La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/02/2023 | FRANCE | N°20/08218

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 23 février 2023, 20/08218


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 23 FEVRIER 2023



(n° 2023/ , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08218 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCYEX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 18//03299





APPELANTE



Madame [J] [B]

[Adresse 1]>
[Localité 5]



Assistée de Me Stéphane LAUBEUF, avocat au barreau de PARIS, toque : P0083



INTIMEE



S.A.R.L. WOLFCRAFT

[Adresse 4]

[Localité 3]



Assistée de Me Stéphane GAUTIE...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 23 FEVRIER 2023

(n° 2023/ , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08218 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCYEX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 18//03299

APPELANTE

Madame [J] [B]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Assistée de Me Stéphane LAUBEUF, avocat au barreau de PARIS, toque : P0083

INTIMEE

S.A.R.L. WOLFCRAFT

[Adresse 4]

[Localité 3]

Assistée de Me Stéphane GAUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R233

PARTIE INTERVENANTE :

Organisme POLE EMPLOI

[Adresse 7]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Véronique DAGONET, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 3

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 novembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Séverine MOUSSY, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en date du 22 mars 1999, la société Wolfcraft (ci-après la société) a embauché Mme [J] [B] en qualité de responsable marketing, statut cadre, position B, coefficient hiérarchique 400, moyennant une rémunération annuelle brute de 216 700 francs dont 90% payés en douze mensualités équivalentes de 16 252,50 francs bruts, pour 32 heures par semaine.

Suivant avenant du 3 septembre 2012, Mme [B] a été promue directrice marketing à compter du 1er septembre 2012 avec un coefficient hiérarchique C17 à compter du 1er janvier 2013.

La relation contractuelle est soumise à la convention collective des entreprises de commission, de courtage et de commerce intra-communautaire et d'importation-exportation en date du 18 décembre 1952 et la société employait au moins onze salariés lors de la rupture de la relation contractuelle.

Par lettre remise en main propre contre décharge le 24 septembre 2018, Mme [B] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 1er octobre 2018 ' finalement reporté au 11 octobre suivant.

Par lettre recommandée datée du 18 octobre 2018, la société lui a notifié son licenciement pour faute et l'a dispensée de l'exécution de son préavis.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 9 novembre 2018.

Par jugement du 4 novembre 2020 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Bobigny a :

- dit le licenciement de Mme [B] sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société à verser à Mme [B] les sommes suivantes :

* 45 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 500 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [B] du surplus de ses demandes ;

- débouté la société de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société aux dépens.

Par déclaration du 3 décembre 2020, Mme [B] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 août 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [B] demande à la cour de :

- dire son licenciement nul ;

- condamner la société à lui payer les sommes suivantes :

* 100 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, avec intérêts à hauteur de 45 000 euros à compter du jugement du 4 novembre 2020 et à compter de l'arrêt pour le surplus,

* 25 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des conditions vexatoires du licenciement,

* 25 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

* 12 467 euros au titre de rappel de salaire, outre 1 246 euros au titre des congés payés afférents et 1 246 euros au titre du bonus afférent, avec intérêts à compter du 9 novembre 2018, date de saisine du conseil de prud'hommes,

* 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de compensation de ses déplacements professionnels,

* 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la législation relative à la durée du travail,

à titre subsidiaire et concernant le licenciement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse mais le réformer quant au montant de l'indemnité allouée et statuant à nouveau, condamner la société à lui payer la somme de 76 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts à hauteur de 45 000 euros à compter du jugement du 4 novembre 2020 et à compter de l'arrêt pour le surplus ;

en tout état de cause,

- confirmer le jugement en ce qu'il a alloué une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

et y ajoutant,

- condamner la société à payer la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter la société de toutes ses demandes ;

- condamner la même aux dépens d'instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 octobre 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Wolfcraft demande à la cour de :

- constater que le harcèlement moral allégué par Mme [B] n'est pas établi ;

- constater que le licenciement pour faute de Mme [B] est bien fondé ;

- constater que Mme [B] ne justifie pas du bien fondé de ses demandes au titre de la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein ainsi qu'au titre de ses déplacements professionnels ;

- constater que Mme [B] ne justifie pas du quantum de ses demandes au titre du licenciement ;

en conséquence,

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement de Mme [B] sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il l'a condamnée à verser à Mme [B] les sommes de 45 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [B] du surplus de ses demandes ;

statuant à nouveau,

- débouter Mme [B] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouter Pôle emploi de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [B] à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions en intervention volontaire notifiées par voie électronique le 20 juillet 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, l'établissement public à caractère administratif Pôle emploi demande à la cour de :

- le dire et juger recevable et bien fondé en sa demande ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il qualifie le licenciement de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

en conséquence,

- condamner la société à lui verser la somme de 16 009,56 euros en remboursement des allocations chômage versées au salarié ;

- condamner la société à lui verser la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 novembre 2022.

