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23/02/2023 | FRANCE | N°20/08514

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 23 février 2023, 20/08514


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 23 FEVRIER 2023



(n° 2023/ , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08514 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CC2KT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° 19/00521





APPELANTE



S.A. EYREIN INDUSTRIE

[Adres

se 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Pierre CHEVALIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0228



INTIME



Monsieur [L] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Me Or...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 23 FEVRIER 2023

(n° 2023/ , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08514 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CC2KT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° 19/00521

APPELANTE

S.A. EYREIN INDUSTRIE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Pierre CHEVALIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0228

INTIME

Monsieur [L] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Ornella SAY, avocat au barreau d'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 novembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Séverine MOUSSY, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en date du 20 septembre 2009 à effet du 12 octobre suivant, la société Eyrein Industrie (ci-après la société) a embauché M. [L] [Y] en qualité de préparateur de commandes, coefficient 130.

Un avenant n°1, signé le 28 décembre 2009, a fixé la rémunération mensuelle fixe brute de M. [Y] à 1 900 euros assortie d'une prime de responsabilité fixée à 400 euros brut ainsi que d'une prime mensuelle dite prime qualité dont le montant maximal était fixé à 350 euros brut.

La relation contractuelle est soumise à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes (IDCC n°3108) et la société employait au moins onze salariés lors de la rupture de la relation contractuelle.

Par lettre remise en mains propres le 21 mars 2019, M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 11 avril 2019, avec mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée datée du 19 avril 2019, la société a notifié à M. [Y] son licenciement pour faute grave.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau le 3 septembre 2019.

Par jugement du 3 novembre 2020 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Longjumeau a :

- dit que le licenciement de M. [Y] était sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société à lui verser les sommes suivantes :

* 25 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 6 516,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 651,66 euros au titre des congés payés y afférents ;

* 8 797,41 au titre de l'indemnité de licenciement ;

* 2 285,96 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire du 21 mars 2019 au 19 avril 2019 ;

* 228,59 euros au titre des congés payés afférents ;

* 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que, pour ce qui concerne les créances de nature salariale visées par les dispositions de l'article R. 1454-14 du code du travail, elles porteraient intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande soit le 4 septembre 2019, jour de la réception par la société de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, et qu'en application de l'article 1153-1 du code civil, les sommes à caractère indemnitaire porteraient intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement ;

- ordonné à la société de remettre à M. [Y] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie récapitulatif, conformes au présent jugement, sans astreinte ;

- dit que l'exécution provisoire était de droit en application des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail pour ce qui concerne les créances de nature salariale ;

- dit n'y avoir lieu à prononcer une exécution provisoire autre que celle de droit ;

- débouté M. [Y] de ses autres demandes ;

- débouté la société de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- mis les dépens à la charge de la société.

Par déclaration du 10 décembre 2020, la société a régulièrement interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 février 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :

- dire que le licenciement pour faute grave de M. [Y] est fondé ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [Y] de sa demande au titre des heures supplémentaires ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement injustifié et sans cause réelle et sérieuse ;

- débouter M. [Y] de ses demandes indemnitaires au titre de la contestation du licenciement ;

- le condamner reconventionnellement au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire qu'il supportera les dépens de l'instance.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 août 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [Y] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré son licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a condamné la société à lui verser les sommes suivantes :

* 6 516,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 651,66 euros au titre des congés payés y afférents ;

* 2 285,96 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire du 21 mars 2019 au 19 avril 2019 ;

* 228,59 euros au titre des congés payés afférents ;

* 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné à la société de lui remettre un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie récapitulatif conformes ;

- infirmer le jugement en ce qui concerne le quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'indemnité conventionnelle de licenciement allouées ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de rappel d'heures supplémentaires du 27 juin 2016 au 23 avril 2019 et des congés payés afférents ;

y procédant et statuant à nouveau :

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

* 29 300 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 9 449,07 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

* 6 506,88 euros au titre des heures supplémentaires effectuées et non payées du 27 juin 2016 au 23 avril 2019 ;

* 650,68 euros au titre des congés payés y afférents ;

- dire que les sommes allouées seront productives des intérêts de droit à compter de la saisine du conseil ;

- ordonner la remise d'une attestation Pôle emploi, d'un certificat de travail et d'un bulletin de paie récapitulatif, conformes à l'arrêt à intervenir ;

- débouter la société de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société à payer à M. [Y] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- condamner la société en tous les dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 novembre 2022.

MOTIVATION

Sur l'exécution du contrat de travail

* sur le rappel d'heures supplémentaires et les congés payés afférents

Il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable à l'espèce qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

M. [Y] soutient que, pour répondre à la charge de travail extrêmement importante qui lui était imposée par son employeur, il a accompli de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été payées.

