RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 24 Février 2023
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/09811 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3ZPM
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Mai 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 17/00235
APPELANTE
CPAM 93 - SEINE SAINT DENIS (BOBIGNY)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
INTIMEE
Mademoiselle [T] [H]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
non comparante, non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Gilles REVELLES, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Pascal PEDRON, Président de chambre
Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre
M. Gilles REVELLES, Conseiller
Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats
ARRET :
- REPUTE CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 27 janvier 2023 et prorogé au 17 février 2023 puis au 24 février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre pour M. Pascal PEDRON, Président de chambre, légitimement empêché et par Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Seine-Saint-Denis (la caisse) d'un jugement rendu le 29 mai 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à [T] [H] (l'assurée).
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les faits de la cause ayant été correctement rapportés par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé.
Il convient toutefois de rappeler que l'assurée a bénéficié du versement des indemnités journalières de l'assurance maladie ; que le médecin-conseil de la caisse a considéré que son état de santé lui permettait de reprendre une activité professionnelle quelconque à la date du 23 février 2013 ; que l'assurée ayant contesté cette décision, une expertise technique a été pratiquée par le docteur [G], en application des articles L. 141-1 et suivants du code de la sécurité sociale, qui a conclu le 8 avril 2013 que l'état de santé de l'assurée lui permettait de reprendre une activité professionnelle quelconque à la date du 23 février 2013 ; qu'en conséquence, la caisse a notifié l'assurée le 10 mai 2013 les conclusions de l'expert et l'arrêt du versement des indemnités journalières ; que l'assurée a contesté cette décision devant la commission de recours amiable, laquelle a rejeté le recours par décision du 6 novembre 2013 ; que l'assurée a alors porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny de 13 janvier 2014 ; que l'affaire a été radiée par le tribunal le 20 décembre 2016 au motif que le dossier n'était pas en état, l'assurée n'étant pas en mesure de produire le rapport d'expertise du 8 avril 2013 ; que l'affaire a été réinscrite à la demande de l'assurée.
Par jugement en date du 29 mai 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny a :
- Dit recevable et bien fondée l'action de l'assurée ;
- Infirmé la décision de la commission de recours amiable ;
- Fixé la date de consolidation de l'assurée au 1er juin 2016 ;
- Renvoyé la caisse à remplir l'assurée de ses droits ;
- Rejeté toutes conclusions plus amples ou contraires.
Pour statuer ainsi, le tribunal s'est fondé sur les dispositions de l'article R. 142-24-1 du code de la sécurité sociale pour considérer qu'en s'abstenant de communiquer à l'assurée le rapport d'expertise technique la caisse avait porté atteinte au principe du contradictoire et aux droits de la défense, qu'il était sans intérêt d'ordonner une nouvelle expertise et qu'au vu des pièces médicales figurant au dossier, il était démontré que l'assurée n'était pas consolidée au 23 février 2013.
Le jugement a été notifié à la caisse le 21 juin 2017 qui en a relevé appel le 20 juillet 2017.
À l'audience du 4 février 2021 l'assurée n'ayant pas comparu, l'affaire a été renvoyée pour permettre à la caisse de la faire citer pour l'audience du 23 septembre 2021.
Par arrêt du 4 février 2022, la cour d'appel de Paris a sursis à statuer, fait injonction à la caisse de transmettre à la cour, avant le 15 mai 2022, copie intégrale du rapport de l'expertise technique réalisée le 8 avril 2013 par le docteur [U] [G], concernant l'assurée, et a ordonné à cet effet la réouverture des débats à l'audience du 3 juin 2022.
À l'audience du 3 juin 2022 l'assurée n'a pas comparu et l'affaire a été renvoyée afin que la caisse fasse citer l'assurée pour l'audience du 22 novembre 2022. Le 10 novembre 2022 la caisse a transmis à la cour la dénonciation de conclusions valant citation de l'assurée délivrée par huissier le 8 novembre 2022 à son étude après avoir vérifié l'adresse de l'assurée et procédé conformément aux dispositions des articles 656 et 658 du code de procédure civile.
À l'audience du 22 novembre 2022, la caisse a fait soutenir et déposer par son conseil des conclusions écrites invitant la cour, au visa de l'article R. 142-24-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, à :
- Infirmer le jugement du 29 mai 2017 en toutes ses dispositions ;
En conséquence,
À titre principal,
- Débouter l'assurée de toutes ses demandes ;
- Condamner l'assurée en tous les dépens ;
À titre subsidiaire, si la cour estimait que l'assurée justifie contradictoirement d'un litige ordre médical,
- Ordonner nouvelle expertise technique aux fins de déterminer si elle était apte à la reprise d'une activité professionnelle quelconque à la date du 23 février 2013 et dans le cas contraire à quelle date.
Après avoir repris oralement ses moyens et arguments, la caisse a ajouté oralement avoir pris connaissance du rapport d'expertise versé par le service médical dans le dossier de la cour et avoir constaté que l'expert a rendu des conclusions claires, précises et dénuées d'ambiguïté au terme desquelles il a trouvé que l'assurée est apte à la reprise d'une activité quelconque à la date du 23 février 2013. À défaut de contestation de la part de l'assurée qui n'est pas présente, elle a réitéré sa demande de statuer conformément aux conclusions du rapport d'expertise. La caisse a ajouté qu'il s'agissait d'un problème psychiatrique et que le médecin expert était psychiatre.