MOTIVATION

Sur l'exécution du contrat de travail

* sur les dommages-intérêts pour harcèlement moral

Mme [B] soutient qu'elle a été victime de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique, M. [C].

Ce que la société conteste en répliquant que l'enquête interne n'a pas permis d'établir les faits dénoncés.

L'article L. 1152-1 du code du travail dispose :

« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

L'article L. 1154-1 du même code précise :

« Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, (') le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »

A l'appui de son allégation de harcèlement moral, Mme [B] invoque :

- des reproches infondés lors de ses entretiens annuels à compter de 2016 et l'inimitié de M. [N] [C] à son égard ;

- le management dégradant de la société ;

- la suppression du service dont elle était responsable ;

- son syndrome réactionnel ;

- sa rétrogradation humiliante sans proposition d'avenant pour acter le changement car M. [C] avait conscience qu'il s'agissait d'une modification du contrat de travail.

A l'appui de ses allégations de reproches infondés lors de ses entretiens annuels à compter de 2016 et de l'inimitié de M. [C] à son égard, Mme [B] verse aux débats l' « entretien de progrès » du 26 février 2015 et celui du 26 janvier 2016 portant respectivement sur les années 2014 et 2015 puis ceux des 16 février 2017 et 6 février 2018 portant respectivement sur les années 2016 et 2017.

L'examen comparatif de ces entretiens fait apparaître une dégradation de sa notation pour l'année 2016. Ainsi, les notations au titre des rubriques « gestion des budgets marketing », « communication » et « solidarité », « capacité d'organisation (respect des délais, gestion des priorités) », « faculté d'adaptation, de remise en cause » sont passées de « bien » à entre « assez bien et bien ». Sa capacité à s'organiser au titre de ses « capacités personnelles » a régressé alors même que sa capacité à planifier, à coordonner le travail et à faire respecter les consignes au titre de ses « capacités managériales » a progressé. Pour l'année 2017, ces colonnes n'ont pas été renseignées. Elles ont, en effet, été barrées d'un trait de plume et seule la rubrique intitulée « synthèse » a été complétée. L'examen comparatif avec l'année 2016 fait apparaître une nouvelle dégradation de la notation de Mme [B].

Les commentaires de M. [C] pour les années 2016 et 2017 sont globalement plus incisifs et subjectifs avec des appréciations telles que : « difficultés à gérer les pics d'activité liés à l'actualité clients. J'attends de mes Managers qu'ils m'apportent des solutions et non des problèmes », « l'engagement et la motivation sont des qualités saillantes de FL. Mais il me semble que [J] a privilégié trop souvent ses propres intérêts à ceux du collectif » (en faisant référence à des discussions sur la charge de travail), « [J] a tendance à se laisser gagner par ses émotions et à mettre en danger la cohésion de l'équipe », « 2016 est une année qui n'a pas été à mon goût. Je trouve que la dynamique d'équipe s'étiole et que les relations en interne sont compliquées, tant avec les collègues qu'avec moi », « le développement de l'activité pose la question de l'organisation en 4/5ème : il devient difficile de gérer l'ensemble des tâches en étant absente le mercredi ». Les qualités professionnelles sont quasi systématiquement infléchies par des reproches.

A l'appui de son allégation de management dégradant de la société, Mme [B] verse aux débats plusieurs attestations :

* une attestation de M. [R] [U] - qui a quitté la société en juillet 2018 - aux termes de laquelle il déclare que Mme [B] était sa supérieure hiérarchique de septembre 2012 à juillet 2018 ; qu'en réunion, elle savait défendre son point de vue et soutenir son équipe tout en adoptant un comportement et des propos respectueux vis-à-vis de ses collègues et de la hiérarchie. Il déclare encore qu'il a vécu « ponctuellement de façon pesante la pression liée à la surcharge de travail croissante, à la multiplication des dossiers centrales ou terrain à gérer, et aux exigences et remarques de proactivité répétées de plusieurs managers compte clés ou responsable force de vente ». Il déclare enfin avoir été surpris par le licenciement de Mme [B] « après tant d'années d'implications et de contributions dans l'entreprise » ;