La société réplique que les dépassements invoqués par le salarié concernent quelques minutes de travail journalier quelques jours par mois ; qu'il gérait lui-même ses récupérations en sa qualité de responsable du dépôt et qu'il n'a pas décompté les heures rémunérées mais non effectuées en raison d'arrivées tardives.

A l'appui de sa demande, M. [Y] produit des « bilans pour la période précédente, avec détail des compteurs » relatif à la période du 27 juin 2016 au 26 mars 2017 sur lequel il s'appuie pour soutenir qu'il a effectué 37,41 heures supplémentaires au cours de cette période et des « bilans de la période de paie précédente » relatif à la période du 27 mars 2017 au 24 février 2019 sur lesquels il s'appuie également pour soutenir qu'il a effectué 329,33 heures supplémentaires au cours de cette période. Il produit encore ses bulletins de paie pour démontrer que ces heures ne lui ont pas été réglées.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La société se borne à produire l'accord du 20 décembre 2016 relatif aux salaires minima au 1er janvier 2017 et au 1er avril 2017 sans verser aux débats des éléments de nature à contredire ses propres documents internes, comme elle le souligne elle-même, établis à partir d'une badgeuse.

Partant, la cour retient l'existence des heures supplémentaires réclamées par M. [Y] et fixe ses créances salariales aux sommes suivantes :

* 6 506,87 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires ;

* 650,68 euros au titre des congés payés afférents.

La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée dans les termes suivants :

" [...] De par votre ancienneté et la nature des tâches qui vous sont confiées, vous avez une parfaite connaissance de l'entreprise et des contours de votre poste.

Vous savez ce qui est attendu de vous.

Depuis environ 1 an, votre comportement professionnel s'est progressivement dégradé, au point de ne plus maitriser les différents aspects de votre poste et d'accumuler des manquements dans l'exécution de tâches essentielles pour la société.

A titre d'exemple, et sans que la liste soit exhaustive, depuis décembre 2019, nous avons pu constater que de nombreux articles détériorés ou non conformes étaient livrés sans qu'aucune vérification préalable ne soit effectuée, ce qui a entrainé des plaintes de clients et des demandes de remplacement ou de remboursement.

Des produits restent régulièrement en souffrance et s'accumulent pendant plusieurs mois sur les étagères du dépôt, sans jamais être livrés, causant des retards et désorganisant le service.

Nous avons même pu constater récemment que plusieurs colis étaient abandonnés sur les quais du magasin, vraisemblablement tombés lors du chargement, sans que vous ne soyez jamais intervenu pour résoudre ce problème ni même alerté votre hiérarchie.

Vous n'avez jamais informé la direction de la disparition d'un très grand nombre d'articles, notamment 1.440 paires de gants dont j'ai pu constater qu'ils restaient introuvables.

Plusieurs colis sont renvoyés au dépôt sans que vous ne transmettiez l'information à vos responsables, ce qui nous empêche de traiter rapidement les problèmes et entraine l'insatisfaction légitime des clients.

Ces manquements ont perduré sans discontinuer jusqu'à ce jour, malgré de nombreux avertissements verbaux et écrits, ce qui traduit votre manque de motivation et d'engagement préjudiciable pour EYREIN INDUSTRIE.

A votre degré de responsabilité, ce bilan est inacceptable, vos carences entrainent des troubles au niveau du fonctionnement des services et ces erreurs récurrentes pénalisent l'entreprise et portent atteinte à son image auprès des clients.

Mais surtout, nous avons été informés courant mars 2019 par des collaborateurs de l'entreprise de l'existence d'un système de fraude généralisé au sein du dépôt.

Durant leur temps de travail, plusieurs salariés placés sous votre responsabilité préparaient des commandes qui ne correspondaient à aucune commande client, soit pour leur propre compte, soit pour le compte de tiers étrangers à l'entreprise.

Ces palettes de marchandises qui ne correspondent pas à des commandes clients étaient livrées par un des chauffeurs de l'entreprise de transport ADL TRANSPORT, complice de la fraude.

Ce n'est que lorsque j'ai entamé des investigations et que je vous ai interrogé que vous m'avez avoué être en possession d'une copie d'un SMS émis par un salarié qui impliquait clairement du personnel de la société dans ce système de commandes parallèles.

Dès lors, soit vous avez activement participé à cette fraude et en avez retiré un bénéfice personnel, soit, à tout le moins, vous en aviez parfaitement connaissance et n'avez jamais informé votre employeur ni rien fait pour y remédier.

