses importations, la société Mast Diagnostic a déclaré la position 38 22 22 22 22 à l'exception de trois déclarations. L'administration des douanes a maintenu le classement du dispositif à la position 3824 99 92 99. Le tribunal a retenu le classement du dispositif à la position 9018 39 00 00, classement qui est exempt de droits de douane et qui est revendiqué par la société Mast Diagnostic en cause d'appel.
Sur la position tarifaire 3822
La plupart des déclarations en douane effectuées par la société Mast Diagnostic l'ont été à la position 38 22 00 00 00 exempte de droits de douane. Elle sollicite l'application de cette position à titre subsidiaire.
La position 3822 concerne les réactifs de diagnostic utilisés pour l'évaluation des processus et des états physiques chez l'homme et l'animal.
Selon les notes explicatives du système harmonisé (NESH) relatives à la position 3822 :
« Les réactifs de diagnostic sont utilisés pour l'évaluation des processus et des états physiques, biophysiques et biochimiques chez l'homme et l'animal. Leurs fonctions reposent sur une modification mesurable ou observable de leurs substances constitutives biologiques ou chimiques. Les réactifs de diagnostic préparés de la présente position peuvent avoir une fonction analogue à celles des réactifs destinés à être administrés aux patients (n° 3006.30) à cette exception près qu'ils sont utilisés in vitro plutôt qu'in vivo.
Les réactifs de laboratoire comprennent non seulement les réactifs de diagnostic mais également d'autres réactifs d'analyse utilisés à des fins autres que la détection ou le diagnostic. ['] Les réactifs de la présente position doivent être clairement reconnaissables comme étant destinés à être utilisés uniquement comme réactifs de diagnostic ou de laboratoire. Cette utilisation doit ressortir clairement de leur composition, des instructions figurant sur l'étiquette concernant leur utilisation in vitro ou en laboratoire, de l'indication du test de diagnostic spécifique à effectuer ou de la forme matérielle sous laquelle ils sont présentés (sur un substrat ou un support, par exemple) »
Pour que le produit soit un réactif au sens de la position 3822, il doit participer à une réaction chimique lorsqu'il est utilisée par détecter d'autres substances dans le cadre d'un test de diagnostic.
En l'espèce, le dispositif est un tube de prélèvement contenant une solution tampon offrant une stabilité de l'hémoglobine fécale. Si une réaction chimique se produit dès lors que le prélèvement entre en contact avec la solution tampon, cette réaction chimique n'est pas de nature à permettre la détection d'une autre substance dans le cadre du diagnostic. Il ne vise pas à déterminer en lui-même l'existence d'une pathologie. Il est impliqué dans une réaction chimique avec l'échantillon fécal uniquement afin d'éviter la dégradation de l'échantillon. Sans l'ajout des réactifs de diagnostic inclus dans la machine OC-Sensor, le mélange de solution tampon et d'échantillon ne permet pas de déterminer directement l'existence d'une éventuelle pathologie.
La solution tampon n'est pas utilisée pour l'évaluation des processus et des états physiques, biophysiques ou biochimiques mais sert à la conservation du prélèvement. Elle n'entraîne pas une modification de la substance constitutive de l'échantillon en raison d'une réaction chimique.
La société Mast Diagnostic ne peut solliciter l'application du renseignement tarifaire contraignant qui lui a été délivré par les autorités britanniques puisqu'il n'a pas été délivré par les douanes françaises.
Le produit ne peut donc pas relever de la position 3822.
Sur les positions tarifaires 3824 et 9018
La société Mast Diagnostic soutient que les critères de classement exposés dans le NESH pour la position 9018.39 sont réunis. Elle invoque un avis de classement de l'Organisation mondiale des douanes ainsi que des renseignements tarifaires contraignants.
Elle expose que, comme en témoigne les instructions d'utilisation, la raison d'être du dispositif est de permettre la collecte, l'isolation, le transport et la conservation intacte de l'hémoglobine présente dans la selle prélevée, grâce à l'action des substances chimiques contenues dans la solution, ainsi que sa qualité, en vue d'une analyse de détection du cancer du colon. Le dispositif est spécialement conçu pour être utilisé dans le cadre d'un processus de diagnostic médical, visant à mesurer l'hémoglobine fécale ; que le dispositif est conçu pour recueillir l'échantillon, être placé dans l'automate par un laborantin et être analysé afin d'obtenir un diagnostic. Elle reprend la motivation du tribunal qui a jugé que « le tube permet la collecte d'un échantillon en vue de son analyse et en suite de celle-ci l'intervention d'un professionnel de santé pour l'établissement d'un diagnostic sur les modalités de traitement du patient si une pathologie était détectée via la présence anormale de sang dans les selles. Certes, le tube n'est pas destiné à recueillir du sang brut mais à rechercher sa présence dans un déchet organique ; pour autant cette circonstance n'évince pas le fait que le prélèvement après examen permettra au professionnel de santé de poser son diagnostic de la même façon que l'analyse du sang permettra d'identifier les pathologies d'une personne et de proposer un diagnostic ».