* une attestation de Mme [H] [A], entrée dans la société en 2001 et placée sous la subordination hiérarchique de Mme [Y] [G] de 2001 à 2018, aux termes de laquelle elle souligne avoir été en contact très régulier avec Mme [B], avoir apprécié le partage de compétences marketing de celle-ci et admiré son dynamisme lorsqu'elle intervenait en réunion. Elle déclare également que Mme [B] pratiquait un management adaptatif visant l'autonomie de ses collaborateurs et souligne ses qualités humaines et relationnelles. Mme [A] déclare encore que, selon ses constatations, M. [C] pratique un management de privilèges et que seul son clan a droit au débat ; que, sous couvert de M. [C], son équipe (Mme [G], M. [D] et M. [S]) fonctionne par la pression et la manipulation. Elle déclare encore être en souffrance dans la société ;

* une attestation de M. [E] [P], chef de secteur Wallonie-Bruxelles dans la société Wolfcraft de mars 2017 à octobre 2019, aux termes de laquelle il déclare notamment : « Mon point de vue vis-à-vis du management chez Wolfcraft BeLux est à mon grand regret inefficace et oppressant. A mon sens, sous une image de management paternaliste et participatif, il n'en est que du contraire, et fonctionne avec une autorité stricte et est obtus aux changements. » et « Autant j'ai aimé l'entreprise Wolfcraft Gmbh qui à mes yeux est une entreprise exceptionnelle avec son évolution continuelle des produits, sa culture d'entreprise allemande ouverte sur le monde, sa dimension européenne à taille humaine ainsi et surtout l'état d'esprit brillant de son PDG, Mr. [I]. Autant j'ai été déçu et traumatisé par le management toxique de la division France. En dix ans de représentation commerciale je n'ai jamais rencontré un management aussi incompétent et irrespectueux de l'humain. ».

Ces attestations s'accordent à dénoncer les pratiques managériales au sein de la société Wolfcraft.

A l'appui de son allégation selon laquelle le service dont elle avait la responsabilité a été supprimé et qu'elle a été rétrogradée de manière humiliante, Mme [B] verse aux débats deux courriels de M. [C] :

* l'un du 30 juillet 2018 dont il ressort que le « Category Manager » et le « Web Manager » rattachés jusqu'alors à Mme [B] seraient désormais pour le premier rattaché à M. [O] [D] et le second à M. [F] [S] ' étant observé que les entretiens de progrès évoqués précédemment mentionnaient que Mme [B] encadrait une équipe de deux personnes ;

* l'autre courriel adressé à Mme [B] le 3 août 2018 dans lequel M. [C] lui précise qu'elle devient « responsable marketing et développement des ventes ».

S'agissant du syndrome réactionnel qu'elle allègue, Mme [B] produit le volet de l'arrêt de travail destiné au service médical qui lui a été prescrit du 27 juillet au 13 août 2018.

Ces éléments permettent d'établir que Mme [B] a vu ses évaluations se dégrader pour les années 2016 et 2017 ; que des salariés ou anciens salariés de la société se plaignent des pratiques managériales de M. [C] ; qu'à l'issue de la réorganisation préparée pendant plusieurs mois, le poste de Mme [B] a été supprimé et qu'elle a perdu, dans le cadre de ce nouveau poste, ses responsabilités managériales ; qu'elle a présenté un syndrome réactionnel en août 2018.

Pris dans leur ensemble, ces éléments de fait sont suffisants pour laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral.

La société réplique que :

* jusqu'à son courriel du 27 août 2018, Mme [B] n'avait jamais fait état de la moindre difficulté concernant ses conditions de travail et qu'elle ne rapporte pas la preuve d'une altération de son état de santé ; que, lorsque Mme [B] a voulu mettre en 'uvre sa reconversion professionnelle, elle a tiré prétexte de la nouvelle organisation mise en place par l'employeur pour user d'un stratagème consistant à dénoncer faussement des faits de harcèlement pour tenter d'obtenir des indemnités de départ conséquentes, sans commune mesure avec la réalité du dossier ;

* le salaire de Mme [B] a été augmenté chaque année, y compris en 2017 et 2018, et fait valoir que le taux de 1% pour ces deux dernières années reposait sur les entretiens annuels d'évaluation de février 2017 et 2018. Elle fait également valoir que les entretiens d'évaluation ont pour objet d'évoquer les points positifs mais également les difficultés rencontrées au cours de l'année et les points à améliorer et qu'à cet égard, dès 2014, l'attention de Mme [B] avait été attirée sur le relationnel, l'affect et l'émotionnel et que M. [C] lui avait demandé de travailler à une collaboration sans affect et sans émotion avec certains collègues ; que Mme [B] souligne elle-même l'inadéquation entre ses fonctions et son temps partiel ; que c'est M. [C] qui a promu Mme [B] en 2012 directrice marketing sans lui faire de reproche sur son temps partiel ;

* Mme [B] n'a pas été évincée de projets ou événements et les travaux de traduction ont toujours fait partie de ses missions ; elle a participé à la préparation de la réorganisation pendant six mois et elle n'a pas eu connaissance de la nouvelle organisation lors de la réunion du 18 juillet 2018 ; en outre, cette réorganisation ne conduisait ni à une modification de son contrat de travail, ni à la suppression de son poste.