Un tel comportement est intolérable et constitue un manquement grave à votre obligation de loyauté inhérente à votre contrat de travail.

Nous considérons que cette accumulation de manquements caractérise une faute grave justifiant un licenciement immédiat. [...] "

* sur le bien-fondé du licenciement

En application des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail, la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et nécessite son départ immédiat sans indemnité. L'employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve.

La société invoque deux griefs : d'une part, une accumulation de manquements professionnels (des négligences ; une moindre implication et application dans son travail) ; d'autre part, la participation à la dissipation de marchandises de l'entreprise et une complicité de fraude avec le chauffeur d'une entreprise de transport ou, à tout le moins, la connaissance de l'existence d'un trafic au sein du dépôt sans en informer l'employeur.

Elle fait valoir qu'en dépit de la mention de préparateur de commandes sur les bulletins de salaire de M. [Y], celui-ci était responsable du magasin depuis 2010 avec des missions listées dans une fiche qu'il avait signée et qu'il avait eu, corollairement, une augmentation de rémunération. Elle fait également valoir qu'en sa qualité de responsable du magasin, M. [Y] devait contrôler le travail des autres salariés du dépôt. Elle fait encore valoir que c'est dans ce contexte d'absence de contrôle des préparations de commandes et des livraisons qu'est survenue la disparition de marchandises.

Ce à quoi M. [Y] réplique qu'il ne pouvait pas être responsable de magasin ; que les nouvelles fonctions de responsable de l'entrepôt partagées avec Mme [K] [C], à la suite du licenciement en 2014 du directeur commercial et responsable de l'entrepôt, lui ont été imposées par l'employeur sans qu'il ne les accepte. A cet égard, il fait valoir que la société n'a pas recueilli son accord, ne l'a pas formé ni ne lui a versé la moindre contrepartie financière ; que les fonctions de responsable de magasin relèvent du statut cadre dont il n'a jamais bénéficié. Il fait également valoir que la fiche de mission signée par lui produite par l'employeur ne vaut pas avenant, qu'elle n'est ni signée par l'employeur ni datée. M. [Y] conteste que les griefs qui lui sont reprochés puissent lui être imputés.

S'agissant du premier grief, il soutient qu'en qualité de préparateur de commandes, il n'avait pas à contrôler les autres préparateurs ; qu'il n'a jamais été informé d'une quelconque plainte d'un client de la société pour des commandes préparées par lui. Il conteste, par ailleurs, tous les reproches dont certains ne sont d'ailleurs pas mentionnés dans la lettre de licenciement et relève que tous les faits sont antérieurs de plus de deux mois par rapport à la convocation à l'entretien préalable.

S'agissant du deuxième grief, M. [Y] soutient que les versions données par l'employeur, qui n'a pas déposé plainte, sont entachées de contradictions ; qu'il a toujours signalé immédiatement la moindre difficulté constatée à son employeur et que ce n'est que début mars 2019 qu'il a appris du chauffeur d'une société ADL que des salariés de la société était impliqués dans des vols au sein de l'entrepôt ; qu'ayant été placé en arrêt de travail, il n'a pas pu immédiatement rendre compte de ces informations à son employeur mais s'est rendu disponible pour rencontrer ce dernier dès qu'il l'a contacté pour l'accuser ; qu'il a montré à cette occasion le sms que le chauffeur de la société ADL lui avait transféré au sujet des vols.

En l'espèce, aux termes de la fiche de mission « responsable du magasin » produite par la société, le responsable magasin est chargé de l'exécution, de la préparation et de l'expédition des commandes clients dans le respect du planning et est responsable de la fiabilité du stock de marchandises. Il rend compte au responsable de la structure ventes ' distribution Région parisienne. Au titre de ses responsabilités, il doit notamment organiser et gérer la préparation des commandes clients et les livraisons de marchandises, encadrer les préparateurs de commande et les livreurs et rendre compte à la hiérarchie. La société verse également aux débats les fiches de mission « préparateur de commandes » et « livreur » qui précisent que ceux-ci rendent compte au responsable de magasin.

La teneur des courriels échangés par M. [Y] avec M. [V] [U], directeur animation et développement Ile-de-France de la société, entre fin 2017 et mars 2019 révèle que M. [Y] a de fait assumer un rôle de responsable dans l'entrepôt. Néanmoins, comme il le fait légitimement observer, ses bulletins de salaire ont toujours mentionné comme qualification groupe II coefficient 160 qui, selon la convention collective, concerne des « emplois impliquant l'exécution de travaux qualifiés nécessitant la mise en oeuvre d'une bonne connaissance du métier acquise par une expérience suffisante » mais ne correspond pas aux fonctions de responsable de magasin avec la charge d'encadrer des préparateurs de commandes et des livreurs. De plus, la fiche de mission produite par l'employeur est certes signée par M. [Y] mais non datée de sorte qu'il n'est pas établi qu'il s'agisse de la fiche de mission évoquée dans l'avenant n°1 au contrat de travail en date du 28 décembre 2009.