Elle soutient que le dispositif répond donc objectivement au regard de ses caractéristiques, aux critères de classement exposés dans la NESH pour la position 9018.39.
Elle ajoute que plusieurs marchandises quasi-identiques au dispositif, à la fois dans leur présentation, leur fonctionnement et leur destination à des fins médicales, ont été classées au 9018.39 par l'OMD et plusieurs administrations européennes, dont la France dans le RTC FRBTIFR BTI-2018-05353 de décembre 2018 et que ces RTC sont des éléments de preuve déterminants, au même titre que l'avis de l'OMD, sur lequel le tribunal s'est justement appuyé, sans commettre d'erreur de droit dans la construction de son raisonnement. Elle souligne que ce RTC FRBTIFR-BTI-2018-05353 qui se rapporte à des tubes de prélèvement de selles, était toujours en vigueur le 17 novembre 2021 et que si l'administration des douanes était opposée au classement d'un tube de prélèvement de selles sous la position 9018.39, elle aurait pris l'initiative, depuis décembre 2018, de retirer ce RTC, ce qu'elle n'a pas fait au motif qu'elle est en accord avec l'interprétation de Mast.
L'administration des douanes expose que la position concerne un ensemble d'instruments et d'appareils en toute matière caractérisés essentiellement par le fait que leur emploi normal exige l'intervention d'un praticien, qu'il s''agisse d'établir un diagnostic, de prévenir ou de traiter une maladie ou d'opérer ; que les caractéristiques objectives du kit de prélèvement, à savoir le fait qu'il s'agisse d'un tube d'auto-prélèvement avec une spatule pour un recueil de spécimen, excluent un classement à la sous position 9018 39 00 en tant que seringues, aiguilles, canules et instruments similaires.
Elle fait valoir que les avis de renseignements tarifaires contraignants produits par la société Mast Diagnostic sont dénués de force probante dans la mesure où, datant de décembre 2018 et de juin 2018, ils ne sauraient avoir un effet rétroactif, que deux d'entre eux émanent des autorités allemandes et britanniques et enfin s'agissant des autorités françaises, il concerne un produit différent, à savoir un tube de prélèvement et de transport du sang contenant des additifs chimiques, conçu pour être utilisé avec des aiguilles et des porte-tubes spécifiques.
Ceci étant exposé, la position tarifaire 9018 39 99 99 correspondant à la définition suivante Instruments et appareils pour la médecine, la chirurgie, l'art dentaire ou l'art vétérinaire, y compris les appareils de scintigraphie et autres appareils électro-médicaux ainsi que les appareils pour tests visuels ' seringues, aiguilles, cathéters, canules et instruments similaires ' autres ».
Ainsi que le souligne la société Mast Diagnostic, Il ressort aussi des NESH pour la position 9018.39 que peut être classé sous cette dernière un appareil ou instrument utilisé aux fins de diagnostic, et dont il ne fait aucun doute qu'il est destiné à une utilisation dans un environnement médical. En effet, la raison d'être du dispositif est de permettre la collecte, l'isolation, le transport et la conservation intacte de l'hémoglobine présente dans la selle prélevée, grâce à l'action des substances chimiques contenues dans la solution, ainsi que sa qualité, pour être placé dans l'automate par un laborantin et être analysé pour établir un diagnostic.
Comme l'a fort justement relevé le tribunal, le tube n'est pas destiné à recueillir du sang brut mais à rechercher sa présence dans un déchet organique ; pour autant cette circonstance n'évince pas le fait que le prélèvement après examen permettra au professionnel de santé de poser son diagnostic de la même façon que l'analyse du sang permettra d'identifier les pathologies d'une personne et de proposer un diagnostic ».