La société verse aux débats les courriers de notification des augmentations annuelles de Mme [B]. La cour observe que la société ne fournit pas d'éléments permettant d'objectiver et de justifier la dégradation des évaluations de Mme [B] pour les années 2016 et 2017 ni le cantonnement de son augmentation à seulement 1% de son salaire pour ces deux années alors que le quantum des augmentations précédentes était plus élevé.

Au sujet de l'incidence de la réorganisation de la société sur le poste de Mme [B], la cour relève que la société ne justifie pas de la date à laquelle Mme [B] a eu connaissance de la nouvelle organisation ni ne démontre concrètement que le poste de Mme [B] n'avait pas été supprimé, que ses attributions découlant de la réorganisation ne s'accompagnaient pas d'un retrait de ses responsabilités managériales ni d'une partie de ses fonctions marketing et qu'elle n'avait pas été rétrogradée dans un poste de moindre envergure que celui de directrice marketing avec ajout de nouvelles tâches ne relevant pas de son niveau de responsabilité ; que l'évolution de son poste n'était pas négative et, le cas échéant, qu'elle était aussi positive que celle du poste des autres managers.

Au sujet du management de M. [C] et de ses échanges avec Mme [B], la société produit l'attestation de Mme [M] [V], consultante extérieure qui a accompagné l'entreprise dans l'évolution de son organisation, aux termes de laquelle Mme [V] déclare ne pas avoir constaté d'agressivité de la part de M. [C] à l'égard de Mme [B] en atelier et ne pas avoir entendu dans le discours de Mme [B], en entretien individuel, le moindre élément évoquant un harcèlement. La société produit encore l'enquête interne à laquelle elle a fait procéder à la suite des allégations de harcèlement moral de Mme [B] et souligne que cette enquête a conclu à l'absence d'élément précis permettant de caractériser un harcèlement. Cette enquête interne a été menée par la directrice des ressources humaines, Mme [Y] [G], et Mme [H] [A] ' rédactrice, par ailleurs, de l'une des attestations produites par Mme [B]. Les auditions de quatre cadres ayant participé à l'atelier du 18 février 2018 au cours duquel Mme [B] allègue avoir essuyé l'agressivité de M. [C] révèlent qu'aucun n'a remarqué d'agressivité.

Ces éléments sont insuffisants à prouver que les agissements dénoncés par Mme [B] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Partant, il sera alloué Mme [B] la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts et la décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et le rappel de rémunération (salaire, congés payés afférents et bonus)

Suivant l'article L. 3123-14 du code du travail dans sa version en vigueur à la date de l'avenant au contrat de travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Il mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L.3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

L'article L. 3123-17 du code du travail dans sa version en vigueur à la date de l'avenant dispose :

Le nombre d'heures complémentaires accomplies par un salarié à temps partiel au cours d'une même semaine ou d'un même mois ou sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L. 3122-2 ne peut être supérieur au dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans son contrat calculée, le cas échéant, sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L. 3122-2.

Les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement.

L'action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet est une action en paiement du salaire qui se prescrit par trois ans.

Il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable à l'espèce qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

L'avenant du 3 septembre 2012 aux termes duquel Mme [B] a été promue directrice marketing, stipule une base mensuelle de travail de 138,66 heures correspondant à 32 heures de travail par semaine. Cet avenant renvoie au contrat de travail pour toute stipulation qui n'a pas fait l'objet d'une modification.

En l'occurrence, le contrat de travail stipule dans son article 4 que Mme [B] est engagée « pour un horaire hebdomadaire s'élevant de 32 heures, sans que cet horaire puisse être dépassé ; les heures de travail étant réparties de la manière suivante entre les jours de la semaine :

Lundi, mardi, jeudi et vendredi de 8 heures 30 à 12 heures 30 et de 13h30 à 17h30.

Chaque journée ne pourra comporter qu'une seule coupure. »

En l'espèce, l'examen de ces stipulations révèle que les prescriptions de l'article L. 3123-14 du code du travail ont été respectées et qu'il n'existe donc pas de présomption de requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein qu'il appartiendrait alors à l'employeur de renverser en apportant la preuve contraire.