Il est expressément renvoyé aux conclusions écrites de la caisse visées par le greffe à la date de l'audience pour un exposé complet des moyens et arguments développés oralement au soutien de ses prétentions.
Régulièrement citée, l'assurée n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter.
SUR CE,
Il doit être observé d'emblée qu'en fixant une date de consolidation alors qu'il était saisi d'une contestation de la date de l'aptitude à la reprise d'une activité professionnelle quelconque, le tribunal a statué hors du litige dont il était saisi, de sorte que la décision déférée ne peut être qu'infirmée.
Il appartient toutefois à la cour de trancher le litige relatif à la date à laquelle l'assurée était apte à reprendre une activité professionnelle quelconque tel qu'il a été déterminé dans la saisine de la commission de recours amiable de la caisse puis la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale.
L'application de l'article R. 141-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, en ce qui concerne les bénéficiaires de l'assurance maladie, les conclusions du médecin expert sont communiquées aux médecins traitants et à la caisse. Le médecin expert dépose son rapport au service du contrôle médical, et la caisse adresse immédiatement une copie intégrale du rapport soit à la victime, soit au médecin traitant du malade.
L'article R. 142-24-1, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, disposait que dans le cas où l'assuré est directement destinataire du rapport mentionné à l'article R. 141-4, celui-ci est joint à la requête introductive d'instance. Dans les autres cas, le rapport d'expertise est communiqué au tribunal par le service du contrôle médical de la caisse d'affiliation de l'assuré.
En droit, lorsque la régularité de l'avis de l'expert technique n'est pas contestée, le juge est également lié par les conclusions de l'expert.
Au cas d'espèce, les dispositions combinées des articles précités, il ressort qu'il appartient à l'assuré qui saisit la juridiction sociale de verser le rapport d'expertise technique, dont il a été le destinataire, qu'il entend critiquer sans qu'il puisse être reproché à la caisse qui n'a été destinataire que des conclusions de l'expertise, de ne pas verser au débat le rapport d'expertise complet. En revanche, si l'assuré n'a pas reçu le rapport d'expertise, il appartient au service médical de le transmettre à la juridiction.
Il convient de rappeler que le service médical de la caisse est une entité autonome et distincte de la caisse et qu'aucun texte ne prévoit que les services administratifs de la caisse peuvent avoir accès au rapport d'expertise technique, seules les conclusions motivées de l'expert devant lui être transmises. En revanche, le corps du rapport du médecin expert, soumis au secret médical, doit être adressé au service du contrôle médical de la caisse, à l'assuré et à son médecin traitant.
Il ne pouvait donc pas être fait grief à la caisse de ne pas avoir versé devant la juridiction ce document qu'elle ne peut détenir et que le service médical, qui n'a pas été désigné par le tribunal, n'avait pas à lui transmettre. En effet, le tribunal n'a pas invité le service médical à transmettre le rapport de l'expertise technique, pas plus que l'assurée à le solliciter auprès de son médecin traitant, de sorte que le tribunal ne pouvait pas tirer de l'absence du rapport dans son dossier une violation du principe du contradictoire imputable à la caisse, service administratif de l'assurance maladie.
A hauteur d'appel, en ne comparaissant pas, en ne se faisant pas représenter et en n'ayant pas adressé à la juridiction des pièces ou conclusions, et en ne demandant pas le cas échéant une dispense de comparution, l'assurée laisse la cour dans l'ignorance des critiques qu'elle forme à l'encontre des conclusions du médecin expert. L'assurée échoue donc dans l'administration de la preuve de l'existence d'un différent médical susceptible de justifier la mise en 'uvre d'une nouvelle expertise technique.
Ses demandes ne peuvent être que rejetées.
Il s'ensuit que le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions.
Au surplus, à la suite de la réouverture des débats, le service du contrôle médical de la pièce a adressé directement à la cour le rapport de l'expertise technique réalisée le 6 avril 2013 par le docteur [U] [G], dont la caisse, services administratifs, a pris connaissance à l'audience. En l'absence de l'assurée, ce rapport n'a pas été discuté à la barre et la cour n'en a pas tenu compte dans sa motivation ci-dessus. Néanmoins, il peut être observé que ce médecin expert explique que l'assurée présentait des troubles névrotiques qui s'exprimaient par un syndrome anxio-dépressif à polarité anxieuse avec crise d'angoisse qui d'après ses dires serait à fréquence d'une par semaine en moyenne. Il ajoute qu'au jour de son examen, il n'a pas constaté de troubles majeurs et que l'intéressée ne présentait pas de pathologies pouvant justifier la prolongation d'arrêt de travail à temps partiel. Il a ainsi conclu que l'état de santé de l'assurée lui permettait de reprendre une activité salariée quelconque à temps complet à la date du 23 février 2013.
Les conclusions de l'expert sont donc claires, précises et dénuées d'ambiguïtés, de sorte que, en tout état de cause, les demandes de l'assurée ne pouvaient être que rejetées en l'absence de toute critique étayée de ce rapport par l'assurée.
L'assurée, succombant en appel, sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
DÉCLARE l'appel recevable ;
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Et statuant à nouveau,
DÉBOUTE [T] [H] de toutes ses demandes ;
CONDAMNE [T] [H] aux dépens d'appel.
La greffière Pour le président empêché