Dès lors, l'employeur n'est pas fondé à reprocher à M. [Y] des manquements qui sont liés à l'exercice des fonctions de responsable de magasin. Or, tous les reproches formulés dans le cadre du premier grief relèvent de ces fonctions. Au surplus, les éléments versés aux débats par l'employeur pour établir les dysfonctionnements dont se sont plaints des clients et les imputer à M. [Y] ne sont pas suffisamment circonstanciés.

S'agissant du deuxième grief, outre que l'employeur ne justifie pas avoir déposé plainte pour des faits de vols au sein de l'entrepôt, il ne verse pas aux débats d'éléments suffisants permettant d'établir, d'une part, que M. [Y] a participé aux faits délictueux dénoncés ou, d'autre part, que M. [Y] a été informé avant le mois de mars 2019 de ces faits, les a tolérés et a volontairement omis de les rapporter à l'employeur.

Partant, le licenciement de M. [Y] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

* sur les conséquences du licenciement

. Sur l'indemnité de préavis et les congés payés afférents

La société a conclu au débouté sans présenter d'observations sur les montants qui avaient été alloués à M. [Y] en première instance. Le salarié n'a, quant à lui, pas fait appel incident à ce titre.

Partant, eu égard à l'article L. 1234-1 du code du travail et de l'article 27 de l'avenant n°1 du 11 février 1971 relatif aux ouvriers et collaborateurs à la convention collective, il sera alloué à M. [Y] une somme de 6 516,60 euros correspondant à la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait exécuté le préavis de deux mois et une somme de 651,66 euros au titre des congés payés afférents. La décision des premiers juges sera donc confirmée à ce titre.

. Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

En application des articles L. 1234-9, R.1234-1 et R.1234-2 du code du travail et de l'article 28 de l'avenant précité à la convention collective qui prévoit « à partir de deux ans d'ancienneté, trois dixièmes de mois par année, à compter de la date d'entrée dans l'entreprise », M. [Y] - qui justifie d'une ancienneté de neuf ans et huit mois - est fondé à obtenir une somme de 9 449,07 euros sur la base de la moyenne de salaire la plus favorable. La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

. Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau soit en l'espèce entre trois et neuf mois de salaire.

M. [Y] justifie avoir perçu l'allocation d'aide au retour à l'emploi du 2 juillet 2019 au 2 novembre 2020 et avoir signé un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet le 7 octobre 2020 aux termes duquel il a été embauché en qualité de chef d'équipe emballage, statut agent de maîtrise, échelon 17 moyennant une rémunération brute mensuelle de 2 500 euros, avec la possibilité de bénéficier d'une prime d'objectifs.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge - 47 ans - de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle ainsi que des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il sera alloué à M. [Y], en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 25 000 euros, suffisant à réparer son entier préjudice. La décision des premiers juges sera donc confirmée à ce titre.

. Sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire

M. [Y] ne critique pas ce chef de jugement et la société appelante ne développe pas de moyens à l'appui de sa demande de débouté. La décision des premiers juges sera donc confirmée à ce titre.

* sur la remise des documents

La société devra remettre à M. [Y] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision.

Sur les autres demandes

* sur les intérêts

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.

* sur le remboursement à Pôle emploi

Conformément aux dispositions de l'article. L.1235-4 du code du travail, la cour ordonne à la société de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [Y] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de trois mois d'indemnités.

* sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

La société sera condamnée aux dépens d'appel et la décision des premiers juges sur les dépens de première instance sera confirmée.

La société sera également condamnée à payer à M. [Y] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel et le jugement allouant la somme de 2 000 euros à M. [Y] au titre des frais irrépétibles sera confirmé.

La société sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [Y] de sa demande au titre du rappel d'heures supplémentaires et lui a alloué une somme de 8 797,41 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Eyrein Industrie à payer à M. [L] [Y] les sommes suivantes :

* 6 506,87 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires ;

* 650,68 euros au titre des congés payés afférents ;

* 9 449,07 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

ORDONNE à la société Eyrein Industrie de remettre à M. [L] [Y] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision ;

DIT que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce ;

ORDONNE à la société Eyrein Industrie de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [L] [Y] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de trois mois d'indemnités ;

CONDAMNE la société Eyrein Industrie à payer à M. [L] [Y] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la société Eyrein Industrie aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/08514
Date de la décision : 23/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-23;20.08514 ?
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