A l'appui de sa demande de requalification et de rappel de rémunération, Mme [B], qui soutient que la société avait conscience de l'inadéquation entre son temps de travail de 32 heures par semaine avec ses fonctions et ses responsabilités et des heures complémentaires et supplémentaires accomplies par elle, verse aux débats :

* un projet d'avenant qu'elle avait refusé de signer aux termes duquel la société lui proposait dès 2001 de passer à un forfait annuel de 214 jours ;

* des justificatifs de ses déplacements professionnels en train démontrant le dépassement de ses horaires de travail notamment en 2017 et 2018 ;

* ses entretiens d'évaluation qui évoquent des pics d'activité fréquents et une charge de travail importante l'ayant conduite à travailler régulièrement certains mercredis et à ne pas compter ses heures ;

* l'entretien d'évaluation de 2017 concernant l'année 2016 dans lequel M. [C] a expressément écrit : « le développement de l'activité pose la question de l'organisation en 4/5ème : il devient difficile de gérer l'ensemble des tâches en étant absente le mercredi » ;

* ses réponses en 2016 aux questions de l'employeur lors de la rédaction du document unique du personnel : Mme [B] s'était plainte d'être soumise à des contraintes de rythme élevées, d'avoir travaillé à plusieurs reprises plus de 45 heures par semaine et de dépasser régulièrement de 10 à 15% son temps de travail contractuel.

Elle indique avoir effectué trois heures complémentaires chaque semaine sur 36 mois.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Ce à quoi la société réplique que :

- les déclarations de la salariée dans le questionnaire anonyme de 2016 ne peuvent constituer une preuve du dépassement de la durée de travail hebdomadaire et que les réponses de la salariée ont été adressées directement au consultant extérieur pour traitement sans que l'employeur y ait accès ;

- le tableau récapitulatif des déplacements professionnels de Mme [B], produit pour la première fois en appel, ne constitue pas une preuve de l'accomplissement des heures complémentaires alléguées puisqu'il ne précise pas les horaires de départ et d'arrivée.

Toutefois, la charge de la preuve n'incombe pas uniquement à la salariée.

La société réplique également que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif et les dépassements d'horaires liés aux déplacements professionnels étaient, en tout état de cause, ponctuels et peu importants. Toutefois, si le temps de déplacement professionnel n'est pas un temps de travail effectif, c'est uniquement lorsque ce temps de déplacement n'excède pas le temps normal de trajet entre le domicile de la salariée et le lieu de travail habituel.

La société réplique encore que tous les mercredis ponctuellement travaillés par Mme [B] ont été récupérés ainsi qu'en atteste l'agenda de la salariée et les échanges de courriels produits par l'employeur. Toutefois, l'employeur ne justifie pas de l'existence d'une convention ou d'un accord collectif d'entreprise ou de branche ou d'une décision de sa part prise après avis du comité social et économique prévoyant que le paiement des heures complémentaires et /ou supplémentaires et des majorations s'y rapportant pouvait être remplacé par un repos compensateur équivalent.

La société réplique enfin que, aux termes de son contrat de travail, Mme [B] ne devait pas effectuer d'heures complémentaires, qu'elle ne lui a pas demandé d'en effectuer et n'a jamais été alerté par la salariée de l'accomplissement de telles heures. Toutefois, les heures complémentaires ont été accomplies avec l'accord implicite de l'employeur dès lors qu'il avait connaissance des déplacements professionnels et qu'il devait contrôler les horaires de Mme [B].

La circonstance selon laquelle, à partir de 2002, Mme [B] s'est vue attribuer neuf jours de repos supplémentaires par an alors qu'elle ne pouvait y prétendre en tant que salariée à temps partiel est sans incidence de même que la circonstance selon laquelle Mme [B] est malvenue à demander la requalification de son contrat de travail en contrat à temps plein alors qu'elle a toujours voulu rester à temps partiel malgré les observations de l'employeur sur la difficulté à gérer l'ensemble des tâches sans travailler le mercredi. 

Aux termes de cette analyse, la société ne répond pas utilement aux éléments présentés par Mme [B].

Partant, la cour constate l'existence d'heures complémentaires n'ayant pas été rémunérées et fixe les créances salariales de Mme [B] aux sommes suivantes, dans la limite des sommes sollicitées :

- 12 467 euros à titre de rappel d'heures complémentaires ;

- 1 246 euros au titre des congés payés afférents ;

- 1 246 euros au titre de la rémunération variable correspondant à 10% de la rémunération brute totale en application de l'avenant au contrat de travail - aucun élément n'étant produit au titre d'une non atteinte des objectifs négociés alors que la société dispose de ces éléments.

Corollairement, le contrat de travail de Mme [B] est requalifié en un contrat à temps plein.

La décision des premiers juges sera infirmée à ces titres.

* sur les dommages-intérêts pour non-respect de la législation relative au temps de travail

A l'appui de sa demande, Mme [B] fait valoir que la société a laissé perdurer une situation qu'elle savait illicite et a commis un manquement important en ne respectant pas les dispositions légales en matière de durée du travail.