Le dispositif étant spécialement conçu pour être utilisé dans le cadre d'un processus de diagnostic médical, visant à mesurer l'hémoglobine fécale.répond donc objectivement au regard de ses caractéristiques, aux critères de classement exposés dans la NESH pour la position 9018.39.
Si le renseignement tarifaire contraignant RTC FRBTIFR-BTI-2018 05353 du 13 décembre 2018, valable jusqu'au 12 décembre 2021, (pièce n°12 de la société intimée), qui classe à la position 9018.39.00 « un tube pour le recueil des selles, composé d'un récipient rempli d'une quantité prédéterminée (9 mL) d'additif et placé dans un récipient d'expédition fermé par un bouchon, L'additif étant un produit pour la préservation de l'ARN et des protéines, au regard des règles de classement 3b) et 5b) et par assimilation à l'avis de classement 901839/1 de l'OMD ne peut être directement opposable rétroactivement à l'administration des douanes, force est de constater qu'il émane de la Direction générale des douanes et droits indirects ' bureau E 11 à [Localité 5] et qu'il concerne un dispositif identique au produit en cause dans la présente espèce et que l'administration des douanes ne justifie pas l'avoir retiré.
La position 3824 couvre les « (...) Produits chimiques et préparation des industries chimiques ou des industries connexes non dénommée ni compris ailleurs. »
La sous-position 3824 99 92 99 couvre : « Produits chimiques et préparations des industries chimiques ou des industries connexes (y compris celles constituant un mélange de produits naturels) non dénommés ni compris ailleurs ' autres ' autres ' produits ou préparations chimiques composés principalement de composants organiques, non dénommés ni compris ailleurs ' sous forme liquide à 20°C - autres»
La société Mast Diagnostic expose que, comme cela ressort de plusieurs éléments produits lors du contrôle (rapports SCL, lettre de confirmation d'Eiken Chemical), la constitution du produit chimique contenu dans le tube est parfaitement définie et comprend cinq éléments chimiques différents, parfaitement définis de sorte que la constitution de la solution tampon est définie et que le dispositif ne peut être classé à la position 3824, qui se rapporte aux produits dont la constitution n'est pas définie.
Elle souligne également que l'utilisation de la règle générale n'3 nécessite que l'on soit en présence de marchandises pouvant être classées sous deux ou plusieurs positions et que dans un tel cas, sera privilégiée la position la plus spécifique (3a) et subsidiairement si aucune des deux positions n'est plus spécifique que l'autre, sera sélectionnée la position qui correspond à la matière ou l'article conférant au produit son caractère essentiel (3b) ; que la douane de Roissy a toujours envisagé, depuis le début du contrôle et continue de n'envisager, qu'une seule position tarifaire pour le Dispositif, à savoir le 3824.99 et que se baser sur la règle générale n'3 dans ce cas est donc incorrect ; que dans l'hypothèse où le dispositif pourrait être classé au 9018.39 ou au 3824,99, il faudrait en premier lieu appliquer la règle générale d'interprétation 3a ; que ce n'est que si la règle 3a ne permet pas de déterminer utilement le classement que la règle 3b est utilisée. La position la plus spécifique est en réalité celle qui couvre un éventail de marchandises moins large et moins varié. Or, en l'espèce, le 9018.39 (instruments pour la médecine - autres seringues, canules, cathéters, etc.) couvre une gamme moins large de produits et est bien plus spécifique que le 3824.99 (autres préparations chimiques non dénommées ailleurs). Ainsi, parmi les deux positions envisagées,la position 9018.39 primerait dans tous les cas sur le 3824.99, en vertu de la règle 3a. La douane de Roissy fait donc une utilisation doublement erronée de la règle générale n'3, qui traduit en réalité la fragilité de son raisonnement.
L'administration des douanes expose que, pour classer le dispositif, elle a caractérisé l'élément principal donnant au produit son caractère essentiel et utilisé les principes 1, 3b) et 6 des règles générales pour l'interprétation de la nomenclature combinée :
« - 1. Le libellé des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres est considéré comme n'ayant qu'une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d'après les Règles suivantes.
- 3. Lorsque des marchandises paraissent devoir être classées sous deux ou plusieurs positions par application de la Règle 2 b) ou dans tout autre cas, le classement s'opère comme suit :
(...)
b) Les produits mélangés, les ouvrages composés de matières différentes ou constitués par l'assemblage d'articles différents et les marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail, dont le classement ne peut être effectué en application de la Règle 3 a), sont classés d'après la matière ou l'article qui leur confère leur caractère essentiel lorsqu'il est possible d'opérer cette détermination.