La société n'a pas développé d'argumentaire distinct de celui présenté à l'appui du débouté de la demande de requalification du contrat de travail.

En l'espèce, Mme [B] ne rapporte pas la preuve que les heures complémentaires effectuées par elle ont excédé la limite des heures complémentaires ou la durée légale du travail puisqu'elle a revendiqué l'accomplissement de 35 heures par semaine sur les trois dernières années.

Elle sera donc déboutée de sa demande en dommages-intérêts et la décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.

* sur les dommages-intérêts pour non-respect des dispositions relatives aux déplacements professionnels

Mme [B] expose qu'elle a recensé l'intégralité de ses déplacements professionnels dans un tableau dont il ressort qu'elle a été en déplacement 32,5 jours en 2016, 27 jours en 2017 et 17 jours sur le premier semestre 2018 et fait valoir qu'elle n'a jamais perçu la moindre contrepartie financière ou sous forme de repos alors que ces déplacements professionnels étaient synonymes pour elle de dépassement de ses horaires de travail.

Ce à quoi la société réplique que seul le temps de déplacement dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu de travail habituel donne lieu à compensation et, au demeurant, si ce temps de déplacement n'entre pas dans les horaires de travail. Elle réplique encore que la charge de la preuve du dépassement incombe à la salariée et qu'en l'occurrence, elle ne démontre pas un dépassement du temps de trajet normal hormis en quelques occasions. Elle réplique enfin que Mme [B] disposait d'une large autonomie dans l'organisation de son temps de travail, fixait ses heures de départ et de retour et ses heures de réunion sur place et qu'elle a toujours récupéré les mercredis où elle avait travaillé et qu'en tout état de cause, elle ne démontre pas le préjudice allégué.

L'article L. 3121-4 du code du travail dispose que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.

Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.

En l'espèce, la cour relève que Mme [B] a, entre autres éléments, déjà invoqué ses déplacements professionnels à l'appui de sa demande de requalification de son contrat de travail et de rappel de rémunération et qu'elle ne distingue pas ce qui a déjà pu être indemnisé dans le cadre du rappel de rémunération du préjudice financier qu'elle estime avoir subi dans le cadre de la présente demande. Mme [B] sera donc déboutée de sa demande en dommages-intérêts et la décision des premiers juges sera confirmée.

Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée dans les termes suivants :

« Par lettre du 1er octobre 2018, nous vous avons convoquée à un entretien préalable fixé au 11 octobre 2018 en application de l'article L.1232-2 du Code du travail.

Lors de cet entretien, Madame [Y] [G] vous a fait part des agissements constitutifs d'une faute que nous avons eu à déplorer de votre part, et elle a recueilli vos observations.

Il reste que vos explications ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation de ces griefs.

Nous nous voyons donc dans l'obligation de mettre fin au contrat de travail vous liant à notre Société pour les raisons suivantes :

Par mail du 27 aout 2018 vous avez accusé votre supérieur hiérarchique Monsieur [N] [C] de harcèlement moral et d'une exécution déloyale du contrat de travail qui vous lie à la société.

Nous avons aussitôt organisé une enquête interne, après avoir vainement tenté d'obtenir de votre part le 28 aout 2018 des précisions sur votre dénonciation.

L'enquête a été menée par Madame [Y] [G], responsable des ressources humaines, ainsi que par Madame [H] [A] (Suppléante du DP Monsieur [T] [X] qui n'a pas souhaité co-diriger l'enquête).

Alors que l'enquête allait être clôturée, vous avez adressé à Madame [Y] [G] le 20 septembre 2018 un nouveau mail de plainte en précisant que Monsieur [N] [C] vous aurait harcelée de façon extrêmement agressive lors d'un atelier réalisé le 21 février 2018 dans le cadre d'un audit portant sur la réorganisation de la société.

Cette nouvelle révélation a donné lieu à un complément d'enquête portant sur l'atelier du 21 février 2018 au cours duquel vous auriez été agressée.

La conclusion de l'enquête est finalement la suivante :

« Il résulte de l'audition des salariés qu'aucun fait de harcèlement moral n'est établi dont Monsieur [N] [C] aurait été l'auteur à l'égard de Madame [J] [B].

Par ailleurs, après étude des entretiens individuels d'évaluation des années 2017 et 2018, il apparait que Madame [B] n'y est jamais l'objet d'aucun fait de harcèlement d'aucune sorte, qui aurait eu pour objet ou pour effet de la « rabaisser » comme elle le soutient à tort.

Les auditions complémentaires portant sur l'atelier du 21 février 2018 ainsi que les comptes rendus de l'animatrice des ateliers ne mentionnent aucunement le comportement harcelant qu'aurait eu Monsieur [N] [C] à l'égard de Madame [J] [B], tel que celle-ci s'en plaint pourtant.

Au surplus, l'animatrice Madame [M] [V] témoigne dans une attestation du 17 septembre 2018 jointe au présent rapport, que les faits dénoncés par Madame [B] dans son mail du 20 septembre 2018 ne correspondent pas à la réalité ».

En l'état, il apparait que vous avez dénoncé de façon mensongère et imaginaire des faits de harcèlement moral et de déloyauté à l'égard de Monsieur [N] [C], dont vous n'avez aucunement été victime de sorte que votre mauvaise foi est caractérisée au moment où vous avez procédé à ces graves dénonciations. En d'autres termes, vous aviez connaissance de la fausseté des faits que vous dénonciez, et ce de façon d'autant plus fautive, que vous avez une grande ancienneté dans l'entreprise et un niveau de responsabilité élevé.

Les conséquences immédiates de votre comportement rendent impossible la poursuite de votre activité au sein de l'Entreprise pendant la durée de votre préavis qui sera cependant rémunéré.

Votre préavis, que nous vous dispensons d'effectuer, débutera le 23 octobre 2018 et se terminera le 23 janvier 2019, date à laquelle vous cesserez de faire partie de nos effectifs.

Cependant, nous vous reconnaissons le droit d'occuper en même temps un autre poste chez un autre employeur de votre choix.

Concernant le matériel Wolfcraft (clé de bureau, téléphone portable et accessoires, ordinateur portable), dont vous disposez, il devra être restitué à la date de fin de votre contrat.

Vous avez la possibilité de faire une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les 15 jours suivant sa notification par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous avons la faculté d'y donner suite dans un délai de 15 jours après réception de votre demande, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l'initiative d'apporter des précisions à ces motifs dans un délai de 15 jours suivant la notification du licenciement.

Nous vous adresserons votre solde de tout compte, votre certificat de travail ainsi que votre attestation Pôle Emploi dès que ces documents seront établis par les services concernés. »

* sur le licenciement

Mme [B] soutient que son licenciement est nul car il est fondé sur le fait qu'elle a dénoncé des agissements de son supérieur hiérarchique qu'elle a qualifiés de harcèlement moral et une inexécution déloyale de son contrat de travail. Or, elle fait valoir que seules une mauvaise foi caractérisée du salarié et des dénonciations mensongères dans le but de déstabiliser l'entreprise sont de nature à justifier un licenciement ; qu'elle a agi de bonne foi et relaté des faits qu'elle estime constitutifs de harcèlement moral en des termes courtois, mesurés et sans leur donner de publicité. Elle fait valoir que l'enquête interne est contestable car menée à charge par la société et que la procédure disciplinaire avait été déclenchée avant même que les conclusions définitives ne soient connues.

Ce à quoi la société réplique que la mauvaise foi de Mme [B] et la conscience du caractère mensonger des accusations portées par elle à l'égard de M. [C] après plus de dix années de collaboration sont établies notamment par l'enquête interne et que le licenciement n'est ni nul ni dépourvu de cause réelle et sérieuse

Aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié, (') ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, (') pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Et l'article L. 1152-3 du code du travail de disposer que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par l'intéressé de la fausseté des faits qu'il dénonce ' et non de la seule circonstance que les faits énoncés ne sont pas établis.

Le salarié est présumé de bonne foi. Pour renverser cette présomption, il incombe à l'employeur de démontrer que les faits étaient faux et que le salarié le savait.

La mauvaise foi n'est constituée que lorsqu'il est établi que l'intéressé savait que les faits dénoncés étaient faux.

En l'espèce, la cour ayant retenu l'existence d'un harcèlement moral et Mme [B] ayant été licenciée pour faute au motif qu'elle avait dénoncé des agissements de harcèlement moral en connaissant leur fausseté, le licenciement de la salariée est nul. La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

* sur les conséquences du licenciement

* sur l'indemnité pour licenciement nul

Aux termes de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :
(')
2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ; (').

Mme [B] justifie avoir été indemnisée par Pôle emploi sur la période de janvier 2020 à janvier 2021. Elle fait valoir sa crainte de ne pas pouvoir retrouver un emploi compte tenu de son âge alors qu'elle pensait finir sa carrière au sein de la société Wolfcraft et du préjudice économique subi alors que son conjoint est à la retraite et qu'elle a encore un enfant à charge. Elle ne produit toutefois aucun élément à l'appui de ses dernières allégations.

Mme [B] fait encore valoir que, contrairement à ce que soutient la société, elle n'avait pas entamé un projet de reconversion professionnelle lors de l'été 2018 et qu'elle a suivi une formation en reiki d'abord pour son équilibre personnel et qu'actuellement, les revenus qu'elle peut retirer de cette activité sont accessoires. Toutefois, elle ne justifie pas de ses ressources après janvier 2021.