- 6. Le classement des marchandises dans les sous-positions d'une même position est déterminé légalement d'après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d'après les Règles ci-dessus, étant entendu que ne peuvent être comparées que les sous-positions de même niveau. Aux fins de cette Règle, les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires. »
Elle ajoute que, d'après le point B (produits chimiques et préparations (chimiques ou autres) des NESH relatives à la position 3824. :
« A trois exceptions près seulement (points 7, 19 et 32), la présente position ne comprend pas de produits de constitution chimique définie présentés isolément ; les produits chimiques inclus ici sont des produits dont la constitution n'est pas définie et qui sont soit obtenus comme sous-produits de la fabrication d'autres matières, soit préparés spécialement. »
Dans les notes explicatives de la nomenclature combinée de l'Union européenne (NENC) 2015/C 319/02, il est précisé pour les sous-positions 3824.90.92. et 3824.90.93 :
« Autres produits ou préparations chimiques composés principalement de constituants organiques, non dénommés ni compris ailleurs : Aux fins du classement des produits et préparations chimiques relevant de ces sous-positions, la quantité d'eau ne doit pas être prise en compte. Le terme « constituants organiques » s'applique à l'ensemble des produits organiques, où qu'ils soient classés. »
Elle soutient, qu'en conséquence, bien que la solution du flacon de prélèvement soit constituée essentiellement d'eau, le classement ne doit tenir compte que des caractéristiques objectives des composants ; qu'en l'occurrence, le composant principal est l'hepes, substance de formule C8H18N2O4S, en mélange avec d'autres produits organiques ou inorganiques. Ce mélange est préparé spécialement comme solution stabilisante et conservatrice de l'hémoglobine fécale après prélèvement ; que le dispositif importé par la société Mast Diagnostic, composé essentiellement d'hepes , doit donc être classé en sous-position 3824 99 92 99.
Ceci étant exposé, ainsi que le souligne l'intimée, si l'hepes est la substance chimique majoritaire de la solution et que cette substance permet la stabilisation de l'hémoglobine par création de la liaison, elle contient du chlorure de sodium et du sérum albumine, chacun d'eux ayant un rôle bien particulier dans le conditionnement de l'hémoglobine en vue de l'analyse.
La NESH pour la position 3824 indique que les produits chimiques inclus dans cette position sont des produits dont la constitution n'est pas définie et qui sont, soit obtenus comme sous-produits de la fabrication d'outres matières, soit préparés spécialement alors qu'en l'espèce, la constitution du produit chimique contenu dans le tube est parfaitement définie de sorte que le dispositif ne peut pas être classé à la position 3824.
En outre, l'administration des douanes qui a toujours envisagé, depuis le début du contrôle, la seule position tarifaire 3824.99 est mal fondée à invoquer la règle 3b) qui nécessite que l'on soit en présence de marchandises pouvant être classées sous deux ou plusieurs positions.
En tout état de cause, dans l'hypothèse où le dispositif pourrait être classé au 9018.39 ou au 3824. 99, il faudrait en premier lieu appliquer la règle générale d'interprétation 3a) et ce n'est que si la règle 3a) ne permettait pas de déterminer utilement le classement que la règle 3b) est utilisée. La position la plus spécifique est en réalité celle qui couvre un éventail de marchandises moins large et moins varié. Or, en l'espèce, le 9018.39 (instruments pour la médecine -autres seringues, canules, cathéters, etc.) couvre une gamme moins large de produits et est bien plus spécifique que le 3824.99 (autres préparations chimiques non dénommées ailleurs). Ainsi, parmi les deux positions envisagées, la position 9018.39 primerait dans tous les cas sur le 3824.99, en vertu de la règle 3a).
Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions.
L'administration des douanes succombant en son appel sera condamnée aux dépens de la présente procédure et déboutée de sa demande d'indemnité de procédure. Elle sera condamnée, sur ce même fondement, à payer à la société Mast Diagnostic la somme de 4 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la Direction régionale des douanes et droits indirects de Roissy-Fret aux dépens d'appel ;
DÉBOUTE la Direction régionale des douanes et droits indirects de Roissy-Fret de sa demande d'indemnité de procédure ;
CONDAMNE la Direction régionale des douanes et droits indirects de Roissy-Fret à payer à la société Mast Diagnostic la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
S.MOLLÉ C.SIMON-ROSSENTHAL