Mme [B] fait également valoir le syndrome réactionnel subi au cours de l'été 2018 et le développement d'une capsulite à partir de l'annonce de la procédure de licenciement.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge - 53 ans - de son ancienneté - plus de dix-neuf ans - de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle ainsi que des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies il sera alloué à Mme [B], en application de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, une somme de 75 000 euros, suffisant à réparer son entier préjudice.

* sur la remise des documents

La société devra remettre à Mme [B] un bulletin de paie récapitulatif et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision.

Sur les autres demandes

* sur les dommages-intérêts pour le caractère vexatoire du licenciement

Mme [B] soutient que son licenciement est intervenu brutalement et dans des conditions vexatoires alors qu'elle s'était investie pendant vingt ans dans la société, avait fait preuve d'un dévouement reconnu et n'avait jamais fait l'objet de sanction. Elle fait valoir qu'il lui a été ainsi demandé, dès l'entretien préalable, de ne plus se présenter dans l'entreprise et elle s'est vue remettre ses affaires personnelles dans un carton à l'accueil de l'entreprise à l'issue de son préavis.

Ce à quoi la société réplique que les faits invoqués par Mme [B] à l'appui de sa demande ne cessent d'évoluer au fil de ses conclusions et qu'il s'est écoulé près d'un mois entre la dénonciation des faits de harcèlement moral et l'engagement de la procédure de licenciement au cours duquel une enquête interne a été diligentée. La société réplique également que la dispense de préavis avec maintien du salaire n'est pas en soi brutale ou vexatoire et que les allégations selon lesquelles Mme [B] n'a pas pu saluer ses collègues ou elle s'est vu remettre ses effets personnels à l'accueil ne sont pas établies. Elle réplique enfin que le préjudice allégué n'est pas démontré.

En l'espèce, Mme [B] ne rapporte pas la preuve des circonstances dans lesquelles son départ de l'entreprise s'est déroulé et, par là-même, de son caractère vexatoire. Elle sera donc déboutée de sa demande en dommages-intérêts et la décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur les intérêts

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation.

Les intérêts portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce et plus particulièrement, en l'espèce, les intérêts sur l'indemnité de licenciement nul courent à compter du 4 novembre 2020, date du jugement, sur la somme de 45 000 euros et à compter du présent arrêt pour le surplus de l'indemnité, en application du second alinéa de l'article 1231-7 du code civil.

* sur le remboursement à Pôle emploi

Conformément aux dispositions de l'article. L.1235-4 du code du travail, la cour ordonne à la société de rembourser à Pôle emploi la somme de 16 009,56 euros au vu de l'attestation de paiement produite, au titre des indemnités de chômage versées à Mme [B] du jour du licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de six mois.

* sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

La société sera condamnée aux dépens d'appel et la décision des premiers juges sera confirmée sur les dépens.

La société sera également condamnée à payer à Mme [B] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et la décision des premiers juges sera confirmée au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition,

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [J] [B] de ses demandes en dommages-intérêts au titre du non-respect de la législation relative au temps de travail, au titre des déplacements professionnels et pour licenciement intervenu dans des conditions vexatoires et sauf sur les frais irrépétibles et les dépens ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Wolfcraft à payer à Mme [J] [B] la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

REQUALIFIE le contrat de travail à temps partiel de Mme [J] [B] en contrat de travail à temps plein ;

CONDAMNE la société Wolfcraft à payer à Mme [J] [B] les sommes suivantes :

- 12 467 euros à titre de rappel d'heures complémentaires ;

- 1 246 euros au titre des congés payés afférents ;

- 1 246 euros au titre de la rémunération variable ;

DIT que le licenciement de Mme [J] [B] est nul ;

CONDAMNE la société Wolfcraft à payer à Mme [J] [B] la somme de 75 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul ;

DIT que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce ;

DIT que les intérêts au taux légal portant sur la condamnation au titre de l'indemnité pour licenciement nul courent à compter du 4 novembre 2020 sur la somme de 45 000 euros et à compter du présent arrêt pour le surplus de l'indemnité ;

ORDONNE à la société Wolfcraft de remettre à Mme [J] [B] un bulletin de paie récapitulatif et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision ;

ORDONNE à la société Wolfcraft de rembourser à Pôle emploi la somme de 16 009,56 euros au titre des indemnités de chômage versées à Mme [J] [B] dans la limite de six mois ;

CONDAMNE la société Wolfcraft à payer à Mme [J] [B] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la société Wolfcraft aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/08218
Date de la décision : 23/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-23;20.08218 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award